ANNEXE
À L'ARRÊTÉ DU 9 SEPTEMBRE 2021 DÉFINISSANT LE CADRE DE RÉFÈRENCE POUR LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET CONTRE LE BLANCHIMENT DE CAPITAUX ET LE FINANCEMENT DU TERRORISME
Introduction : pourquoi instaurer un cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ?
Le cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est prévu au X de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 modifiée par l'ordonnance du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard. Il est élaboré puis proposé par l'Autorité nationale des jeux (ANJ) aux ministres de l'intérieur et de l'économie qui l'adoptent par arrêté.
Ce cadre vise à expliciter la mise en œuvre des obligations des opérateurs de jeux en matière de la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ainsi qu'à promouvoir une approche innovante de la régulation sur ce sujet.
Les jeux d'argent et de hasard ne sont ni un commerce ordinaire ni un service ordinaire. Ils sont autorisés à titre dérogatoire et doivent faire l'objet d'un encadrement strict afin de prévenir les risques d'atteinte à l'ordre public.
La lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme constitue l'un des quatre objectifs de la politique de l'Etat en matière de jeux d'argent codifié à l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure dont ce cadre de référence se positionne comme la déclinaison opérationnelle.
Le cadre de référence présente une déclinaison opérationnelle du cadre juridique relatif à la lutte contre la fraude et contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme au secteur des jeux d'argent et de hasard
Au-delà des règles générales qui s'appliquent à l'ensemble des professionnels soumis au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, les spécificités propres au secteur des jeux nécessitent la mise en œuvre de mesures de protection complémentaires. Il ressort en effet tant des analyses nationales (1) qu'européennes (2) que le secteur des jeux d'argent et de hasard, pris dans son ensemble, présente un niveau de risques élevé, qui diffère selon les types de jeu et les vecteurs de distribution.
Ces risques résident à titre principal dans le dépôt et l'utilisation par un joueur de fonds provenant d'un crime ou d'un délit lui ayant procuré un profit direct ou indirect (escroquerie, vol, abus de confiance, recel, corruption, blanchiment, trafic de stupéfiants, etc.). Ils peuvent également être liés, de manière plus spécifique, à l'activité des joueurs excessifs ou pathologiques dont l'activité de jeux peut les entrainer à commettre l'une de ces infractions.
Ces risques sont accrus par les vulnérabilités intrinsèques au secteur des jeux, en particulier la circulation importante d'espèces et l'anonymat des joueurs au sein du réseau physique de distribution, qui empêche de déployer une véritable politique de connaissance du client, ou encore, dans le secteur du jeu en ligne, l'utilisation croissante des nouveaux moyens de paiement qui favorise également l'anonymat (cartes prépayées notamment). De plus, certains types d'opérations de jeu sont propices aux activités de blanchiment, à l'image des paris présentant une cote très faible.
Pour faire face à ces risques, l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard a renforcé l'exigence de mise en conformité des opérateurs de jeux en instituant, au X de l'article 34 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010, un cadre de référence pour la lutte contre la fraude et contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Ce cadre est pris par arrêté du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'économie, sur proposition de l'Autorité nationale des jeux (ANJ).
Ce cadre de référence remplace, d'une part, les lignes directrices du 12 décembre 2019, définies conjointement par la Cellule de renseignement financier national (TRACFIN) et l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) à destination des opérateurs agréés de jeu en ligne, et, d'autre part, celles établies par le Service central des courses et jeux (SCCJ) du ministère de l'intérieur à l'endroit des opérateurs sous droits exclusifs.
Il s'articule avec le cadre juridique européen, qui est principalement constitué de deux directives : la directive (UE) 2015/849 du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme (dite « 4e directive anti-blanchiment ») et, la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 qui modifie et complète la directive de 2015 (dite « 5e directive anti-blanchiment »). Ces normes, qui s'inscrivent dans le prolongement des actions menées à une échelle plus large encore par le Groupe d'action financière (GAFI) au sein duquel la France tient un rôle majeur, ont été transposées en droit français entre 2016 et 2020.
Enfin, la mise en œuvre des règles et recommandations figurant dans le présent cadre de référence s'exerce dans le respect des dispositions du règlement (UE) n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD) et de celles de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Le cadre de référence repose sur une approche inclusive et s'adresse à tous les opérateurs de jeux d'argent, à l'exception des casinos.
Le périmètre d'application du cadre de référence coïncide avec celui des opérateurs assujettis défini au 9° bis de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier qui sont désignés sous le vocable « opérateurs ». :
- les opérateurs de jeux ou de paris autorisés sur le fondement de l'article 21 de la loi n° 2010 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, à savoir les opérateurs agréés de jeu en ligne et leurs représentants légaux ;
- les opérateurs de jeux ou de paris autorisés sur le fondement de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891, ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, à savoir le GIE Pari Mutuel Urbain et les sociétés de courses hippiques ;
- l'opérateur de jeux et de paris autorisé sur le fondement de l'article 137 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, à savoir La Française des jeux.
Ce cadre de référence ne s'applique pas aux casinos et clubs de jeux qui relèvent sur ce point du ministère de l'intérieur.
Il convient en outre de préciser que si les personnes exploitant un poste d'enregistrement en réseau physique de distribution, parfois dénommées « détaillants » ou « mandataires », n'ont pas la qualité d'assujetti au sens de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, les exploitants de ces postes participent à la protection de l'ordre public, et notamment, à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de la fraude. Les exploitants de ces postes d'enregistrement font à ce titre l'objet de contrôles de la part des opérateurs titulaires de droits exclusifs, qui peuvent donner lieu, en cas de manquements, à des sanctions.
Le cadre de référence propose une boîte à outils pour faciliter la mise en conformité des opérateurs de jeux, laquelle constitue l'objectif prioritaire du régulateur.
La priorité du régulateur réside dans l'accompagnement à la mise en conformité des opérateurs en matière de la lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
A cette fin, le cadre de référence doit permettre de faciliter la compréhension du cadre juridique actuel, et, chaque fois que nécessaire, de préciser l'interprétation de ses dispositions et leurs orientations de mise en œuvre. Il fournit également des recommandations opérationnelles et des exemples de bonnes pratiques. Il n'ajoute rien aux obligations légales et n'interdit pas, sous réserve du respect des règles impératives applicables, l'adoption de solutions alternatives auxquelles les opérateurs pourraient recourir.
Les plans d'actions, que les opérateurs doivent désormais soumettre chaque année à l'approbation de l'Autorité, constituent la traduction concrète de cette mise en conformité, dans une démarche d'amélioration continue. Établis dans le respect du cadre de référence, ces plans définissent, de façon opérationnelle et actualisée, les trajectoires de conformité des opérateurs, par lesquelles ces derniers rendent compte de la mise en œuvre des actions conduites l'année précédente et présentent les mesures qu'ils vont mettre en place pour maintenir ou améliorer leurs standards de contrôle.
Le cadre de référence a été conçu comme un outil de droit souple, partagé et évolutif.
La légitimité et l'efficacité du cadre de référence dépendent étroitement de l'implication des acteurs concernés dans son élaboration et sa mise en œuvre. Le dialogue permanent entre le régulateur et les opérateurs constitue la condition de réussite de cet exercice.
Aussi, la phase de concertation qui a précédé l'adoption du présent cadre de référence a constitué une étape essentielle pour aboutir à une vision partagée des enjeux et des moyens à mettre en œuvre pour atteindre le meilleur niveau d'efficacité possible en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Parce qu'il doit permettre d'appréhender les phénomènes émergents d'un secteur en constante mutation, ce cadre privilégie l'approche du droit souple, au plus près des réalités du terrain, en laissant d'importantes marges de manœuvre aux opérateurs pour l'application de ces normes.
Par ailleurs, le cadre de référence comprend une clause de rendez-vous afin d'intégrer les évolutions à venir, qu'elles découlent de modifications des textes applicables ou de nouveaux besoins des opérateurs qui apparaîtraient à l'occasion de l'examen des plans d'actions.
Le cadre de référence traduit une approche coordonnée des acteurs publics nationaux et internationaux.
Pour améliorer la supervision du secteur des jeux d'argent et de hasard, l'ordonnance du 2 octobre 2019 accorde une place importante à l'interrégulation, soit à la nécessaire coopération entre tous les partenaires publics concourant à la mise en œuvre de cette politique publique, en particulier la Direction générale du Trésor, TRACFIN et le SCCJ. Dans cette perspective, l'ANJ pourra diffuser, à chaque fois que nécessaire, en lien avec ces acteurs, des informations susceptibles de guider les opérateurs dans la mise en œuvre de leurs obligations.
Cette approche recouvre aussi une dimension européenne et internationale qui promeut la coopération entre les Etats membres et l'échange de bonnes pratiques. Dans ce cadre, l'Autorité peut solliciter et utiliser, pour l'accomplissement de ses missions en matière de lutte contre la fraude, le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, des informations obtenues d'autorités étrangères.
Cette meilleure coordination des acteurs publics contribue à une meilleure lisibilité des objectifs légaux pour l'ensemble des opérateurs.
Le non-respect par les opérateurs de leurs obligations en matière de lutte contre la fraude et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme est susceptible de fonder l'engagement d'une procédure de sanction devant la commission nationale des sanctions ou la commission des sanctions, en fonction des circonstances.
Un document structuré pour faciliter sa lisibilité et sa mise en œuvre.
Ce cadre de référence est composé de trois chapitres :
- le premier chapitre présente le nouveau dispositif du plan d'actions ;
- le deuxième chapitre décline les différentes obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;
- le troisième chapitre porte plus spécifiquement sur la lutte contre la fraude.
Chaque article du présent cadre de référence mentionne les dispositions législatives et règlementaires pertinentes, explicite les principes généraux qui s'induisent de ces textes ainsi que leurs orientations de mise en œuvre assorties, le cas échéant, de recommandations et des exemples de bonnes pratiques.
Annexes viennent préciser et illustrer certains aspects particuliers en matière de :
- annexe I : classification des risques en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;
- annexe II : exemples de démarches à mettre en œuvre relative à l'analyse et d'informations complémentaires suite à la détection d'un critère d'alerte, critères d'alertes, analyse des données bancaires collectées ;
- annexe III : précisions relatives au soupçon de fraude fiscale ;
- annexe IV : présentation et contenu de la déclaration de soupçon ;
- annexe V : catégorisation des risques en matière de lutte contre la fraude.
Le cadre de référence a, en outre, vocation à être complété par des publications communes à TRACFIN et à l'ANJ, à visée pédagogique, notamment pour présenter des cas typologiques.