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Article AUTONOME (Délibération n° 2020-010 du 23 janvier 2020 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GDRF)

Article AUTONOME (Délibération n° 2020-010 du 23 janvier 2020 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GDRF)


Participaient à la séance : Jean-François CARENCO, président, Christine CHAUVET, Catherine EDWIGE et Ivan FAUCHEUX, commissaires.
Les articles L. 452-1-1 et L. 452-2 à L. 452-3 du code de l'énergie donnent compétence à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) pour fixer la méthode d'établissement des tarifs d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel. La CRE procède aux modifications de niveau et de structure des tarifs qu'elle estime justifiées au vu notamment de l'analyse de la comptabilité des opérateurs et de l'évolution prévisible des charges de fonctionnement et d'investissement.
Les dispositions de l'article L. 452-1-1 du code de l'énergie prévoient que les tarifs d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel font l'objet d'une péréquation à l'intérieur de la zone de desserte de chaque gestionnaire de réseaux de distribution, à l'exception des nouveaux réseaux publics de distribution mentionnés à l'article L. 432-6 du même code (1).
Le tarif actuel d'utilisation des réseaux de distribution de gaz naturel de GRDF, dit tarif ATRD5 (2), est entré en vigueur le 1er juillet 2016 pour une durée d'environ quatre ans, en application de la délibération de la CRE du 10 mars 2016 (3). La CRE définit un nouveau tarif de distribution de gaz applicable au 1er juillet 2020, conformément au calendrier initialement prévu.
Compte tenu de la nécessité de donner de la visibilité aux acteurs de marché et de la complexité des sujets à traiter, la CRE a organisé quatre consultations publiques :


- la première, en date du 14 février 2019, concernait le cadre de régulation applicable aux opérateurs d'infrastructures régulées pour la prochaine génération de tarifs. 41 réponses ont été reçues ;
- la deuxième, en date du 27 mars 2019, concernait les premières orientations concernant la structure du tarif ATRD6. 27 réponses ont été reçues ;
- la troisième, en date du 23 juillet 2019, concernait les conditions d'insertion du biométhane sur les réseaux de transport et de distribution de gaz et l'introduction d'un timbre d'injection. 43 réponses ont été reçues ;
- la quatrième, en date du 1er octobre 2019, concernait le niveau des charges de GRDF à couvrir pour la période ATRD6 et le niveau du tarif en découlant, la structure tarifaire ainsi que le cadre de régulation tarifaire. 72 réponses ont été reçues.


Les réponses à ces quatre consultations publiques sont publiées, le cas échéant dans leur version non confidentielle, sur le site de la CRE.
La présente délibération se fonde notamment sur la demande tarifaire de GRDF ainsi que sur de nombreux échanges avec ce dernier, sur des analyses internes, sur des rapports d'auditeurs externes (4) et sur le retour des acteurs de marché aux différentes consultations publiques. La CRE a également auditionné GRDF, son actionnaire et organisé, le 7 novembre 2019, une table ronde avec les principaux expéditeurs et les consommateurs ayant répondu à la dernière consultation publique.
En outre, la CRE a pris en compte dans la présente délibération, en application des dispositions de l'article L. 452-3 du code de l'énergie, les orientations de politique énergétique transmises par le ministre d'Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire par courrier du 15 juillet 2019. Ces orientations sont publiées sur le site de la CRE.
Principaux enjeux
En plus des objectifs de simplicité, de prévisibilité et de continuité, la CRE considère que le tarif ATRD6 doit apporter des réponses aux enjeux prioritaires cités ci-après.


1. Maintien d'un niveau de sécurité maximum du réseau de distribution de gaz


Garantir la sécurité des personnes et des biens est un enjeu majeur pour GRDF qui met en œuvre de nombreuses actions de renouvellement et de sécurisation de ses ouvrages. Le cadre de régulation retenu dans la présente délibération, notamment au travers de la couverture de l'ensemble des investissements selon les dépenses réalisées par GRDF, sous réserve de leur efficacité, permet à ce dernier de mettre en œuvre la politique d'investissement nécessaire au maintien d'un haut niveau de sécurité. S'agissant des charges d'exploitation, la CRE a repris les demandes de l'opérateur relatives à la sécurité et a en particulier accepté des dépenses additionnelles à celles couvertes dans le tarif ATRD5.


2. Accompagnement de la transition énergétique : permettre l'intégration du biométhane


La transition énergétique représente un défi pour les gestionnaires d'infrastructures de gaz, avec notamment le développement de l'injection de biométhane dans les réseaux qui rendra nécessaires certaines adaptations des infrastructures gazières.
Le tarif ATRD6 donne les moyens à GRDF de réussir l'intégration du biométhane dans les réseaux, en lui donnant les moyens d'investir pour raccorder les producteurs de biométhane et en dégageant des ressources pour l'accueil du biométhane dans les réseaux.
Le tarif ATRD6 permet plus généralement à GRDF d'accompagner la transition énergétique, notamment grâce à un budget de recherche et développement en hausse par rapport au tarif ATRD5.


3. Maîtrise de l'évolution des tarifs dans un contexte de baisse de la consommation de gaz


Les efforts d'efficacité énergétique déjà réalisés et à venir conduisent à une baisse des consommations unitaires notamment pour les consommateurs utilisant le gaz pour le chauffage. Dans ce contexte, la maîtrise des charges de GRDF est un enjeu essentiel, pour éviter que le coût unitaire par MWh distribué augmente trop fortement. Le tarif ATRD6, qui fixe notamment les trajectoires d'OPEX de GRDF en fonction de la performance atteinte en 2018 et en prenant en compte les gains attendus du projet Gazpar, répond à cet enjeu.


4. Début de la phase industrielle du projet « Changement de gaz »


La période tarifaire ATRD6 verra le début de la phase industrielle du projet de conversion de la zone gaz B en zone gaz H. En application du cadre juridique associé à ce projet, GRDF intervient en dehors de son cœur d'activité, la majorité des actions à mener étant situées en aval du compteur. Le tarif ATRD6 intègre les dépenses prévisionnelles liées au projet « Changement de gaz ». Compte-tenu des enjeux de nature exceptionnelle par rapport à l'activité classique de GRDF associés à ce projet très spécifique et des incertitudes sur son calendrier de mise en œuvre, la CRE fixera fin 2020 le cadre applicable pour la période 2021-2029 ainsi que les trajectoires définitives. En effet, la phase pilote se termine fin 2020 et la CRE ne dispose pas des éléments chiffrés ni du retour d'expérience suffisant permettant de fixer avec suffisamment de précision une telle trajectoire.
Niveau tarifaire
GRDF a formulé une demande d'évolution tarifaire exposant ses coûts prévisionnels pour la période 2020-2023.
La prise en compte des éléments du dossier tarifaire adressé à la CRE par GRDF aurait conduit à une hausse du tarif unitaire moyen de + 1,1 % en moyenne par an sur toute la durée du tarif.
Cette demande présentait notamment une hausse importante des charges nettes d'exploitation que la CRE considère trop forte, alors que la consommation de gaz est orientée à la baisse et que les gains d'efficacité liés à Gazpar doivent se manifester durant la période ATRD6.
Pour prendre sa décision, en plus de ses analyses propres, de la large consultation des acteurs et des échanges avec GRDF, la CRE s'est appuyée sur des études d'auditeurs externes. Ces études portent sur les sujets suivants :


- un audit de la demande en termes de charges d'exploitation de GRDF pour la période 2020-2023 ;
- un audit de la demande de taux de rémunération des actifs régulés de GRDF, qui demande un coût moyen pondéré du capital de 4,80 % (réel avant impôts), contre 5,00 % dans le tarif ATRD5, alors qu'une baisse de l'impôt sur les sociétés est programmée par le Gouvernement.


Les rapports de ces audits sont publiés sur le site internet de la CRE.
Au terme de ses analyses et des échanges complémentaires qu'elle a eus avec GRDF depuis la consultation publique du 1er octobre 2019, la CRE considère qu'il convient de limiter la hausse des charges nettes d'exploitation de GRDF couvertes par le tarif, tout en lui laissant les marges de manœuvres financières, d'une part, pour maintenir un niveau de sécurité élevé et être acteur de la transition énergétique, et d'autre part, pour mener à bien le projet « Changement de gaz ».
La CRE a notamment retenu pour GRDF une trajectoire de charges d'exploitation prenant en compte :


- une hausse des charges d'exploitation liées à la sécurité, avec le financement, en plus des programmes déjà couverts pendant la période ATRD5, d'un programme de traitement des anomalies du bâti et de remplacement des conduits dans les immeubles collectifs ;
- les charges additionnelles liées au remplacement des appareils non adaptables dans le cadre du projet « Changement de gaz », qui n'avaient pas été prévues initialement dans les trajectoires fixées pour la phase pilote ;
- un renforcement de la R&D, portant en particulier sur l'arrivée des nouveaux gaz dans les réseaux (développement de l'injection d'hydrogène dans les réseaux notamment) ;
- une révision des montants associés aux actions en faveur du raccordement des clients, pour les recentrer sur l'animation de la filière qui devra comporter une part accrue de dépenses liées à la sécurité ainsi que sur la conversion fioul-gaz afin de supprimer, le plus rapidement possible, les installations fonctionnant au fioul ;
- l'atteinte des objectifs d'injection de biométhane fixés par le projet de programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE).


La trajectoire de charges nettes d'exploitation fixée par la CRE correspond à une enveloppe globale. GRDF a en conséquence la liberté de répartir cette enveloppe entre les différentes natures de charges, en fonction de ses choix.
Il est par ailleurs rappelé que les investissements « réseaux » de GRDF sont couverts par le tarif en fonction des réalisations constatées qui sont prises à 100 % au compte de régularisation des charges et des produits (CRCP).
Au regard des éléments d'analyse dont elle dispose et des observations de marché, la CRE retient par ailleurs une baisse du coût moyen pondéré du capital (CMPC) qui s‘établit à 4,1 % (réel, avant impôts). La méthode retenue pour établir ce taux est inchangée par rapport à celle retenue pour le tarif ATRD5. Elle est fondée sur un CMPC à structure normative et assure une rémunération raisonnable des capitaux investis, permettant de maintenir l'attractivité des infrastructures d'énergie en France, au regard des autres pays européens.
Le niveau de CMPC qui en résulte, en baisse de 0,9 point par rapport au tarif ATRD5, prend en compte, à méthode inchangée par rapport aux précédents tarifs :


- l'évolution à la baisse des coûts de financement dans un contexte marqué par la baisse significative et durable des taux d'intérêt sur les marchés ;
- la baisse programmée de l'impôt sur les sociétés (IS) qui passe de 34,43 % à 28 % en moyenne sur la période tarifaire ;
- une hausse du bêta des actifs pour refléter la prise en compte du risque financier accru, notamment de coûts échoués, que fait porter la transition énergétique sur les actionnaires des sociétés d'infrastructures gazières. Si les risques respectifs des activités de transport et de distribution demeurent encore légèrement différents, la CRE estime que l'écart de risque entre ces deux activités s'est réduit depuis la précédente période.


La CRE retient par ailleurs une réduction de 45 à 30 ans de la durée d'amortissement des branchements et conduites d'immeuble - conduites montantes, qui constitue un moyen de réduire le risque de coûts échoués.
Le niveau moyen des charges à couvrir de GRDF pour la période ATRD6 s'élèvera à 3 205 M€/an en moyenne. Il évolue ainsi, sur la période 2018-2023 de + 1,9 % en moyenne par an, sous l'effet d'une hausse des charges d'exploitation de 2,1 % en moyenne par an et une hausse des charges de capital normatives (CCN) de 1,7 % en moyenne par an.
S'agissant des hypothèses de quantités de gaz distribuées et de nombre de consommateurs desservis, la CRE retient globalement la demande de GRDF, qui conduit à une baisse des consommations de - 0,40 % par an et une relative stabilité du nombre de consommateurs (- 0,01 % par an).
L'évolution du tarif ATRD6 résulte du niveau de charges à couvrir retenu, des hypothèses de quantités de gaz distribuées et de nombre de consommateurs desservis et de la baisse significative de l'apurement du CRCP au titre la période tarifaire antérieure, qui représentait près de 5 % du revenu autorisé ATRD5. Ainsi, l'évolution du tarif ATRD6 s'établit à - 0,4 % en moyenne au 1er juillet 2020 et à - 0,3 % en moyenne par an pour GRDF sur l'ensemble de la période tarifaire. L'essentiel de l'écart avec l'évolution tarifaire associée à la demande de GRDF est dû au niveau de CMPC, inférieur à celui demandé par GRDF.
Cadre de régulation tarifaire
La CRE reconduit pour le tarif ATRD6 les principaux mécanismes de régulation incitative en vigueur en les ajustant quand cela est nécessaire : régulation incitative à la maîtrise des charges d'exploitation et des dépenses d'investissement, régulation incitative de la qualité de service, couverture a posteriori de certains écarts via le compte de régularisation des produits et des charges.
En revanche, prenant en compte les orientations de politique énergétique transmises par le ministre, la CRE supprime le mécanisme de bonus/malus mis en œuvre dans le tarif ATRD5 relatif à l'incitation en faveur du raccordement des consommateurs.
Structure tarifaire
La CRE a retenu depuis plusieurs exercices tarifaires une structure tarifaire simple et stable pour la distribution de gaz et reconduit, pour la période ATRD6, les grands principes en vigueur tout en procédant à quelques adaptations, justifiées par l'évolution des usages de ces réseaux :


- l'abaissement du seuil entre les options T1 et T2 (de 6 à 4 MWh/an), pour refléter la baisse des consommations moyennes affectées à l'usage chauffage et en cohérence avec les évolutions prévues des profils ;
- le calcul de la continuité entre options tarifaires sans tenir compte de la contribution tarifaire d'acheminement (CTA) ;
- l'application d'une dégressivité dans la tarification de la capacité de l'option T4, pour introduire plus de continuité entre les tarifs des réseaux de distribution et de transport.


L'évolution de la tarification de la capacité des T4 sera mise en œuvre au 1er juillet 2020. Compte tenu du besoin de visibilité et en cohérence avec le calendrier prévisionnel d'évolution des profils, l'abaissement du seuil entre les options T1 et T2 et le calcul de la continuité entre options tarifaires hors CTA seront mises en œuvre au 1er juillet 2022.
Terme d'injection biométhane
L'atteinte des objectifs en matière de biométhane injecté dans les réseaux (le projet de décret relatif à la PPE soumis à consultation en janvier 2019 prévoit un objectif de 6 TWh de biogaz injecté dans les réseaux de gaz naturel à l'horizon 2023 et fixe un objectif de 14 à 22 TWh d'ici 2028) nécessitera des investissements importants dans les réseaux de transport et de distribution de gaz. La CRE considère que le bon développement de la méthanisation est un enjeu majeur pour la transition énergétique. Au vu des coûts induits pour l'adaptation des réseaux, le développement de la filière biométhane doit se faire dans le respect du principe d'efficacité économique afin d'atteindre un coût optimisé pour la collectivité. Cependant, la décision d'investissement des porteurs de projets de méthanisation doit également se faire dans un contexte de visibilité et de stabilité sur les conditions économiques d‘injection dans les réseaux.
Ainsi, dans le cadre de la délibération du 14 novembre 2019 (5), la CRE a défini les modalités de mise en œuvre du droit à l'injection, tel que prévu par la loi Egalim (6) et le décret du 28 juin 2019 (7). Ces dispositions apportent de la visibilité aux porteurs de projets sur leurs conditions de raccordement, et permettent la couverture par le tarif des coûts de renforcements des réseaux dans le cadre de schémas de raccordement optimisés à l'échelle de la collectivité.
Afin de compléter ces dispositions, s'agissant notamment de la couverture des charges d'exploitation associées à ces investissements, la CRE considère qu'il est nécessaire d'introduire un signal complémentaire à destination des porteurs de projets afin que ces derniers prennent en compte les coûts induits par leur choix de localisation. A cet effet, elle introduit un terme tarifaire d'injection dans le tarif ATRD6 (et le tarif ATRT7), fondé sur la définition de trois niveaux de terme d'injection, en fonction des adaptations nécessaires prévues dans le zonage de raccordement. Le niveau de ce terme est compris entre 0 et 0,7 €/MWh injecté.
Transparence
La CRE a publié sur son site internet :


- l'audit de la demande en termes de charges d'exploitation de GRDF pour la période 2020-2023 ;
- l'audit de la demande de taux de rémunération des actifs régulés de GRDF ;
- les réponses aux quatre consultations publiques (du 14 février, 27 mars, 23 juillet et 1er octobre 2019), le cas échéant dans leur version non confidentielle.


Le Conseil supérieur de l'énergie, consulté par la CRE sur le projet de décision, a rendu son avis le 14 janvier 2020.


(1) Les tarifs non péréqués d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel font l'objet de délibérations spécifiques de la CRE pour chaque nouveau réseau de distribution de gaz naturel.


(2) ATRD : accès des tiers au réseau de distribution.


(3) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie du 10 mars 2016 portant décision sur le tarif péréqué d'utilisation des réseaux publics de distribution de gaz naturel de GRDF.


(4) Un audit de la demande en termes de charges d'exploitation de GRDF pour la période 2020-2023 ainsi qu'un audit de sa demande de taux de rémunération des actifs régulés, tous deux publiés sur le site internet de la CRE.


(5) Délibération de la Commission de régulation de l'énergie n° 2019-242 du 14 novembre 2019 portant décision sur les mécanismes encadrant l'insertion du biométhane dans les réseaux de gaz.


(6) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.


(7) Décret n° 2019-665 du 28 juin 2019 relatif aux renforcements des réseaux de transport et de distribution de gaz naturel nécessaires pour permettre l'injection du biogaz produit.