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Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


127. Comme le montre la figure ci-dessus, les affaires enregistrées nettes devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont tendance à baisser depuis 2011, à l'exception des hausses d'activité observées en 2014 et 2016, sans que celles-ci remettent en cause cette dynamique décroissante à long terme. Ainsi, entre 2011 et 2019, les activités nettes devant ces deux juridictions sont passées de 39 075 à 33 994 affaires, soit une baisse de 13 %.
128. Parallèlement à cette érosion du nombre des affaires enregistrées, l'honoraire moyen par dossier connaît une tendance haussière sur la période de 2011 à 2019 : l'honoraire par dossier a crû de 2 634 euros à 2 879 euros, soit une augmentation nominale de plus de 9 % (soit + 1,2 % en termes réels, si on tient compte de l'érosion monétaire due à l'inflation sur la période, environ + 7,8 %).
129. Sur une période plus récente, on constate une baisse des honoraires moyens, mais elle est moins rapide que celle du nombre de dossiers : entre 2017 et 2018, le nombre net des affaires a diminué de 36 794 à 33 115, soit une baisse de 10 %. Sur la même période, l'honoraire moyen par dossier n'a baissé que très légèrement (- 3 %), passant de 3 019 à 2 940 euros. Par ailleurs, ces niveaux moyens peuvent masquer une spécialisation croissante de certains offices dans des contentieux plus rémunérateurs : en 2018, si l'honoraire moyen par dossier était de 1 737 euros pour les 10 % d'offices les moins chers (premier décile), soit un niveau comparable à la moyenne de la période 2013-2017 (1 768 euros), la rémunération moyenne par dossier des 10 % d'offices les plus chers (9e décile) a assez nettement augmenté, passant de 4 074 euros pour la période de 2013-2017 à 4 314 euros en 2018, soit + 6 %.
130. Ainsi, les données économiques récentes sur la rémunération par dossier confirment que les activités sous monopole assurent aux offices d'avocats aux Conseils des niveaux de chiffre d'affaires et de rentabilité moyens élevés, de fortes disparités pouvant néanmoins exister au sein de la profession. Le modèle d'organisation des offices d'avocats aux Conseils et la possibilité de moduler leurs honoraires offrent à ces professionnels des marges d'adaptation face aux aléas conjoncturels, et leur ont permis, par exemple, de maintenir à ce jour leur rentabilité, y compris en cas d'évolution à la baisse du volume du contentieux.


Un recours toujours très important aux collaborateurs libéraux


131. Pour le traitement des dossiers, les offices d'avocats aux Conseils s'appuient sur des collaborateurs, le plus souvent extérieurs et rémunérés par rétrocessions d'honoraires (fixes ou variables). Ces derniers sont chargés d'analyser les dossiers et de rédiger les écritures de la partie représentée par l'office, même si seul l'avocat aux Conseils a la capacité juridique de signer et présenter ces mémoires devant la juridiction concernée. L'article 45 du règlement général de déontologie prévoit même que « la mention du nom d'un collaborateur de son cabinet ne peut apparaître dans une pièce de procédure ou une correspondance officielle relevant de l'activité professionnelle de l'avocat aux Conseils ».
132. Pour les 52 offices dont l'Autorité dispose des données, le nombre de collaborateurs s'élevait en 2019 à 279 ETP. Cela représente une moyenne de 5,4 collaborateurs par office, contre près de 6 en 2017. En outre, il existe une grande disparité entre les structures : le nombre d'ETP varie ainsi entre 0 et 24,6, avec un niveau médian de 3 collaborateurs par office en 2019.
133. Comme l'Autorité l'avait constaté dans son précédent avis, le profil des collaborateurs est varié, composé notamment à 73 % d'avocats, 11 % d'universitaires et 10 % de juristes. Ces collaborateurs perçoivent une rémunération variable en fonction de la complexité des affaires, comprise entre 15 % et 30 % des honoraires, soit en moyenne entre 500 et 1 000 euros par dossier.
134. La très forte rentabilité et la grande flexibilité de la profession restent ainsi liées au faible poids de la masse salariale dans les frais généraux (15,3 % en 2019, contre 16 % en 2017). Les rétrocessions d'honoraires versées à ces collaborateurs libéraux externes viennent, comptablement, en déduction des produits de l'office et lui permettent ainsi de lisser ses charges en fonction des évolutions de son activité, sous réserve du plancher de rémunération par dossier évoqué plus haut. En 2019, elles ont concerné environ 20 % des affaires, soit un niveau stable par rapport à 2017.


3. Hétérogénéité du niveau d'activité et de revenu au sein de la profession


135. Les différents indicateurs d'activité par office ou par professionnel libéral présentent tous un niveau élevé d'hétérogénéité, qu'il s'agisse d'indicateurs en volume (a), tel le nombre de dossiers traités, ou en valeur (b), comme le chiffre d'affaires ou le résultat. Si les professionnels nommés dans les offices nouvellement créés s'inscrivent encore dans le bas de la distribution des revenus, ils semblent avoir réussi leur démarrage d'activité et être en mesure d'amorcer désormais une phase de développement (c).


a) Une grande hétérogénéité dans le nombre de dossiers traités par office et par professionnel


136. Dans son avis précédent, l'Autorité avait pu estimer le temps moyen consacré par dossier par chaque avocat aux Conseils associé ou titulaire. Même dans l'hypothèse où il aurait consacré la totalité de son temps de travail au traitement des dossiers - quod non, d'autres activités pouvant également l'occuper (gestion de l'office, enseignement, participation à des colloques, etc.) - chaque avocat aux Conseils devrait traiter en moyenne 2 dossiers par jour ouvré. Pour les offices traitant plus de 800 dossiers par an, le temps théorique consacré en moyenne à chaque dossier n'excède pas quelques heures. Or, compte tenu du grand nombre de diligences de chaque dossier : réception du client ou de l'avocat à la Cour correspondant, analyse du pourvoi, rédaction des mémoires, échange avec le greffe et suivi des audiences, éventuelles observations orales, les offices d'avocat aux Conseils, notamment ceux qui traitent un nombre très important de dossiers, font nécessairement appel à de nombreux collaborateurs.
137. Sur la période 2015-2019, on observe une baisse du nombre moyen de dossiers traités par an et par associé. Celui-ci s'élève à 392 dossiers, contre 427 sur la période de 2013-2017. Ainsi, en moyenne, un associé traite toujours un peu plus de 1,5 dossier par jour ouvré. Cette baisse d'activité pourrait s'expliquer par la décroissance tendancielle des affaires enregistrées devant la Cour de cassation. Cela permet par ailleurs d'accroître la durée moyenne de traitement de chaque dossier. De son côté, le nombre moyen de collaborateurs non titulaires (en ETP) connaît une légère baisse sur cette même période.
138. En revanche, 10 % des associés traitent toujours plus de 822 dossiers par an, et l'un d'entre eux même plus de 1 700 dossiers par an, soit plus de 6 dossiers par jour ouvré. L'Autorité rappelle, à ce titre, que les justifications traditionnellement données au monopole des avocats aux Conseils et la rareté de leurs offices, qui sont à l'origine des niveaux de rémunération très élevés constatés dans cette profession, tiennent d'une part à la nécessité d'une intervention personnelle de ces professionnels dans chaque dossier de cassation en raison de leur haut degré de spécialisation, et d'autre part, à l'obligation de « déconseil » qui s'impose à eux pour éviter, dans un souci de bonne administration de la justice, que les hautes juridictions ne soient surchargées de pourvois n'ayant aucune chance de prospérer. Qu'un même avocat aux Conseils puisse prétendre traiter personnellement autant de dossiers de cassation soulève à tout le moins quelques interrogations.
139. Ainsi, les principaux constats de l'Autorité dans son avis précédent, sur la grande hétérogénéité du nombre des dossiers traités par office et par professionnel, restent inchangés.


Figure 5. - Comparaison de la distribution du nombre de dossiers traités par associé



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Note. - La moyenne 2015-2019 est établie à partir des données transmises par 62 offices. Celle de 2013-2017 par 59 offices.
Lecture. - Sur la période de 2015-2019, au sein de 12,9 % des 62 offices dont les données sont disponibles, un associé traite annuellement moins de 100 dossiers en moyenne.
Source : Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, retraitement de l'Autorité de la concurrence.