En application des articles 9 et 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le conseil a été saisi pour avis, par un courrier du 10 décembre 2019, par le ministère de la culture d'un projet de décret portant modification du cahiers des charges de la société nationale de programme France Télévisions.
Ce projet de décret modifie, d'une part, l'article 9 du cahier des charges de France Télévisions relatif à sa contribution à la production d'œuvres audiovisuelles, et, d'autre part, les tableaux relatifs à l'étendue des droits cédés par genre d'œuvres annexés au cahier des charges, pour tenir compte de la conclusion, le 9 juillet 2019, d'un accord entre le groupe audiovisuel public et les organisations de producteurs.
Le conseil, après en avoir délibéré le 18 décembre 2019, émet un avis favorable à ce projet de décret, assorti des observations suivantes :
- S'agissant de l'inscription dans le cahier des charges de l'engagement d'investissement de 420 M€ en faveur de la création
La société nationale de programme France Télévisions est soumise à des obligations réglementaires de contribution au développement de la production audiovisuelle à hauteur de 20 % de son chiffre d'affaires. Parallèlement, le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'entreprise prévoit un montant d'investissement minimal dans la production audiovisuelle, exprimé en valeur absolue, qui s'élève à 420 M€ depuis 2017.
L'accord du 9 juillet 2019 consolide cet engagement de France Télévisions, puisqu'il prévoit un investissement annuel du groupe en faveur de la création à hauteur de 420 M€ par an au cours de la période 2019-2022.
Le conseil prend note de la reprise de ce montant minimal dans le cahier des charges du groupe audiovisuel, qui servira de base au calcul de l'ensemble des obligations du groupe public. Il pourra ainsi en contrôler le respect.
Il prend note par ailleurs du choix du pouvoir réglementaire de ne pas inscrire dans le cahier des charges les montants minimaux d'investissement du groupe par genre d'œuvres convenus par voie d'accords avec les organisations professionnelles de producteurs. Il appelle toutefois l'attention du gouvernement sur la nécessité d'assurer à l'avenir l'information du conseil sur l'exécution de ces accords.
- S'agissant de la simplification du modèle de contribution de France Télévisions
Le conseil relève que l'accord du 9 juillet 2019 simplifie le dispositif de contribution à la production du groupe public, supprimant l'espace dit « de souplesse » introduit par le précédent accord interprofessionnel du 10 décembre 2015. Il rappelle que cette catégorie de dépenses, rattachée à la « part dépendante », était soumise à un encadrement au regard des critères d'indépendance capitalistique et de durée des droits cédés, en contrepartie d'une augmentation de la part de commandes passées par le groupe à sa filiale de production France.tv Studio.
En vertu du nouvel accord, la contribution du groupe public repose sur un modèle binaire où la part de production indépendante est portée à 82,5 % et la part dépendante à 17,5 %. Cette part dépendante est désormais exclusivement réservée à ses filiales de production mentionnées à l'article 44-1 de la loi du 30 septembre 1986.
Le conseil relève que, pour la partie indépendante, l'accord retient une définition de l'indépendance capitalistique plus stricte que celle du décret puisque seules les dépenses engagées auprès de sociétés de production dont France Télévisions ne détient aucune part du capital ni aucun droit de vote peuvent être valorisées.
Le conseil accueille favorablement le nouvel équilibre auquel sont parvenus France Télévisions et les organisations professionnelles de producteurs et qui est ainsi retranscrit dans le projet de décret relatif au cahier des charges.
- S'agissant de la modification de l'étendue des droits acquis
Le projet de décret reprend les dispositions de l'accord qui uniformisent l'étendue des droits acquis par France Télévisions sur les œuvres de fiction, de documentaire et de spectacle vivant au titre de sa part de production indépendante, droits qui relevaient précédemment de régimes distincts. Cette uniformisation participe, selon le conseil, de la simplification du modèle de contribution à la production de la société.
L'accord prévoit par ailleurs une période de protection au cours de laquelle le producteur s'engage à ne pas céder à un tiers les droits d'exploitation des œuvres en vidéo à la demande par abonnement (VàDA). La durée de cette période varie selon le genre de l'œuvre et la part de France Télévisions dans son financement.
Le texte précise par ailleurs que le régime d'étendue des droits et de partage des recettes relatifs à une exploitation des œuvres par une plateforme de VàDA mis en œuvre par France Télévisions doit faire l'objet d'une négociation spécifique. Le conseil approuve cette disposition, reprise dans le projet de décret, dans la perspective du lancement de la plateforme Salto.
Il accueille par ailleurs avec satisfaction le principe de cette période de protection des droits d'exploitation d'une œuvre en VàDA en fonction de la part de France Télévisions dans le financement de cette œuvre.
Enfin, il relève que le projet de décret ne reprend pas l'ensemble des stipulations de l'accord relatives à l'encadrement des droits, en particulier les modalités de réduction ou de partage de l'exclusivité des droits de France Télévisions lors du financement d'une œuvre par un éditeur tiers ou encore les dérogations admises au titre de l'exploitation des œuvres exclusivement destinées à une exploitation non linéaire. Le conseil estime que ces dispositions relèvent d'une négociation de gré à gré et souscrit donc à ce choix du pouvoir réglementaire.
- S'agissant de la modification du régime des 120 heures
Le projet de décret prévoit de faire évoluer les modalités de prise en compte des œuvres européennes et d'expression originale française inédites au titre des 120 heures. Cette modification, conforme à l'accord interprofessionnel, étend la plage horaire au cours laquelle la diffusion d'une telle œuvre peut être valorisée. Débutant à 20 heures, cette plage s'étendrait jusqu'à 21 h 30 et non 21 heures comme c'est le cas actuellement. Le conseil souscrit à cette modification. Elle reflète la réalité des stratégies de programmation des premières parties de soirée, qui débutent désormais après 21 heures.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.