234. Ces analyses infra-annuelles semblent, par ailleurs, confirmées par les données 2020 provisoires transmises par les services de la Cour de cassation à la toute fin du mois de janvier 2021, soit postérieurement à la séance, qui affichent, en 2020, une baisse globale du nombre d'affaires enregistrées de 20 % par rapport à 2019. Des données plus détaillées permettent de constater un rattrapage du nombre des affaires enregistrées au second semestre 2020 en matière civile par rapport à la baisse de 23 % constatée sur la période janvier-août 2020, tandis que le nombre des affaires enregistrées en matière pénale semble, au contraire, accuser une baisse encore plus sensible que celle de 15 % identifiée sur la première partie de l'année 2020.
235. Les données provisoires sur les QPC enregistrées par la Cour de cassation en 2020 affichent, pour leur part, une baisse de 10 % au civil et une hausse de 6 % au pénal par rapport à 2019.
236. Enfin, selon ces mêmes données provisoires 2020, le nombre d'affaires jugées aurait enregistré une baisse de 18 % dans le domaine civil et de 5 % dans le domaine pénal par rapport à l'année 2019. Ainsi, la baisse globale du nombre des affaires jugées par la Cour de cassation en 2020 serait de 14 % par rapport à 2019.
237. En sortie de crise sanitaire, la Cour de cassation s'attend à une accélération de son activité commerciale et sociale, en lien avec le contentieux des procédures collectives, qui pourrait résulter de la fin des mesures de soutien à l'activité du gouvernement. En matière civile, les modes alternatifs de résolution des conflits et la médiation sont de plus en plus présents, mais se développent lentement, de sorte que leur impact éventuel à la baisse sur l'activité de cassation, au demeurant incertain, ne se ferait sentir qu'à long terme.
238. Le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, ainsi que la majorité des avocats aux Conseils auditionnés, affirment que des adaptations ont été faites afin de permettre le plus grand recours au travail à distance afin d'éviter le ralentissement constaté lors du confinement mis en place entre le 17 mars et le 10 mai 2020. Par ailleurs, tous les acteurs, de manière unanime, soulignent l'incertitude qui caractérise la période actuelle.
239. Pour sa part, l'Autorité partage ce souci de prudence dans l'élaboration de ses recommandations biennales, le contexte sanitaire actuel, non encore stabilisé, pouvant influer à court terme sur l'activité des avocats aux Conseils, en dépit de fondamentaux solides à plus long terme.
D. - Conclusion sur l'état des lieux de l'offre et de la demande : une situation économique potentiellement favorable à long terme mais un contexte incertain à court terme
240. Si l'analyse de l'offre et de la demande de services révèle une situation économique toujours très favorable, les conséquences encore incertaines de la crise sanitaire, de même que la faiblesse du vivier de candidats, doivent conduire à tempérer les recommandations de créations de nouveaux offices d'avocat aux Conseils émises par l'Autorité à l'horizon des deux prochaines années.
241. S'agissant de l'offre, comme sur la période 2013-2017, la profession a fait preuve d'une rentabilité exceptionnelle sur la période 2015-2019 : malgré une très légère baisse du chiffre d'affaires total de la profession par rapport à la période précédente, en partie liée à une croissance significative du nombre d'avocats aux Conseils depuis 2017, le taux de résultat par professionnel et par office s'est stabilisé autour de 44 %, ce qui constitue un niveau très élevé au regard des autres professions juridiques, y compris celles bénéficiant d'activités monopolistiques et d'un statut d'officier ministériel.
242. Plusieurs facteurs permettent d'expliquer cette rentabilité très élevée : outre un chiffre d'affaires reposant largement sur un monopole de représentation devant les hautes juridictions, la profession a fréquemment recours à des collaborateurs extérieurs, ce qui lui permet notamment d'ajuster sa structure de coûts aux variations du nombre d'affaires.
243. La situation économique des offices n'est néanmoins pas homogène : si aucun office n'a connu de difficultés financières (du moins jusqu'à la crise sanitaire), la profession est marquée par un certain dualisme entre un petit nombre d'offices réalisant des chiffres d'affaires et des résultats considérables, et la majorité des structures, qui se situe autour de la médiane dans la distribution des revenus. Ce dualisme peut aussi se manifester dans l'organisation retenue (recours plus ou moins important aux collaborateurs extérieurs) et aux types de dossiers traités (part des clients institutionnels dans la clientèle, dont les dossiers sont généralement plus complexes et plus rémunérateurs).
244. Enfin, si les offices créés depuis 2017 semblent avoir réussi leur démarrage, la persistance de freins structurels risque d'handicaper leur développement à moyen terme : la difficulté à accroître rapidement leur clientèle sur un marché fortement concentré et la faible mobilité des clients institutionnels, qui restent fidèles à quelques offices bien établis, sont autant d'obstacles auxquels les cabinets d'avocats aux Conseils les plus récents sont confrontés.
245. Lorsqu'on analyse l'impact de la crise sanitaire sur cette offre, les offices ont pu limiter les effets de la crise, en ayant recours à un ajustement des honoraires moyens par dossier (à la hausse) et/ou de la masse salariale (à la baisse). De plus, un certain nombre d'entre eux a pu bénéficier des aides mises en place par le gouvernement ou réaménager ses dettes auprès des URSSAF ou des établissements financiers. Toutefois, la situation des différents offices reste hétérogène. Elle dépend pour partie des mesures temporaires prises par le gouvernement pour lutter contre la pandémie. Ainsi, si une reprise rapide de l'activité est espérée, elle ne saurait pour autant être garantie.
246. La répartition des affaires entre le Conseil d'Etat et la Cour de cassation reste stable sur les cinq dernières années, soit respectivement 26 % pour le premier et 74 % pour la seconde. Globalement, le nombre d'affaires enregistrées augmente de 5 % devant le Conseil d'Etat (8 598 affaires en 2019 contre 8 219 en 2017) et baisse de 12 % devant la Cour de cassation (25 111 affaires en 2019 contre 28 575 en 2017) sur la période 2017-2019. Les affaires devant la Cour de cassation étant plus nombreuses, on peut conclure à une légère baisse globale (- 8 %) au niveau de la demande sur cette période. Malgré une augmentation du volume du contentieux devant les juridictions administratives, les perspectives d'augmentation de l'activité sous monopole des avocats aux Conseils apparaissent donc limitées.
247. Si le principe d'un filtrage strict des pourvois devant la Cour de cassation a été finalement écarté au profit d'un traitement différencié des pourvois et d'une modernisation des procédures juridictionnelles, d'autres réformes, comme celle visant à réduire le contentieux ou encore celle portant sur la procédure d'appel, pourraient impacter l'activité de la haute juridiction. Aucune baisse significative n'est toutefois, pour le moment, à prévoir. Compte tenu de ces éléments, le contentieux devant la Cour de cassation devrait donc rester relativement stable ou connaître une légère inflexion au cours des prochaines années, tandis que le contentieux devant le Conseil d'Etat devrait rester stable.
248. Une analyse de l'impact de la crise sanitaire sur la demande permet de constater que le ralentissement de l'activité a été plus important devant la Cour de cassation, notamment en matière civile, que devant le Conseil d'Etat, qui connaît depuis le début de la crise une forte augmentation du nombre des référés qui compense, en partie, la baisse des affaires au fond. Pendant la période janvier-août 2020, l'activité globale du Conseil d'Etat a ainsi connu une baisse de 12 %, tandis que de celle de la Cour de cassation diminuent de 31 % par rapport à la même période en 2019. Il n'est pas exclu que ces baisses conjoncturelles soient compensées, à terme, par un rattrapage d'activité, dont l'ampleur et le calendrier ne peuvent toutefois être estimés avec un degré de précision suffisant.
249. L'évolution de la situation sur le plan sanitaire et ses répercussions sur l'économie, et in fine, sur l'activité des avocats aux Conseils, sont donc encore incertaines sans être pour autant très préoccupantes. Pour l'heure, les projections économiques prévoient une croissance du PIB au cours des deux prochaines années, sous réserve que la politique de vaccination envisagée par le gouvernement puisse être mise en œuvre et éviter une troisième vague de contaminations. Toutefois, la situation continue à évoluer de jour en jour. Nombreuses sont donc les incertitudes qui caractérisent les perspectives de rebond de l'économie française dans les années à venir. Une telle situation conduit par conséquent l'Autorité à émettre des recommandations de créations d'offices particulièrement prudentes pour les deux prochaines années.
Synthèse |
Sur la période 2015-2019, les résultats financiers des offices d'avocat aux Conseils, y compris ceux créés en 2017, étaient très satisfaisants. Compte tenu des évolutions constatées jusqu'à la fin de l'année 2019, l'hypothèse la plus probable, à l'horizon de deux ans du présent avis, est que le contentieux en matière de cassation, et donc l'activité sous monopole des avocats aux Conseils, connaîtra une relative stabilité, nonobstant une possible légère baisse du contentieux devant la Cour de cassation. A court terme, les données infra-annuelles actuellement disponibles pour l'année 2020 montrent néanmoins que la crise sanitaire a incontestablement eu un impact négatif sur l'activité des avocats aux Conseils. Compte tenu du caractère imprévisible de l'évolution de la pandémie et de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire à nouveau instauré en novembre 2020, un grand nombre d'incertitudes pèse sur le calendrier. |
IV. - Détermination du nombre recommandé de créations d'office
250. Malgré la situation économique toujours très favorable des offices (A), les incertitudes sur l'évolution de la demande conduisent à conserver une attitude prudente dans la formulation des recommandations de créations d'offices d'avocats aux Conseils (B).
A. - Un potentiel toujours très fort pour l'accroissement de l'offre
251. Comme dans ses précédents avis, l'Autorité constate que les offices de prestations d'avocats aux Conseils, du fait de la conjonction de leur petit nombre (68), d'une situation de monopole et d'une grande liberté en matière de tarification (non réglementée) comme de gestion (recours à des collaborateurs rémunérés au dossier), bénéficient d'un taux de marge et d'une rémunération extrêmement favorables.
252. S'il est constaté une certaine hétérogénéité des offices, les taux de marge et les bénéfices par associé sont très élevés dans l'ensemble des offices, avec un niveau médian stabilisé autour de 43 %. Sur la période 2015-2019, un office d'avocat aux Conseils réalise ainsi un chiffre d'affaires médian de plus de 1,25 million d'euros, et un résultat net médian de plus de 621 000 euros. Enfin, les quatre offices créés en 2017 semblent avoir réussi leur démarrage et ont connu une croissance rapide entre 2017 et 2019.
253. L'installation de nouveaux offices depuis 2017 ne semble donc pas avoir compromis les performances économiques, toujours très satisfaisantes, des offices en place, ni mis en difficulté les nouveaux entrants. A terme, cette analyse plaide - comme la loi le prévoit - en faveur d'une plus large ouverture de la profession à de nouveaux membres, à travers la création d'offices, d'autant que les nouveaux offices estiment pouvoir consacrer personnellement plus de temps à l'examen de chaque dossier et aux relations avec leurs clients. Or, un examen individualisé et approfondi de chaque dossier par un avocat aux Conseils est le gage d'une contribution de qualité à la bonne administration de la justice, compte tenu de leur haut degré d'expertise et de la valeur ajoutée de leur formation et de leur expérience professionnelle.
B. - Les facteurs justifiant une approche prudente
254. Malgré cette situation financière favorable, la profession est néanmoins impactée par trois facteurs justifiant une approche prudente de l'Autorité en matière de recommandations de créations d'offices pour la période 2021-2023.
255. Premièrement, à court terme, la profession est affectée négativement par la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19. En effet, les pourvois en cassation se sont fortement contractés suite au ralentissement conjoncturel des activités juridictionnelles devant la Cour de cassation et le Conseil d'Etat à partir de mars 2020, alors qu'une grande majorité des affaires traitées par la profession relèvent du monopole de représentation devant les hautes juridictions. Les auditions menées par l'Autorité ont ainsi permis de constater une baisse importante des dossiers traités par les offices depuis mars 2020.
256. Deuxièmement, à plus long terme, tandis que la demande de prestations des justiciables devant le Conseil d'Etat connaît une certaine croissance depuis 2017 (cette tendance haussière tendant à se renforcer avec l'attrait des justiciables pour les procédures d'urgence, comme les référés), les activités devant la Cour de cassation ont, en revanche, baissé ces dernières années, en partie en raison des différentes réformes de la procédure civile qui sont intervenues et qui avaient pour objectif de désengorger les juridictions judiciaires. Pour la profession, la hausse des contentieux administratifs ne compense pas, structurellement, la baisse des dossiers en matière civile, le volume d'affaires étant traditionnellement trois fois plus important dans l'ordre judiciaire que dans l'ordre administratif. Ainsi, globalement, les dossiers enregistrés devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont diminué de 8 % entre 2017 et 2019.
257. L'Autorité entend prendre en compte ces éléments à l'horizon de deux ans pour lequel elle formule des recommandations. En dépit des facteurs favorables, les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation restent très dépendants de l'activité de cassation devant les hautes juridictions, n'ayant en effet que peu de possibilités de développer leur activité devant d'autres juridictions. Hors monopole, ils sont d'ailleurs en concurrence avec de nombreux avocats à la Cour (plus de 28 000 avocats pour le seul barreau de Paris).
258. Troisièmement, l'Autorité note que le vivier des nouveaux avocats aux Conseils reste toujours limité, en raison du nombre réduit de nouveaux titulaires du CAPAC chaque année, ce qui restreint de facto les perspectives de croissance du nombre des nouveaux avocats aux Conseils dans les deux années à venir.
259. Ainsi, si l'Autorité relève que la création de nouveaux offices reste justifiée pour faciliter l'accès à la profession des diplômés du CAPAC, compléter la palette de l'offre disponible et favoriser la concurrence sur les honoraires pratiqués, ce qui permettra un accès plus aisé des justiciables au juge de cassation, une approche prudente et progressive semble, au regard des éléments précédemment exposés, pleinement justifiée pour la fixation du nombre d'offices à créer au cours des deux prochaines années.
260. L'Autorité propose ainsi, dans le délai de deux ans prévu pour la présente recommandation, la création de 2 offices.
261. Cette proposition mesurée, qui tient compte du contexte exceptionnel découlant de la crise sanitaire et ne conduit qu'à un accroissement d'environ 3 % du nombre d'offices, n'est de nature à conduire à une dégradation significative :
- ni de la situation financière des offices existants ;
- ni des autres critères retenus pour définir la bonne administration de la justice (qualité des prestations rendues par ces professionnels, maintien de l'obligation de « déconseil » pour éviter un encombrement des juridictions, maintien des relations de confiance avec les juridictions) ;
- ni des chances de développement de ces nouveaux offices.
L'Autorité recommande dans le délai de deux ans, la création de 2 nouveaux offices d'avocat aux Conseils. |
V. - Autres recommandations de l'Autorité
262. Conformément à l'article L. 462-4-2 du code de commerce, l'Autorité est chargée de faire « toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices ».
263. Si certaines des précédentes recommandations de l'Autorité ont déjà été prises en compte (A), il convient d'effectuer un nouveau bilan en matière d'accès aux offices (B), certaines mesures complémentaires pouvant encore améliorer le dispositif régissant la liberté d'installation des avocats aux Conseils (C).
A. - Les efforts déployés par l'Ordre et la Chancellerie pour mettre en œuvre les recommandations des avis précédents
264. L'Autorité a déjà émis plusieurs séries de recommandations dans ses précédents avis de 2016 (1) et de 2018 (2), dont plusieurs ont été prises en compte et suivies de mesures ou de modifications des textes concernés. L'Autorité salue à ce titre les efforts déployés par l'Ordre et la Chancellerie, qui ont permis des avancées très significatives dans la modernisation de la profession et l'accompagnement des offices créés dans leur développement.
1. Les recommandations issues de l'avis n° 16-A-18
265. Dans son avis n° 16-A-18 précité, l'Autorité avait formulé un certain nombre de recommandations qualitatives pour améliorer la transparence de la procédure de créations d'offices et limiter les risques de restriction d'accès à cette profession. Elle a notamment recommandé d'allonger le délai de dépôt des candidatures et de rendre public le classement des candidats aux offices créés, de réduire les barrières à l'entrée pour ces candidats, notamment en matière de formation et de publicité, de mieux faire connaître la profession aux étudiants en droit et aux avocats à la Cour, afin d'élargir le vivier des futurs candidats à l'installation et d'améliorer l'accès des femmes aux offices, en renforçant les dispositifs permettant de mieux concilier vie professionnelle et vie privée dans cette profession libérale, et en améliorant l'information statistique par sexe sur l'accès à la profession.
266. A la suite de la publication de cet avis, l'Ordre a indiqué avoir mis en œuvre plusieurs de ces recommandations. En particulier, il a pris différentes mesures visant à :
- informer les titulaires du CAPAC lorsqu'un office recherche un associé ou un successeur ;
- modifier le règlement intérieur de l'IFRAC, en confiant sa gestion à un conseil d'administration indépendant de l'Ordre et en permettant la suspension de la scolarité pour motif légitime, en vue de faciliter notamment la conciliation de ce type de formation avec des projets familiaux ; à ce titre, la formation à l'IFRAC a été aménagée afin d'accommoder, notamment les projets familiaux ;
- renforcer ses actions de communication à destination des étudiants, permettant une augmentation du nombre des candidats inscrits à l'IFRAC ;
- assouplir les conditions de publicité des offices, avec la modification de certaines règles du règlement général de déontologie.
267. En outre, en 2019 et en 2020, le gouvernement a amendé plusieurs dispositions réglementaires relatives à la formation des avocats aux Conseils, en prévoyant notamment :
- la modification, par le décret n° 2019-820 du 2 août 2019 de la composition du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui ne compte plus que trois avocats aux Conseils sur huit membres (voir paragraphes 16 et suivants du présent avis) ;
- la modification, par le décret n° 2020-746 du 17 juin 2020 des règles de gouvernance de la formation des avocats aux Conseils, l'IFRAC étant désormais doté d'une autonomie de gestion, ainsi que du déroulé de la formation, que les personnes admises peuvent désormais suspendre jusqu'à un an sans avoir à justifier d'un « motif légitime », au lieu de trois mois auparavant (voir paragraphes 19 et suivants).
2. Les recommandations issues de l'avis n° 18-A-11
268. Dans son avis n° 18-A-11 précité, l'Autorité a salué les mesures prises par l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation pour prendre en compte les recommandations qualitatives formulées dans son avis de 2016.
269. L'Autorité a effectué de nouvelles recommandations complémentaires visant à rendre plus transparentes la sélection et la nomination des candidats aux offices créés, améliorer la collecte d'informations sur l'activité des offices, accroître la présence et la représentation des femmes dans la profession et, surtout, permettre un assouplissement des freins au développement d'une plus grande émulation concurrentielle dans ce marché.
270. En particulier, l'Autorité a relevé que certaines règles déontologiques relatives à la sollicitation personnalisée et à la confraternité avaient un caractère inutilement restrictif, et limitaient très fortement la concurrence directe entre avocats aux Conseils, en interdisant par exemple de reprendre un dossier sans accord préalable du confrère ou de la consœur en charge de ce dossier. Estimant que ces règles ne reposaient sur aucune justification objective ni nécessité et pénalisaient d'autant plus les nouveaux offices que ces derniers ne disposaient pas d'une clientèle préétablie, l'Autorité a ainsi recommandé de les modifier, afin que les nouveaux avocats aux Conseils nommés soient en mesure de se faire connaître et de développer leur clientèle plus aisément.
271. A la suite de ces recommandations, l'Ordre des avocats aux Conseils a modifié plusieurs articles du règlement général de déontologie, ce dont l'Autorité se félicite, et notamment :
- certaines règles encadrant la communication des avocats aux Conseils, concernant notamment la possibilité de publier des avis de presse, de faire figurer des plaques extérieures ou d'effectuer de la sollicitation personnalisée sans avoir à communiquer la liste des destinataires à l'Ordre (voir paragraphes 33 et suivants du présent avis) ;
- certaines règles de confraternité, notamment la suppression de la nécessité d'obtenir l'accord de son prédécesseur pour succéder à un confrère dans un dossier (voir paragraphes 38 et suivants du présent avis).
B. - Bilan et perspectives en matière d'accès aux offices d'avocat aux Conseils
272. A la lumière des actions entreprises et des modifications déjà apportées à la réglementation, il convient d'effectuer un nouveau bilan en matière d'accès aux offices d'avocats aux Conseils à l'aune de différents paramètres : l'information des candidats sur les conditions, le calendrier et les modalités d'examen des demandes de créations d'offices (1), le suivi des données relatives à l'économie de la profession (2), les règles de communication (3) ou encore la parité entre les femmes et les hommes au sein de la profession (4). Au regard de ce bilan, l'Autorité invite les différentes parties prenantes à réfléchir à de possibles améliorations qui pourraient encore être utilement apportées au dispositif en vigueur.
1. L'information délivrée aux candidats aux offices d'avocat aux Conseils
273. Pour l'élaboration du présent avis, l'Autorité a de nouveau examiné les conditions dans lesquelles les professionnels peuvent être amenés à se porter candidats, notamment en ce qui concerne l'information dont ils disposent sur les conditions requises pour former une demande de création d'office (a), l'état d'avancement de leur dossier (b) ou les critères d'examen de leur candidature (c). Des améliorations pourraient, dans certains cas, être envisagées sur ces différents points.
274. Enfin, l'Autorité a constaté que le dispositif mis en place pour rendre publiques les opportunités de reprise ou d'association au sein d'offices existants s'avère satisfaisant (d). Ce dispositif devrait, par conséquent, être pérennisé.
a) Information des candidats sur les conditions requises pour former une demande de création d'office
275. Le deuxième alinéa de l'article 25 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation prévoit que toute demande de nomination dans un office créé « est transmise dans les conditions fixées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, accompagnée des pièces justificatives ».
276. Les pièces justificatives sont nécessaires au ministre de la justice pour vérifier que le candidat remplit bien les « conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour l'exercice de la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation » prévues par la loi (136).
277. Au regard des dispositions précitées, l'Autorité avait relevé, dans son avis n° 16-A-18, qu'il demeurait une incertitude concernant la liste des pièces justificatives qui doivent être présentées par un candidat à l'installation dans un office créé à l'appui de sa demande de nomination. Craignant que ce manque de précision puisse entraîner des difficultés pour les candidats (qui doivent constituer dans un délai contraint leur dossier, dont la recevabilité peut être compromise s'il n'est pas jugé complet par la Chancellerie), l'Autorité avait recommandé que les pièces justificatives requises soient précisées par arrêté. Elle avait également souligné que cet arrêté ne devait pas ériger de nouvelles barrières à l'installation, par exemple en imposant la production de documents justifiant d'une expérience professionnelle dans un office d'avocat aux Conseils d'une durée excessive.
278. A ce jour, aucun arrêté n'a été adopté en ce sens et la Chancellerie a indiqué que l'adoption d'un tel arrêté n'était pas envisagée, dès lors que la fourniture de pièces était « libre et facultative », avant de préciser que si une pièce justificative supplémentaire s'imposait, elle serait demandée au candidat.
279. Dans un souci de transparence et de fluidité de la procédure, l'Autorité encourage la Chancellerie à continuer d'informer au mieux les candidats sur la constitution de leur dossier de candidature. Si la forme prise par cette information importe peu (il peut tout aussi bien s'agir d'un arrêté listant les pièces justificatives à fournir à l'appui des candidatures, d'une mention sur le site OPM, ou d'un échange de courriels avec les candidats), il est primordial que les candidats aux offices d'avocat aux Conseils disposent d'une information claire et précise sur les règles applicables.
280. De la même façon, l'information effective des candidats doit continuer d'être assurée concernant le délai de dépôt des candidatures, prévu par l'article 25 du décret n° 91-1125 précité, qui est de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité de la concurrence au Journal officiel.
281. En effet, à la suite de la publication de chaque avis de l'Autorité, le ministre de la justice a adopté un arrêté portant création d'offices au regard des besoins identifiés par l'Autorité. Si, en 2016, cet arrêté est intervenu un mois après la parution de l'avis de l'Autorité au JORF, en 2019, il a été adopté le 22 mars, soit presque trois mois après l'expiration du délai de candidature aux offices créés. Il ressort des éléments recueillis lors de l'instruction que ce décalage a pu être source de confusion pour certains candidats à l'installation, conduisant à un dépôt de candidature tardif.
282. Par conséquent, l'Autorité estime souhaitable de continuer à informer clairement les candidats, lors de l'ouverture de la procédure de nomination, de ce que le point de départ du délai de candidature court à compter de la publication de l'avis de l'Autorité. A cet égard, l'Autorité note avec satisfaction que le Conseil de l'Ordre a indiqué qu'il était disposé à écrire à tous les titulaires du CAPAC pour les informer de ce délai après la publication du nouvel avis de l'Autorité (137), ce qui paraîtrait une mesure d'information appropriée.
b) Information sur le calendrier d'instruction des candidatures
283. En application des dispositions du I de l'article 3 de l'ordonnance du 18 septembre 1817, le ministre de la justice nomme les titulaires d'offices d'avocats aux Conseils créés au vu des besoins identifiés par l'Autorité, soit au cours des deux mois suivant la publication des recommandations de l'Autorité, soit dans le cadre d'un appel à manifestation d'intérêt (138).
284. Dans son avis n° 18-A-11, l'Autorité avait relevé que plusieurs candidats aux offices créés à la suite de son avis n° 16-A-18 avaient regretté un manque d'information concernant l'état d'avancement de leur dossier et de la procédure de nomination. Ainsi, sans nouvelles de leur dossier pendant plusieurs mois, les candidats avaient dû fournir dans un délai très court des pièces complémentaires, sans savoir si leur candidature serait retenue, et n'avaient pas reçu d'autres informations, jusqu'à la publication de leur nomination au JORF.
285. L'Autorité avait ainsi recommandé d'apporter, à échéances plus régulières, une information plus précise aux candidats aux offices créés sur l'état d'avancement de leurs demandes, les dates de réunions de la commission de classement et les dates prévisionnelles de nomination, rappelant que pour les notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires, les grandes étapes de l'instruction des dossiers étaient rendues publiques à travers l'application OPM.
286. Il ressort de l'instruction que le manque de visibilité sur l'état d'avancement de leur candidature et la date prévisionnelle de nomination constitue toujours une difficulté pour certains candidats, notamment dans le cadre du lancement de leur activité. Après avoir postulé en décembre 2018, des candidats ont ainsi indiqué n'avoir reçu, jusqu'en avril 2019, aucune information sur l'état d'avancement de leur dossier ou le délai dans lequel leur nomination pourrait intervenir, et n'avoir été prévenus que trois jours avant la publication de leur nomination au JORF. Or, une telle information apparaît d'autant plus importante qu'elle leur permettrait de mieux s'organiser pour répondre aux contraintes liées à la création d'une entreprise (obtention d'un prêt, location d'un domicile professionnel…) et de mieux préparer le lancement de leur activité.
287. Lors de l'instruction, la Chancellerie a indiqué travailler à la mise en place prochaine d'un dispositif permettant de mieux informer les candidats sur l'état d'avancement de l'instruction des candidatures.
288. L'Autorité se réjouit de cette initiative et souhaite que cette information renforcée des candidats sur les différentes étapes de la procédure de nomination et sur l'état d'avancement de l'instruction des candidatures puisse s'appliquer aux offices créés au cours de la prochaine période biennale 2021-2023.
c) Modalités d'examen des demandes de nomination
289. L'article 26 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 prévoit que, dans le cadre de l'examen des demandes de nomination, le ministre de la justice peut recueillir l'avis motivé du Conseil de l'Ordre dans les conditions prévues par l'article 22 du même décret, relatif aux nominations sur présentation. En vertu de cet article, cet avis motivé porte « sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés ».
290. Dans son avis n° 16-A-18 précité, l'Autorité avait considéré que, s'agissant d'une nomination dans un office créé, et donc sans l'exercice d'un droit de présentation supposant une contrepartie financière comme dans les cas d'un office existant, rien ne justifiait que le ministre de la justice procède à un contrôle des possibilités financières du demandeur, ni que le conseil de l'Ordre émette un avis sur ces dernières. Elle avait ainsi proposé que les dispositions concernées soient alignées sur les dispositifs applicables aux autres officiers ministériels concernés par la liberté d'installation (notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires), exempts de ce critère, et modifiées afin que l'avis du Conseil de l'Ordre ne porte plus sur les possibilités financières du demandeur.
291. Dans le cadre de l'instruction, le Conseil de l'Ordre a indiqué que, même si une installation dans un office créé entraîne un certain nombre de charges, le critère des possibilités financières ne lui paraissait pas très pertinent dans ce cas précis. Il a également confirmé que, dans les faits, ce critère n'était pas pris en compte pour l'examen des candidatures dans un office créé.
292. L'Autorité considère que, dès lors que ce critère des « possibilités financières » n'est pas, en pratique, pris en compte par le Conseil de l'Ordre pour rendre l'avis prévu à l'article 26 du décret du 28 octobre 1991 précité, il ne saurait être mobilisé par la commission de classement et le ministre de la justice pour départager les candidatures aux offices créés. Sans qu'elle présente d'acuité particulière, la question de l'intérêt de conserver dans la règlementation des dispositions superflues pourrait, dès lors, également se poser.
d) La diffusion d'informations sur les opportunités de reprise ou d'association au sein d'offices existants
293. Dans son avis n° 16-A-18 précité, l'Autorité avait relevé, dans le cadre de la consultation publique, que certains avocats aux Conseils déploraient le manque d'informations disponibles sur les opportunités de reprise ou d'association au sein des offices existants. Elle avait donc recommandé de diffuser ces informations aux personnes remplissant les conditions pour exercer la profession.
294. Dans son avis n° 18-A-11 précité, l'Autorité avait salué la décision du Conseil de l'Ordre du 21 septembre 2017, en vertu de laquelle le président de l'Ordre diffuse un avis à tous les titulaires du CAPAC, lorsqu'un avocat aux Conseils recherchait un associé ou un successeur.
295. Dans le cadre de la présente instruction, le Conseil de l'Ordre a indiqué avoir diffusé, depuis le précédent avis de l'Autorité, deux nouveaux avis de départ, dont l'un a pu aboutir à une succession.
296. L'Autorité se félicite qu'un dispositif améliorant de façon sensible l'information des diplômés du CAPAC quant aux opportunités d'association dans les offices existants ait pu être mis en place par le conseil de l'Ordre. Ce type d'initiative, à inscrire dans la durée, est de nature à remédier à certains freins à l'installation dont avaient fait part plusieurs membres de la profession.
2. La transmission de données à l'Autorité
297. Afin d'apprécier utilement le niveau et les perspectives d'évolution de l'offre, critère nécessaire à l'identification du nombre d'offices d'avocats aux Conseils permettant d'assurer une offre de services satisfaisante, l'Autorité analyse, notamment, les données comptables des offices. Or, cette analyse est d'autant plus pertinente qu'elle repose sur des données complètes, détaillées et transmises régulièrement à l'Autorité.
298. A cet égard, l'Autorité loue l'excellente coopération de l'Ordre, qui a mandaté un cabinet d'expertise-comptable pour recueillir et transmettre ces données à l'Autorité, tout en assurant leur confidentialité à l'égard des professionnels concernés comme de leurs instances. En effet, ces données ne sont à aucun moment communiquées à l'Ordre lui-même, y compris de manière anonyme, afin d'éviter de porter des informations couvertes par le secret des affaires à la connaissance d'autres professionnels.
299. En raison du contexte exceptionnel résultant de la crise sanitaire, les données comptables n'ont pas pu être communiquées en milieu d'année pour l'exercice 2020, comme cela avait été le cas pour les précédents avis. L'Autorité salue cependant les efforts très importants fournis pour les collecter et les lui communiquer dans les meilleurs délais. Rappelons qu'en raison de cette crise, les entreprises se sont vu octroyer un délai supplémentaire de trois mois pour faire approuver et déposer leurs comptes (139). Aussi, après collecte et traitement, l'expert-comptable mandaté par l'Ordre a été en mesure de procéder à la transmission de ces données entre fin septembre et mi-octobre 2020.
300. S'agissant de la démographie de la profession, l'Ordre a ailleurs indiqué qu'il adresserait à l'Autorité tous les six mois une information sur l'évolution du nombre des offices et des avocats aux Conseils, afin de lui permettre de suivre au mieux les effectifs de la profession.
301. Par ailleurs, même si l'Ordre a indiqué ne pas envisager à ce stade la mise en œuvre d'une comptabilité analytique au motif qu'il entraînerait des charges administratives et comptables jugées « disproportionnées », il pourrait néanmoins utilement développer un outil commun à la profession, permettant de recueillir de manière exhaustive et automatisée des données de performance économique des offices. Cet outil pourrait être conçu pour permettre aux offices - et à l'Autorité - de mieux apprécier leurs activités, au travers de paramètres plus fins, par exemple la ventilation de chiffre d'affaires en fonction du type de dossier et des juridictions, la rémunération par type de dossier, le rôle des collaborateurs, ou les charges inhérentes à l'activité monopolistique.
302. Enfin, la Chancellerie a indiqué à cet égard qu'un projet d'arrêté visant à compléter le dispositif de recueil de données économiques auprès des professionnels du droit était en cours d'étude, dans le but de permettre une ventilation du chiffre d'affaires des professionnels par prestation, ainsi qu'une volumétrie des actes. L'étude en cours pourrait utilement examiner l'opportunité d'appliquer aux avocats aux Conseils ce dispositif de transmission d'informations économiques détaillées au niveau de chaque office.
3. Les règles déontologiques encadrant la communication et la confraternité
303. Dans son avis n° 18-A-11 précité, l'Autorité avait relevé que l'implantation des nouveaux offices se heurtait à la difficulté que rencontraient les nouveaux avocats aux Conseils pour développer leur clientèle, notamment en raison d'un fort taux de fidélisation de clientèle des offices existants, l'existence de réseaux de correspondants déjà bien établis et de la préférence de la clientèle institutionnelle pour les structures anciennes et de taille importante. A cet égard, elle avait souligné que certaines règles déontologiques, relatives à la communication (a) et à la confraternité (b), posaient des freins non justifiés au développement des nouveaux offices. Elle avait ainsi appelé à modifier ces règles. Depuis lors, le cadre juridique encadrant la communication et la confraternité a été largement révisé.
a) Les règles encadrant la communication
304. Les recommandations de l'Autorité relatives aux règles encadrant la communication des avocats aux Conseils ont conduit à la modification de plusieurs dispositions du code général de déontologie applicable à la profession. Ainsi, les règles concernant la publication d'avis de presse, les plaques extérieures, et les mentions dont les avocats aux Conseils peuvent se prévaloir dans leur communication ont été assouplies (voir paragraphes 33 et suivants du présent avis). En outre, les avocats aux Conseils n'ont plus l'obligation de transmettre l'identité des destinataires de leur sollicitation personnalisée au président de l'Ordre (voir paragraphe 37).
305. L'Autorité salue la prise en compte de ses précédentes recommandations. Toutefois, il ressort de l'instruction que les difficultés des nouveaux avocats aux Conseils liées au développement de leur clientèle persistent, l'activité restant fortement concentrée entre les cabinets existants.
306. Certains nouveaux avocats aux Conseils ont notamment souligné que la sollicitation personnalisée leur semblait inefficace ou inadaptée dans le cas de leur profession, dont le développement reposerait essentiellement sur le bouche-à-oreille et l'activation de réseaux personnels et professionnels. Ils ont également exprimé la crainte que ce type de démarche nuise à l'image de leur cabinet vis-à-vis des clients potentiels. En outre, les professionnels qui ont recours à la sollicitation personnalisée ont indiqué qu'elle ne leur aurait pas permis d'obtenir de nouveaux clients.
307. Par ailleurs, les avocats aux Conseils ne peuvent pas, à l'inverse des avocats à la Cour, se prévaloir dans leur communication de spécialités qui leur permettraient de se différencier (140), ou des références à leurs clients et aux dossiers traités par le passé, y compris en cas d'accord du client. L'Ordre ne souhaite pas que des avocats aux Conseils puissent valoriser des spécialités car, selon lui, un avocat aux Conseils qui se spécialiserait pour se distinguer de ses confrères sur le plan concurrentiel renoncerait de facto à intervenir soit devant le Conseil d'Etat, soit la Cour de cassation, et manquerait ainsi à son devoir institutionnel. En outre, il estime que cette situation aboutirait à un partage de l'activité par spécialités et à des quasi-monopoles entre les offices existants.
308. Toutefois, l'Ordre a précisé aux services d'instruction que « pour autant, un cabinet peut parfaitement indiquer, sur son site internet, qu'il intervient notamment dans tel ou tel domaine, sans pour autant laisser penser qu'il n'intervient pas dans les autres. De même, il peut indiquer avec quels types de clients il travaille, sans pour autant donner le nom de ses clients ce qui constituerait une violation du secret professionnel ». L'Autorité constate donc que, dès lors qu'ils seront informés que de telles mentions sont expressément autorisées par l'Ordre, les avocats aux Conseils seront techniquement en mesure d'informer leurs clients potentiels sur leur expérience professionnelle.
309. Enfin, la procédure de contrôle des sites internet, qui imposait aux avocats aux Conseils de soumettre leur projet au président de l'Ordre au moins un mois avant la mise en ligne du site, a récemment été modifiée à la suite de la recommandation de l'Autorité de remplacer cette procédure d'agrément par un contrôle a posteriori (141). L'article 99 du règlement général de déontologie prévoit ainsi désormais qu'un professionnel qui ouvre ou modifie substantiellement son site internet « doit en informer le président de l'Ordre et lui permettre d'y accéder ». Toutefois, dans les faits, il ressort de l'instruction que ce contrôle continuerait à s'appliquer avant la mise en ligne du site, celui-ci conduisant dans 50 % des cas à des demandes de modifications par l'Ordre.
310. A cet égard, l'Ordre a indiqué que l'information pouvait lui être délivrée soit avant, soit après la mise en ligne du site et que ce choix était laissé à l'appréciation des avocats aux Conseils concernés. L'Autorité salue les modifications opérées dans le règlement général de déontologie et considère qu'il est, en effet, important que les avocats aux Conseils soient informés qu'ils sont libres de soumettre le contenu de leur site à l'Ordre au moment de leur choix, et notamment après la mise en ligne, afin d'éviter toute forme d'autolimitation dans la communication.
b) Les règles encadrant la confraternité
311. Les recommandations de l'Autorité visant certaines règles de confraternité ont également été suivies, l'Ordre ayant retiré du règlement général de déontologie les articles 65, 66 et 67, qui visaient à empêcher les professionnels de traiter avec un nouveau client si celui-ci était déjà client d'un autre confrère (voir paragraphes 38 et suivants). Ainsi, un avocat aux Conseils nouvellement saisi n'est plus tenu d'obtenir l'accord du confrère auquel le dossier est confié mais simplement de l'« en informer » (142).
312. L'Autorité se félicite de la suppression de ces articles, qui apparaissaient trop restrictifs et disproportionnés par rapport à l'objectif poursuivi. Toutefois, elle relève qu'un nouvel article a été inséré dans le règlement général de déontologie pour interdire « tout acte de concurrence déloyale » (143), introduction justifiée par l'Ordre par la nécessité de compléter le cadre juridique applicable (144) avec la possibilité de sanctionner disciplinairement (un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire ou une radiation) en raison de comportements déloyaux. A cet égard, l'Autorité souligne que la notion de concurrence déloyale mentionnée à cet article doit être identique à celle retenue dans la jurisprudence. Elle ne saurait, par exemple, conduire à sanctionner au plan disciplinaire des comportements auparavant interdits par les anciens articles 65 à 67 récemment supprimés.
4. L'accès des femmes aux offices
313. En octobre 2020, 35 femmes exerçaient la profession d'avocat aux Conseils, soit 28 % des effectifs totaux de la profession (125 avocats aux Conseils) (145). A cet égard, si l'Autorité avait relevé en 2018 une progression du nombre de femmes exerçant la profession, celles-ci représentant 27 % des effectifs, contre 23 % en 2015 et seulement 17 % en 2005, cette proportion est restée quasiment stable entre 2018 et 2020. Ainsi, parmi les cinq avocats aux Conseils nommés dans un office créé en 2019, seule une femme a intégré la profession.
314. Cette proportion reste nettement inférieure à la part des femmes parmi les candidats au CAPAC, en moyenne de 40 % sur les onze dernières années, de même que celle des femmes parmi les diplômés du CAPAC, en moyenne de 37 % sur les dix dernières années.
Tableau 23. - Part des femmes dans les candidats et les diplômés du CAPAC
Candidats au CAPAC |
Nouveaux titulaires du CAPAC |
|||||
---|---|---|---|---|---|---|
Années |
Femmes |
Hommes |
% femmes |
Femmes |
Hommes |
% femmes |
2009-2010 |
10 |
10 |
50 % |
3 |
4 |
43 % |
2010-2011 |
5 |
9 |
36 % |
3 |
3 |
50 % |
2011-2012 |
7 |
8 |
47 % |
3 |
4 |
43 % |
2012-2013 |
3 |
7 |
30 % |
2 |
3 |
40 % |
2013-2014 |
1 |
6 |
14 % |
0 |
3 |
0 % |
2014-2015 |
4 |
5 |
44 % |
1 |
4 |
20 % |
2015-2016 |
3 |
3 |
50 % |
1 |
2 |
33 % |
2016-2017 |
9 |
9 |
50 % |
3 |
2 |
60 % |
2017-2018 |
5 |
8 |
38 % |
0 |
2 |
0 % |
2018-2019 |
5 |
5 |
50 % |
4 |
1 |
80 % |
2019-2020 |
4 |
8 |
33 % |
NC |
NC |
NC |
Moyenne |
5,1 |
7,1 |
40 % |
2,0 |
2,8 |
37% |
Source : Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.