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Article AUTONOME (Avis n° 2020-1405 du 1er décembre 2020 rendu à la demande du Gouvernement sur le service universel des communications électroniques)

Article AUTONOME (Avis n° 2020-1405 du 1er décembre 2020 rendu à la demande du Gouvernement sur le service universel des communications électroniques)


Tarifs TTC en outre-mer, hors promotion, septembre 2020


3.2.3. Couverture en 8 Mbit/s et 30 Mbit/s


En matière de couverture, une analyse territoire par territoire permet d'adresser les spécificités de chacun. Il est à noter que la fiabilité des données présentées dans cette section peut être plus réduite que dans les sections précédentes. En effet, la qualité et la complétude des informations sur les déploiements réalisés ou prévisionnels sont inférieures sur les territoires d'outre-mer à celles disponibles sur la métropole.



Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page


Nombre et part de locaux dont la couverture au 8 Mbit/s et au 30 Mbit/s dépend des seuls réseaux hertziens spatiaux, par territoire ultra-marin fin 2020. L'Autorité ne dispose de données prévisionnelles locales FttH que pour 64 % des locaux situés dans les territoires ultra-marins. Données en Martinique hors 4G fixe, données indisponibles à Saint-Barthélemy.


La situation dans les territoires ultra-marins est la suivante :


- en Guadeloupe, les réseaux filaires sont bien développés et le territoire bénéficie de 4G fixe. D'après les données dont elle dispose, l'ARCEP estime que 1,5 % des locaux dépendront des seuls réseaux spatiaux pour l'accès au 8 Mbit/s fin 2020. Près de 100 % des locaux devraient bénéficier de la fibre optique d'ici fin 2023 ;
- en Martinique, de manière similaire, les réseaux filaires sont développés et le territoire bénéficie de la 4G fixe. L'ARCEP ne dispose en revanche pas d'estimation précise du nombre de locaux qui dépendront des seuls réseaux spatiaux pour l'accès au 8 Mbit/s fin 2020 (20). Les déploiements FttH y sont cependant peu avancés. Le RIP a été attribué en 2019 et l'ARCEP n'a pas reçu de calendrier prévisionnel des déploiements ;
- à Saint-Martin, l'ARCEP n'identifie pas de locaux inéligibles au 8 Mbit/s. Cette situation s'explique par la présence de réseaux radio terrestres qui propose un débit descendant de 10 Mbit/s De plus, le projet « Tintamarre » - projet de reconstruction des infrastructures de génie civil numérique mis en place à la suite du passage de l'ouragan IRMA et regroupant les acteurs publics et privés de l'aménagement numérique - permettra de proposer du très haut débit à l'ensemble des locaux via le FttH en 2023 ;
- l'ARCEP ne dispose pas de données consolidées sur la situation à Saint-Barthélemy (21). Toutefois, la collectivité porte un projet public de déploiement de fibre optique avec un objectif de 100 % des locaux éligibles au FttH en 2025 ;
- en Guyane, il y actuellement 4,9 % des locaux qui dépendront des seuls réseaux spatiaux pour l'accès au 8 Mbit/s. Le FttH est actuellement en cours de déploiement sur certaines communes du littoral. Par ailleurs, plusieurs solutions basées sur des réseaux radio terrestres sont disponibles, proposées par la Société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane (SPLANG) et Guyacom. Cependant, une grande partie du territoire (qui fait près de 84 000 km2) ne peut être couverte par des solutions filaires et les capacités satellitaires actuelles ne permettraient pas de répondre à une demande beaucoup plus large. Des projets publics sont donc lancés par les acteurs publics pour proposer des solutions de fibre optique et augmenter les capacités satellitaires sur le territoire ;
- à La Réunion, le déploiement FttH est très avancé. Il y a actuellement 0,1 % des locaux qui sont inéligibles au 8 Mbit/s (il n'y a pas de réseaux hertziens spatiaux disponibles dans l'île). L'ensemble du territoire devrait être totalement couvert en FttH d'ici fin 2022 ;
- l'ARCEP ne dispose pas de données consolidées sur la situation à Saint-Pierre-et-Miquelon (22). Toutefois, il existe un réseau en fibre à terminaison coaxiale qui permet d'avoir accès au très haut débit ;
- à Mayotte, la bonne couverture en 4G fixe permet à l'ensemble des locaux de bénéficier du 8 Mbit/s. Il n'y a pas de réseaux hertziens spatiaux disponibles dans l'île.


3.3. Conclusion sur la disponibilité des offres sur le territoire


La couverture du territoire en haut débit et très haut débit est essentielle pour permettre à l'ensemble des citoyens de contribuer à la vie économique et sociale de la Nation.
Le Plan France Très Haut Débit et ses mesures d'accompagnements ont permis le déploiement massif d'infrastructures très haut débit. Les éléments présentés ci-avant montrent que, grâce aux déploiements effectués par les opérateurs sur fonds propres et aux projets engagés dans le cadre du Plan France Très Haut Débit, la couverture et les débits des offres d'accès à internet s'améliorent rapidement sur le territoire. Ainsi, à fin 2020, une offre d'accès fixe à internet - hors accès par satellite - fournissant un débit descendant d'au moins 8 Mbit/s, sera disponible sur 98 % des locaux du territoire (2 % des locaux dépendant donc des seuls réseaux spatiaux pour l'accès à un débit descendant de 8 Mbit/s). Il apparaît également que la disponibilité d'offres disposant d'un débit descendant de 30 Mbit/s sera largement généralisée à bref horizon grâce aux déploiements massifs de FttH déjà prévus aujourd'hui.
Le Gouvernement a par ailleurs récemment fait le choix de prolonger le Plan France Très Haut Débit dans un objectif de généralisation de la fibre sur l'ensemble du territoire.
Néanmoins, la désignation d'un ou plusieurs opérateur(s) prestataire(s) du service universel pourrait être utile afin de garantir une disponibilité à 100 % d'offres adaptées et de s'assurer qu'une telle disponibilité perdure dans le temps. En particulier, une telle désignation pourrait permettre de remédier à certaines situations ponctuelles pour lesquelles le service d'accès à internet adéquat ne serait pas disponible (constructions de locaux neufs dans des zones où il n'existe pas d'obligation de complétude des déploiements FttH, saturations ponctuelles des capacités hertziennes, etc.).
Il semble, dans ces conditions, que le débit retenu pour caractériser le service universel puisse être fonction de l'avancée des déploiements et être donc lui aussi évolutif dans le temps. Ainsi, après un premier temps où le service universel pourrait correspondre à un débit descendant de 8Mb/s, ce niveau de débit pourrait dans le futur, au fur et à mesure des déploiements de réseaux et de la réalisation des objectifs du Plan France Très Haut Débit, être revu à la hausse par le Gouvernement, pour être fixé à 30 Mbit/s, puis, le cas échéant, à 100 Mbit/s.


4. Qualité de service du service universel


La qualité de service est une composante essentielle d'un service de communications électroniques. Elle se définit comme « l'ensemble des caractéristiques d'un service de télécommunication qui lui permettent de satisfaire aux besoins explicites et aux besoins implicites de l'utilisateur du service » (23). Cette notion recouvre à la fois des caractéristiques qui relèvent d'aspects techniques (l'ensemble des éléments qui permettent de garantir un trafic de données) ou du service lui-même (par exemple, les délais de livraison des accès, les délais de rétablissement d'un accès ou d'intervention d'un technicien en cas de panne). Elle constitue ainsi un élément important pour la satisfaction des besoins des utilisateurs.
Dès lors, il semble pertinent d'intégrer, comme c'est le cas aujourd'hui, un volet qualité de service dans la définition du service universel des communications électroniques. Les indicateurs de qualité de service correspondant pourraient concerner aussi bien des exigences techniques de l'accès à internet que des considérations liées à la fourniture du service comme la livraison des accès et leur rétablissement en cas de panne. Ces indicateurs devraient également concerner le service téléphonique, l'expérience ayant montré que la disponibilité effective du service téléphonique était primordiale pour de nombreux utilisateurs.


4.1. Dans ses décisions en cours d'adoption, l'ARCEP a prévu des mécanismes permettant de s'assurer que les offres de gros présentent un niveau de qualité de service adéquat


Pour livrer un service aux utilisateurs finals, les fournisseurs d'accès internet se fournissent le plus souvent auprès d'opérateurs d'infrastructures (par exemple Orange sur la boucle locale cuivre au travers de l'offre de dégroupage, les opérateurs d'infrastructures FttH sur la boucle locale optique mutualisées etc.).
La qualité de service des offres de détail des fournisseurs d'accès internet est donc tributaire de la qualité de service fournie par les opérateurs d'infrastructures sur les marchés amont, dits de gros. Autrement dit, la qualité du service fourni par les opérateurs d'infrastructures aux fournisseurs d'accès internet conditionne largement la qualité du service que ces derniers livrent aux utilisateurs finaux. C'est la raison pour laquelle l'ARCEP a prévu dans le cycle d'analyse des marchés du haut et du très haut débit fixe en cours de définition et dans sa révision du cadre symétrique encadrant le déploiement des réseaux FttH, qui sera bientôt soumise au ministre pour homologation, un ensemble d'obligations pour les opérateurs d'infrastructure :


- une obligation, au travers de ces analyses de marché, pour Orange de publier ses résultats en matière de qualité de service pour ses offres régulées (dégroupage et bistream cuivre, offres à destination des entreprises) et de respecter des seuils pour ces indicateurs ;
- une obligation, au travers de la révision du cadre symétrique, pour l'ensemble des opérateurs d'infrastructures FttH :
- de publier les indicateurs de qualité de service de leurs offres ;
- de respecter des seuils de qualité de service fixés par l'Autorité. Un délai de 2 ans est prévu avant l'entrée en vigueur de cette obligation.


La mise en place de l'ensemble de ces obligations est d'autant plus importante que les opérateurs de détail s'appuient et s'appuieront de plus en plus dans le cadre de la généralisation de la fibre sur une multiplicité d'opérateurs de gros.
Cette régulation de la qualité de service des marchés amont sur lesquels se fournissent les fournisseurs d'accès internet permettra de s'assurer que ces derniers disposent bien d'offres de gros leur permettant d'atteindre les niveaux de qualité de service visés dans le cadre du service universel.


4.2. La capacité à effectuer un contrôle efficace de la qualité de service, notamment téléphonique, est primordiale


Aujourd'hui, le cahier des charges du service universel impose des obligations de qualité de service nationales et annuelles à l'opérateur du service universel, obligations qui concernent tant l'accès que le service téléphonique. La loi en confie le contrôle à l'ARCEP.
Ainsi, lorsqu'elle a constaté en 2018 une dégradation de la qualité de service sur l'offre de service universel d'Orange, l'Autorité, dans la formation de règlement des différends et de poursuite de l'instruction (RDPI), a été en capacité de mettre en demeure Orange de respecter, en 2019 et de 2020 l'ensemble des valeurs annuelles fixées lors de sa désignation en tant qu'opérateur en charge du service universel, tout en fixant, pour l'année 2019, des seuils trimestriels à respecter pour les indicateurs les plus dégradés Elle a ainsi pu œuvrer en faveur du rétablissement de la qualité du service universel dans les meilleurs délais et observer dès 2019 une amélioration tangible de la qualité de service du service universel.
Le futur cadre soulève quant à lui une problématique spécifique quant à la question de la qualité de service. Toute désignation d'un (ou plusieurs) opérateur chargé du service universel qui serait tenu de fournir le service avec un certain niveau de qualité ne peut en effet intervenir qu'après un constat d'absence de disponibilité du service d'accès adéquat. Dans ces conditions, et en fonction de la définition retenue pour le service universel, il n'est pas certain qu'un prestataire de service universel soit désigné (sur tout ou partie du territoire). Dans cette hypothèse, en cas de situation dégradée, sur tout ou partie du territoire, y compris pour le service téléphonique, une mécanique lourde et surtout particulièrement longue à mettre en œuvre devrait être alors engagée :


- d'abord, il faudrait que le constat soit fait que le service n'est pas effectivement accessible, dans les conditions de qualité de service prévues, sur le territoire concerné en caractérisant un défaut de qualité de service sur l'ensemble des offres de détail disponibles, quel que soit l'opérateur fournissant cette offre de détail. La réalisation d'un tel constat est nécessairement un processus complexe et chronophage encore complexifié par la nature très hétérogène des indicateurs de suivi et des systèmes d'information des opérateurs ;
- ensuite, le Gouvernement devrait enclencher une phase de désignation comprenant la publication d'un appel à candidature et la désignation d'un opérateur en charge du service universel.


Dans conditions, il n'est pas impossible que le rétablissement de la qualité de service à un niveau adéquat intervienne longtemps (probablement plus d'une année complète) après que la dégradation effective de la qualité de service ait été constatée.
La disposition introduite à l'article 27 (1°) de la loi portant diverses adaptations au droit de l'UE, qui permet aux opérateurs de s'engager à fournir une offre de service d'accès adéquat à l'internet haut débit et de communications vocales sur tout ou partie du territoire, à un niveau de qualité adéquat, permet de se prémunir contre une telle situation puisque ces engagements, s'ils répondent effectivement aux attentes (y compris en ce qui concerne le service téléphonique) et sont acceptés par le Gouvernement, deviendraient juridiquement opposables aux opérateurs et soumis au contrôle de l'Autorité. L'ARCEP invite le Gouvernement à se saisir de cette possibilité tant pour l'accès à internet que pour le service téléphonique.


5. Permettre l'abordabilité du service adéquat par la mise en place d'un mécanisme d'aide pour les consommateurs aux plus faibles revenus
5.1. Le fonctionnement actuel du mécanisme de tarifs sociaux


Actuellement, les personnes éligibles aux tarifs sociaux sont :


- les allocataires du revenu de solidarité active (RSA) et dont les ressources annuelles du foyer, prises en compte pour le calcul du revenu de solidarité active conformément à l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles, n'excèdent pas le montant forfaitaire mentionné à l'article L. 262-2 du même code ;
- les personnes qui perçoivent l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou celles qui perçoivent l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ;
- les invalides de guerre.


Le mécanisme de tarifs sociaux existant fonctionne sur la base suivante :


- Orange, seul opérateur de service universel, propose des tarifs sociaux ;
- une seule prestation fait l'objet du tarif social : l'abonnement à une offre de service téléphonique au public ;
- une réduction tarifaire de 4,21 € HT/mois, fixée par arrêté ministériel, complétée par un abondement volontaire d'Orange de 5,35 € HT/mois, ce qui revient en pratique à un tarif social fixe et homogène sur le territoire national de 6,49 € TTC/mois.


Le coût net de la composante « tarifs sociaux » du service universel était de 4,7 M€ en 2018. Si le tarif social n'est plus utilisé que par 55 600 abonnés en décembre 2018, la population éligible est d'environ 3,7 millions de bénéficiaires potentiels. Le nombre de bénéficiaires effectifs, qui était de 703 000 en 2004 (23 % des éligibles) a décru continûment et ne représente plus que 2 % de la population éligible en 2018 (24).
Ces chiffres montrent la faible pertinence, aujourd'hui, du produit proposé, à savoir l'abonnement au service téléphonique fixe et permettant des communications de données à un débit suffisant pour permettre un accès à internet (en pratique un débit descendant maximum possible de seulement 56 kbit/s), à l'heure de l'usage généralisé de l'internet haut et très haut débit.
Au-delà de ce constat, le mécanisme actuel est relativement complexe administrativement (demande par courrier par l'utilisateur auprès de son organisme social en cas de non réception spontanée de l'attestation, attestation à remplir et renvoyer à Orange, délai avant la validation de la réduction sociale, nécessité de réaliser la demande tous les ans).


5.2. Les types de mécanismes possibles


Comme rappelé dans la section 3.1.2, les tarifs d'accès au haut et au très haut débit en France sont faibles ou très faibles. Les principaux freins à l'accès au service semblent donc davantage à chercher ailleurs, notamment dans le coût des terminaux et les conditions d'accessibilité des offres comme l'utilisation des prélèvements automatiques (cf. section 3.1.2.2).
Néanmoins, dans l'hypothèse où le Gouvernement choisirait de mettre en place un mécanisme de tarifs sociaux dans le cadre du futur service universel, il apparait nécessaire de fixer plusieurs paramètres, notamment :


- la population cible du dispositif : si le tarif social n'est aujourd'hui plus utilisé que par 55 600 abonnés (décembre 2018), la population éligible est d'environ 3,7 millions de bénéficiaires potentiels ;
- le type de mécanisme proposé : le code européen laisse notamment la possibilité de proposer un tarif social fixe ou une réduction fixe (25) ;
- le nombre d'opérateurs fournissant le service (tous les opérateurs, plusieurs ou un seul), le code européen semblant privilégier un service proposé par tous les opérateurs ;
- le processus de désignation (obligation s'appliquant à l'ensemble des opérateurs du secteur, appel d'offres national, appel d'offres par zone) ;
- le mécanisme de versement de l'aide aux bénéficiaires (réduction directe sur facture, facture inchangée mais utilisation d'un moyen de paiement dédié de type voucher, aide versée indépendamment de la relation contractuelle avec l'opérateur) ;
- les modalités de détermination du coût net et de l'éventuelle compensation (calcul, enchères, absence de compensation).


5.3. Les déterminants du choix


Comme rappelé ci-avant, le code européen laisse en particulier aux Etats membres, s'ils estiment nécessaire de mettre en place un mécanisme de tarifs sociaux, la possibilité d'opter pour un tarif fixe ou pour une réduction fixe. L'appréciation de la modalité la plus appropriée peut notamment s'analyser sur la base des dimensions suivantes : son impact sur le service universel, l'efficacité économique du dispositif et les facilités de mise en œuvre de celui-ci.


5.3.1. L'impact sur le service universel


Un tarif social fixe présente l'avantage de la simplicité et de la lisibilité - une fois le bon niveau déterminé - en permettant à l'ensemble des bénéficiaires du volet social du service universel d'avoir accès à un tarif unique national.
A l'inverse, une réduction fixe ne permet pas d'obtenir des tarifs de détail finaux homogènes (cf. section 3.1.2 et annexe 1) sur l'ensemble du territoire national, les tarifs auxquels les utilisateurs ont accès dépendant :


- de la technologie disponible (DSL, FttH, hertzien terrestre ou spatial). Une réduction fixe aurait pour conséquence d'engendrer d'importants écarts entre les tarifs sociaux proposés suivant les technologies disponibles au sein de la zone géographique de l'utilisateur final (26). Une réduction fixe par technologie pourrait pallier cette difficulté mais serait plus complexe à mettre en œuvre ;
- des écarts de prix au sein d'une même technologie, de plusieurs natures :
- des écarts liés à la présence ou non d'un même opérateur dans cette technologie, certains opérateurs proposant des tarifs plus compétitifs que d'autres (27) ;
- des écarts de tarifs « catalogue » proposés par un opérateur selon les zones du territoire :
- différences tarifaires entre les offres proposées en métropole et en outre-mer ;
- au sein de la technologie DSL, la plupart des opérateurs de détail pratiquent des tarifs de détail distincts entre zone dégroupée et zone non dégroupée, sachant que ce zonage dépend de l'opérateur de détail.


Enfin, un mécanisme de réduction fixe peut supposer de devoir adapter ce montant en fonction des évolutions des tarifs effectivement pratiqués par les opérateurs sur le marché.


5.3.2. Efficacité économique du dispositif


Une réduction fixe proposée par plusieurs opérateurs permettrait d'augmenter le pouvoir d'achat du client, sans modifier la compétitivité qualité/prix relative des opérateurs, incitant ainsi les opérateurs à l'efficacité économique.
En revanche, elle est susceptible d'entraîner des effets d'aubaine pour les consommateurs dont la localisation géographique donne accès à des offres plus compétitives que les autres : si la réduction est calibrée pour assurer l'abordabilité pour tous les consommateurs (cf. section précédente), certains consommateurs bénéficieront de tarifs très bas voire nuls.
Par ailleurs, dans ce même cas de figure, le niveau de réduction à fixer devrait être élevé pour permettre l'abordabilité pour les consommateurs se situant dans des zones présentant des tarifs plus élevés, impliquant un coût total du dispositif plus élevé.
Un tarif social fixe permet d'éviter les effets d'aubaine pour les consommateurs finals.
En revanche, si le service est fourni par plusieurs opérateurs, des effets de bord concurrentiels négatifs peuvent se produire selon le type de mécanisme de compensation retenu du coût net subi par les opérateurs proposant ces services.
Si le coût net est calculé comme le « manque à gagner » par rapport au tarif de détail usuel fourni par l'opérateur, ou bien sur la base de la reconstitution de l'écart avec le coût de fourniture de l'offre par l'opérateur en question, un tel dispositif permet à un opérateur disposant respectivement d'un tarif de détail élevé, ou bien d'un coût de production élevé (du fait d'inefficacités ou d'effets d'échelle moins importants), de concurrencer les opérateurs plus efficaces sur la frange du marché bénéficiant des tarifs sociaux, avec pour conséquences respectives un effet d'aubaine pour l'opérateur ou la compensation d'inefficacités.
Une conséquence serait également un risque de coût net total élevé du dispositif, si beaucoup d'utilisateurs sont clients d'un opérateur ayant un coût net élevé, avec répercussion sur les opérateurs du marché dans le cadre du mécanisme de compensation et in fine probablement sur l'ensemble des utilisateurs finals. L'intensité de ce risque varie en fonction du pourcentage de la population choisissant de bénéficier effectivement de ces tarifs sociaux. Dans le cas où le nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux augmenterait de façon conséquente (28), le coût net relatif aux tarifs sociaux augmenterait en conséquence et représenterait alors un enjeu plus important qu'aujourd'hui.
Dans le scénario d'un tarif social fixe, la désignation d'un unique opérateur ou d'un nombre restreint d'opérateurs présentant un coût net par client final maîtrisé serait de nature à limiter ces risques.


5.3.3. Facilités de mise en œuvre pour les opérateurs, l'administration et l'utilisateur final


Aujourd'hui, un unique opérateur de service universel est désigné et propose une réduction sociale fixe. La charge administrative pour l'opérateur et pour l'ARCEP liée au calcul du coût net reste ainsi relativement modérée, le principal enjeu étant le suivi du bon nombre de bénéficiaires effectifs et des coûts de gestion du dispositif qui sont encourus.
Deux facteurs sont susceptibles d'augmenter la charge administrative pour le secteur et l'administration :


- le nombre d'opérateurs désignés : chaque opérateur doit alors effectuer ce suivi (et l'ARCEP doit contrôler ou faire contrôler les éléments fournis par chacun d'entre eux) ;
- le calcul d'un coût net sur la base d'un tarif fixe plutôt que d'une réduction fixe. En effet, sauf à faire le choix d'un calcul de coût net sur la base de la modélisation d'un opérateur générique (29), il conviendrait a priori d'évaluer le coût de production des offres bénéficiant des tarifs sociaux pour chacun des opérateurs, ce qui implique des restitutions comptables suffisamment fines et fiables et leur audit pour chacun des opérateurs.


Dans le cas d'un tarif fixe, plusieurs possibilités seraient toutefois de nature à limiter la charge administrative globale :


- sélectionner un unique opérateur, qui serait le seul pour lequel un coût net serait calculé ; la situation la moins complexe à mettre en œuvre serait celle où l'opérateur aurait été sélectionné dans le cadre d'un mécanisme de désignation de type enchères intégrant un montant de compensation souhaité par client pour fournir le tarif fixe en question : ce montant pourrait alors être retenu comme le coût net si toutefois ce coût ne semble pas disproportionné ;
- la présence simultanée de plusieurs opérateurs et du calcul d'un coût net sur la base d'un tarif fixe serait a contrario la situation occasionnant la charge administrative la plus lourde ; les principales pistes pour la réduire seraient alors les suivantes, qui présentent toutes des limites :
- dans le cas d'une obligation de tarifs sociaux applicable à l'ensemble des opérateurs (ou des opérateurs dont le chiffre d'affaires excède un certain seuil) : considérer, dans le cas où ils posséderaient une proportion comparable de bénéficiaires des tarifs sociaux au sein de leur parc de clients, que la charge engendrée par la fourniture des tarifs sociaux n'est pas excessive en ce qu'elle pèse sur chacun d'entre eux de façon comparable et ne nécessite de ce fait pas de compensation. Cette solution pourrait cependant inciter des opérateurs présents sur des zones du territoire où les coûts de production sont plus élevés à rendre l'accès à leur offre de tarifs sociaux difficile (par exemple, en ouvrant moins de boutiques dans les zones les plus coûteuses) ;
- alternativement, retenir une méthodologie de calcul du coût net basée sur des modélisations s'affranchissant du suivi des coûts de chacun des opérateurs (ex : calculs basés sur la situation d'un opérateur générique efficace) ; cette méthodologie peut toutefois poser la question de la capacité de représenter correctement les coûts subis par les opérateurs, surtout si certains se trouvent objectivement dans des situations différentes ayant un impact sur leurs coûts.


En toute hypothèse, il semble opportun de s'appuyer au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place : par exemple par le biais d'un système d'aide directe ou de fourniture d'un moyen de paiement dédié (cf. chèque vacances) dans le cas d'une réduction fixe ou par la mise en place de certificats d'éligibilité dans le cas d'un tarif fixe.


5.4. Conclusion


Comme rappelé ci-avant, les tarifs d'accès au haut et au très haut débit en France sont relativement peu élevés, notamment aux regards des tarifs pratiqués dans les autres pays européens. Les principaux freins à l'accès au service semblent donc se situer à d'autres niveaux, comme par exemple le coût des terminaux et les conditions d'accès aux offres (prélèvements automatiques, caution, etc.).
Si le Gouvernement décidait de mettre en place un mécanisme de tarifs sociaux dans le cadre du futur service universel, les mécanismes les plus pertinents identifiés par l'Autorité seraient ainsi les suivants :


- dans le cadre d'une réduction fixe : une différenciation sans doute nécessaire de cette réduction entre certaines zones géographiques pour limiter les effets d'aubaine dans les zones où les prix sont déjà très compétitifs, et un système d'aide s'appuyant au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place ;
- dans le cadre d'un tarif social fixe : la désignation de préférence d'un unique opérateur en charge de fournir ce dispositif.


En toute hypothèse, il serait utile de s'appuyer au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place : par exemple par le biais d'un système d'aide directe ou de fourniture d'un moyen de paiement dédié (cf. chèque vacances) dans le cas d'une réduction fixe ou par la mise en place de certificats d'éligibilité dans le cas d'un tarif fixe.


Conclusion générale


Le numérique occupe une place grandissante dans la société. L'accès à internet s'est imposé comme un enjeu primordial pour que les consommateurs et les entreprises puissent participer à la vie économique et sociale de la Nation.
Si l'universalité constitue un objectif légitime et certainement essentiel dès lors qu'il s'agit de réseaux de communication, la poursuite d'un tel objectif ne passe pas uniquement par le mécanisme de service universel à proprement parler. Ce dernier renvoie en effet à une catégorie juridique bien délimitée, plus efficace pour remplir un rôle de « filet de sécurité » et d'inclusion sociale que pour garantir une dynamique globale d'équipement du pays en réseaux.
Il convient à cet égard de commencer par constater combien notre pays est bien engagé pour apporter massivement des débits élevés dans les territoires. Le principal moteur de cette dynamique réside dans le déploiement par les acteurs du marché de réseaux à très haut débit et l'ARCEP, ces dernières années, s'est constamment attachée à stimuler les acteurs économiques en ce sens. Ceci s'est traduit par une hausse de l'investissement de 50 % en 5 ans, et plus particulièrement par un chiffre record de déploiement de la fibre en 2019 et un niveau qui devrait rester élevé en 2020 malgré la crise sanitaire. A cela s'ajoutent des programmes publics extrêmement ambitieux pour généraliser ces déploiements, au premier chef le Plan France Très Haut Débit au niveau national qui appuie et se conjugue à l'intervention des collectivités locales au travers de réseaux d'initiative publique, ainsi que le New Deal mobile conclu en janvier 2018 pour son volet qui concerne la 4G fixe. L'ARCEP a également dégagé des bandes de fréquences pour permettre le déploiement du très haut débit radio dans les territoires qui le souhaitaient.
C'est en complément de cette dynamique et de ces programmes, et aussi en prenant en compte les niveaux des prix de détail très attractifs que les opérateurs commerciaux proposent sur la plupart ces infrastructures, qu'il convient d'apprécier la nécessité d'un mécanisme de service universel et les modalités adéquates pour les prochaines années.
Au vu de ce qui précède, l'Autorité est d'avis qu'un service universel des communications électroniques restera nécessaire ces prochaines années, selon les modalités suivantes.
S'agissant du débit retenu pour caractériser le service universel, celui-ci devrait pouvoir évoluer dans le temps en fonction de l'avancée des déploiements des réseaux très haut débit. Ainsi, après un premier temps où le service universel pourrait correspondre à un débit descendant de 8 Mbit/s, ce niveau de débit pourrait dans le futur, au fur et à mesure des déploiements de réseaux et au regard de la réalisation des objectifs du Plan France Très Haut Débit, être revu à la hausse par le Gouvernement, pour être fixé à 30 Mbit/s puis, le cas échéant, à 100 Mbit/s.
S'agissant de la disponibilité des offres d'accès à internet satisfaisant aux critères précédents, le mécanisme de service universel peut fournir un complément très ponctuel et circonstancié pour les cas particuliers dans lesquels aucune offre satisfaisant aux caractéristiques minimales attendues ne serait disponible, en veillant dans ce cas à ce que son intervention ne reste que subsidiaire, et bien articulée avec les programmes de déploiement massif cités précédemment et actuellement à l'œuvre.
S'agissant de la qualité de service, celle-ci est une composante essentielle d'un service de communications électroniques, comme le relève l'ARCEP au travers de nombreuses interpellations d'usagers et d'élus. Il conviendrait donc que la définition du service adéquat comporte un volet qualité de service pour l'accès à internet mais aussi pour le service téléphonique. Dans ses décisions de régulation des marchés de gros du haut et du très haut débit fixe en cours de finalisation, l'ARCEP a d'ailleurs introduit des mécanismes permettant de s'assurer que les offres de gros, sur lesquelles pourront s'appuyer les offres de détail, présenteront un niveau de qualité de service adéquat. La décision qui porte sur les modalités d'accès aux réseaux FttH sera soumise très prochainement à l'homologation du Ministre. Par ailleurs, alors que la désignation de l'actuel opérateur de service universel arrive à échéance, l'Autorité invite le Gouvernement à utiliser la possibilité ouverte par le nouvel article L. 33-13-1 du CPCE qui lui permet de recueillir les engagements des opérateurs, et de les rendre opposables et contrôlables par l'ARCEP, à fournir une offre d'accès à internet et de service téléphonique, à un niveau de qualité de service spécifié.
S'agissant des tarifs sociaux, si le Gouvernement décidait de mettre en place un tel mécanisme dans le cadre du futur service universel, les mécanismes les plus pertinents identifiés par l'Autorité seraient les suivants :


- dans le cadre d'une réduction fixe : une différenciation sans doute nécessaire de cette réduction entre certaines zones géographiques pour limiter les effets d'aubaine dans les zones où les prix sont déjà très compétitifs, et un système d'aide s'appuyant au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place ;
- dans le cadre d'un tarif social fixe : la désignation de préférence d'un unique opérateur en charge de fournir ce dispositif.


En toute hypothèse, il serait utile de s'appuyer au maximum sur les organismes sociaux et les mécanismes déjà en place : par exemple par le biais d'un système d'aide directe ou de fourniture d'un moyen de paiement dédié (cf. chèque vacances) dans le cas d'une réduction fixe ou par la mise en place de certificats d'éligibilité dans le cas d'un tarif fixe.
Enfin, l'inclusion numérique ne peut se résumer à la seule disponibilité du service universel des communications électroniques, mais recouvre des problématiques plus larges (accès au matériel, à la compétence et au savoir-faire notamment). Ainsi, c'est bien au sein d'une politique en faveur de l'inclusion numérique intégrant l'ensemble de ces problématiques et associant l'ensemble des parties prenantes (opérateurs mais aussi collectivités territoriales, tiers lieux, associations, etc.) que le service universel doit trouver sa place.