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Article AUTONOME (Avis n° 2020-08 du 25 novembre 2020 relatif à un projet de décret portant création d'un dispositif de soutien à la diffusion hertzienne terrestre de services de télévision à vocation locale et de radio affectés par la propagation de l'épidémie de covid-19)

Article AUTONOME (Avis n° 2020-08 du 25 novembre 2020 relatif à un projet de décret portant création d'un dispositif de soutien à la diffusion hertzienne terrestre de services de télévision à vocation locale et de radio affectés par la propagation de l'épidémie de covid-19)


Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Par un courrier du 5 novembre 2020, la ministre de la culture a saisi le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur le fondement de l'article 9 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, d'un projet de décret portant création d'un dispositif de soutien à la diffusion hertzienne terrestre de services de télévision à vocation locale et de radio affectés par la propagation de l'épidémie de covid-19.
1. Le dispositif répond à un besoin urgent d'acteurs essentiels de la vie démocratique et culturelle.
Le Conseil salue la décision du Gouvernement de soutenir les éditeurs de services de télévision locale et de radio diffusés par voie hertzienne terrestre en métropole et dans les outre-mer au travers d'un dispositif spécifique, qu'il a appelé de ses vœux dès que se sont manifestés les effets de la crise liée à l'épidémie de covid-19 sur l'économie du pays, ainsi que leurs conséquences sur le secteur audiovisuel.
Il souligne la nécessité et l'urgence qui s'attachent à la mise en place d'un tel dispositif au soutien de ces services, au regard de leur contribution essentielle à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, notamment à l'échelle locale, et des difficultés économiques aiguës auxquelles ils doivent faire face.
En effet, la crise sanitaire déclenchée par la pandémie de covid-19 et les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire afin d'en ralentir la propagation ont eu pour conséquence une baisse marquée et prolongée de l'activité économique de la grande majorité des secteurs : l'économie des médias audiovisuels dans leur ensemble a été profondément affectée, avec une chute sévère des investissements publicitaires au deuxième trimestre 2020 puis des revenus publicitaires comparativement à la même période de l'année précédente.
Ainsi, pour le secteur radiophonique, les investissements publicitaires nets ont connu un recul de 21,6 % au premier semestre 2020 par rapport à la même période en 2019 (source : BUMP). Les radios, qui ont joué un rôle essentiel dans la continuité de l'information et la préservation du lien social au cours du premier confinement national et de la crise sanitaire, ont donc été très durement touchées. Il en est ainsi tout particulièrement des radios indépendantes, médias de proximité qui ont su pendant la crise maintenir et adapter leurs programmes, et ainsi poursuivre leur mission d'information au cœur des territoires, parfois les plus isolés. En outre, le regain d'activité observé au troisième trimestre 2020 sur le segment de la publicité nationale (augmentation des investissements publicitaires bruts de 5,2 % par rapport à la même période de 2019) est largement insuffisant pour effacer les pertes du trimestre précédent. De surcroît, il n'a pas profité à l'ensemble des catégories de radio, notamment celles se finançant auprès des annonceurs locaux, et les indicateurs du mois d'octobre témoignent toujours d'un recul d'activité par rapport à octobre 2019.
Le marché publicitaire télévisuel a connu, lui aussi, une forte baisse suivie d'un regain d'activité, là aussi largement insuffisant pour compenser les pertes : les investissements publicitaires nets ont baissé de près de 27 % au premier semestre 2020 par rapport à la même période de 2019. A la suite du regain du troisième trimestre, cette baisse demeure de 17,5 % sur les neuf premiers mois. Les télévisions locales, à l'économie déjà fragile avant cette crise, ont été fortement touchées par ces difficultés, tout particulièrement dans les outre-mer où l'insuffisance de leurs ressources propres, contraintes par la taille de leur bassin d'audience et par la forte concurrence du service public, est rarement compensée par le soutien apporté par les collectivités locales. La poursuite de l'activité de ces acteurs à la contribution essentielle à la vie démocratique, culturelle et sociale locale est dès lors dans de nombreux cas en péril. L'aide prévue par le présent projet jouera donc un rôle essentiel pour assurer la continuité ou le rétablissement de leur diffusion, en particulier dans les outre-mer. Il n'est en revanche pas certain qu'elle suffise à elle seule à remédier aux difficultés structurelles auxquelles ils sont confrontés.
Dans ce contexte, le Conseil se réjouit de la mise en place du présent dispositif. Il souligne l'urgence du versement des aides, compte tenu de la persistance de la crise économique.
2. La nouvelle chute de l'activité économique résultant du second confinement appellera des mesures complémentaires en 2021.
Le second confinement, rendu nécessaire par la reprise de la propagation du virus de la covid-19, a entraîné une nouvelle baisse d'activité sensible, dont les effets devraient encore se faire ressentir au minimum jusqu'à la fin de l'année 2020. Pour cette raison, le Gouvernement a bâti le projet de loi de finances pour 2021 sur une hypothèse de croissance forte (+ 8 %), fondée notamment sur des mesures de soutien des pouvoirs publics, qui n'effacerait toutefois que partiellement le recul de - 10 % prévu pour 2020.
Les services de radio et de télévision locale diffusés par la voie hertzienne terrestre, qui dépendent très largement des recettes publicitaires pour leur financement, sont d'ores et déjà touchés par cette nouvelle baisse qui, si elle s'annonce moins prononcée que celle connue au premier semestre, sera néanmoins sensible : la durée totale des écrans publicitaires durant les trois premières semaines de ce second confinement a diminué d'environ 10 %, que ce soit en radio ou en télévision (source : Kantar).
Le Conseil appelle donc le Gouvernement à étudier au premier trimestre 2021, au vu de l'évolution de la situation économique, la mise en place d'un dispositif d'aide complémentaire qui aurait vocation à permettre aux acteurs concernés de sortir de la crise issue de la pandémie du covid-19.
En outre, il invite le Gouvernement à envisager les modalités adéquates d'accompagnement des services de médias audiovisuels diffusés par voie hertzienne terrestre qui commenceront leur exploitation en 2021 dans un contexte économique dégradé par rapport à leur plan d'affaires prévisionnel, tout particulièrement les services diffusés en DAB+. En effet, l'année 2021 sera celle du démarrage des multiplex métropolitains de radio numérique. Or, les services diffusés sur ces multiplex devront consentir des investissements alors qu'ils auront nécessairement dans un premier temps des recettes limitées eu égard au nombre de récepteurs compatibles avec cette technologie, encore sensiblement plus faible que celui des récepteurs FM, et à l'évolution progressive des usages. L'accompagnement de ces services diffusés en DAB+ pourrait en particulier prendre la forme d'une contribution à l'information et à la communication sur cette technologie, dans le but d'augmenter sa notoriété.
3. Egalement touchées par la crise, les radios associatives devraient bénéficier d'un soutien adapté.
Les services de radio édités par des associations et accomplissant une mission de communication sociale de proximité jouent un rôle essentiel, à l'échelle des différents territoires où ils sont diffusés, dans l'expression des différents courants socioculturels, le soutien au développement local et à la cohésion des territoires, ou encore la lutte contre l'exclusion.
Ils sont structurellement moins dépendants des ressources tirées du marché publicitaire que ne le sont les opérateurs commerciaux. En effet, la part de leurs ressources publicitaires dans l'ensemble des produits d'exploitation de leur activité radiophonique par voie hertzienne ne doit pas dépasser 20 % pour qu'ils puissent bénéficier des subventions octroyées par le fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER). Le présent projet de décret ne prévoit pas de faire bénéficier du présent dispositif d'aide les radios associatives ayant bénéficié au titre de 2019 de la subvention d'exploitation du FSER.
Il n'en reste pas moins que ces acteurs ont été touchés par la crise induite par la pandémie de covid-19. Le niveau de leurs ressources publicitaires en a été affecté, même si celles-ci représentent une moindre part de leurs ressources totales. La crise a aussi limité d'autres de leurs ressources, notamment provenant de dons ou d'activités et de prestations liées à des événements locaux (tout particulièrement musicaux ou culturels), dont nombre d'entre eux ont dû être annulés en raison du contexte sanitaire.
Par ailleurs, le nombre de demandes de subventions d'exploitation du FSER croît du fait du déploiement du DAB+ : il est passé de 700 en 2018 à 720 en 2020. Ce nombre est encore appelé à croître en 2021 du fait du démarrage des émissions en DAB+ prévu dans plusieurs grandes villes françaises, notamment Annecy, Annemasse, Avignon, Chambéry, Dijon, Grenoble, Saint-Étienne et Toulon.
Dans ce contexte, le Conseil salue le choix du Gouvernement d'augmenter la dotation du FSER d'un million d'euros pour la porter à 31,75 M€ dans le projet de loi de finances pour 2021, qui traduit une orientation pérenne d'accompagnement de ces acteurs, qui contribuent au pluralisme radiophonique.
Néanmoins, le modèle économique de ces éditeurs demeure fragile. Il a encore été affaibli par la crise et les mesures sanitaires résultant de la pandémie de covid-19. Or, l'augmentation prévue de la dotation du FSER est liée pour partie à l'augmentation du nombre de ses bénéficiaires, mais ne prend pas en compte les difficultés particulières résultant de la pandémie.
Dès lors, le Conseil appelle le Gouvernement à étudier la mise en place d'un soutien additionnel exceptionnel au bénéfice des radios associatives. Une telle aide pourrait être envisagée dans le cadre du FSER, au travers d'un abondement exceptionnel de sa dotation, ce qui présenterait l'avantage d'offrir un guichet unique pour ces éditeurs, dont les demandes seraient alors traitées dans un cadre cohérent et adapté à leurs spécificités. Alternativement, il pourrait être envisagé d'élargir les bénéficiaires du dispositif institué par le présent projet de décret, ce qui supposerait d'augmenter les crédits budgétaires alloués à ce dispositif.
4. Les paramètres et modalités de l'aide apparaissent adaptés, au bénéfice de quelques ajustements.
Le Conseil estime que les modalités envisagées, quelle que soit la technologie considérée, sont bien adaptées aux spécificités du paysage audiovisuel français et à son économie.
En particulier, il relève avec satisfaction le choix de tenir compte de l'économie particulièrement fragile des opérateurs audiovisuels ultra-marins, au travers d'un barème bonifié.
En premier lieu, la proposition d'un barème bonifié d'aide aux émetteurs FM dans les outre-mer tient compte des difficultés économiques particulièrement prononcées rencontrées par les éditeurs de services de services de radio ultra-marins, qui reflètent, d'une part, les différences de niveau de vie entre la métropole et les outre-mer et, d'autre part, la moindre intensité concurrentielle sur les marchés ultra-marins de la diffusion hertzienne terrestre des services de radio.
En second lieu, la fixation d'un pourcentage de remboursement des coûts de diffusion des services de télévision à vocation locale significativement plus élevé dans les outre-mer paraît adéquate eu égard à la différence des coûts de diffusion rapportés au nombre d'habitants couverts.
Par ailleurs, le Conseil considère que les règles de calcul de l'aide, assises sur un poste significatif de dépenses, les coûts de diffusion, sont pertinentes. Ainsi, la prise en compte par un facteur de pondération du niveau élevé des coûts de diffusion sur certains sites de diffusion FM en métropole ou dans les outre-mer, eu égard à l'altitude du site, à la hauteur de l'antenne ou à la capacité du site à bien desservir un large territoire, est adaptée.
Au regard de ces trois critères et des informations à sa disposition, le Conseil estime nécessaire, à l'article 4 du présent projet de décret, d'ajouter à la liste des sites bénéficiant d'un coefficient k de 1,8 le site du Pic Paradis à Saint-Martin (978) (sous la dénomination « Saint-Martin-Saint-Martin (Pic Paradis) ») et le site du Fort de Romainville aux Lilas (93) (sous la dénomination « Paris - Les Lilas (Fort de Romainville) »).


Au bénéfice des observations formulées plus haut, le Conseil émet un avis favorable sur le présent projet de décret.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.