Après en avoir délibéré le 16 juillet 2020,
1. Faits et procédure
1.1. Les parties au différend
1. La société à responsabilité limitée FlixBus France est une entreprise de transport public routier de personnes au sens de l'article R. 3111-6 du code des transports, qui assure des services librement organisés de transport régulier interurbain par autocar en France depuis l'entrée en vigueur de l'article L. 3111-17 du code des transports.
2. Le syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel (ci-après « le syndicat mixte ») a été créé en 1997 par plusieurs collectivités territoriales pour mener à bien, en liaison avec l'Etat, le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel. Cette entité, dont l'organisation et le fonctionnement sont régis par les dispositions des articles L. 5721-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, réunit les régions Normandie et Bretagne, le département de la Manche et les trois communes de Beauvoir, Pontorson et du Mont-Saint-Michel.
3. Le 6 octobre 2009, le syndicat mixte et la société anonyme Veolia Transport, devenue par la suite la société Transdev, ont conclu un contrat de délégation de service public pour une durée de 13 ans. Par ce contrat, le premier a délégué à la seconde la construction et l'exploitation des ouvrages et services d'accueil liés au rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel, notamment le service public de stationnement et de transport. En application du premier alinéa de l'article 4 de la convention, le délégataire a créé la société Compagnie des Parcs et Passeurs du Mont-Saint-Michel dont l'objet social est exclusivement réservé à l'exécution de la délégation. La dénomination sociale de cette dernière société a été modifiée le 20 juin 2019 : elle s'appelle désormais Transdev Mont Saint Michel. Conformément au troisième alinéa de l'article 2 du contrat, le service public de stationnement et de transport comprend, en premier lieu, la conception, le financement, la construction, l'exploitation et la maintenance-entretien notamment du parc de stationnement de la Caserne, des voies d'accès et des bâtiments d'exploitation du système de stationnement et de transport. Il comprend, en deuxième lieu, la conception, le financement, les fournitures, l'exploitation et la maintenance-entretien du matériel roulant de transport, des outils d'exploitation du parking et des navettes, ainsi que du mobilier urbain. Il comprend, en troisième lieu, la définition, le financement et la production notamment du service de navettes entre le parc de stationnement de la Caserne et le site du Mont-Saint-Michel ainsi que des services d'accueil et d'informations au sein du centre d'informations touristiques.
4. En application du dernier alinéa de l'article L. 1263-3 du code des transports, le syndicat mixte, en tant que groupement de collectivités territoriales ayant délégué une partie du service public dont il a la charge, a la qualité de partie devant l'Autorité.
1.2. Le cadre du différend
1.2.1. Les faits
5. Les visiteurs souhaitant se rendre sur le site du Mont-Saint-Michel doivent laisser leur véhicule sur le parc de stationnement de la Caserne qui est constitué de plusieurs « poches » (zones de stationnement) permettant à différentes catégories de véhicules de stationner (véhicules légers, deux roues et assimilés, camping-cars, autocars et véhicules poids lourds). Les voyageurs peuvent par la suite accéder au site du Mont-Saint-Michel à pied (35 minutes environ), en transport hippomobile (25 minutes environ) ou à bord d'une navette dénommée « le Passeur » (10 minutes environ).
6. Le présent différend porte sur le tarif d'accès à la poche P7 (ou « parking P7 ») du parc de stationnement. Cette poche, qui est ouverte au public depuis 2012, est destinée à accueillir les autocars autres que ceux réalisant des services conventionnés organisés par les régions Normandie et Bretagne. Elle est composée de 64 emplacements d'arrêt pour la dépose et la prise en charge des passagers - visiteurs ou non du site du Mont-Saint-Michel, et utilisateurs ou non des navettes - et offre plusieurs prestations annexes (toilettes pour les voyageurs et les chauffeurs, salle de repos pour les chauffeurs). La poche P7 comprend également un service d'informations pour les voyageurs. Des agents d'accueil sont par ailleurs présents sur le site.
7. Selon la grille tarifaire qui est homologuée par le délégant sur proposition du délégataire en application du premier alinéa de l'article 50 du contrat de délégation de service public, sur la période allant du 17 avril 2013 au 30 juin 2018, le tarif d'accès était de 20 euros TTC pour une durée de stationnement inférieure à 1 heure et de 55 euros TTC pour une durée de stationnement de 24 heures. A partir du 1er juillet 2018, et jusqu'au 31 mars 2019, un seul tarif d'accès pour une durée de stationnement de 24 heures existait. Il s'élevait à 57 euros TTC. Enfin, l'avenant n° 7 du 11 mars 2019, entré en vigueur le 1er avril suivant, a instauré « le principe de saisonnalité des tarifs », c'est-à-dire des tarifs différents selon la période de l'année. Ainsi, en basse saison (du 1er janvier au 31 mars et du 1er octobre au 31 décembre), le tarif s'élève à 23 euros TTC pour une durée de stationnement inférieure à 30 minutes et à 45 euros TTC pour une durée de stationnement de 24 heures. En haute saison (du 1er avril au 30 septembre), il est respectivement de 32 euros TTC et 63 euros TTC.
1.2.2. Le cadre juridique
8. En application du premier alinéa de l'article L. 3114-5 du code des transports, « L'exploitation d'un aménagement donne lieu, dans les conditions et sous réserve, le cas échéant, des exceptions définies par l'Autorité de régulation des transports en application du 4° de l'article L. 3114-12, à la tenue d'une comptabilité propre, distincte, si l'exploitant exerce d'autres activités, de la comptabilité de toute autre activité ».
9. Aux termes de l'article L. 3114-6 du même code, l'exploitant d'un aménagement de transport routier « définit et met en œuvre des règles d'accès des entreprises de transport public routier à l'aménagement, ainsi qu'aux services qu'il y assure ou qu'il y fait assurer, transparentes, objectives et non discriminatoires, le cas échéant, après avis des autorités organisatrices de transport et des opérateurs desservant l'aménagement considéré. Il les publie sur son site internet. / Ces règles comprennent les éventuels tarifs et horaires pour la prise en charge et la dépose des passagers ainsi que, le cas échéant, pour l'utilisation des services assurés par l'exploitant à destination des entreprises de transport public routier ».
10. L'article L. 3114-12 du même code dispose que « L'Autorité de régulation des transports précise par une décision motivée (…) : 4° Les conditions de mise en œuvre et de vérification de l'obligation de tenue d'une comptabilité propre prévue à l'article L. 3114-5 ainsi que les exceptions à cette obligation ; / 5° Les prescriptions applicables aux aménagements pour l'élaboration et la mise en œuvre des règles d'accès prévues à l'article L. 3114-6, notamment les règles tarifaires et celles relatives à la procédure publique d'allocation des capacités non utilisées, dans le respect des principes fixés à cet article (…) ».
11. Sur le fondement des dispositions de l'article L. 3114-12 précité, l'Autorité a adopté la décision n° 2017-116 du 4 octobre 2017 relatives aux règles tarifaires, à la procédure d'allocation des capacités et à la comptabilité propre des aménagements de transport routier. En application du premier alinéa de l'article 40 de cette décision, les exploitants d'aménagements de transport routier étaient tenus d'adopter des règles d'accès conformes aux prescriptions qu'elle contient au plus tard le 1er janvier 2018.
1.3. Les demandes des parties
12. A la suite d'une augmentation du tarif d'accès à la poche P7 de 20 euros TTC à 57 euros TTC, à partir du 1er juillet 2018, la société FlixBus France s'est rapprochée du délégataire en vue d'obtenir une justification de ce nouveau tarif au regard de la décision n° 2017-116 du 4 octobre 2017 précitée de l'Autorité. Elle a fait également valoir que le tarif de 57 euros TTC ne correspondait pas aux tarifs d'accès en vigueur au sein d'autres parcs de stationnement, qui s'élèvent, selon la société, en moyenne à 5 euros TTC. Le délégataire et le délégant ayant refusé de faire droit à sa demande de mettre en place un tarif d'accès à la poche P7 à hauteur de 5 euros TTC, la société FlixBus France a saisi l'Autorité, le 28 août 2019, d'une demande de règlement de différend en application de l'article L. 1263-3 du code des transports.
13. La société FlixBus France demande qu'il soit enjoint à la société Transdev Mont Saint Michel de fixer dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à venir, le tarif d'accès pour les services librement organisés à hauteur de 5 euros TTC. Elle demande également qu'il soit enjoint à cette même société de fixer ce tarif d'accès à 5 euros TTC de manière rétroactive à compter du début de la desserte de l'aménagement par la société FlixBus France, soit en mars 2016, et de procéder aux régularisations tarifaires qui s'imposent.
14. La société Transdev Mont Saint Michel et le syndicat mixte concluent au rejet des demandes de la société FlixBus France.
2. Sur la recevabilité de la saisine de la société FlixBus France
15. Le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel opposent plusieurs fins de non-recevoir.
2.1. Sur la fin de non-recevoir tirée de l'incompétence du syndicat mixte pour créer et exploiter un aménagement de transport routier
2.1.1. Arguments des parties
16. Le syndicat mixte soutient qu'il n'est pas compétent pour créer et exploiter un aménagement de transport routier, seuls les autorités organisatrices de la mobilité et les syndicats mixtes de transport détenant cette compétence. La société Transdev Mont Saint Michel ajoute que le syndicat mixte n'est pas compétent pour organiser et gérer le service public de transport et de la mobilité sur son ressort territorial.
17. En réponse, la société FlixBus France fait valoir que les dispositions du code des transports afférentes aux aménagements de transport routier sont applicables indépendamment de la qualité du propriétaire ou de l'exploitant.
2.1.2. Analyse de l'Autorité
18. Aux termes de l'article L. 3114-2-1 du code des transports : « Sous réserve des missions de service public mentionnées au 1° de l'article L. 1211-4, confiées à titre exclusif aux autorités organisatrices des services de transport routier en matière de création de gares routières et d'autres aménagements de transport routier, toute personne privée ou publique, dans la limite de ses compétences, peut créer librement ou aménager une gare routière ou tout autre aménagement relevant de l'article L. 3114-1 ».
19. En l'espèce, le syndicat mixte, qui est une personne publique spéciale en application de l'article L. 5721-1 du code général des collectivités territoriales, a pour mission, selon le premier alinéa de l'article 2 de ses statuts, de participer au rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel tout en conservant l'accès public et la qualité du site. Le 1° de l'article 2 ajoute que le syndicat mixte réalisera « les équipements connexes assurant la fonctionnalité de cet ensemble », « un parking de proximité et de service aux abords du Sud du Mont », « une liaison mixte routière et par navette entre le continent et le Mont (lien fixe) », « un parking à terre à proximité du lieu d'embarquement dans les navettes ». Le 3° de l'article 2 prévoit quant à lui que le syndicat mixte « a vocation à gérer et à exploiter les systèmes de transport et de parkings et le barrage de la Caserne ».
20. Ainsi, les statuts du syndicat mixte lui ont explicitement attribué une compétence en matière de création et d'exploitation, dans le cadre de sa mission, des parcs de stationnement attachés à la desserte du Mont-Saint-Michel, emplacements susceptibles d'être qualifiés d'aménagement de transport routier au sens du premier alinéa de l'article L. 3114-1 du code des transports.
21. Dès lors, c'est à tort que le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel soutiennent que seules les personnes détenant une compétence en matière de transport et de mobilité sont susceptibles de créer et d'exploiter un aménagement de transport routier et que le syndicat mixte n'est pas compétent pour créer et exploiter un aménagement de transport routier.
22. Au demeurant, le syndicat mixte est, aux termes du 2° de l'article 2 des statuts, l'autorité organisatrice des systèmes de transports entre le continent et le Mont-Saint-Michel. Par suite, et en tout état de cause, il détient une compétence en matière d'organisation des transports.
2.2. Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que le parking P7 du Mont-Saint-Michel ne constitue pas un aménagement de transport routier
23. Le chapitre IV du titre Ier du livre Ier de la troisième partie du code des transports est relatif aux « Gares et autres aménagements de transport routier ». Le premier alinéa de l'article L. 3114-1, qui ouvre ce chapitre, prévoit : « Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux aménagements accessibles au public, qu'ils soient ou non situés, en totalité ou en partie, sur les voies affectées à la circulation publique, destinés à faciliter la prise en charge ou la dépose de passagers des services réguliers de transport routier ».
24. Il résulte de cette disposition qu'un emplacement d'arrêts constitue un aménagement de transport routier au sens du code des transports s'il est accessible au public, s'il est destiné à faciliter la prise en charge ou la dépose de passagers et si ces derniers sont utilisateurs d'un service régulier de transport routier.
25. En l'espèce, le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel soutiennent que la poche P7 du parc de stationnement ne remplit aucune de ces trois conditions et, par voie de conséquence, ne constitue pas un aménagement de transport routier.
2.2.1. Sur la condition relative au caractère accessible au public de l'aménagement
a) Arguments des parties
26. Le syndicat mixte soutient que la poche P7 du parc de stationnement n'est pas accessible au public dans la mesure où elle est réservée aux véhicules détenant un badge d'accès ou un ticket retiré à l'entrée. L'accessibilité au public suppose, selon le syndicat mixte, la gratuité dans l'accès. Il ajoute que la poche P7 n'est accessible qu'aux seuls autocars de tourisme.
27. En réponse, la société FlixBus France fait valoir qu'un emplacement d'arrêt est accessible au public si toute personne peut y accéder, indépendamment du caractère gratuit ou onéreux de l'accès.
b) Analyse de l'Autorité
28. Un aménagement de transport routier doit être regardé comme accessible au public si les services de transport public routier de personnes sont susceptibles d'y accéder. La circonstance que l'accès soit gratuit ou payant est sans influence sur cette appréciation dans la mesure où la condition de gratuité n'est imposée ni par le premier alinéa de l'article L. 3114-1, ni par aucune autre disposition du code des transports.
29. En l'espèce, il ressort de la réponse n° 5 du syndicat mixte et de la société Transdev Mont Saint Michel à la mesure d'instruction n° 1 que le parking P7 a été créé sur le fondement de l'article 36-01 du contrat de délégation de service public, qui impose au délégataire d'assurer l'accueil des autocars privés et des autocars des tours opérateurs au sein du parc de stationnement. De surcroît, le règlement d'exploitation « Service d'accueil et de transport du Mont-Saint-Michel » (1), qui définit les conditions dans lesquelles les visiteurs accèdent aux parcs de stationnement et aux lignes de transport du site du Mont-Saint-Michel, ainsi que leurs droits et leurs obligations, précise, en son article 10.4, que « les autocars et véhicules d'une longueur supérieure à 8 mètres disposent d'une zone dédiée au sein du parc de stationnement, la poche P7 ». Cette dernière disposition permet ainsi aux entreprises de transport public routier de personnes d'accéder à la poche P7 du parc de stationnement.
30. Par suite, les autocars des tours opérateurs comme les autocars privés, qui assurent des prestations telles que les services librement organisés, réalisent des services de transport public routier de personnes susceptibles d'accéder au parking P7. Dans ces conditions, ce dernier est accessible au public.
2.2.2. Sur la condition relative à la prise en charge ou la dépose de passagers de l'aménagement
a) Arguments des parties
31. Selon le syndicat mixte, la poche P7 n'est pas aménagée pour faciliter la prise en charge ou la dépose des passagers des services réguliers de transport public dans la mesure où aucun aménagement spécial n'existe. La société Transdev Mont Saint Michel soutient également que l'emplacement litigieux n'a fait l'objet d'aucun aménagement spécifique en ce qui concerne notamment la bordure des quais ou encore les dispositifs d'information à destination des voyageurs.
32. En réponse, la société FlixBus France fait valoir que l'aménagement n'a pas à avoir été conçu spécifiquement pour accueillir des services librement organisés, ces derniers ne nécessitant pas d'aménagements particuliers par rapport aux autocars de tourisme. Elle ajoute que la poche P7 est aménagée pour la prise en charge et la dépose de passagers.
b) Analyse de l'Autorité
33. Il résulte du premier alinéa de l'article L. 3114-1 du code des transports précité qu'un aménagement, pour être regardé comme un aménagement de transport routier, doit être destiné à faciliter la prise en charge ou la dépose de passagers des services réguliers de transport routier.
34. En premier lieu, il ne résulte ni de cette disposition, ni d'aucune autre disposition du code des transports que pour être destiné à faciliter la prise en charge ou la dépose des passagers, un aménagement de transport routier doit avoir fait l'objet d'un aménagement spécial et répondre à certaines caractéristiques techniques, en termes de bordures de quais ou de dispositifs d'information à destination des voyageurs. Si le premier alinéa de l'article R. 3114-4 du code des transports impose à l'exploitant d'un aménagement de transport routier de mettre à disposition des transporteurs un dispositif permettant d'informer les voyageurs sur les services réguliers desservant l'aménagement, cette obligation n'est pas un critère permettant d'identifier un aménagement de transport routier.
35. En second lieu, aux termes de l'article 6.1 du règlement d'exploitation, les véhicules affectés aux services de transport public routier de personnes constituent une des quatre catégories de véhicules autorisés à accéder au parc de stationnement. Chaque catégorie de véhicules « dispose sur l'aire de stationnement d'une poche réservée à son accueil ». La zone dédiée aux services de transport public routier de personnes est la poche P7 où, conformément au premier alinéa de l'article 10.4 du même règlement d'exploitation, « La dépose et la prise en charge des passagers s'y effectuent ». Ainsi, il résulte des termes mêmes du règlement d'exploitation, acte administratif organisant le service public de stationnement et ses conditions d'exploitation, que tous les autocars peuvent accéder à la poche P7 en vue de déposer et de prendre en charge les passagers.
36. Au demeurant, il ressort de la pièce n° 1 produite par la société FlixBus France que l'exploitant de la poche P7 a lui-même, dans un courriel du 7 mars 2016, proposé à cette dernière « de réaliser [la] dépose et prise en charge de passagers au sein du parking P7 dédié aux autocars ». Par ailleurs, il ressort de la réponse de la société Comuto Pro à la mesure d'instruction n° 1, société qui détient la marque OuiBus, devenue par la suite BlaBlaBus, que depuis l'année 2016 également, ses services de transport public de personnes par autocar accèdent au parking P7 en vue de la prise en charge et de la dépose de passagers.
37. Il résulte de ce qui précède que la poche P7 du parc de stationnement est destinée à faciliter la prise en charge et la dépose de passagers des services de transport routier de personnes.
2.2.3. Sur la condition relative à la qualification de service régulier de transport routier d'au moins une partie des services utilisés par les passagers pris en charge ou déposés sur le parking P7
a) Arguments des parties
38. La société Transdev Mont Saint Michel soutient que seuls les autocars de tourisme peuvent accéder au parking P7 dans la mesure où ce dernier est uniquement destiné à accueillir cette catégorie de services de transport public routier de personnes. Elle ajoute qu'aucune poche du parc de stationnement n'est destinée à accueillir des lignes régulières privées. Elle fait valoir par ailleurs que la poche P7 ne comprend aucun arrêt de services réguliers.
39. La société FlixBus France n'a pas apporté de réponse à ces différents points.
b) Analyse de l'Autorité
40. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 3114-1 du code des transports, l'aménagement de transport routier, au sens de cet article, doit être destiné à accueillir les passagers des services réguliers de transport routier.
41. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 36-01 du contrat de délégation de service public, stipulation sur le fondement de laquelle le parking P7 a été créé, « L'accès sur le terre-plein d'arrivée au pied de la porte de l'avancée du Mont-Saint-Michel ou sur l'aire de retournement dans la baie du Mont-Saint-Michel est strictement interdit, en toutes saisons, aux autocars privés et aux autocars des tours opérateurs. Le Concessionnaire doit, en contrepartie, assurer l'accueil de ces autocars et de ces touristes au sein du parc de stationnement de la Caserne (…) ». Il résulte du contrat de délégation de service public, qui constitue la loi des parties, que tant les autocars des tours opérateurs que les autocars privés, catégorie incluant les autocars opérant des services librement organisés, sont susceptibles d'accéder à la poche P7 du parc de stationnement.
42. D'autre part, comme relevé plus haut, le règlement d'exploitation dispose, à son article 10.4, que « Les autocars et les véhicules d'une longueur supérieure à 8 mètres disposent d'une zone dédiée au sein du parc de stationnement, la poche P7 ». Ainsi, cette disposition permet à tous les autocars, sans distinction, d'accéder à la poche P7 du parc de stationnement.
43. Dès lors, c'est à tort que la société Transdev Mont Saint Michel soutient que la poche P7 est destinée à accueillir les seuls autocars de tourisme, cette poche étant au contraire contractuellement destinée à accueillir tous les services de transport public routier de personnes.
44. En second lieu, le premier alinéa de l'article R. 3114-1 du code des transports, relatif aux dispositions générales sur les aménagements de transport routier, renvoie aux définitions figurant à l'article R. 3111-37 relatif aux services librement organisés. Aux termes du 4° de l'article R. 3111-37, un « service régulier » est défini comme un « service de transport public collectif de personnes, routier, ferroviaire, maritime ou fluvial, exécuté selon une fréquence et sur un trajet déterminés, les voyageurs étant pris en charge et déposés à des arrêts préalablement fixés ». Il résulte de ces dispositions qu'ont le caractère de service régulier, notamment, les services de transport public routier de personnes dont la fréquence, le trajet et les arrêts sont fixés à l'avance.
45. En l'espèce, il ressort tant des écritures de la société FlixBus France que de la réponse de la société Comuto Pro à la mesure d'instruction n° 1, et il n'est d'ailleurs pas contesté, que depuis l'année 2016, les services librement organisés accèdent au parking P7, qui constitue un point d'arrêt dans le cadre de l'exploitation de plusieurs lignes. D'une part, les services de transport public routier de personnes par autocar de la société FlixBus France accèdent à la poche P7 dans le cadre de la ligne entre Paris et Saint-Malo et de celle entre Paris et Dinard, selon une fréquence de 14 passages par semaine. D'autre part, les services de transport public routier de personnes par autocar de la société Comuto Pro accèdent au parking P7 dans le cadre de la ligne entre Paris et Saint-Malo, selon une fréquence comprise entre 4 et 7 passages hebdomadaires entre les mois d'avril et de décembre.
46. Les lignes exploitées par les sociétés FlixBus France et Comuto Pro présentent le caractère de services réguliers de transport public routier dès lors qu'elles remplissent l'ensemble des conditions posées par les dispositions du 4° de l'article R. 3111-37 du code des transports. La société Transdev Mont Saint Michel n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'aucun service régulier n'accède à la poche P7 du parc de stationnement.
47. Il résulte de ce qui précède que la poche P7 du parc de stationnement remplit les trois conditions mentionnées au premier alinéa de l'article L. 3114-1 du code des transports et constitue dès lors un aménagement de transport routier au sens de cet article.
48. En tout état de cause, la poche P7 du parc de stationnement constitue de plein droit un aménagement de transport routier en application du a du 1° de l'article R. 3114-2 du code des transports, en ce qu'il comprend un ou plusieurs arrêts de services réguliers, ainsi qu'il a été démontré aux points 45 et 46.
2.3. Sur la fin de non-recevoir tirée de ce que le parking P7 ne constitue pas un aménagement de transport routier soumis à régulation
2.3.1. Arguments des parties
49. Subsidiairement, la société Transdev Mont Saint Michel soutient que, à supposer que la poche P7 soit un aménagement de transport routier, les articles L. 3114-5 à L. 3114-7 du code des transports ne s'appliquent pas dans la mesure où la société FlixBus France n'a pas formé une demande d'accès à la poche P7 conformément à la décision n° 2016-223 du 14 décembre 2016 de l'Autorité.
50. En réponse, la société FlixBus France fait valoir que la décision du 14 décembre 2016 de l'Autorité a été édictée après sa demande d'accès au parking P7.
2.3.2. Analyse de l'Autorité
51. D'une part, aux termes de l'article L. 3114-4 du code des transports, « L'exploitation des aménagements autres que ceux comprenant un unique emplacement d'arrêt exclusivement destinés aux services de transport urbain est soumise aux règles prévues aux articles L. 3114-5 à L. 3114-7. Ces règles deviennent applicables dès que l'aménagement fait l'objet d'une demande de desserte par des services librement organisés relevant de l'article L. 3111-17. / Toutefois, n'est pas soumise à ces règles l'exploitation (…) : / 2° Des aménagements accessibles gratuitement et, sous réserve de disponibilité, sans réservation à tous les véhicules de transport collectif ».
52. Il résulte de ces dispositions que, dès qu'une demande de desserte par un service librement organisé a été formée, il incombe à l'exploitant d'un aménagement de transport routier pour lequel l'accès est payant et/ou soumis à réservation de se conformer aux obligations découlant des articles L. 3114-5 à L. 3114-7 du code des transports. Ces obligations sont relatives à la tenue d'une comptabilité propre, à la définition et à la mise en œuvre de règles d'accès, qui comprennent notamment les éventuels tarifs, et aux délai et modalités de réponse aux demandes d'accès.
53. D'autre part, en application de l'article L. 3114-12 du code des transports, « L'Autorité de régulation des transports précise par une décision motivée (…) : / 2° Les conditions dans lesquelles l'existence d'une demande de desserte d'un aménagement par des services réguliers librement organisés, au sens du premier alinéa de l'article L. 3114-4, est constatée et le délai dans lequel l'exploitant est, en cas d'existence d'une telle demande, tenu de se conformer aux obligations découlant des articles L. 3114-5 à L. 3114-7 ».
54. Conformément à cette disposition, qui lui attribue un pouvoir réglementaire, l'Autorité a adopté la décision n° 2016-223 du 14 décembre 2016 précisant les conditions dans lesquelles l'existence d'une demande de desserte d'un aménagement par des services réguliers librement organisés est constatée et le délai dans lequel l'exploitant est tenu de se conformer aux obligations découlant des articles L. 3114-5 à L. 3114-7 du code des transports. La décision énumère notamment les informations que doit contenir la demande de desserte d'un aménagement de transport routier par un service librement organisé.
55. En application du principe en vertu duquel les règlements ne disposent que pour l'avenir, repris au second alinéa de l'article L. 221-2 du code des relations entre le public et l'administration, cette décision est entrée en vigueur le lendemain de sa publication sur le site internet de l'Autorité, soit le 21 décembre 2016.
56. Par suite, la société FlixBus France a pu légalement présenter une demande d'accès à la poche P7 sans avoir à respecter la décision du 14 décembre 2016 de l'Autorité qui n'existait pas, demande qui a été acceptée par la société Transdev Mont Saint Michel le 7 mars 2016.
57. Dès lors, c'est à tort que la société Transdev Mont Saint Michel soutient que la société FlixBus France aurait dû former une demande de desserte de la poche P7 respectant la décision de l'Autorité du 14 décembre 2016 pour que les règles prévues aux articles L. 3114-5 à L. 3114-7 du code des transports soient applicables à l'exploitation de la poche P7 du parc de stationnement. Il y a lieu, par suite, d'écarter le moyen soulevé par la société Transdev Mont Saint Michel.
58. Il résulte de ce qui précède que toutes les fins de non-recevoir opposées par le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel ne peuvent qu'être écartées.
3. Sur le bien-fondé des conclusions de la société FlixBus France
3.1. Sur la demande de la société FlixBus France tendant à ce que l'Autorité fixe le tarif d'accès à la poche P7 à 5 euros TTC
3.1.1. Arguments des parties
59. La société FlixBus France soutient que l'accès à des aménagements de transport routier similaires à la poche P7 dans d'autres lieux touristiques est soit gratuit, soit soumis à un tarif compris entre 1 et 6 euros. Elle ajoute que le tarif d'accès à la poche P7 ne respecte pas les règles relatives aux redevances pour service rendu dans la mesure où il inclut notamment le coût des navettes reliant le parc de stationnement au site du Mont-Saint-Michel.
60. En réponse, le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel font valoir que le contrat de délégation de service public a retenu une logique de tarification globale des services, c'est-à-dire une tarification comprenant l'ensemble des prestations du service public délégué (l'accueil, le stationnement et le transport vers le site du Mont-Saint-Michel). Ils ajoutent que l'application de la décision de l'Autorité du 4 octobre 2017 susvisée impliquerait une modification du contrat de délégation de service public. La société Transdev Mont Saint Michel indique par ailleurs que le tarif d'accès à la poche P7 est similaire aux tarifs d'accès au parc de stationnement de divers sites touristiques.
3.1.2. Analyse de l'Autorité
a) Sur la méconnaissance des articles 20 et 22 de la décision du 4 octobre 2017
61. D'une part, le tarif d'accès à un aménagement de transport routier relevant du service public constitue une redevance pour service rendu, ce qui implique nécessairement qu'il est demandé à l'usager en vue de couvrir les charges du service public et qu'il trouve sa contrepartie directe essentiellement dans les prestations fournies par le service. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 20 de la décision de l'Autorité du 4 octobre 2017 susvisée, « La redevance acquittée par tout transporteur utilisant un aménagement relevant du service public est plafonnée au coût du service rendu, en ce compris la rémunération des capitaux investis ». En application du premier alinéa de l'article 22 de la même décision, « L'exploitant justifie que le montant des tarifs perçus dans son aménagement ne dépasse pas les coûts variables et fixes encourus pour l'exploitation et la maintenance des infrastructures et des équipements, dans la mesure où ces derniers sont mis à la disposition de tous les transporteurs ou nécessaires au bon fonctionnement de l'aménagement ». Enfin, en application des dispositions combinées des articles 40 et 43 de la décision du 4 octobre 2017, cette dernière, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, « s'applique, dans les mêmes conditions et sous réserve des mêmes dispositions transitoires, aux contrats en cours d'exécution passés par les collectivités publiques avec les entités tierces ».
62. Il résulte de ces dispositions que le montant de la redevance acquittée par un usager utilisant un aménagement de transport routier relevant du service public ne peut excéder le coût du service rendu, en ce compris la rémunération des capitaux investis. L'exploitant d'un tel aménagement est par ailleurs tenu de justifier, notamment en cas de demande de l'Autorité, que le montant de la redevance pour service rendu ne dépasse pas les coûts induits par l'exploitation et la maintenance de cet aménagement. L'ensemble de ces dispositions s'applique aux contrats de délégation en cours d'exécution au 1er janvier 2018.
63. En l'espèce, en application des articles 2 et 4 du contrat de délégation de service public, le syndicat mixte a délégué à la société Transdev Mont Saint Michel le service public de stationnement et de transport qui comprend notamment l'exploitation du parc de stationnement de la Caserne ainsi que l'exploitation des navettes entre ce dernier et le site du Mont-Saint-Michel. Conformément à l'annexe 32 du contrat, le tarif des navettes de transport est « compris dans le prix du parking » quelle que soit la période de l'année, le contrat de délégation de service public ayant institué une « logique de tarification des services globale » selon les réponses du syndicat mixte aux mesures d'instruction nos 2 et 5. L'article 9 du règlement d'exploitation met en œuvre l'annexe 32 du contrat en disposant que « Pour toutes les catégories d'usagers, le tarif correspond à un droit d'accès au parc de stationnement, au système de transport “le Passeur” et aux services d'accueil » et que le tarif « intègre un accès libre à la navette “le Passeur” ».
64. Par suite, le tarif d'accès à la poche P7 acquitté par les entreprises de transport public routier de personnes intègre, implicitement mais nécessairement, une quote-part des charges liées à l'exploitation des navettes susceptibles d'être empruntées par les clients de ces entreprises. Le tarif d'accès à la poche P7 acquitté par les entreprises ne trouve dès lors pas sa contrepartie directe dans la prestation fournie, notamment permettre l'arrêt des autocars en vue de la dépose et de la prise en charge de leurs passagers. Ainsi, le tarif d'accès à la poche P7 ne couvre pas les seules charges liées à l'exploitation et à la maintenance de cette infrastructure mais couvre également des charges liées à une autre activité de la société Transdev Mont Saint Michel : l'exploitation des navettes. Dans ces conditions, le tarif d'accès à la poche P7 excède le coût du service rendu aux usagers que sont les entreprises de transport public routier de personnes et doit donc être regardé comme surévalué.
65. Il résulte de ce qui précède que le tarif d'accès à la poche P7, qui ne correspond pas à la contrepartie du service rendu, méconnaît les dispositions des articles 20 et 22 de la décision du 4 octobre 2017.
b) Sur la fixation du tarif d'accès à la poche P7
66. Aux termes des premier et troisième alinéas de l'article L. 1263-3 du code des transports, « Toute entreprise de transport public routier de personnes, tout exploitant d'un aménagement relevant de l'article L. 3114-1 ou tout fournisseur de services à destination des entreprises de transport public routier dans ces aménagements peut saisir l'Autorité de régulation des transports d'un différend dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés aux règles et conditions d'accès. / La décision de l'Autorité de régulation des transports, qui peut être assortie d'astreintes, précise les conditions d'ordre technique et financier de règlement du différend dans le délai qu'elle accorde. Lorsque c'est nécessaire pour le règlement d'un différend relevant du premier alinéa du présent article, elle fixe, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités d'accès et ses conditions d'utilisation et prend les mesures appropriées pour corriger toute discrimination, toute distorsion de concurrence ou toute pratique constituant un obstacle à l'accès effectif des transporteurs à cet aménagement. Elle peut tenir compte des spécificités liées à l'exploitation d'un service public de transport. Sa décision est notifiée aux parties et publiée, sous réserve des secrets protégés par la loi ».
67. Il résulte notamment de ces dispositions que l'Autorité peut, lorsqu'elle l'estime nécessaire au règlement du différend qui lui est soumis, fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités, y compris tarifaires, d'accès à l'aménagement de transport routier objet du différend. Ces dispositions lui permettent ainsi d'enjoindre à l'exploitant de modifier les règles tarifaires d'accès à l'aménagement de transport routier concerné dans le sens et selon les orientations qu'elle détermine. Aux fins de respecter le principe de non-discrimination, le tarif ainsi fixé par l'Autorité s'applique à toutes les entreprises de transport public routier de personnes se trouvant dans la même situation à l'égard de l'aménagement de transport routier.
- Sur l'absence de transmission de données comptables par le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel permettant d'isoler les coûts de la poche P7 des autres charges de l'exploitant
68. Afin d'établir un tarif d'accès à la poche P7 objectif, c'est-à-dire orienté vers les coûts du service rendu conformément à l'article 20 de la décision du 4 octobre 2017, a été adressée, le 10 décembre 2019, au syndicat mixte et à la société Transdev Mont Saint Michel une mesure d'instruction leur demandant de transmettre le montant des charges imputables à l'exploitation du parking P7. En réponse, le syndicat mixte a indiqué qu'il n'était « pas possible d'isoler les charges et produits relevant de l'activité de la poche P7 ». La société Transdev Mont Saint Michel a confirmé ce point en mentionnant que « les charges imputables à l'exploitation du parking P7 comprennent nécessairement une part de l'ensemble des charges nécessaires à l'accès au Mont-Saint-Michel tels que les investissements et dépenses de fonctionnement des navettes » et a donc transmis des données afférentes aux charges d'exploitation de la poche P7 incluant les charges des navettes reliant le parc de stationnement au site du Mont-Saint-Michel. Par une nouvelle mesure d'instruction en date du 10 janvier 2020, le rapporteur chargé de l'instruction a réitéré sa demande de transmission du montant des charges relatives à la seule exploitation de la poche P7 ainsi que du montant des charges, distinctes des précédentes, imputables à l'exploitation des navettes. Ni le syndicat mixte, ni la société Transdev Mont Saint Michel n'ont, une nouvelle fois, communiqué les données demandées. Ces deux entités n'ont ainsi pas mis l'Autorité en mesure d'isoler les charges spécifiques liées à l'exploitation de la poche P7 des charges des autres activités du délégataire, telles que celles liées à l'exploitation des navettes, et ce en vue d'élaborer un tarif d'accès objectif à cette poche P7, fondé sur des données pertinentes.
69. Compte tenu de cette situation, et afin de régler le différend entre les parties, l'Autorité estime nécessaire de fixer le tarif d'accès à la poche P7 pour une durée de stationnement inférieure à 30 minutes, correspondant au temps de dépose et de prise en charge des passagers, à partir d'une analyse des tarifs d'accès d'aménagements de transport routier comparables à la poche P7.
- Sur la méthodologie mise en œuvre par l'Autorité
70. La méthodologie mise en œuvre par l'Autorité, et soumise à la contradiction, repose sur trois étapes successives : l'établissement d'une liste d'aménagements de transport routier, l'identification des facteurs expliquant de façon significative le niveau des tarifs d'accès à ces aménagements et l'estimation, en conséquence, du tarif d'accès au parking P7 pour une durée de stationnement inférieure à 30 minutes.
71. Conformément à l'article L. 3114-10 du code des transports, l'Autorité a mis en place et tient à jour un registre public des aménagements de transport routier. Elle a identifié, au sein de ce registre, les aménagements dont l'accès est payant. Parmi ceux-ci, elle a établi une liste de 43 aménagements (2), dont les exploitants ont notifié à l'Autorité les tarifs d'accès, inclus au sein des règles d'accès en application de l'article L. 3114-6 du code des transports, qui ne méconnaissent pas les principes d'objectivité et de non-discrimination. Il ressort de cette liste que les aménagements identifiés présentent les caractéristiques principales suivantes. En premier lieu, une majorité de ces aménagements sont des gares routières, c'est-à-dire qu'ils sont équipés d'un bâtiment destiné à l'accueil des voyageurs. En deuxième lieu, environ 20 % des 43 aménagements ne sont équipés ni d'une salle d'attente pour les voyageurs ni d'une salle de repos pour les conducteurs. En troisième lieu, trois aménagements ont un nombre d'emplacements d'arrêt supérieur à 50. En quatrième lieu, le tarif au toucher est compris dans une fourchette allant de 60 centimes TTC à un peu plus de 13 euros TTC. En moyenne, ce tarif est légèrement supérieur à 5 euros TTC.
72. Une analyse statistique de ces 43 aménagements a permis d'identifier que deux facteurs expliquent significativement le montant des tarifs d'accès. Le premier facteur est relatif au niveau de qualité de service de l'aménagement de transport routier, ce niveau étant considéré comme élevé lorsque l'aménagement concerné remplit les trois critères cumulatifs suivants : la présence de personnel sur le site, l'existence de toilettes pour les voyageurs et l'existence d'une salle d'attente pour les voyageurs ou d'une salle de repos pour les conducteurs. Le second facteur explicatif de la variation des tarifs est la taille de l'aménagement, c'est-à-dire le nombre d'emplacements d'arrêt. Si ce nombre est supérieur à 50, l'aménagement est alors considéré comme étant de grande taille. En revanche, l'analyse statistique conduite par l'Autorité a montré que le trafic ne constitue pas un facteur permettant d'expliquer le tarif d'accès.
73. Sur les 43 aménagements étudiés, 27 (3) offrent un haut niveau de qualité de service et sont accessibles en contrepartie du paiement d'un tarif moyen s'élevant à 6,19 euros TTC par passage. Sur ces 43 aménagements également, trois (4) ont un nombre d'emplacements d'arrêt supérieur à 50 et sont accessibles en contrepartie du paiement d'un tarif moyen s'élevant à 11,44 euros TTC par passage.
74. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la poche P7 offre un niveau de qualité de service relativement élevé eu égard à la présence de personnel sur le site, l'existence de toilettes pour les voyageurs ainsi que d'une salle de repos pour les conducteurs. Elle est, en outre, un aménagement de grande taille dans la mesure où elle comporte 64 emplacements d'arrêt. Dès lors, en combinant la variable liée au niveau de qualité de service et celle relative à la taille de l'aménagement, le tarif d'accès à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes devrait être compris entre 6,19 euros TTC et 11,44 euros TTC.
75. En application de l'avenant n° 7 du 11 mars 2019 au contrat de délégation du service public, les tarifs d'accès à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes s'élèvent à 23 euros TTC ou à 32 euros TTC selon la période de l'année considérée. Ces tarifs d'accès sont dès lors nettement supérieurs à ceux pratiqués au sein d'aménagements comparables, quelle que soit la variable explicative utilisée, et apparaissent ainsi excessifs en l'absence de toute justification.
76. Compte tenu du fait que les aménagements de grande taille, mentionnés au point 74, offrent habituellement un niveau de qualité de service élevé, la tarification d'accès à la poche P7 doit se comparer aux tarifs applicables à cette catégorie d'aménagements, sans pouvoir excéder la borne haute de l'écart indiqué au point 74.
77. Il résulte de ce qui précède que le tarif d'accès à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes, ne peut, en l'absence de données comptables transmises par le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel, être supérieur à 11,44 euros TTC.
78. Ce tarif s'appliquera, conformément au principe de non-discrimination mentionné au troisième alinéa de l'article L. 1263-3 du code des transports, à tous les véhicules d'entreprises de transport public routier de personnes, qu'il s'agisse des autocars opérant des services librement organisés ou des autocars de tourisme souhaitant accéder à la poche P7. Il donnera accès à l'aménagement pour une durée inférieure à 30 minutes. Ce tarif pourra être complété par un tarif de stationnement de longue durée, supérieure ou égale à 30 minutes, dans la mesure où, en application de l'article 29 de la décision de l'Autorité n° 2017-116 du 4 octobre 2017 susvisée, la tarification de cette prestation annexe est fixée librement par l'exploitant. Ce dernier tarif de stationnement de longue durée sera toutefois établi selon des critères objectifs et rationnels, dans le respect du principe d'égalité entre les usagers du service public, des règles de la concurrence et du principe de proportionnalité qui régit la fixation des redevances pour service rendu.
79. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à la société Transdev Mont Saint Michel de fixer, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision, le tarif unitaire d'accès et de stationnement à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes à un montant maximal de 11,44 euros TTC. L'exécution de cette injonction suppose la modification de la grille tarifaire ; il appartient à la société Transdev Mont Saint Michel de s'y conformer en respectant les compétences, rappelées au début du point 7, de l'autorité délégante (5) et les conditions prévues par le contrat de délégation de service public.
80. Si le syndicat mixte et la société Transdev Mont Saint Michel souhaitaient édicter par la suite un nouveau tarif d'accès à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes, il leur appartiendra de le justifier dûment en se fondant sur des données comptables et en respectant le code des transports et les principes et les règles rappelés par les décisions de l'Autorité, notamment la décision n° 2017-116 susmentionnée.
3.2. Sur la demande de la société FlixBus France tendant à ce que l'Autorité fixe le tarif d'accès à la poche P7 à 5 euros TTC de manière rétroactive
3.2.1. Arguments des parties
81. La société FlixBus France demande que le tarif d'accès au parking P7, fixé à 5 euros TTC, rétroagisse à compter du début de la desserte de l'aménagement, en mars 2016, par ses autocars. Elle demande en conséquence de procéder aux régularisations tarifaires qui s'imposeraient.
82. En réponse, la société Transdev Mont Saint Michel soutient que le code des transports ne permet pas à l'Autorité de faire rétroagir les décisions prises en matière de règlement de différend. Elle fait valoir par ailleurs, tout comme le syndicat mixte, qu'une décision rétroactive méconnaîtrait le principe de loyauté des relations contractuelles qui ont été préalablement nouées entre la société FlixBus France et le délégataire.
3.2.2. Analyse de l'Autorité
83. L'Autorité tire des dispositions des premier et troisième alinéas de l'article L. 1263-3 du code des transports, mentionnées au point 66, le pouvoir d'appliquer rétroactivement la modification des modalités d'accès de nature tarifaire à l'aménagement de transport routier concerné lorsque cela est nécessaire pour régler pleinement le différend dont elle est saisie et remédier ainsi au traitement inéquitable, à la discrimination ou au préjudice subi par l'opérateur. En statuant en ce sens, l'Autorité ne fait qu'assurer l'application des principes d'ordre public économique garantissant l'accès à l'aménagement dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires, lorsqu'il s'avère qu'ils n'ont pas été respectés par l'exploitant. Ce faisant, elle ne porte pas atteinte à l'intangibilité des conventions légalement formées.
84. Toutefois, s'il apparaît que le caractère rétroactif de la décision est de nature à emporter des effets manifestement excessifs en raison notamment des situations qui ont pu se constituer lorsque le tarif initial était en vigueur ou de l'intérêt général pouvant s'attacher à un maintien de ses effets, il appartient à l'Autorité de limiter ou d'encadrer les effets temporels de sa décision.
85. En effet, eu égard à la nature et à l'objet des redevances pour service rendu, qui constituent la rémunération des prestations fournies aux usagers, la fixation rétroactive d'un tarif d'accès à la seule poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes ne saurait avoir pour effet d'exonérer les clients des entreprises de transport public routier qui ont effectivement utilisé le service public des navettes pour se rendre sur le site du Mont-Saint-Michel de l'obligation d'acquitter la contrepartie du service dont ils ont ainsi bénéficié.
86. En l'espèce, il ne ressort pas de l'instruction que les entreprises de transport public routier de personnes ayant utilisé la poche P7 et l'exploitant de cette installation soient en mesure de déterminer le nombre de clients de ces entreprises qui n'ont pas utilisé le service public des navettes ainsi que leurs coordonnées personnelles, afin que les personnes concernées puissent être remboursées par les entreprises de transport public routier. Ainsi, la fixation rétroactive du tarif d'accès à la poche P7 pour une durée inférieure à 30 minutes pourrait avoir pour effet de produire un enrichissement injustifié de ces entreprises au détriment du service public, alors qu'un service a été effectivement rendu à une partie de leurs clients.
87. Ainsi, eu égard aux incertitudes graves qu'une décision rétroactive ferait naître sur les recettes du service public et à la nécessité de prévenir l'atteinte au principe de continuité du service public qui en résulterait, il y a lieu de rejeter la demande de la société FlixBus France tendant à ce que le tarif d'accès à la poche P7 rétroagisse à compter du début de la desserte de cet aménagement de transport routier par la requérante.
Décide :