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Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


d) Les réformes susceptibles d'affecter l'activité des avocats aux Conseils


211. En 2018, l'Autorité avait relevé que plusieurs réformes récentes ou en cours étaient susceptibles d'avoir des effets sur le volume des pourvois et donc sur l'activité des avocats aux Conseils. Tout d'abord, elle avait noté l'adoption de certaines mesures visant à favoriser la conciliation et, partant, à réduire le contentieux, notamment le contentieux devant les prud'hommes (128) ou le contentieux de première instance (129).
212. Poursuivant les objectifs définis par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du xxie siècle, la loi de programmation et de réforme de la justice du 23 mars 2019 a effectivement élargi le champ des modes alternatifs de règlement des différends. Ainsi, elle a notamment étendu l'obligation pour les justiciables de tenter une résolution amiable de leur différend avant de recourir au juge (130). Elle permet désormais au juge, lorsqu'il estime qu'une résolution amiable du litige est possible et s'il n'a pas recueilli l'accord des parties, de leur enjoindre de rencontrer un médiateur qu'il désigne.
213. L'Autorité avait également relevé que l'impact de cette réforme ne devrait pas être majeur sur l'activité des avocats aux Conseils, dans la mesure où le type de litiges visé ne va que très exceptionnellement jusqu'à la cassation.
214. Par ailleurs, l'Autorité avait souligné l'incertitude sur l'évolution du nombre de pourvois que faisait peser le projet de réforme de la Cour de cassation envisagé par le Premier président Louvel, qui envisageait en particulier la mise en place d'un système de forte sélection des pourvois, sur le modèle de la Cour Suprême des Etats-Unis.
215. En septembre 2019, un rapport remis par M. Henri Nallet au garde des sceaux sur les principes et les modalités d'une possible réforme du pourvoi en cassation (131) a écarté cette option au profit d'un système d'admission et de parcours différencié selon la nature des pourvois.
216. Pour poursuivre et achever ces réflexions, un rapport établi par un groupe de travail constitué au sein de la Cour de cassation par la première présidente, Mme Chantal Arens, a recommandé, en juin 2020, « la mise en place d'un circuit différencié de traitement des pourvois dans la suite des travaux de la commission Nallet » (132). Suivant ces orientations, la première présidente de la Cour de cassation a, en juillet 2020, diffusé aux magistrats du siège, au procureur général et à la direction du greffe une note de mise en œuvre, à droit constant, d'une partie de ces propositions afin de traiter les pourvois introduits à compter du 1er septembre 2020. La Cour de cassation a également indiqué que les évolutions qui supposent une réforme législative seront abordées, quant à elles, dans un second temps (133).
217. Ainsi, trois circuits différenciés de traitement des pourvois ont été instaurés - court, intermédiaire et approfondi - pour ajuster les moyens employés pour résoudre le litige en fonction du degré de complexité qu'il présente.
218. Le circuit « court » permet de juger rapidement des pourvois qui ne posent aucune difficulté particulière, notamment en cas de rejet. Dans son rapport de juin 2020 consacré aux méthodes de travail, le groupe de travail de la Cour de cassation envisage que les décisions relevant du circuit « court » soient rendues sans audience, par ordonnance du président de chambre ou de son délégué statuant à juge unique. Ce changement nécessiterait une réforme législative et réglementaire : une modification de l'article L. 431-1 du code de l'organisation judiciaire relatif aux affaires examinées en formation restreinte, de l'article 1014 du code de procédure civile relatif aux décisions de rejet non spécialement motivées, et de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale relatif aux décisions de non-admission.
219. Le circuit « intermédiaire » concerne les affaires dont la portée normative dépasse le seul cas d'espèce.
220. Enfin, le circuit « approfondi » concerne les affaires posant une question de droit nouvelle, d'actualité jurisprudentielle, récurrentes, ayant un impact important pour les juridictions du fond ou susceptibles d'entraîner un revirement de jurisprudence.
221. Une séance d'instruction, collégiale, a été créée sur le modèle de ce qui existe au Conseil d'Etat pour les affaires relevant du circuit approfondi et, le cas échéant, pour celles relevant du circuit intermédiaire. Pour les dossiers à forts enjeux économique, social ou sociétal, ou susceptibles d'avoir un impact important sur les juridictions du fond, la Cour de cassation mettra en œuvre une procédure interne adaptée pour en juger dans des délais réduits.
222. La Cour de cassation indique notamment que ces nouvelles méthodes de travail « ont été largement approuvées par les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ». Interrogé sur ce point par les services d'instruction, l'Ordre des avocats aux Conseils a estimé, notamment lors de son audition en séance, que ce nouveau système n'aboutirait pas à une baisse du nombre de pourvois, en émettant toutefois une réserve sur l'impact du circuit court qui pourrait, selon lui, dissuader certains pourvois mais qui, en tout cas, n'impacterait pas les modalités d'intervention des avocats aux Conseils devant la Haute juridiction judiciaire.
223. Par ailleurs, l'Ordre a souligné que, malgré l'abandon du projet de filtrage des pourvois, le nombre de pourvois en matière civile devrait continuer à décliner en raison des nombreuses réformes de la procédure civile, notamment celles visant à réduire le contentieux ou encore celle renversant le principe de l'effet suspensif de l'appel. Ainsi, depuis le 1er janvier 2020, les décisions de justice sont exécutoires de plein droit et l'effet suspensif de l'appel devient l'exception, ce qui, selon l'Ordre, devrait entraîner une baisse significative du nombre de pourvois (134). L'Autorité n'est pas en mesure, en l'état, de vérifier ces prévisions.


3. L'impact de la crise sanitaire sur la demande de prestations


224. En complément de ces évolutions structurelles susceptibles d'influer à terme sur la demande de prestations adressée aux avocats aux Conseils, l'Autorité a fait le choix de procéder cette année à une analyse conjoncturelle portant sur la période qui a suivi l'apparition de la crise sanitaire du covid-19 en mars 2020. Pour apprécier les conséquences potentiellement importantes de cette crise sur le fonctionnement des hautes juridictions, le champ de l'analyse de l'état des lieux de la demande a été étendu à des données infra-annuelles relatives à l'année 2020, en sus des données annuelles tirées des rapports publiés chaque année par le Conseil d'Etat et la Cour de cassation, comme le prévoit le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 précité.
225. Il ressort de cette analyse infra-annuelle qu'une baisse du nombre de pourvois a été constatée à la fois par le Conseil d'Etat et par la Cour de cassation en 2020. En revanche, l'activité des autres juridictions administratives semble avoir été moins impactée par la crise du covid-19. Toutefois, les évolutions constatées ne sont pas nécessairement liées, dans la mesure où les tribunaux administratifs peuvent avoir des référés sensibles qui ne feront pas l'objet d'un recours et inversement, certains recours sont traités directement par le Conseil d'Etat (135).
226. La grève des avocats à la Cour a également été invoquée lors des auditions par certains avocats aux Conseils comme un facteur d'aggravation de leur situation, étant intervenue juste avant la crise sanitaire, en tout début d'année 2020.
227. Les données transmises par le Conseil d'Etat sur le nombre d'affaires enregistrées permettent de distinguer les affaires traitées par le juge des référés de toutes les autres catégories d'affaires.
228. Le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a indiqué que le recours aux référés en premier ressort avait très sensiblement augmenté pendant la crise, passant de 105 en 2019 à 367 en 2020 (+ 250 %) et que cette tendance semble appelée à perdurer .


Figure 16. - Activité infra-annuelle 2020 en référé devant le Conseil d'Etat (en nombre d'affaires enregistrées jusqu'en août)



Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à partir de l'extrait du Journal officiel électronique authentifié accessible en bas de page


Source : Données transmises par le Conseil d'Etat en septembre 2020.