Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 9 ;
Vu la saisine pour avis, le 25 novembre 2020, par le Gouvernement, de l'ordonnance portant transposition de la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l'évolution des réalités du marché ;
Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Le projet d'ordonnance portant transposition de la nouvelle directive « services de médias audiovisuels » (SMA) constitue une étape majeure de l'adaptation de la régulation aux évolutions profondes du secteur audiovisuel. Il inscrit dans notre droit l'assujettissement des plateformes de partage de vidéos établies en France à un socle d'obligations destinées à renforcer la protection des publics, et notamment des plus jeunes. Il prévoit en outre d'imposer aux services de télévision et de médias audiovisuels à la demande (SMAD) installés à l'étranger mais qui ciblent le territoire français une obligation de contribution au financement de la création cinématographique et audiovisuelle. Il contribue ainsi à rétablir l'équilibre concurrentiel entre acteurs de la communication audiovisuelle et numérique et à mettre fin à des asymétries devenues intenables. Le Conseil se réjouit donc de son adoption prochaine.
Le Conseil rappelle par ailleurs son attachement à ce que les dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique votées en première lecture par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale le 5 mars 2020, qui amplifient et complètent la modernisation de la régulation prévue par la directive SMA, puissent voir le jour prochainement.
I. - Sur le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique
Comme le Conseil a eu l'occasion de le rappeler dans son avis du 8 novembre 2019 sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, la contribution des éditeurs de services de médias audiovisuels au financement de la création, et particulièrement à la production d'œuvres patrimoniales, est un des fondements de la politique publique en faveur de la diversité culturelle. Le Conseil se réjouit donc de l'extension du régime de contribution à la production à tous les services de médias audiovisuels qui ciblent le territoire français, quel que soit le lieu d'installation de leurs éditeurs. Il note également avec satisfaction la place donnée par le projet d'ordonnance à la négociation professionnelle et à l'office du régulateur.
Au-delà de cette remarque générale, le Conseil souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de points relatifs aux articles 11, 12, 13, 14, 19, 23, 28 et 29 du texte qui lui est soumis pour avis.
1° Sur le champ du nouveau dispositif de soutien à la création
L'article 19 du projet d'ordonnance assujettit les services de télévision et de médias audiovisuels à la demande établis à l'étranger et visant la France au régime de contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles.
Ce nouveau régime permettra d'améliorer le financement de la création, de réduire l'asymétrie des règles relatives aux obligations entre les services étrangers et nationaux et de lutter contre d'éventuelles stratégies de contournement d'opérateurs qui souhaiteraient cibler le territoire français depuis des pays proches.
Le Conseil relève que certaines des propositions qu'il avait formulées dans son avis du 8 novembre 2019 ont été reprises, comme l'obligation, pour l'ensemble des éditeurs visant le territoire français, de désigner un représentant légal qui serait l'interlocuteur référent du régulateur. Il estime néanmoins que le dispositif d'ensemble gagnerait encore à être amendé sur plusieurs points.
1. Il considère utile de substituer, au II de l'article 43-7 tel que modifié par l'article 19 du projet d'ordonnance, aux termes « dans des conditions équivalentes à celles applicables aux services établis en France ou qui relèvent de la compétence de la France », une expression plus proche de celle de la directive SMA. La rédaction retenue pourrait être ainsi : « dans des conditions équivalentes, non discriminatoires et proportionnées par rapport à celles applicables aux services établis en France ou qui relèvent de la compétence de la France ». Les principes de non-discrimination et de proportionnalité viendraient ainsi compléter celui d'équivalence, qui peut sembler sujet à interprétation et insuffisamment précis au regard des dispositions de la directive SMA applicables, par ailleurs reprises dans les lignes directrices de la Commission européenne du 2 juillet 2020.
2. La liste des informations que les éditeurs doivent fournir au Conseil en application du IV de l'article 43-7 pourrait être utilement élargie à des données essentielles nécessaires à la détermination de l'étendue des obligations qui leur seront notifiées, telles que le nombre d'abonnés au service, les grilles tarifaires et les informations relatives à la mise à disposition et à l'exploitation des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Quand bien même l'énumération qui figure à cet article n'est pas limitative, la mention explicite de ces informations renforcerait la capacité du Conseil à les obtenir auprès des éditeurs.
3. Enfin, s'agissant de l'expression « en tenant compte », le Conseil renvoie à sa demande de voir préciser ce terme comme indiqué infra à propos de l'article 12 de l'ordonnance.
2° Sur le régime de contribution des éditeurs au développement de la production audiovisuelle et cinématographique
Le régime de contribution des éditeurs à la production des œuvres et, en particulier, la place donnée à la négociation professionnelle et à l'office du régulateur appellent plusieurs observations.
a)Sur les modalités permettant d'assurer la contribution des services hertziens et non hertziens au financement de la création
Les articles 12 et 14 du projet d'ordonnance modifient les articles 28 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication en prévoyant que les conventions passées entre le Conseil et les éditeurs déterminent « les modalités permettant d'assurer la contribution au développement de la production d'œuvres en tenant compte des accords conclus entre l'éditeur de services et une ou plusieurs organisations professionnelles de l'industrie cinématographique ou audiovisuelle y compris, pour la partie de ces accords qui affecte directement leurs intérêts, des organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant les auteurs ».
Le Conseil souscrit pleinement à l'orientation générale qui préside à ces dispositions. Il souhaite toutefois formuler les observations suivantes.
1. L'expression « en tenant compte », qui figure notamment aux articles 12 et 14 du projet d'ordonnance, devrait être précisée. Ainsi qu'il l'a déjà exprimé dans son avis du 8 novembre 2019, le Conseil souhaite en effet être assuré de disposer de la faculté de définir les modalités de contribution des éditeurs en l'absence d'accord et d'opter pour des modalités différentes de celles retenues dans un accord lorsque celui-ci ne réunit pas la signature de tout ou partie des principales organisations de l'industrie cinématographique et audiovisuelle. Une telle clarification s'avère d'autant plus nécessaire qu'elle concerne un domaine qui relève de la négociation interprofessionnelle.
2. Dans ce même avis, le Conseil avait estimé opportun que la loi précise que les accords en cours signés par les organisations professionnelles et les éditeurs de services, et qui ont été intégrés le cas échéant dans les conventions signées par ces derniers avec le CSA, puissent continuer de produire leurs effets jusqu'à leur terme ou leur dénonciation par les parties. Cette remarque vaut également pour le projet d'ordonnance objet du présent avis.
b) Sur la contribution des services non hertziens au financement de la création
Le projet d'ordonnance prévoit en son article 13 que les éditeurs dont le chiffre d'affaires ou l'audience sont inférieurs à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat ne sont pas soumis à cette contribution.
Comme il l'a écrit dans son avis du 8 novembre 2019, le Conseil considère comme impératif de maintenir la possibilité d'utiliser un critère complémentaire de détermination de ce seuil, exprimé en volume annuel des œuvres audiovisuelles et cinématographiques diffusées ou mises à disposition par le service. Cet ajout permettrait d'exonérer d'obligation de financement de la création les services dont le format rend une telle contribution inadaptée.
c) Sur la mutualisation des obligations de production cinématographique
Les articles 11, 13 et 15 du projet d'ordonnance prévoient la possibilité pour un groupe audiovisuel de mutualiser tout ou partie des obligations de contribution à la production d'œuvres cinématographiques des services de médias audiovisuels qu'il édite.
Cette mesure répond à une des propositions formulées par le Conseil en septembre 2018 dans son document intitulé « Refonder la régulation audiovisuelle ».
d) Sur l'absence de prise en compte par le CSA, au titre de la contribution à la production, d'une œuvre dont les contrats de production ne respecteraient pas les droits des auteurs
Le projet d'ordonnance prévoit en son article 23 que les dépenses d'un éditeur dans le financement d'une œuvre ne sont pas prises en compte par le CSA au titre de la contribution de cet éditeur au financement de la création lorsque les contrats conclus pour la production de l'œuvre ne respectent pas les droits moraux et patrimoniaux reconnus aux auteurs par le code de la propriété intellectuelle.
Comme il l'avait fait dans son avis du 8 novembre 2019, le Conseil approuve le principe de cette disposition. Il relève que le dispositif du projet d'ordonnance répond à la préoccupation qu'il avait exprimée de limiter dans le temps les recours postérieurs à la validation des bilans des investissements des éditeurs, dans un souci de sécurité juridique. Sa mise en œuvre nécessitera une coordination étroite avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), en particulier pour l'appréciation de la dérogation applicable aux contrats de production conclus avec un auteur de nationalité étrangère domicilié hors du territoire français.
Le Conseil constate par ailleurs que ce dispositif, applicable en matière de contribution au développement de la production des œuvres tant cinématographiques qu'audiovisuelles, se trouve placé au titre V de la loi du 30 septembre 1986, qui concerne le développement de la seule création cinématographique. Dès lors que ce titre contient déjà des dispositions relatives à la contribution à la production d'œuvres audiovisuelles, l'ajout proposé par le projet d'ordonnance pourrait être l'occasion d'en reformuler l'intitulé.
e) Sur la chronologie des médias
Le Conseil prend note des dispositions relatives aux délais applicables aux différents modes d'exploitation des œuvres cinématographiques inscrites à l'article 28 du projet d'ordonnance. Il lui semble en effet cohérent que ces délais évoluent dès lors que l'ensemble des services de médias audiovisuels visant la France seront soumis à une obligation de contribution à la production d'œuvres cinématographiques européennes et d'expression originale française.
f) Sur le montant de la contribution à la création en 2021
L'article 29 du projet d'ordonnance prévoit que les décrets fixant le régime de contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles des éditeurs de services de télévision et de SMAD qui ne relèvent pas de la compétence de la France et qui visent le territoire français « peuvent déterminer le montant de cette contribution en 2021 sur la base du chiffre d'affaires ou des ressources réalisés en 2020 par les services en cause ».
Le Conseil souhaite s'assurer que cette disposition permettra de mettre en œuvre en 2021, le cas échéant, un régime de contribution fondé sur l'application d'un minimum garanti par abonné.
En outre, dans l'hypothèse où le Gouvernement envisagerait un mécanisme de montée en charge ou d'application prorata temporis des obligations, le Conseil considère qu'il conviendrait que le texte de l'ordonnance le précise.
II. - Sur la régulation des services de médias audiovisuels à la demande
La modernisation de la régulation des services de médias audiovisuels à la demande est essentielle compte tenu de l'importance croissante qu'ils occupent dans le paysage audiovisuel. L'instauration d'un régime de conventionnement devrait faciliter l'exercice par le régulateur de son office. Dans cette même perspective, certains éléments de la définition des SMAD mériteraient d'être ajustés.
1° Sur le nouveau régime de conventionnement des SMAD
L'article 16 du projet d'ordonnance introduit dans la loi de 1986 un nouveau régime de conventionnement des SMAD par le CSA, assorti d'un régime dérogatoire de déclaration en-deçà d'un certain montant de chiffre d'affaires déterminé par voie réglementaire.
1. Le Conseil relève que la proposition formulée dans son avis du 8 novembre 2019 de soumettre chaque éditeur à l'obligation de lui communiquer chaque année son chiffre d'affaires a été retenue. Cette obligation permettra au régulateur de déterminer chaque année le régime dont relève l'éditeur.
Il considère toutefois utile de compléter cet article afin de faire apparaitre plus clairement que la convention dont il est question inclut bien la fixation de l'assiette de contribution à la production de ces éditeurs.
2. Le I de l'article 33-3 rétabli par le projet d'ordonnance exclut du régime du conventionnement des SMAD ceux régis par le cahier des charges des groupes audiovisuels publics ainsi que les services de télévision de rattrapage des services de télévision conventionnés régis par les articles 28 et 33-1 de la loi. Par ailleurs, le premier alinéa du II prévoit un régime déclaratif pour certains SMAD : « Par dérogation au I, ne sont soumis qu'à déclaration préalable les services de médias audiovisuels à la demande dont le chiffre d'affaires est inférieur à un montant fixé par décret ».
Le Conseil considère que ces dispositions mériteraient d'être complétées afin de préciser les formalités applicables aux services de télévision de rattrapage des services de télévision déclarés et de prévoir explicitement le rattachement des autres services de télévision de rattrapage aux conventions des services de télévision dont ils sont issus.
3. Le Conseil souligne également le besoin de clarifier le cadre juridique applicable aux services de télévision de rattrapage des chaînes conventionnées en matière d'obligations d'exposition des œuvres.
Il propose que ces obligations soient précisées dans la convention du service de télévision dont ces services de télévision de rattrapage sont issus. Cette convention pourrait prévoir d'aménager ces obligations dès lors qu'un service de télévision de rattrapage est le reflet de la programmation de la chaîne dont il est issu, et que cette chaîne est elle-même soumise à des obligations de cette nature. Pour ce faire, le 14 bis de l'article 28 et le 11e alinéa de l'article 33-1 pourraient être ainsi complétés : « La convention précise également, pour le service dit de télévision de rattrapage, les obligations prévues au 4° de l'article 33-2 ».
4. Le Conseil relève que les SMAD soumis à conventionnement le seront quelle que soit leur ligne éditoriale. La convention de ceux d'entre eux qui ne proposent pas d'œuvres portera donc uniquement sur les obligations d'accessibilité.
2° Sur certains éléments de définition des SMAD
L'article 1er du projet d'ordonnance introduit à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 la définition des services de plateformes de partage de vidéos. En revanche, ce projet ne modifie pas la définition des SMAD inscrite dans ce même article :
« Est considéré comme service de médias audiovisuels à la demande tout service de communication au public par voie électronique permettant le visionnage de programmes au moment choisi par l'utilisateur et sur sa demande, à partir d'un catalogue de programmes dont la sélection et l'organisation sont contrôlées par l'éditeur de ce service. Sont exclus les services qui ne relèvent pas d'une activité économique au sens de l'article 256 A du code général des impôts, ceux dont le contenu audiovisuel est secondaire, ceux consistant à fournir ou à diffuser du contenu audiovisuel créé par des utilisateurs privés à des fins de partage et d'échanges au sein de communautés d'intérêt, ceux consistant à assurer, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le seul stockage de signaux audiovisuels fournis par des destinataires de ces services et ceux dont le contenu audiovisuel est sélectionné et organisé sous le contrôle d'un tiers. »
Or, le Conseil considère essentiel de faire évoluer cette définition, ainsi qu'il l'avait exprimé dans son avis du 8 novembre 2019 sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique.
D'une part les notions de SMAD et de service de plateforme de partage de vidéos doivent être articulées avec plus de clarté. D'autre part, la définition des SMAD doit être d'autant plus adaptée à la réalité du secteur que le nouveau dispositif de soutien à la création augmentera le nombre de services soumis à la régulation du CSA.
1. Le Conseil souhaite la suppression de la référence au code général des impôts pour caractériser l'activité économique d'un SMAD, choix qui avait été retenu dans le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique. La pratique de qualification du Conseil a en effet montré que ce renvoi était inopérant.
2. L'expression « permettant le visionnage » rend difficile la qualification comme SMAD de certains services, tels que la vidéo à la demande à l'achat. En effet, elle ne permet pas d'inclure les sites qui offrent la possibilité de télécharger un programme pour le regarder hors connexion et/ou avec un autre logiciel. Le recours à l'expression « fourni pour le visionnage », termes utilisés dans la directive SMA, permettrait de résoudre cette difficulté.
3. Devraient être exclus du périmètre des SMAD les services sur lesquels le contenu audiovisuel revêt un caractère « accessoire », en lieu et place de « secondaire ». Il est en effet plus aisé de déterminer le caractère accessoire de la place de la vidéo sur les services de communication électronique que son caractère « secondaire », qui induit une mesure précise très difficile à réaliser. En outre, les précisions apportées par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) relatives à l'application de la notion d'accessoire dans le cadre de la qualification des SMAD pourraient venir utilement éclairer l'analyse de la qualification des services par le CSA.
4. La condition tenant au fait que l'éditeur de SMAD est la personne qui contrôle la sélection et l'organisation d'un catalogue de programmes n'est plus adaptée à la réalité du marché. La définition doit en effet prendre en compte le fait que des tiers, tels que les distributeurs et les plateformes de partage de vidéos, peuvent jouer un rôle dans l'organisation des catalogues de contenus audiovisuels disponibles dans leur offre (notamment par des moyens automatiques et/ou algorithmiques), sans pour autant assurer la responsabilité éditoriale du service.
L'article 2 de la loi de 1986 pourrait ainsi disposer que « la sélection et l'organisation du catalogue sont contrôlées par l'éditeur de ce service, quand bien même une partie de cette organisation est prise en charge par un tiers, notamment à l'aide de moyens automatiques ou d'algorithmes ».
5. Le Conseil rappelle également que, dans son rapport au Gouvernement de novembre 2013 sur l'application du décret SMAD, il avait fait le constat suivant : « des différences notables peuvent être relevées entre les versions d'un même service, et le Conseil a constaté que les éditeurs pouvaient proposer des catalogues différents notamment selon les supports de diffusion ». L'absence dans la loi de notion de déclinaison de service de média audiovisuel à la demande avait conduit le Conseil à formuler des propositions d'évolutions législatives afin de créer un tel régime. Son avis du 8 novembre 2019 évoquait également cette difficulté, notamment au regard des obligations de production des services qui se déclinent en plusieurs versions destinées chacune à un support de diffusion ou à un distributeur particulier.
Le Conseil souhaite appeler à nouveau l'attention des pouvoirs publics sur l'importance qu'un tel régime soit consacré dans la loi. Il propose à cette fin de compléter l'article 16 du projet d'ordonnance modifiant l'article 33-3 de la loi du 30 septembre 1986. Serait considérée comme un service unique la mise à disposition soit d'un catalogue de programmes principal ainsi que d'une ou plusieurs parties de ce catalogue, soit de plusieurs parties d'un catalogue de programmes présentées au public comme relevant d'un service unique, quelles qu'en soient les modalités de mise à disposition. Les obligations de contributions financières porteraient alors globalement sur le service tandis que les autres obligations, notamment les obligations d'exposition, porteraient sur le catalogue principal, ainsi que sur chacune des parties de ce catalogue mises à disposition par l'éditeur.
Au-delà de ses conséquences sur les obligations de contribution au développement de la production, cette proposition clarifierait, de manière générale, la notion de service, notamment au titre du respect des autres obligations légales et réglementaires appliquées aux SMAD.
III. - Sur les nouvelles compétences et pouvoirs du CSA
Le projet d'ordonnance renforce les prérogatives du Conseil afin de favoriser la bonne application des principes de la loi du 30 septembre 1986 à une diversité croissante d'opérateurs économiques. Il en est ainsi en matière de protection du public, de régulation des plateformes de partage de vidéos, de protection de l'intégrité du signal des services de de médias audiovisuels, de visibilité des services d'intérêt général et d'accessibilité des programmes des services de médias audiovisuels aux personnes en situation de handicap.
1° Sur la protection du public
L'article 5 du projet d'ordonnance renforce les exigences inscrites à l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relatives au principe de protection du public et notamment des mineurs dans les programmes des services de communication audiovisuelle.
Il prévoit ainsi que la mission du CSA consiste à « s'assurer [du] » - et non plus « veiller [au] » - respect de ce principe. Cette évolution sémantique traduit un renforcement de l'exigence du contrôle que le régulateur devra exercer.
Par ailleurs, le projet d'ordonnance complète les motifs susceptibles de justifier l'intervention du Conseil au titre de cet article 15. Il inclut en particulier la référence à la prohibition de la provocation publique à commettre une infraction terroriste prévue à l'article 421-2-5 du code pénal et à l'article 6 de la directive SMA.
Le Conseil souligne sa vigilance à ce que les dispositions de l'article 15 soient respectées par l'ensemble des chaînes accessibles sur le territoire français, y compris les chaînes extra-européennes diffusées par voie satellitaire sur lesquelles il exerce sa compétence. Il peut mettre en œuvre à l'égard de ces dernières des procédures de sanction allant, s'agissant de manquements graves comme l'incitation à la haine, jusqu'à la cessation de la diffusion.
Enfin, le Conseil se réjouit que les plateformes de partage de vidéos soient tenues de prendre des mesures appropriées pour respecter les dispositions de l'article 15, selon un dispositif de régulation adapté à la nature de leur implication dans les contenus qu'elles mettent à disposition du public.
2° Sur la régulation des services de plateformes de partage de vidéo
a) Sur les règles de compétence territoriale
L'article 22 du projet d'ordonnance introduit dans la loi du 30 septembre 1986 un titre IV applicable aux plateformes en ligne. Ce dernier transpose en particulier les dispositions de la directive SMA visant à protéger les mineurs et le grand public accédant à ces plateformes. Il prévoit que ces règles sont applicables non seulement aux services de plateformes de partage de vidéos établis en France mais également aux fournisseurs de telles plateformes qui ne sont pas établis dans un Etat membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen, dès lors que ces fournisseurs ont soit une entreprise mère, soit une entreprise filiale établie dans un Etat membre, ou qu'ils font partie d'un groupe ayant une autre entreprise établie dans un Etat membre.
Le Conseil s'interroge toutefois sur la rédaction retenue par le Gouvernement, qui pourrait comporter la répétition de dispositions au sens et à la portée identiques. Ainsi, les « a) » et « b) » du 2° de l'article 59 qu'il est proposé d'introduire dans la loi de 1986, de même que les « a) » et « b) » du 3° du même article, apparaissent répéter la règle qui figure déjà aux premiers alinéas des 2° et 3° de ce même article.
b) Sur le régime juridique applicable aux services de plateformes de partage de vidéos
1. L'article 22 du projet d'ordonnance transpose le régime applicable aux services de plateformes de partage de vidéos prévu par la directive SMA.
Il prévoit en particulier d'insérer à l'article 60 de la loi du 30 septembre 1986 le principe selon lequel les données à caractère personnel de mineurs ne peuvent être utilisées à des fins commerciales.
Le Conseil, qui devra rendre compte annuellement de la mise en œuvre de cette disposition, estime utile d'instaurer un mécanisme de saisine facultative pour avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) afin de bénéficier de l'expertise de cette dernière dans l'exercice de cette compétence.
2. Le projet d'ordonnance prévoit d'introduire dans la loi de 1986 un article 61 au titre duquel le CSA « encourage l'adoption par les plateformes concernées de codes de bonne conduite destinés, notamment, à l'adoption des mesures mentionnées à l'article 60 ». Par ailleurs, le II de l'article 60 énumère les mesures que doivent prendre ces mêmes plateformes, selon une typologie simplifiée par rapport à celle de la directive SMA, et confie au CSA le soin de définir les conditions de leur mise en œuvre. Enfin, l'article 61 prévoit également que le Conseil est tenu de publier un rapport dans lequel il fait état de l'application du même article 60 et des codes de bonne conduite adoptés.
Le Conseil s'interroge sur l'articulation des domaines respectifs de l'autorégulation et de la régulation et, partant, sur l'articulation de ses missions d'encouragement à l'adoption de codes de bonne conduite, d'une part, et d'édiction de prescriptions relatives à la mise en œuvre des dispositifs de protection des publics, d'autre part.
Dans un souci de sécurité juridique, il souhaite donc que les dispositions du II de l'article 60 et de l'article 61 soient mieux coordonnées.
c) Sur l'extension du pouvoir de règlement de différend aux litiges entre les services de plateformes de partage de vidéos et leurs utilisateurs
L'article 6 du projet d'ordonnance complète l'article 17-1 de la loi de 1986 afin de préciser que le CSA « peut également être saisi de tout différend entre un utilisateur et un fournisseur de plateformes de partage de vidéos relatif à l'application de l'article 60 ». Il organise une obligation d'information de la CNIL par le CSA des demandes que ce dernier reçoit et qui invoquent les dispositions du III du même article 60 relatives à l'interdiction d'utilisation à des fins commerciales des données personnelles des mineurs collectées ou générées par les fournisseurs de plateformes. Le CSA peut par ailleurs solliciter l'avis de la CNIL avant de régler un différend. La décision en règlement de différend devra alors lui être communiquée.
Ce mécanisme de coopération entre les deux autorités répond au souhait régulièrement exprimé par le Conseil de favoriser l'inter-régulation des acteurs numériques.
Par ailleurs, et dès lors que dans le cadre d'un tel différend, la saisine du CSA peut émaner de tout utilisateur citoyen de l'Union européenne, voire être transmise par l'autorité de régulation d'un autre Etat membre si l'utilisateur s'est adressé à celle-ci, il apparaît nécessaire au Conseil que l'actuel décret n° 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l'application de l'article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 et relatif à la procédure de règlement de différends par le Conseil supérieur de l'audiovisuel soit adapté en précisant les modalités de saisine du Conseil dans ce nouveau cadre.
3° Sur la protection de l'intégrité du signal
L'article 10 du projet d'ordonnance crée un nouvel article 20-5 dans la loi de 1986 relatif à la protection de l'intégrité du signal des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande. Les propositions que le CSA avait formulées dans son avis du 8 novembre 2019 ont à cet égard été prises en considération. Le CSA formule toutefois deux observations complémentaires.
1. Le texte ne mentionne pas les acteurs auxquels s'applique l'interdiction de « modifier » les services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande. S'il semble en résulter un champ d'application très large, le Conseil s'interroge sur sa capacité à mettre en œuvre cette mesure à l'égard d'opérateurs établis à l'étranger.
2. L'article 20-5 ne précise pas non plus les moyens dont le Conseil disposerait pour faire appliquer les mesures qu'il aurait adoptées afin d'assurer le respect du principe d'accord préalable des éditeurs ni, si les opérateurs ne les respectaient pas, les voies d'intervention à leur encontre.
Ces incertitudes pourraient nuire à l'effectivité réelle du principe inscrit à l'article 20-5.
4° Sur l'accessibilité des services de télévision et de médias à la demande
L'article 10 du projet d'ordonnance conforte la mission du CSA relative à l'accessibilité des programmes des services de télévision et de médias audiovisuels à la demande aux personnes en situation de handicap et le charge expressément d'assurer un renforcement « continu et progressif » de cette accessibilité « par l'exercice de l'ensemble de ses compétences ».
1. Le Conseil considère que ces dispositions pourraient être utilement complétées par l'indication que l'accessibilité doit être renforcée de manière continue et progressive tant « en quantité qu'en qualité ».
2. L'article 20-6 lui confère expressément le pouvoir d'adopter des « orientations » et des « recommandations » sur l'élaboration des plans d'action que les éditeurs et distributeurs de services doivent mettre en place. Le Conseil suggère de préciser le texte en indiquant qu'il dresse un bilan périodique des moyens ainsi mis en œuvre.
3. Enfin, le Conseil réitère le souhait exprimé dans son avis du 8 novembre 2019 que le texte soit complété afin d'assurer la continuité de la chaîne d'accessibilité, en veillant à ce que les personnes handicapées, en particulier celles affectées d'un handicap visuel, puissent aisément accéder aux fonctions d'accessibilité.
5° Sur la visibilité des services d'intérêt général
L'article 10 du projet d'ordonnance introduit un article 20-7 dans la loi de 1986 permettant d'assurer la visibilité des services d'intérêt général.
Le CSA souhaite faire part de plusieurs observations relatives aux modalités pratiques selon lesquelles la mise en avant de ces services pourrait être assurée.
1. A l'instar de sa remarque relative à l'intégrité du signal, le Conseil souligne le champ d'application très large de la mesure et s'interroge sur sa capacité à la mettre en œuvre à l'égard des opérateurs établis à l'étranger.
2. Il s'interroge ensuite sur la pertinence d'inscrire dans la loi une liste limitative des « interfaces utilisateurs » concernées par cette obligation de visibilité. Il suggère que cette liste soit arrêtée par décret, afin de faciliter son adaptation aux évolutions technologiques.
3. A cet égard, si le choix était fait par le Gouvernement de maintenir la liste dans l'ordonnance, le CSA appelle son attention sur le champ couvert par les interfaces ainsi énumérées.
D'une part, la combinaison des interfaces citées aux premier et deuxième tirets du I du nouvel article 20-7 (respectivement le dispositif « installé sur un téléviseur ou sur un équipement destiné à être connecté au téléviseur » et celui « installé sur une enceinte connectée ») ne permet pas d'inclure l'ensemble des assistants vocaux susceptibles de servir d'intermédiaires entre l'utilisateur et tout écran utilisé pour consommer des services audiovisuels. Le champ d'application de cet article pourrait ainsi être étendu à d'autres types d'écrans que ceux des téléviseurs afin, notamment, d'inclure les dispositifs de divertissement embarqués dans des véhicules connectés, qui comportent de plus en plus souvent des écrans.
D'autre part, le Conseil s'interroge sur l'adéquation de la notion de « visibilité appropriée », qui renvoie au domaine de la perception visuelle, aux cas d'interactions par la voix avec des enceintes connectées ou des assistants vocaux. Il relève à ce titre que les services de communication audiovisuelle auxquels fait référence l'article 20-7 comprennent les services de radio qu'un auditeur peut écouter directement à partir de l'enceinte connectée ou de l'assistant vocal sans l'intermédiaire d'un écran. Dans un souci de sécurité juridique, il estime donc important de préciser le champ de l'article 20-7 en ce qui concerne la notion de « visibilité appropriée ».
4. Le Conseil suggère que l'obligation de visibilité appropriée vise non seulement les services d'intérêt général, mais également les programmes de ces services, afin de garantir son application aux interfaces présentant les services de communication audiovisuelle via leurs programmes (par des vignettes par exemple), désormais très répandues. La référence aux « programmes » pourrait ainsi être ajoutée au II du projet d'article 20-7.
5. De même, s'il importe que seuls les opérateurs d'une taille suffisamment critique soient assujettis à ces dispositions, le CSA appelle l'attention du Gouvernement sur les difficultés pratiques à obtenir toute information fiable et utile permettant de déterminer quels opérateurs dépassent ou non le seuil en nombre d'utilisateurs qui sera fixé par voie réglementaire.
6. Le Conseil constate également que le I de l'article 20-7 entend par « “interface utilisateur” tout dispositif présentant à l'utilisateur un choix parmi plusieurs services de communication audiovisuelle ou parmi des programmes issus de ces services (…) ». Or la notion de services de communication audiovisuelle ou de programmes issus de ces services couvre à la fois les services de radio linéaire et la rediffusion de leurs émissions. Ce faisant, la loi envisage d'offrir une visibilité appropriée à des podcasts dits « de replay » alors que les podcasts « natifs » n'entrent pas dans le champ de cette définition dès lors qu'il n'ont fait l'objet d'aucune diffusion préalable sur un service de radio. Au regard du fort développement de l'offre et de la consommation de podcasts, le Conseil estime que ces programmes devraient être plus largement intégrés au périmètre de la loi du 30 septembre 1986.
IV. - Sur la communication et les échanges d'information
Le projet d'ordonnance prévoit d'étendre le champ des personnes vers lesquelles le Conseil peut se tourner pour recueillir des informations, facilite les échanges d'informations avec le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ainsi que la coopération avec les autorités de régulation des autres Etats membres de l'Union européenne. De telles dispositions renforcent ses moyens et lui permettent d'assurer l'exercice effectif de ses missions.
1° Sur les obligations de communication d'information des services de médias audiovisuels et des plateformes de partage de vidéos
1. L'article 9 du projet d'ordonnance complète l'article 19 de la loi de 1986 pour inclure les plateformes de partage de vidéos dans le champ des entités concernées par l'obligation de transmission des informations demandées par le Conseil.
Toutefois, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique proposait en la matière une rédaction plus large : « [le Conseil peut recueillir] toutes les informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations qui sont imposées aux personnes soumises aux dispositions de la présente loi et plus généralement toutes les informations nécessaires à l'élaboration de ses avis et décisions ; ». Le deuxième alinéa du 1° de l'article 19, quant à lui, était rédigé ainsi : « auprès des autorités administratives, toutes les informations nécessaires à l'élaboration de ses avis, études et décisions ; ».
Le Conseil estime particulièrement important que ces rédactions soient reprises dans le projet d'ordonnance pour ne pas limiter le champ des informations qu'il peut exiger à celles nécessaires au simple contrôle du respect d'obligations. La nouvelle compétence qu'exercera le régulateur à l'égard des services de plateformes de partage de vidéos exigera en effet une connaissance approfondie de chacun de ces services pour définir les mesures qu'ils seront tenus de prendre. Le deuxième alinéa du 3. de l'article 28 ter de la directive dispose à ce titre que les mesures demandées aux services de plateformes de partages de vidéo soient « réalisables et proportionnées, compte tenu de la taille du service (…) et de la nature du service fourni ». Le même constat pourrait être fait s'agissant des services de média audiovisuels étrangers que le projet d'ordonnance soumet à des obligations de soutien à la création.
2. L'article 17 du projet d'ordonnance vient compléter et préciser les informations qu'un service de communication audiovisuelle soumis à la loi de 1986 et au contrôle du Conseil doit tenir à la disposition du public en application de l'article 43-1. A ce sujet, le Conseil constate que le 1° bis mentionne que l'éditeur doit publier « l'adresse du courrier électronique ou le site internet ». Or, il lui semble que ces deux informations n'ont pas la même finalité et ne sont donc pas substituables. Il suggère donc de remplacer la conjonction de coordination « ou » par « et ».
3. Le dernier alinéa de l'article 19 du projet d'ordonnance prévoit que le Conseil établit et tient à jour une liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France, en indiquant le critère sur lequel est fondée cette compétence.
Le Conseil souligne les difficultés pratiques qu'il pourrait rencontrer dans l'identification des services établis hors de France, de l'Union européenne et de l'Espace économique européen. La localisation des liaisons montantes satellitaires doit être recherchée au cas par cas. En outre, le nombre de ces liaisons et la rapidité avec laquelle elles peuvent être transférées d'un pays à un autre rendent toute liste rapidement obsolète. Afin de pouvoir exercer au mieux la mission qui lui est confiée, le Conseil continue de considérer important, comme il l'avait exprimé dans son avis du 8 novembre 2019, que les informations qu'il peut demander à l'opérateur de réseaux satellitaires en application de l'article 19 de la loi de 1986 portent sur tous les services transportés, y compris les SMAD.
Dans le prolongement de cette proposition, la même disposition de l'article 19 devrait prévoir que le Conseil peut demander les informations nécessaires à l'identification non seulement des services transportés mais aussi de l'Etat membre compétent.
2° Sur les échanges d'informations réciproques entre le CSA et le CNC
L'article 9 de l'ordonnance facilite les échanges réciproques d'informations entre le CSA et le CNC.
La liste des informations relatives à un service que les deux institutions peuvent s'échanger gagnerait à être élargie aux données relatives au nombre d'abonnés, à la grille tarifaire et à l'exposition des œuvres et à leur visionnage. De la sorte, le Conseil serait en mesure de procéder à des contrôles de cohérence des informations que les éditeurs lui transmettent à l'appui de l'examen de leurs obligations de contribution à la production.
3° Sur la coopération internationale
L'article 2 du projet d'ordonnance renforce le mécanisme de coopération entre le Conseil et les autorités de régulation des autres Etats membres de l'Union européenne et des Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen, afin de faciliter l'identification des services de médias audiovisuels susceptibles de relever de la compétence de la France mais ciblant un autre Etat.
Afin de garantir que le Conseil pourra transmettre aux autorités concernées des données en particulier financières relatives à ces éditeurs, il conviendrait de s'assurer que le secret des affaires ne s'y oppose pas.
Dans cette perspective, le Conseil propose l'ajout d'un alinéa ainsi rédigé : « Sans que le secret des affaires ne puisse y faire obstacle, le Conseil communique aux autorités de régulation des autres Etats membres de l'Union européenne et des Etats partie à l'accord sur l'Espace économique européen, ainsi qu'à la Commission européenne, toutes les informations nécessaires à l'application de la présente loi ».
Cette suggestion s'inscrit directement dans le cadre fixé par la directive SMA, dont le 1 de l'article 30 bis prévoit que « Les Etats membres veillent à ce que les autorités ou organismes de régulation nationaux prennent des mesures appropriées pour se communiquer mutuellement et communiquer à la Commission les informations nécessaires aux fins de l'application de la présente directive ». En particulier, l'échange d'informations relatives aux revenus des éditeurs permettra de déterminer si un service établi à l'étranger et qui cible un autre territoire peut être soumis à la contribution à la production, de calculer le niveau de cette contribution et de vérifier l'absence de caractère discriminatoire et disproportionné de cette dernière. Ces informations offriront aux autorités de régulation concernées la possibilité de vérifier que les informations déclarées par un service sont conformes à ses obligations à la fois dans son pays d'établissement et dans celui qu'il cible.
V. - Sur les autres dispositions
Le Conseil appelle l'attention du Gouvernement sur des modifications supplémentaires qui pourraient être apportées à deux autres dispositions du projet d'ordonnance.
1° Sur le placement de produit
Dans la suite de son avis du 8 novembre 2019 sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, le CSA accueille favorablement la mesure inscrite à l'article 4 du projet d'ordonnance relative au placement de produit, qui vise à renforcer les ressources financières des éditeurs de services. Il examinera avec attention les conséquences susceptibles d'être tirées de cette disposition, dans le souci de concilier le financement des programmes et la protection des utilisateurs de services de médias audiovisuels.
Le Conseil relève toutefois que la rédaction du 1° de l'article 4 diffère de celle qui avait été retenue dans le projet de loi. Cette rédaction fait naître une incertitude quant à la possibilité dont disposerait le CSA de compléter la liste des programmes dans lesquels le placement de produit resterait prohibé. Le Conseil propose en conséquence d'adapter la rédaction de cette disposition : « Le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe les conditions dans lesquelles les programmes des services de communication audiovisuelle, à l'exception notamment des programmes d'information et d'actualité, des émissions de consommation, des programmes religieux et des programmes pour enfants, peuvent comporter du placement de produit ».
2° Sur l'obligation de déclaration
L'article 14 du projet d'ordonnance prévoit l'obligation pour les éditeurs de services de télévision et de radio relevant du régime déclaratif de rendre compte annuellement au régulateur de leur chiffre d'affaires.
Le Conseil souhaiterait disposer de la même faculté qui lui est reconnue à l'article 26 du projet d'ordonnance en matière de contribution au développement de la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles, d'obtenir ces mêmes informations auprès de l'administration des impôts. Cette possibilité lui permettrait en effet de pallier l'absence de communication de leur chiffre d'affaires par certains éditeurs.
Au bénéfice des observations formulées plus haut, le Conseil émet un avis favorable sur le présent projet d'ordonnance.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.