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Article AUTONOME (Avis n° 2021-0643 du 15 avril 2021 concernant certaines dispositions du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement)

Article AUTONOME (Avis n° 2021-0643 du 15 avril 2021 concernant certaines dispositions du projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement)


Après en avoir délibéré le 15 avril 2021,


1. Contexte de la saisine


L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques prévoit que l'Arcep est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques, et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 2 avril 2021, le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur a sollicité l'avis de l'Autorité sur certaines dispositions concernant le projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
L'analyse de l'Arcep sur les dispositions qui lui ont été soumises se concentre exclusivement sur ce qui pourrait avoir un impact, d'une part, sur le bon fonctionnement des réseaux et des services de communications électroniques et sur les acteurs qu'elles régulent et, d'autre part, sur la sécurité juridique dont doivent bénéficier les opérateurs dans la mise en œuvre des dispositifs envisagés. En particulier, elle ne s'est pas penchée sur les aspects relatifs à la protection des données à caractère personnel et des libertés, qui ne relèvent pas de ses attributions.


2. Observations de l'Arcep


L'objet principal du projet de texte soumis pour avis est de pérenniser, préciser et compléter (articles 7, 8, 9, 13 et 13 bis) le cadre juridique actuel en matière de sécurité intérieure et de défense prévu au livre VIII du code de la sécurité intérieure, sur lequel l'Arcep avait par ailleurs rendu un avis en 2015. Ce projet vise par ailleurs (article 14 bis) à introduire à l'article L. 33-3-1 du CPCE la possibilité de mise en place, pour les services de l'Etat concourant à la sécurité intérieure, à la défense nationale et au service public de la justice, des dispositifs de type « brouillages » destinés à rendre inopérant l'équipement radioélectrique d'un aéronef circulant sans personne à bord.
A titre liminaire, l'Arcep regrette d'une part, que les délais de saisine aient été particulièrement contraints et d'autre part, que les informations transmises ne comportent pas d'éléments suffisamment détaillés concernant, en particulier, l'architecture technique précise retenue, les données effectivement recueillies concernant les « adresses complètes de ressources sur internet » dont l'Arcep comprend qu'il s'agit des URL (1), ou les résultats techniques de l'expérimentation. Ces raisons ne lui ont pas permis d'apprécier le fonctionnement précis des dispositifs (notamment ceux concernés par les articles 8, 9, 13 et 13 bis du projet de loi), et d'en évaluer l'impact pour les opérateurs de communication électroniques, leurs services et leurs réseaux.
D'une manière générale, dans la mesure où la mise en œuvre de certaines techniques de recueil de renseignements serait susceptible d'avoir un impact sur l'intégrité et la disponibilité des réseaux ou sur la qualité des services de communications électroniques, l'Autorité estime nécessaire que leur mise en œuvre - ou leur évolution - se fasse en concertation avec les opérateurs.
S'agissant plus précisément des articles 7, 8 et 9 du projet de loi qui lui est soumis, ne connaissant pas précisément les volumes et typologies de données recueillies, notamment dans le cadre des dispositions relatives aux URL, l'Arcep s'interroge sur l'impact des dispositifs prévus sur le bon fonctionnement des réseaux et sur leur sécurité.
L'Autorité s'interroge par ailleurs sur l'impact de ces dispositifs sur la confiance des utilisateurs finals dans leur fournisseur d'accès à internet ou leurs fournisseurs de services numériques - en fonction par exemple de la nature et du volume des données concernées - et a fortiori sur les éventuels impacts sur les modèles d'affaires de ces acteurs qui pourraient en découler.
En outre, il est important à la fois pour des questions de non-discrimination et d'efficacité, d'imposer les mêmes obligations à l'ensemble des opérateurs qui entrent désormais dans le champ du nouveau code européen des communications électroniques, en cours de transposition en droit national, et notamment aux fournisseurs de services de communications interpersonnelles non fondés sur la numérotation.
Par ailleurs, si les textes prévoient l'indemnisation des opérateurs pour les surcoûts spécifiques exposés pour répondre à ces différentes demandes, ceux-ci rencontrent parfois avec certaines autorités administratives des difficultés dans le paiement des sommes correspondantes. A cet égard, l'Arcep invite le Gouvernement à veiller à l'indemnisation rapide et homogène des surcoûts exposés par les opérateurs.
Enfin, s'agissant du nouveau dispositif à l'article L. 33-3-1 du CPCE destiné à rendre inopérant l'équipement radioélectrique d'un aéronef circulant sans personne à bord, il convient de s'assurer que la mesure mise en œuvre n'ait pas d'effets sur les réseaux mobiles déployés aux alentours. En tout état de cause, ces brouillages doivent être circonscrits au strict nécessaire et faire l'objet, dans les meilleurs délais, d'une information systématique des opérateurs concernés, et plus généralement d'éventuels titulaires d'autorisations qui peuvent être impactés par une action de brouillage.
Le présent avis sera transmis au directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur et sera publié au Journal officiel de la République française.