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Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


162. La situation financière de la profession a connu une dégradation assez nette au premier semestre 2020. En effet, sur les 54 offices qui ont répondu sur ce point, le chiffre d'affaires total au premier semestre s'élève à 50,3 millions d'euros. Sous l'hypothèse susmentionnée que le chiffre d'affaires moyen du second semestre sera identique à celui du premier - hypothèse qui tend toutefois à surestimer l'impact de la crise, le ralentissement d'activité lié aux mesures de confinement étant a priori d'une ampleur moindre à l'automne qu'au printemps 2020 (voir les points 83 à 106 ci-dessus) - le chiffre d'affaires annuel de ces offices s'établirait à 100,7 millions d'euros en 2020, contre 119,7 millions d'euros pour ces mêmes offices en 2019, soit une baisse de 15,8 %.
163. En particulier, les quatre nouveaux offices créés en 2017 ont réalisé un chiffre d'affaires total de 395 103 euros au premier semestre 2020. Ainsi, en retenant l'hypothèse précitée de l'égalité de chiffre d'affaires réalisé au premier et au second semestre, ces quatre offices réaliseraient un chiffre d'affaires de 790 216 euros en 2020, soit une baisse de 18,9 % par rapport à l'année 2019 (973 957 euros). Cependant, il faut souligner que ce niveau moyen cache une diversité de situations : tandis que l'office ayant été le plus impacté subirait une baisse de 47 % par rapport à 2019, un autre office connaîtrait, quant à lui, une croissance positive de près de 10 %.
164. De manière générale, en dépit de cette baisse non-négligeable d'activité, trois facteurs évoqués supra limitent le risque de difficultés financières que pourraient rencontrer les offices :


a) Premièrement, les offices ont pu ajuster dans une certaine mesure leurs honoraires par dossier à la hausse. Ainsi, sur les 34 offices dont l'Autorité dispose des données, la rémunération par dossier s'élève à 3 093 euros, soit un niveau supérieur au niveau moyen de ces mêmes offices en 2019, qui était de 2 935 euros par dossier, soit + 5,4 %.
b) Deuxièmement, les offices ont pu réduire certaines de leurs charges : sur les 54 offices pour lesquels l'Autorité dispose des données, la masse salariale moyenne par office s'élève à 148 692 euros, et les rétrocessions d'honoraires à 215 301 euros, au premier semestre 2020, en baisse respectivement de 24 % et 15 % par rapport à 2019 (sous l'hypothèse susmentionnée de non saisonnalité semestrielle des données).
c) Troisièmement, un nombre significatif d'offices a pu faire appel aux mesures d'aides financières mises en place par l'Etat : parmi les 55 offices ayant répondu sur ce point, 67 % ont déclaré avoir eu recours à la demande d'activité partielle, tandis que 49 % ont demandé un prêt garanti par l'Etat. Selon la Banque de France, au 4 décembre 2020, 38 offices d'avocats aux Conseils ont obtenu un prêt garanti par l'Etat, pour un encours total de 13 millions d'euros. Le prêt obtenu semble satisfaire leurs besoins de financement : la moyenne des prêts obtenus parmi les 26 offices ayant précisé le montant est de 362 423 euros, ce qui semble suffisant, compte tenu du maintien d'un certain niveau d'activité pour couvrir les loyers et charges locatives (en moyenne 53 893 euros), la rétrocession d'honoraires (en moyenne 220 169 euros) ou encore la masse salariale (149 054 euros en moyenne) du premier semestre.


165. Interrogé sur l'impact de la crise sur les offices, l'Ordre des avocats aux Conseils souligne qu'avec une baisse brutale et rapide de leur chiffre d'affaires du fait du ralentissement des activités judiciaires pendant la crise sanitaire, les offices devraient rencontrer des difficultés dans la gestion de leur trésorerie, dès lors que les encaissements ont beaucoup diminué et pourraient mettre du temps à se reconstituer. A ce titre, il ne peut être totalement exclu que, dans ce contexte de crise, certaines entreprises auteurs des pourvois puissent connaître des difficultés pour régler les honoraires dus. Par ailleurs, les offices ont dû se réorganiser pour s'adapter aux exigences du télétravail, notamment pour équiper le personnel (associés et salariés collaborateurs ou non collaborateurs) d'équipements informatiques. Si une reprise rapide de l'activité juridictionnelle devrait améliorer leur situation, l'Ordre estime que le rythme de cette reprise demeure encore incertain.
166. Par ailleurs, l'Ordre constate un nombre de retards de paiement des cotisations ordinales presque deux fois plus important en 2020 que les années précédentes. Alors qu'ils représentaient, 125 et 121 mois respectivement en 2018 et 2019, ce ratio est monté à 233 en 2020. Afin d'aider les offices à faire face à leurs difficultés de trésorerie, l'Ordre a ainsi indiqué avoir définitivement renoncé à percevoir les cotisations des mois de février à avril 2020.


Tableau 8. - Nombre d'offices n'ayant pas payé les cotisations ordinales 2018-2020


2018

2019

2020

Janvier

13

17

37

Mai

18

14

32

Juin

19

15

36

Juillet

33

37

54

Août

28

22

36

Septembre

14

16

38

Mois cumulés de retard de paiement

125

121

233


Source : L'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Note. - L'Ordre précise avoir renoncé à percevoir les cotisations des mois de février, mars et avril 2020, payables respectivement aux mois de mars, avril et mai. Pour que la comparaison ait un sens, elle a donc été limitée aux seuls mois de cotisations payables à la fois en 2018, 2019 et 2020.