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Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)

Article AUTONOME (Avis n° 21-A-02 du 23 mars 2021 relatif à la liberté d'installation et à des recommandations de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation)


Les rapporteurs, le rapporteur général adjoint, les représentants du ministère de la justice entendus et le commissaire du Gouvernement lors de la séance du 26 janvier 2021 ;
Le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, la première présidente et la première avocate générale de la Cour de cassation, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, Me Marie-Paule Melka et Me Ludwig Prigent, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation associés, entendus sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 463-7 du code de commerce,
Est d'avis :


- de recommander la création d'offices d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ;
- d'établir un bilan sur l'accès aux offices, et de formuler des recommandations au garde des sceaux, ministre de la justice, afin d'améliorer cet accès,


Sur la base des observations suivantes :


Résumé (1)


En vertu de l'article L. 462-4-2 du code de commerce créé par l'article 57 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (« loi Macron »), l'Autorité rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation. Cet avis, émis au moins tous les deux ans, formule également des recommandations pour améliorer l'accès aux offices et permettre une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.
L'Autorité a émis deux précédents avis, respectivement publiés au Journal officiel le 1er novembre 2016 et le 1er novembre 2018. Alors que le nombre de 60 offices était resté inchangé depuis 1817, l'Autorité a recommandé de créer, dans son avis de 2016, quatre offices, puis, dans son avis de 2018, quatre nouveaux offices. Quatre offices ont ainsi été créés par arrêté du garde des sceaux le 5 décembre 2016, puis quatre nouveaux offices par arrêté du garde des sceaux le 22 mars 2019, permettant au total à 10 nouveaux avocats aux Conseils de s'installer dans les offices créés. Ces nominations ont largement contribué à l'augmentation du nombre d'avocats aux Conseils ces dernières années, lequel est passé de 112 en 2016 à 125 en 2020.
Après un bref rappel du cadre légal et réglementaire applicable, le présent avis vise à présenter un état des lieux des évolutions de l'offre et de la demande au cours des cinq dernières années ayant une incidence sur cette profession, en prenant tout particulièrement en compte les conséquences de la crise sanitaire survenue en mars 2020, afin d'émettre de nouvelles recommandations quantitatives et qualitatives adaptées à ce contexte exceptionnel. Il est à noter que le contexte d'urgence sanitaire a conduit l'Autorité à suspendre les délais de réponse à la consultation publique prévue à l'article L. 462-4-2 du code de commerce et les parties prenantes à transmettre les données comptables des offices avec un certain retard, ce qui explique le léger décalage du présent avis.
Du point de vue de l'offre, malgré une croissance significative du nombre d'offices et de professionnels depuis 2017, les résultats financiers de la profession sur la période 2015-2019, notamment le taux de résultat, étaient particulièrement élevés.
En 2020, il est probable que ce taux demeure élevé, en dépit de la crise sanitaire actuelle. D'un point de vue conjoncturel, l'Autorité constate certes un impact négatif de la crise sanitaire sur l'activité des avocats aux Conseils, lié à un fort ralentissement des activités juridiques devant les hautes juridictions, notamment lors du premier confinement devant la Cour de cassation. Cependant, les offices ont su s'adapter aux contraintes de cette crise, en abaissant par exemple le nombre des collaborateurs, en ajustant les rémunérations par dossier et en faisant appel aux dispositifs d'aides mises en place par l'Etat.
D'un point de vue plus structurel, les avocats aux Conseils continuent de jouir d'un certain nombre d'atouts : un monopole de représentation devant les hautes juridictions, un recours récurrent aux collaborateurs extérieurs, une liberté tarifaire. Ces atouts leur ont permis de maintenir dans la période écoulée un haut niveau de rentabilité. Aucun office ne paraît donc en difficulté financière. On constate que le dualisme identifié en 2018 entre certains offices très rentables d'une part, et un grand nombre d'offices se trouvant en bas de la distribution de revenus, d'autre part, se maintient. Dans un contexte de faible mobilité d'une partie de la clientèle, la concentration des affaires générant des chiffres d'affaires importants et récurrents auprès des offices bien établis pourrait limiter la perspective de croissance des nouveaux installés à moyen terme.
Du côté de la demande, un ralentissement éphémère a été constaté pendant la période du premier confinement avec une baisse de 5 % devant le Conseil d'Etat et de 12 % devant la Cour de cassation. L'analyse de l'impact de la crise sanitaire permet ainsi de conclure à une baisse moyenne de 8 % de la demande au cours de cette période.
L'analyse fine de leur activité des deux années 2018 et 2019 a permis d'identifier une augmentation nette du nombre d'affaires devant les juridictions administratives du fond et une légère hausse devant le Conseil d'Etat. S'agissant de l'ordre judiciaire, l'activité globale devant les juridictions du fond augmente, tandis que celle devant la Cour de cassation baisse.
En l'état, les perspectives de modification de l'orientation des pourvois devant la Cour de cassation, si elles pouvaient conduire à des ajustements importants dans le mode de traitement des différents types de pourvois, ne devraient pas, à la différence des réformes envisagées par le passé, modifier substantiellement le nombre de pourvois traités par la Cour, ni l'activité des avocats aux Conseils qui en découle. Dès lors, et pour les deux années à venir, on peut prévoir une stabilité de leur activité devant la Cour de cassation. S'agissant du Conseil d'Etat, l'Autorité ne note pas d'évolution de nature à affecter les perspectives d'activité des avocats aux Conseils pour les deux années à venir. Par conséquent, les éléments recueillis permettent de conclure à une relative stabilité de l'activité du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation sur cette nouvelle période biennale.
L'Autorité relève enfin que les effectifs de candidats à l'installation restent extrêmement réduits, ce qui limite les perspectives d'évolution du nombre d'avocats aux Conseils dans les deux années à venir.
Ces différentes considérations conduisent l'Autorité à recommander la création de 2 offices d'avocats aux Conseils sur la prochaine période biennale.
Au-delà de ces recommandations quantitatives, l'Autorité relève - avec satisfaction - que plusieurs des recommandations qualitatives qu'elle avait formulées dans ses précédents avis ont été suivies d'effet. Plusieurs textes ont ainsi récemment modifié ou précisé le régime juridique applicable aux avocats aux Conseils, notamment en ce qui concerne la composition du jury d'examen d'aptitude à la profession, la gouvernance et le déroulement de la formation, les règles encadrant la communication et les règles déontologiques de la profession.
Certaines mesures complémentaires pourraient toutefois encore permettre de rendre plus transparentes la sélection et la nomination des candidats aux offices créés ou d'élargir le vivier de candidats.
I. - Introduction
II. - Cadre légal et réglementaire
A. - Présentation générale de la profession
B. - La formation des avocats aux Conseils
C. - Les modifications du régime juridique applicable aux avocats aux Conseils depuis le précédent avis
1. La modification de la composition du jury d'examen d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils
2. La modification de la gouvernance de la formation et du déroulement de la formation
3. Les règles de communication applicables aux avocats aux Conseils
a) Le décret du 29 mars 2019 autorisant la sollicitation personnalisée
b) La modification du règlement général de déontologie
4. La modification des règles de confraternité
D. - Les modalités d'installation et les précédents avis de l'Autorité
1. Le cadre applicable aux installations dans les offices créés
a) Une liberté d'installation régulée
b) Les conditions de nomination dans les offices créés
2. Les précédents avis de l'Autorité et les offices créés
a) L'avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016
b) L'avis n° 18-A-11 du 25 octobre 2018
E. - Le présent avis et la consultation publique
III. - Etat des lieux de l'offre et de la demande
A. - Un contexte exceptionnel lié à la crise sanitaire
1. La crise sanitaire et ses conséquences sur l'économie nationale
a) Le deuxième trimestre (avril - juin 2020) : une économie brutalement ralentie
b) Le troisième trimestre (juillet - septembre 2020) : un rebond de l'économie
c) Le quatrième trimestre (octobre - décembre 2020) : un nouveau ralentissement de l'économie mais plus modéré que le premier
2. Perspectives d'évolution de la situation à moyen terme
B. - Etat des lieux de l'offre
1. Evolution du nombre de professionnels
a) La croissance du nombre de professionnels
b) Un vivier toujours limité de candidats potentiels à l'installation
2. Evolution de l'activité et du niveau de revenu des professionnels
a) Malgré une baisse des résultats financiers par office et par associé, la rémunération moyenne des avocats aux Conseils demeure élevée
b) Une organisation souple qui a permis de maintenir une rentabilité élevée malgré les évolutions de l'activité juridictionnelle
Une activité prédominante sur des dossiers en monopole
Un ajustement des honoraires en réponse aux variations de l'activité juridictionnelle
Un recours toujours très important aux collaborateurs libéraux
3. Hétérogénéité du niveau d'activité et de revenu au sein de la profession
a) Une grande hétérogénéité dans le nombre de dossiers traités par office et par professionnel
b) Les chiffres d'affaires et les résultats par associé toujours très hétérogènes
c) Les offices créés récemment semblent avoir réussi leur démarrage, mais sont confrontés à une concentration importante de l'activité autour des grands offices historiques
4. L'impact de la crise sanitaire sur l'offre de prestations
C. - Etat des lieux de la demande : des tendances légèrement contrastées devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation
1. L'activité contentieuse devant le Conseil d'Etat
a) Une très légère hausse du nombre de dossiers enregistrés au Conseil d'Etat entre 2017 et 2019, essentiellement imputable à certains contentieux spécifiques (urbanisme, environnement, fonctionnaires et agents publics)
b) Une baisse sensible des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) constatée en 2019
c) Une augmentation nette du nombre d'affaires devant les juridictions administratives du fond
d) A droit constant, une certaine stabilité du contentieux attendue pour les années à venir
2. L'activité contentieuse devant la Cour de cassation
a) Un contentieux en légère baisse devant la Cour de cassation depuis 2017
b) Le contentieux devant les juridictions judiciaires du fond baisse légèrement en matière civile et augmente en matière pénale
c) La sélectivité de l'attribution de l'aide juridictionnelle devant la Cour de cassation
d) Les réformes susceptibles d'affecter l'activité des avocats aux Conseils
3. L'impact de la crise sanitaire sur la demande de prestations
D. - Conclusion sur l'état des lieux de l'offre et de la demande : une situation économique potentiellement favorable à long terme mais un contexte incertain à court terme
IV. - Détermination du nombre recommandé de créations d'office
A. - Un potentiel toujours très fort pour l'accroissement de l'offre
B. - Les facteurs justifiant une approche prudente
V. - Autres recommandations de l'Autorité
A. - Les efforts déployés par l'Ordre et la Chancellerie pour mettre en œuvre les recommandations des avis précédents
1. Les recommandations issues de l'avis n° 16-A-18
2. Les recommandations issues de l'avis n° 18-A-11
B. - Bilan et perspectives en matière d'accès aux offices d'avocat aux Conseils
1. L'information délivrée aux candidats aux offices d'avocat aux Conseils
a) Information des candidats sur les conditions requises pour former une demande de création d'office
b) Information sur le calendrier d'instruction des candidatures
c) Modalités d'examen des demandes de nomination
d) La diffusion d'informations sur les opportunités de reprise ou d'association au sein d'offices existants
2. La transmission de données à l'Autorité
3. Les règles déontologiques encadrant la communication et la confraternité
a) Les règles encadrant la communication
b) Les règles encadrant la confraternité
4. L'accès des femmes aux offices
C. - Nouvelles recommandations
1. Améliorer la transparence des modalités d'examen des candidatures
2. Elargir l'information sur la profession
VI. - Conclusion générale


I. - Introduction


1. Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (ci-après « avocats aux Conseils ») sont des officiers ministériels nommés par le garde des sceaux, ministre de la justice, dans un office existant, vacant ou créé. Au 7 décembre 2020, 125 avocats aux Conseils exercent dans 68 offices.
2. Le présent avis est adopté dans le cadre des missions confiées à l'Autorité de la concurrence (ci-après « l'Autorité ») par l'article L. 462-4-2 du code de commerce, créé par l'article 57 de la loi du 6 août 2015 n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (dite « loi Macron »). Il porte sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils. Il formule des recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices et de permettre une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices. Il établit, en outre, un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices.
3. L'annexe fait partie intégrante du présent avis.
4. Conformément à l'article 3 du décret du 26 février 2016 susvisé, le présent avis et les recommandations dont il est assorti seront publiés au Journal officiel de la République française (ci-après « JORF »).


II. - Cadre légal et réglementaire


5. Bénéficiant d'un double monopole, attaché à l'attribution par l'Etat de matières réservées et d'un office ministériel (A), ainsi qu'à la détention d'un certificat d'aptitude à la profession délivré à l'issue d'une formation exigeante (2) (B), les avocats aux Conseils sont soumis à un corpus de règles qui a connu des évolutions notables ces dernières années (C). Pour la première fois depuis 1817, la réforme opérée par la loi du 6 août 2015 précitée a ainsi permis la création de nouveaux offices d'avocats aux Conseils « [a]u vu des besoins identifiés par l'Autorité de la concurrence » dans ses avis de 2016 et 2018 (D). C'est dans ce même cadre rénové que s'inscrivent le présent avis de l'Autorité, et les recommandations dont il est assorti (E).


A. - Présentation générale de la profession


6. Les avocats aux Conseils sont titulaires d'un office attribué par l'Etat. Ils disposent d'un monopole de représentation des justiciables devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pour les pourvois en cassation dans la plupart des matières, ainsi que devant le Tribunal des conflits, ce qui représente environ 90 % de leur activité. Le reste de leur activité résulte d'interventions devant d'autres juridictions (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil constitutionnel, Cour européenne des droits de l'homme, Cour de justice de l'Union européenne...) et de missions de conseil juridique.
7. Par dérogation aux dispositions réglementaires prévoyant la représentation obligatoire par un avocat au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation et depuis le 19 février 2021, il est possible pour les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen habilités dans l'Etat membre ou partie où ils sont établis à représenter les parties devant la ou les juridictions suprêmes et qui y consacrent à titre habituel une part substantielle de leur activité, d'assister ou de représenter un client devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation (3).
8. Le statut des avocats aux Conseils est précisé par l'ordonnance du 10 septembre 1817 (4) modifiée. Par ailleurs, l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances, qui prévoit l'existence d'un droit de présentation au profit des officiers ministériels, s'applique aux avocats aux Conseils.
9. Si les avocats aux Conseils exercent en principe leur métier à titre libéral, il est néanmoins possible d'« exercer sa profession en qualité de salarié d'une personne physique ou d'une personne morale titulaire d'un office […] » (5). Chaque office ne peut employer plus d'un avocat aux Conseils salarié. Par ailleurs, l'avocat aux Conseils libéral « peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit dans le cadre d'une entité dotée de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant » (6). Le nombre maximal d'associés au sein d'une société civile professionnelle d'avocats aux Conseils est fixé à quatre (7). En revanche, les autres formes sociales ne connaissent pas de limitation analogue (8).
10. Les honoraires des avocats aux Conseils sont convenus librement entre le professionnel et son client dans le cadre d'une convention d'honoraires écrite (9). Le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être octroyé au justiciable sous certaines conditions, notamment de revenu.


B. - La formation des avocats aux Conseils


11. La formation des avocats aux Conseils fait l'objet d'un règlement (10) adopté par le Conseil de l'Ordre et approuvé par le garde des sceaux. Elle est organisée par l'Institut de formation et de recherche des avocats aux Conseils (« IFRAC »). Cette formation dure trois ans. Elle comprend un enseignement théorique, la participation aux travaux de la conférence du stage et des travaux de pratique professionnelle. La troisième année de formation vise à préparer les épreuves du certificat d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation (« CAPAC »), qui donne lieu à la délivrance d'un certificat de fin de formation.
12. Sont admises à se présenter au CAPAC les personnes qui sont titulaires d'un certificat de formation délivré à la fin des trois ans de scolarité à l'IFRAC, ont été inscrites au moins un an au tableau d'un barreau et sont titulaires d'une maîtrise en droit ou de diplômes équivalents (11). L'ordonnance prévoit la possibilité d'une dispense, dans des cas bien définis, de ces trois conditions d'accès (12).
13. L'examen du CAPAC comprend trois épreuves écrites d'admissibilité, puis trois épreuves orales d'admission (13). Les personnes dispensées des conditions d'inscription au CAPAC peuvent également l'être de certaines épreuves écrites, voire de certaines épreuves orales (14). Deux épreuves orales sont néanmoins obligatoires pour tous les candidats, qui portent respectivement sur la réglementation professionnelle et la gestion d'un office, et sur les règles de procédure applicables devant les hautes juridictions.
14. Nul ne peut se présenter plus de trois fois à l'examen du CAPAC.


C. - Les modifications du régime juridique applicable aux avocats aux Conseils depuis le précédent avis


15. Plusieurs textes ont récemment modifié ou précisé le régime juridique applicable aux avocats aux Conseils, notamment en ce qui concerne la composition du jury d'examen d'aptitude à la profession (1), la gouvernance et le déroulement de la formation (2), les règles encadrant la communication (3) et les règles déontologiques de la profession (4).


1. La modification de la composition du jury d'examen d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils


16. Le décret n° 2019-820 du 2 août 2019 a modifié l'article 18 du décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 (15) concernant la composition du jury de l'examen d'aptitude à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
17. Désormais, le jury d'examen, auparavant constitué pour moitié d'avocats aux Conseils (16), est composé comme suit :


- deux conseillers d'Etat ;
- un conseiller et un avocat général à la Cour de cassation, l'un affecté à l'une des chambres civiles et l'autre à la chambre criminelle ;
- un professeur d'université, chargé d'un enseignement juridique ;
- trois avocats aux Conseils.


18. Les membres du jury sont désignés pour une durée de quatre ans, renouvelable une fois, par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice (17).


2. La modification de la gouvernance de la formation et du déroulement de la formation


19. Le décret n° 2020-746 du 17 juin 2020 relatif à la formation à la profession d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation modifie, à compter du 1er septembre 2020, les dispositions du décret du 28 octobre 1991 précité relatives à la formation des avocats aux Conseils.
20. Les nouvelles dispositions modifient ainsi les règles de gouvernance de la formation des avocats aux Conseils en conférant une autonomie de gestion à l'IFRAC. En effet, le premier alinéa de l'article 7 du décret du 28 octobre 1991 modifié indique désormais que la formation est dispensée, non plus « sous l'autorité du conseil de l'Ordre » mais « par l'institut de formation et de recherche des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ». Toutefois, la formation demeure assurée dans les conditions définies par un règlement établi par le conseil de l'Ordre, après avis du conseil d'administration de l'IFRAC et soumis à l'approbation du garde des sceaux.
21. Un nouvel article 7-1 précise également que l'IFRAC « est un service autonome de l'Ordre ». Cet article prévoit que l'institut est dirigé par un professeur des universités, nommé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois, par le conseil d'administration et sur proposition du conseil de l'Ordre. Il est assisté de deux directeurs adjoints, ayant la qualité d'avocat aux Conseils, et désignés par le conseil de l'Ordre. Par ailleurs, l'IFRAC est doté d'un conseil d'administration composé d'un conseiller d'Etat, d'un magistrat hors hiérarchie du siège ou du parquet général de la Cour de cassation, du directeur et des deux directeurs adjoints susmentionnés, ainsi que d'un représentant des étudiants.
22. Les travaux de pratique professionnelle de chaque étudiant ne sont plus effectués sous le contrôle du conseil de l'Ordre mais sous celui de l'IFRAC et dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale avec un avocat aux Conseils. Il revient au directeur de l'IFRAC de demander au conseil de l'Ordre de désigner un maître de stage pour tout étudiant qui n'aurait pas trouvé de stage (18).
23. En outre, les modalités de suspension de la formation sont précisées. La période de suspension pour motif légitime est allongée à « plus d'un an », contre plus de trois mois auparavant. Le président de l'Ordre et le directeur de l'IFRAC doivent être informés de cette suspension. Une demande de prolongation de la suspension peut être adressée au président de l'Ordre, qui statue après avis du directeur de l'IFRAC, et après que la personne concernée a été entendue ou appelée. La décision doit être motivée et lui être notifiée (19).
24. Les conditions de radiation sont également adaptées, puisqu'il est prévu que celle-ci intervient après avis du conseil d'administration de l'IFRAC. En outre, la personne concernée doit désormais avoir été informée du ou des motifs de la radiation (20).
25. Enfin, le nouvel article 16 du décret prévoit que le certificat de fin de formation est délivré « sur proposition du conseil d'administration » de l'IFRAC.


3. Les règles de communication applicables aux avocats aux Conseils


26. Le cadre applicable à la communication des avocats aux Conseils a connu des modifications récentes, qui résultent à la fois de l'adoption de dispositions réglementaires relatives à la sollicitation personnalisée (a) et d'une modification de plusieurs règles déontologiques, comme l'Autorité l'avait recommandé dans ses précédents avis (b).


a) Le décret du 29 mars 2019 autorisant la sollicitation personnalisée


27. La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (21) a autorisé les avocats aux Conseils à recourir à la sollicitation personnalisée, notamment par voie numérique, et à proposer des services en ligne. Pris en application de ces dispositions, le décret n° 2019-257 du 29 mars 2019 relatif aux officiers publics ou ministériels encadre l'extension des modes de communication auxquels ces professionnels peuvent recourir.
28. Le décret a ajouté un article 15-3 à l'ordonnance du 10 septembre 1817 précitée (22), qui impose, pour toute sollicitation personnalisée ou proposition de services en ligne, « une information sincère sur la nature des prestations de services proposées et leur mise en œuvre respecte les règles déontologiques applicables à la profession, notamment les principes de dignité, de loyauté, de confraternité et de délicatesse ». En outre, ces informations doivent exclure « tout élément comparatif ou dénigrant » (23).
29. L'ordonnance ainsi modifiée définit les formes de la sollicitation personnalisée, qui ne peut être effectuée que « sous la forme d'un envoi postal ou d'un courrier électronique adressé à une personne physique ou morale déterminée, destinataire de l'offre de service ». Est prohibé le démarchage physique et téléphonique ou en rapport avec une affaire particulière. La sollicitation personnalisée doit également prévoir les modalités de détermination des honoraires du professionnel (24).
30. En outre, le conseil de l'Ordre des avocats aux Conseils peut prévoir, dans le règlement déontologique de la profession, une obligation d'informer le président du conseil de l'Ordre lorsque les avocats aux Conseils ouvrent ou modifient substantiellement un site internet en vue de proposer leurs services (25).
31. Si, à la différence des avocats aux Conseils, les avocats à la Cour peuvent également, sous certaines conditions, recourir à la publicité (26), les règles encadrant la sollicitation personnalisée sont comparables pour les deux professions. Toutefois, contrairement au régime prévu pour les avocats aux Conseils, il n'est pas interdit aux avocats à la Cour de faire de la sollicitation personnalisée en rapport avec une affaire particulière.
32. L'offre de services en ligne est également encadrée, notamment en ce qui concerne les noms de domaine utilisés pour les sites des professionnels, qui ne doivent pas évoquer de façon générique le titre de la profession ou un titre pouvant prêter à confusion, un domaine du droit ou une activité relevant de celles de la profession. Enfin, les sites internet « ne peuvent comporter aucun encart ou bannière publicitaire, autres que ceux de la ou des professions exercées, pour quelque produit ou service que ce soit » (27).


b) La modification du règlement général de déontologie


33. Si les règles relatives à la sollicitation personnalisée avaient déjà été intégrées à la version précédente du règlement de déontologie et fait l'objet de recommandations de l'Autorité dans son précédent avis (voir paragraphes 153 et suivants de l'avis n° 18-A-11 précité), plusieurs articles concernant la communication des avocats aux Conseils ont récemment été modifiés.
34. Ainsi, les nouveaux avocats aux Conseils sont désormais autorisés à faire paraître un avis de presse au cours de l'année suivant leur nomination (28).
35. En outre, ils peuvent faire figurer à l'intérieur et à l'extérieur de l'immeuble dans lequel ils exercent une plaque mentionnant leur nom et leur qualité (29).
36. Par ailleurs, les avocats aux Conseils peuvent désormais mentionner sur la plaquette de présentation de leur cabinet les missions de défense de la profession devant les hautes juridictions, leur parcours académique et les activités du cabinet (30).
37. Enfin, si les avocats aux Conseils sont toujours tenus de communiquer au président de l'Ordre le contenu de la sollicitation personnalisée adressée aux clients ou correspondants potentiels, ils n'ont plus l'obligation de lui transmettre l'identité des destinataires (31), ce changement étant conforme aux recommandations formulées par l'Autorité en 2018.


4. La modification des règles de confraternité


38. Les règles de confraternité issues du règlement général de déontologie, qui avaient fait l'objet de recommandations de l'Autorité (voir points 160 et suivants de l'avis n° 18-A-11 précité), ont récemment été modifiées.
39. Ainsi, plusieurs d'entre elles ont été supprimées, notamment :


- l'obligation, pour un avocat aux Conseils, de « respecter l'attachement d'une clientèle au cabinet de l'un de ses confrères » et de s'assurer qu'un client le sollicitant « n'a d'attache régulière avec aucun autre cabinet » (ancien article 65) ;
- l'obligation de ne succéder à un confrère qu'avec son accord (ancien article 66) ;
- l'obligation, lorsqu'un professionnel est sollicité pour reprendre le dossier d'un confrère, d'avertir ce dernier et de « ne pas encourager ce client à rompre ses liens de confiance qui sont présumés l'unir à son confrère » (ancien article 67).


40. Par ailleurs, de nouvelles règles ont été introduites pour préciser les modalités de succession entre confrères dans un dossier. Ainsi, si cette succession doit toujours se dérouler « dans le strict respect des principes de confraternité et de délicatesse » (32), le règlement prévoit que :


- un avocat aux Conseils nouvellement saisi « doit en informer son prédécesseur ». Il doit s'enquérir des sommes dues et s'efforcer d'obtenir de son client qu'il les règle (article 67) ;
- le confrère dessaisi ne dispose d'aucun droit de rétention et doit transmettre sans délai tous les éléments nécessaires à l'entière connaissance du dossier (article 68).
- un avocat aux Conseils qui accepte de succéder à un confrère ne peut défendre les intérêts du client contre son prédécesseur (article 69).


41. Enfin, un nouvel article prévoit que « l'avocat aux Conseils doit s'interdire tout acte de concurrence déloyale » (article 62).


D. - Les modalités d'installation et les précédents avis de l'Autorité


42. Les conditions d'installation des avocats aux Conseils ont été substantiellement modifiées par la loi du 6 août 2015 susvisée, qui a instauré une liberté d'installation régulée (1). Les recommandations formulées par l'Autorité dans les avis qu'elle remet tous les deux ans au garde des sceaux, ministre de la justice, ont pour fonction d'éclairer les évolutions de la profession, notamment en ce qui concerne l'installation des nouveaux professionnels (2).


1. Le cadre applicable aux installations dans les offices créés


43. Le législateur de 2015 a prévu, pour la profession d'avocat aux Conseils, des conditions d'installation proches de celles applicables aux notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs judiciaires. L'instauration de la liberté d'installation en 2015 (a) a conduit le pouvoir réglementaire à redéfinir les conditions de nomination dans les offices d'avocat aux Conseils (b).


a) Une liberté d'installation régulée


44. Afin d'assouplir les conditions d'installation des avocats aux Conseils, l'Autorité a pour mission d'identifier le nombre de créations d'offices « nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions » (33).
45. Comme pour les autres officiers ministériels, l'objectif est de permettre « une augmentation progressive du nombre d'offices à créer », afin d'ouvrir l'accès à la profession sans bouleverser les conditions d'activité des offices existants (34).
46. Le décret n° 2016-215 du 26 février 2016 a précisé les critères qui permettent à l'Autorité d'évaluer le niveau et les perspectives d'évolution de la demande et de l'offre, afin de déterminer le nombre de créations d'offices nécessaire pour assurer une offre de services satisfaisante (35).


b) Les conditions de nomination dans les offices créés


47. Le décret n° 2016-652 du 20 mai 2016 (36) définit de nouvelles conditions de nomination des avocats aux Conseils. Il modifie notamment le décret n° 91-1125 du 28 octobre 1991 relatif aux conditions d'accès à la profession.
48. Les conditions de nomination dans un office créé sont prévues aux articles 24 et suivants du décret précité du 28 octobre 1991 modifié.
49. Les candidats remplissant les conditions générales d'aptitude à la profession d'avocat aux Conseils peuvent déposer auprès du garde des sceaux leur demande de nomination dans un délai de deux mois à compter de la publication des recommandations de l'Autorité (37). Ces recommandations sont établies pour une période biennale.
50. Le garde des sceaux recueille, pour chaque candidature, l'avis motivé du vice-président du Conseil d'Etat, du premier président de la Cour de cassation et du procureur général près cette cour, et peut également solliciter un avis motivé du Conseil de l'Ordre (38) « sur l'honorabilité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés » (39).
51. Une commission est chargée d'examiner les candidatures et de classer les demandeurs par ordre de préférence (40). Cette commission est composée de cinq membres (41), nommés par le garde des sceaux pour une durée de trois ans, renouvelable une fois (42) :


- le directeur des affaires civiles et du sceau ou son représentant ;
- un conseiller d'Etat, désigné sur proposition du vice-président du Conseil d'Etat ;
- un conseiller à la Cour de cassation, désigné sur proposition du premier président de la Cour de cassation ;
- un avocat général à la Cour de cassation, désigné sur proposition du procureur général près la Cour de cassation ;
- un avocat aux Conseils, désigné sur proposition du Conseil de l'Ordre.


52. Les nominations sont faites au choix par le garde des sceaux, après avis de cette commission (43).
53. Les avocats aux Conseils déjà installés peuvent postuler à la création d'un nouvel office mais le décret prévoit, dans ce cas, que leur demande de nomination doit être accompagnée d'une demande de démission (pour un avocat exerçant à titre individuel) ou de retrait (pour un avocat associé), sous condition suspensive de nomination dans un nouvel office. Leur nomination dans ce nouvel office n'interviendra, le cas échéant, qu'après ou concomitamment à leur démission ou retrait (44).


2. Les précédents avis de l'Autorité et les offices créés


54. Jusqu'à présent, l'Autorité a émis deux avis relatifs à la liberté d'installation, respectivement en 2016 (a) et en 2018 (b). Les recommandations de créations d'offices d'avocat aux Conseils qu'elle a émises dans ce cadre ont été intégralement mises en œuvre par le gouvernement.


a) L'avis n° 16-A-18 du 10 octobre 2016


55. Le 10 octobre 2016, l'Autorité a rendu un premier avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, publié le 1er novembre 2016 au JORF. Elle a recommandé la création de quatre offices sur la période courant jusqu'au 30 octobre 2018, portant ainsi le nombre de ces offices de 60 à 64, soit une augmentation de près de 7 %.
56. L'Autorité a d'abord constaté la situation économique très favorable des offices existants, un nombre restreint d'acteurs se partageant un marché de niche. Les avocats aux Conseils, dont le nombre d'offices (60) n'avait pas évolué depuis 1817, bénéficiaient par ailleurs de la conjonction d'un monopole légal, d'une organisation flexible grâce au recours massif à des collaborateurs libéraux pour traiter les dossiers et d'une liberté tarifaire totale. Les niveaux d'activité et de revenu par professionnel ont ainsi été très élevés sur la période 2010-2014 : en moyenne, 468 affaires par an pour un bénéfice de 543 000 euros par associé d'office (soit plus de 45 000 euros par mois).
57. Cependant, l'Autorité a adopté une approche prudente pour deux raisons : d'une part, le vivier des candidats à l'installation à l'horizon de deux ans était limité à une dizaine de diplômés du CAPAC ; d'autre part, le contentieux devant le Conseil d'Etat et la Cour de cassation avait diminué de 5,4 % entre 2010 et 2015, et ses perspectives d'évolution étaient incertaines, compte tenu notamment des projets de réforme envisagés par la Cour de cassation qui auraient pu conduire à introduire un filtrage des pourvois.
58. Par arrêté du garde des sceaux du 5 décembre 2016, quatre offices ont été créés (45). Après avis de la commission de classement des candidatures, ils ont été attribués à deux professionnels exerçant à titre individuel et à deux sociétés civiles professionnelles comptant chacune deux associés. Six nouveaux professionnels ont ainsi pu accéder à l'exercice libéral de cette profession au cours de la période 2016-2018.
59. Toutefois, à compter de septembre 2018, ces quatre offices créés n'ont plus compté que cinq professionnels libéraux, en raison du retrait de l'un des associés d'une des deux SCP créées.


b) L'avis n° 18-A-11 du 25 octobre 2018


60. Dans son deuxième avis rendu le 25 octobre 2018, publié le 1er novembre 2018 au JORF, l'Autorité a recommandé la création de quatre offices supplémentaires, sur la période courant jusqu'au 30 octobre 2020, portant ainsi le nombre des offices d'avocats aux Conseils à 68.
61. L'Autorité a relevé dans son avis un niveau d'activité et de revenu toujours très élevé, avec un bénéfice moyen un peu plus d'1/2 million d'euros par associé et par an, et une relative stabilité de l'activité des juridictions.
62. Toutefois, elle a également constaté des difficultés de développement de l'activité des nouveaux offices, la distribution des pourvois restant concentrée sur quelques grands offices. Parmi les obstacles identifiés, l'Autorité a ainsi relevé que certaines règles déontologiques de la profession restreignaient de manière non justifiée la communication des avocats aux Conseils et la mobilité des clients, et a appelé à leur modification.
63. Par arrêté du garde des sceaux du 22 mars 2019, quatre offices ont été créés (46). Deux offices ont été attribués, par deux arrêtés du 28 mai 2019, à un professionnel exerçant à titre individuel et à une société civile professionnelle comptant deux associés.
64. Conformément à l'article 29 du décret n° 91-1125 précité (47), un appel à manifestation d'intérêt a été émis le 23 avril 2019 (48), deux des offices créés n'ayant pas été pourvus six mois après la publication des recommandations de l'Autorité. A la suite de cet appel, deux nouveaux professionnels exerçant à titre individuel ont été nommés dans les deux derniers offices créés, par arrêtés en date du 11 décembre 2019.
65. Cinq nouveaux professionnels ont ainsi pu accéder à l'exercice libéral de cette profession au cours de la période 2018-2020.
66. Au total, ce sont ainsi dix avocats (49) aux Conseils qui ont pu accéder à l'exercice libéral de leur profession dans un office créé en application de la loi du 6 août 2015 précitée.


E. - Le présent avis et la consultation publique


67. L'article L. 462-4-2 du code de commerce dispose que :


« L'Autorité de la concurrence rend au ministre de la justice, qui en est le garant, un avis sur la liberté d'installation des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
Elle fait toutes recommandations en vue d'améliorer l'accès aux offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation dans la perspective d'augmenter de façon progressive le nombre de ces offices. Elle établit, en outre, un bilan en matière d'accès des femmes et des hommes à ces offices. Ces recommandations sont rendues publiques au moins tous les deux ans.
A cet effet, elle identifie le nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui apparaissent nécessaires pour assurer une offre de services satisfaisante au regard de critères définis par décret et prenant notamment en compte les exigences de bonne administration de la justice ainsi que l'évolution du contentieux devant ces deux juridictions.
Les recommandations relatives au nombre de créations d'offices d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation permettent une augmentation progressive du nombre d'offices à créer, de manière à ne pas bouleverser les conditions d'activité des offices existants.
L'ouverture d'une procédure sur le fondement du présent article est rendue publique dans un délai de cinq jours à compter de la date de cette ouverture, afin de permettre aux associations de défense des consommateurs agréées au niveau national pour ester en justice, au conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ainsi qu'à toute personne remplissant les conditions de nationalité, d'aptitude, d'honorabilité, d'expérience et d'assurance requises pour être nommée par le ministre de la justice en qualité d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, d'adresser à l'Autorité de la concurrence leurs observations.
Lorsque l'Autorité de la concurrence délibère au titre du présent article, son collège comprend deux personnalités qualifiées nommées par décret pour une durée de trois ans non renouvelable. »


68. En application de cet article, il appartient donc à l'Autorité d'élaborer un nouvel avis sur la liberté d'installation des avocats aux Conseils et de réviser ses recommandations en matière de création d'offices tous les deux ans. Cette procédure de révision a été engagée le 9 mars 2020, date de lancement par l'Autorité d'une consultation publique pour recueillir les observations des tiers intéressés. Les avocats aux Conseils, leur Ordre, leurs associations, groupements et syndicats professionnels, les personnes remplissant les conditions pour exercer cette profession et les associations de consommateurs agréées ont été invités à répondre à un questionnaire en ligne.
69. A la suite de l'adoption de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 sur l'état d'urgence sanitaire et de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, l'Autorité a suspendu le délai de réponse à la consultation publique à compter du 12 mars et jusqu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la cessation de l'état d'urgence sanitaire, conformément à l'article 7 de ladite ordonnance. L'ordonnance n° 2020-560 du 13 mai 2020 a ensuite circonscrit la période de suspension des délais pour la consultation ou la participation du public au 30 mai inclus. Un nouveau délai de réponse à la consultation publique a donc été fixé du 1er au 30 juin (50).
70. A l'issue de ce délai, 23 contributions complètes ont été reçues par l'Autorité (contre 12 en 2016 et 34 en 2018), dont 14 provenant d'avocats aux Conseils et 5 de collaborateurs d'avocats aux Conseils (51). Une synthèse des observations reçues figure en annexe.


III. - Etat des lieux de l'offre et de la demande


71. La crise sanitaire actuelle, qui affecte fortement l'économie française, n'épargne pas l'activité des professions juridiques (A). Les évolutions de l'offre (B) et de la demande (C) des prestations rendues par les avocats aux Conseils, que l'Autorité prend en compte pour identifier le nombre de créations d'offices nécessaires, sont donc examinées à l'aune de ce contexte exceptionnel. Si l'impact négatif de la crise sanitaire sur l'activité de la profession a pu jusqu'ici être amorti dans une certaine mesure - les professionnels bénéficiant de niveaux de chiffre d'affaires d'avant-crise particulièrement élevés et d'une grande flexibilité dans leur organisation et la fixation de leurs honoraires - des incertitudes demeurent sur l'évolution et les conséquences de cette crise à moyen terme (D).


A. Un contexte exceptionnel lié à la crise sanitaire


72. Avant d'analyser les données économiques des années 2017 à 2019, l'Autorité examine tout d'abord les éléments économiques ayant affecté la demande sur l'année 2020, afin d'éclairer les perspectives d'activité des avocats aux Conseils. Depuis l'instauration, le 17 mars 2020, de l'état d'urgence sanitaire en France et l'adoption d'un certain nombre de mesures visant à endiguer la pandémie de covid-19, la crise sanitaire a eu d'importantes répercussions sur l'économie nationale, les professions juridiques subissant les conséquences de ce choc conjoncturel (1). A ce jour, trois phases d'évolution de l'activité économique ont pu être identifiées, à savoir un ralentissement brutal au deuxième trimestre 2020 en raison du premier confinement (du 17 mars au 11 mai 2020), puis un rebond au troisième trimestre et enfin, un nouveau ralentissement provoqué par le second confinement à compter du 30 octobre 2020, d'ampleur toutefois plus modérée que le premier. De nombreuses incertitudes demeurent sur les perspectives d'évolution à moyen terme (2).


1. La crise sanitaire et ses conséquences sur l'économie nationale


73. Les projections de la Banque de France prévoyaient, juste avant la crise sanitaire, une croissance du PIB national de 1,1 % en 2020, puis de 1,3 % pour 2021 et 2022 (52). Les professions juridiques connaissaient par ailleurs, depuis 2010, une forte croissance de leur activité selon l'INSEE (hausse de près de 40 % de l'indice du chiffre d'affaires entre 2010 et 2019). La pandémie de covid-19 a depuis, modifié ces tendances, annihilant pour 2020 toute perspective de croissance.
74. Afin de mieux comprendre l'impact de la crise sanitaire sur l'économie française, et sur l'activité des professions juridiques en particulier, il faut distinguer les trois phases susmentionnées : un brutal ralentissement de l'économie au deuxième trimestre (a), puis un rebond au troisième trimestre (b) et enfin, au quatrième trimestre, un nouveau ralentissement, mais plus modéré que le précédent (c).


a) Le deuxième trimestre (avril - juin 2020) : une économie brutalement ralentie


75. L'instauration du confinement généralisé en France le 17 mars 2020 (53) et l'adoption de la loi du 23 mars 2020 sur l'état d'urgence sanitaire (54) ont été les éléments déclenchants d'un fort ralentissement de l'économie française.
76. Dans son point de conjoncture du 17 novembre 2020, l'INSEE observe au deuxième trimestre une chute brutale de l'activité (baisse de 18,9 % du PIB) par rapport au quatrième trimestre de 2019 (ci-après « niveau d'avant-crise ») (55). L'économie est alors à l'arrêt dans de nombreux secteurs : hébergement et restauration, construction, industrie, commerce, matériel de transport, etc. Cette tendance est confirmée par les chiffres de créations de sociétés : du 16 mars au 30 avril 2020, les immatriculations au RCS chutent de 54,3 % par rapport à la même période en 2019 (56).
77. Les professions juridiques, pour leur part, n'échappent pas aux conséquences économiques de cette crise sanitaire. L'INSEE établit au deuxième trimestre la perte d'activité des « activités scientifiques et techniques ; services administratif et de soutien » (auxquelles sont rattachées les activités juridiques et comptables dans la nomenclature statistique - code M NAF) à 20,4 % (57). Les données plus fines fournies par l'INSEE (58) permettent d'établir des constats plus précis sur le recul du chiffre d'affaires spécifiques des professions juridiques durant la crise : en avril 2020, l'indice du chiffre d'affaires pour ces professions affiche un recul net de 35 % par rapport à avril 2019, puis en mai 2020, un recul de 9 % par rapport à mai 2019.
78. Par ailleurs, au deuxième trimestre, l'emploi chute en France mais dans une moindre mesure que l'activité économique (- 2,7 % entre mi-2019 et mi-2020 [59]), notamment en raison de l'extension du dispositif du recours à l'activité partielle (60). L'INSEE observe à ce titre que le volume de travail rémunéré par les entreprises du secteur privé (donc hors chômage partiel) a reculé de 22 % par rapport au deuxième trimestre de 2019 (61). Ce dispositif a permis de réduire de moitié le nombre de défaillances d'entreprises par rapport au deuxième trimestre de 2019 (62). Cependant, certains acteurs craignent que cette sauvegarde soit temporaire et résulte d'une « perfusion » artificielle d'argent public : le rapport du Groupe Altares, qui détaille de manière trimestrielle le nombre de défaillances et de sauvegardes d'entreprises, estime par exemple à plus de 100 000 le nombre de sociétés qui disposaient en octobre 2020 de moins de 30 jours de trésorerie (contre 4 à 5 mois habituellement) (63).
79. Enfin, la consommation des ménages (carburants, biens manufacturés non-essentiels, dépenses d'hébergement et de restauration) a fortement chuté durant le premier confinement, accusant une baisse de 30 % en avril 2020 par rapport au niveau d'avant-crise (64).


b) Le troisième trimestre (juillet - septembre 2020) : un rebond de l'économie


80. Au cours du troisième trimestre 2020, l'économie française connaît un net rebond grâce à la levée progressive des mesures sanitaires les plus contraignantes, notamment la fin du confinement le 11 mai 2020 (65).
81. Le PIB croît ainsi de 18,7 % en France par rapport au trimestre précédent (66). Cette reprise de l'activité s'observe aussi au niveau des immatriculations de nouvelles entreprises au RCS. Entre le 1er mai et le 31 juillet 2020, on décompte 105 843 immatriculations au RCS, représentant une baisse de seulement 5,5 % par rapport à la même période en 2019 (accélération en juin et en juillet 2020, hausses respectives de + 13,4 % + 7,5 %) (67).
82. L'activité des professions juridiques a repris après le déconfinement. Toutefois, l'indice du chiffre d'affaires des professions juridiques a seulement retrouvé au troisième trimestre 2020 un niveau sensiblement inférieur à celui d'avant-crise (- 5 % par rapport au troisième trimestre 2019).
83. Sur le front de l'emploi, en septembre 2020, le volume d'heures rémunérées par l'ensemble des entreprises françaises est demeuré inférieur de 5 % à son niveau de 2019 (68). Ces chiffres soulignent la diminution du recours au chômage partiel et la reprise de l'activité au sein des entreprises.
84. La consommation des ménages a progressé au troisième trimestre pour se maintenir à un niveau très proche de celui d'avant la crise (- 2 % par rapport au niveau du quatrième trimestre 2019 [69]). Selon l'étude XERFI précitée, de janvier à octobre 2020, la consommation de services juridiques et comptables baisse de seulement 1,5 % mais cette évolution constitue un inversement de tendance. En effet, les professionnels du droit répondaient jusque-là à une demande croissante depuis plus de 5 ans, du fait notamment de la « judiciarisation de la vie courante » (70).


c) Le quatrième trimestre (octobre - décembre 2020) : un nouveau ralentissement de l'économie mais plus modéré que le premier


85. Depuis début octobre 2020, la France connaît une seconde vague épidémique que le gouvernement cherche à endiguer en adoptant diverses mesures limitant les déplacements de population : instauration d'un couvre-feu le 17 octobre (71), puis reconfinement généralisé le 30 octobre (72), et enfin un déconfinement progressif, qui intervient dès le début du mois de décembre, mais qui est marqué par différentes étapes : réouverture des petits commerces (le 28 novembre), fin des limitations de déplacement et instauration d'un couvre-feu national (le 15 décembre).
86. Selon l'INSEE, l'activité accuse une nouvelle baisse au quatrième trimestre 2020, mais dans des proportions moindres que lors du premier confinement. En effet, l'institut estime qu'au quatrième trimestre, le PIB baisserait de 4,4 % par rapport au troisième trimestre 2020 et se situerait ainsi 8 % en dessous de son niveau d'avant la crise (73).
87. Lors de ce second confinement, les secteurs d'activité sont touchés différemment par rapport au premier ; si le secteur de la restauration, de l'hébergement et des services aux ménages souffrent de façon équivalente (selon une note de la Banque de France, le confinement pourrait avoir dans ce secteur le même effet au mois de novembre qu'en avril 2020 [74]), le commerce et l'industrie en général (matériel de transport et construction) semblent davantage préservés (75). Pour les « activités scientifiques et techniques ; services administratif et de soutien », l'INSEE estime pour le quatrième trimestre 2020 la perte d'activité à 9 % par rapport au quatrième trimestre 2019 (76). Interrogé sur ce point par les services d'instruction, l'INSEE a confirmé ne pas être en mesure de fournir des statistiques à un niveau plus fin n'incluant que les professions juridiques.
88. Cet impact plus limité dans certains secteurs peut notamment s'expliquer par le fait que les entreprises ont su tirer les enseignements du premier confinement (protocoles sanitaires, flexibilité, dématérialisation et télétravail) pour favoriser le maintien de l'emploi, d'autant que les mesures adoptées ont été moins strictes (ouverture de certains commerces de gros et de certains lieux d'enseignements : écoles, collèges et lycées).
89. En ce qui concerne l'emploi, 25 % des chefs d'entreprise des services et de l'industrie jugent en octobre 2020 que leurs effectifs sont encore disproportionnés par rapport à leur niveau réel d'activité, laissant ainsi présager un ajustement de l'emploi à la baisse en sortie de crise sanitaire (77). Cette proportion est cependant inférieure auprès des entreprises de services immobiliers, agroalimentaires et administratifs (entre 10 et 15 %), mais supérieure auprès des entreprises d'activités spécifiques scientifiques et techniques, dont les professions juridiques font statistiquement partie (environ 30 %) (78).
90. Dans le cadre du reconfinement, la consommation des ménages a de nouveau chuté en octobre 2020 (- 4 %) et en novembre 2020 (- 14 %) (79), mais dans une moindre mesure que lors du premier confinement, pour s'établir in fine au quatrième trimestre 2020 à - 8 % de son niveau d'avant-crise (80). L'INSEE observe notamment que le reconfinement a provoqué une augmentation immédiate et sensible des ventes en ligne, dont le dynamisme perdure depuis (81).
91. Il ressort de ce qui précède qu'à court terme, la situation économique de la France reste très instable. Ses évolutions dépendront largement des mesures sanitaires possiblement mises en place par le gouvernement dans les prochains mois (fermeture administrative de certains établissements, interdiction ou limitation des déplacements, plan de vaccination, etc.).
92. Sur l'année 2020, l'activité des professions juridiques, tout comme l'économie générale, a été fortement affectée à la baisse au deuxième trimestre, pour rebondir au troisième trimestre puis se détériorer à nouveau, mais dans une moindre mesure, au quatrième trimestre.
93. Le recours aux aides du gouvernement constitue un bon indicateur de l'impact de la crise sanitaire sur l'économie des professions concernées. Selon la Banque de France, au 4 décembre 2020, 10 904 entités (toutes professions juridiques confondues) avaient souscrit des prêts garantis par l'Etat, dont l'encours représentait au total 1,4 milliard d'euros environ. De même, les professions juridiques ont eu massivement recours au chômage partiel. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère chargé du travail, alors qu'en 2019, le montant des indemnisations pour cause de chômage partiel représentait à peine 35 874 euros pour ces professions, ce montant aurait explosé à plus de 174 millions d'euros pour les dix premiers mois de 2020.
94. Enfin, au 9 décembre 2020, sur les presque 10 milliards d'euros (9 956,84 millions d'euros) distribués par le fonds de solidarité (tous volets confondus), 811,3 millions d'euros étaient destinés aux activités spécialisées scientifiques et techniques (82). S'agissant du secteur des activités juridiques (83), la direction générale des finances publiques a indiqué aux services d'instruction en février 2021 que 19 200 entreprises avaient perçu « des aides depuis la mise en place du fonds de solidarité, pour un montant total de 70,2M€ (et donc un montant moyen de 3 650 €) ».
95. En définitive, la perte d'activité des « activités scientifiques et techniques ; services administratif et de soutien » s'établit à 11,5 % pour toute la durée de la crise (du deuxième au quatrième trimestre 2020 compris) (84). Toutefois, l'impact du confinement diffère d'une profession à l'autre. En octobre 2020, l'étude XERFI précitée estimait la chute d'activité des professions juridiques, sur l'ensemble de l'année 2020, à 5 % chez les notaires, 10 % chez les huissiers de justice, et 15 % chez les commissaires-priseurs judiciaires (85). Concernant les avocats aux Conseils, les facteurs expliquant cette baisse d'activité sont décrits en détail dans le présent avis, aux sections B et C ci-dessous.


2. Perspectives d'évolution de la situation à moyen terme


96. Les dernières projections de la Banque de France (septembre 2020) prévoient une croissance du PIB de + 7,4 % en 2021, puis de + 3,0 % en 2022 (86). Même si les premiers vaccins ont obtenu une autorisation de mise sur le marché et si les autorités compétentes ont commencé à appliquer la stratégie vaccinale définie pour la France (87), ces projections économiques à moyen terme sont encore marquées par un certain nombre d'incertitudes : la reprise « normale » de l'activité en France est, en effet, en partie conditionnée par le succès d'un tel plan de vaccination, afin d'éviter une troisième vague de contaminations. La Banque mondiale souligne ce risque pesant sur la reprise économique mondiale dans un rapport publié le 5 janvier 2021 (88). Pour le prendre en compte, elle a établi trois scenarii de croissance (pessimiste, neutre et optimiste), selon le degré de réussite des campagnes vaccinales. Elle table ainsi, respectivement, sur une hypothèse de croissance mondiale de 1,6 %, 4 % (89) et 5 % en 2021.
97. Par ailleurs, la direction générale du Trésor observe qu'en raison du confinement, le taux d'épargne des ménages a bondi durant la crise du covid-19 en raison de comportements de précaution. Cette prudence des ménages ne donnerait pas assez de visibilité aux entreprises pour s'engager dans d'importants programmes d'investissements et de relance (90). Ce manque d'investissement nuirait ainsi à la capacité de production à moyen terme. Par exemple, le solde d'opinions sur l'évolution prévue de l'activité au cours des trois prochains mois baisse nettement en novembre 2020 (- 40 %) pour les secteurs des activités spécialisées scientifiques et techniques, attestant des préoccupations des professions concernées, juridiques notamment, pour le moyen terme (91).
98. Le gouvernement a présenté, le 3 septembre 2020, un plan de relance de 100 milliards d'euros, afin d'accompagner la reprise. Il anticipe ainsi un rebond de l'économie en 2021, qui la ramènerait sur un sentier de croissance le plus proche possible de son niveau d'avant-crise (92).
99. L'étude XERFI précitée estime que les professions juridiques seraient relativement bien armées pour résister à la crise sanitaire (93). Elles bénéficieraient en effet d'une tendance à la hausse de la demande de leurs services, de sorte que la sortie de crise devrait leur profiter. Par exemple, les avocats devraient être sollicités par les entreprises pour se restructurer (94) et les notaires devraient profiter de la reprise des transactions immobilières. Cette même étude XERFI estime ainsi que « l'ensemble des professionnels du droit pourra compter sur une année 2021 dynamique, avec un rattrapage d'une partie de l'activité perdue et même des effets d'aubaine liés à la crise. Leur chiffre d'affaires augmentera ainsi de 7 % » (95).
100. Dans ce contexte inédit de crise sanitaire, les évolutions de l'offre et la demande de services d'avocats aux Conseils seront donc examinées à partir des données recueillies sur l'ensemble de la période 2017-2019, mais également sur les premiers mois de l'année 2020, afin de tenir compte des facteurs structurels et conjoncturels susceptibles d'affecter le fonctionnement de l'économie de cette profession.


B. - Etat des lieux de l'offre


101. Malgré la création depuis 2017 de 8 nouveaux offices d'avocat aux Conseils, le marché reste très concentré (1). La performance économique moyenne des offices reste exceptionnelle sur la période 2015-2019 (2), malgré une certaine hétérogénéité constatée en fonction de leur taille (3). Enfin, globalement, les offices d'avocats aux Conseils ont su faire preuve de résistance face à la crise sanitaire sur leur activité (4).


1. Evolution du nombre de professionnels


102. L'ampleur limitée de la hausse des effectifs d'avocats aux Conseils (a) constatée depuis 2015 s'explique essentiellement par la faiblesse du vivier des titulaires du CAPAC (b).


a) La croissance du nombre de professionnels


103. Dans ses avis précédents, l'Autorité avait relevé, après une longue stagnation du nombre de professionnels entre 1816 et 1978 (inchangé à 60 offices aux Conseils sur toute la période), une progression significative des effectifs entre 1978 et 2017, avec une accélération dans les années 2000 (96).
104. Avec la création, à la suite des recommandations de l'Autorité, de quatre offices en 2017, puis de quatre autres offices en 2019, la profession compte désormais huit offices de plus qu'avant la réforme de 2015, ceux-ci regroupant au total dix nouveaux avocats aux Conseils libéraux. En outre, entre 2018 et 2020, dix autres avocats aux Conseils ont été nommés dans des offices existants, qui sont surtout venus compenser les départs d'associés retrayants, le solde net (+ 3 professionnels) ne s'expliquant, dans ces offices, que par le recrutement d'avocats aux Conseils salariés.
105. Au 8 octobre 2020, le nombre d'avocats aux Conseils s'élève ainsi à 125 avocats aux Conseils, soit 13 titulaires d'offices individuels, 109 associés d'une personne morale titulaire d'office, et 3 salariés. Ils exercent au sein de 68 offices, dont 13 offices individuels, 48 SCP, 6 SARL/SARLU et une SAS. En moyenne, un office compte donc 1,8 associé. Aucun office n'est vacant.


Tableau 1. - Evolution du nombre d'avocats aux Conseils depuis 2005


Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020
(*)

Nombre d'avocats aux Conseils

92

93

92

95

98

98

99

102

104

108

111

112

119

122

124

125


Source : Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation.
(*) Données au 8 octobre 2020.