Après en avoir délibéré le 12 septembre 2019,
L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'Autorité est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 25 juillet 2019, le Directeur général des entreprises a sollicité l'avis de l'Autorité sur un projet d'arrêté fixant la troisième liste des zones à couvrir par les opérateurs mobiles au titre du dispositif de couverture ciblée pour l'année 2019.
1. Contexte de la saisine
Dans le cadre du « New Deal mobile » intervenu en janvier 2018, les opérateurs ont pris des engagements qui ont été retranscrits, à leur demande, dans les autorisations d'utilisation de fréquences dans les bandes 900 MHz, 1 800 MHz et 2,1 GHz actuelles de Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR, en tant qu'obligations ; ces obligations figurent également en substance dans les autorisations d'utilisation de fréquences délivrées en 2018 à la suite de la procédure d'attribution des fréquences des bandes 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz.
Parmi ces nouvelles obligations, le dispositif dit de « couverture ciblée » permet en particulier d'améliorer de manière localisée la couverture de zones dans lesquelles un besoin d'aménagement numérique du territoire est identifié.
Dans ce cadre, le ministre chargé des communications électroniques identifiera, à terme, jusqu'à 5 000 nouvelles zones à couvrir par opérateur participant. Sur chaque zone pour laquelle il a été désigné, l'opérateur participant a l'obligation de fournir des services de radiotéléphonie mobile et d'accès mobile à très haut débit, grâce à l'installation d'un nouveau site.
Pour l'année 2018, le ministre chargé des communications électroniques a arrêté 600 zones à couvrir conjointement par les quatre opérateurs.
Pour l'année 2019, le ministre arrête jusqu'à 700 zones par opérateur. L'arrêté du 21 mars 2019 a déjà identifié 206 zones à couvrir conjointement par les opérateurs ainsi qu'une zone à couvrir par Bouygues Telecom et SFR. L'arrêté du 12 juillet 2019 a identifié 364 zones à couvrir dont 330 zones à couvrir par Bouygues Telecom, 354 zones à couvrir par Free Mobile, 349 zones à couvrir par Orange et 330 zones à couvrir par SFR.
Le projet d'arrêté dont l'Arcep est saisie pour avis établit la troisième liste des zones à couvrir par les opérateurs mobiles au titre du dispositif de couverture ciblée pour l'année 2019.
2. Observations de l'Arcep
2.1. Identification des zones à couvrir
L'Autorité remarque que pour certaines zones identifiées par le projet d'arrêté, objet du présent avis, les identifiants des sites ne sont pas renseignés ; au vu des échanges avec l'Agence du Numérique, l'Autorité comprend que chacun de ces sites sans identifiant correspond à une zone supplémentaire à couvrir, dont l'identifiant sera renseigné ultérieurement. En conséquence, l'Autorité note que le projet d'arrêté identifie au total 140 nouvelles zones à couvrir au titre de l'année 2019, au sens des autorisations d'utilisation de fréquences (1). Parmi celles-ci :
- 123 zones sont à couvrir par Bouygues Telecom ;
- 112 zones sont à couvrir par Free Mobile ;
- 120 zones sont à couvrir par Orange ;
- 123 zones sont à couvrir par SFR.
En conséquence, l'Autorité relève que, au titre de 2019, et compte-tenu des zones déjà identifiées par les arrêtés du 21 mars 2019 et du 12 juillet 2019 ainsi que par le présent projet d'arrêté, le ministre chargé des communications électroniques est en mesure d'arrêter le nombre de zones complémentaires suivantes par opérateur :
- 40 pour Bouygues Telecom ;
- 28 pour Free Mobile ;
- 25 pour Orange ;
- 40 pour SFR.
Par ailleurs, l'Autorité note que, parmi les zones identifiées par le projet d'arrêté, certaines sont à couvrir conjointement par une partie seulement des opérateurs, comme cela était déjà le cas dans l'arrêté précédent. Plus spécifiquement :
- 104 zones sont à couvrir conjointement par les quatre opérateurs ;
- 6 zones sont à couvrir conjointement par trois opérateurs ;
- 14 zones sont à couvrir conjointement par deux opérateurs ;
- 16 zones sont à couvrir par un seul opérateur.
L'Arcep rappelle que, pour les 124 zones à couvrir conjointement par deux opérateurs ou plus, les opérateurs concernés par une même zone sont tenus de mettre en œuvre conjointement a minima un partage des éléments passifs d'infrastructures. De plus pour les 104 zones concernant les quatre opérateurs, lorsqu'à la date de publication de l'arrêté, aucun des opérateurs n'y fournit de service de radiotéléphonie mobile à un niveau de « bonne couverture » (2), les opérateurs sont tenus de mettre en œuvre conjointement une mutualisation de réseaux dans les conditions fixées par leurs autorisations d'utilisation de fréquences.
2.2. Analyse des zones à couvrir
Au préalable, l'Arcep rappelle que le dispositif de couverture ciblée est l'une des obligations introduites dans le cadre du New Deal mobile. Ce dispositif nouveau complète les obligations de couverture générales et vise à améliorer la couverture mobile, sur des zones dans lesquelles un besoin aura été précisément identifié par les collectivités. Ainsi, il appartient bien aux collectivités territoriales, dans le respect du cadre mis en place par le gouvernement, d'identifier les zones à couvrir ainsi que de désigner les opérateurs concernés.
L'Autorité souligne les deux sujets suivants relatifs aux zones à couvrir dans le cadre du dispositif de couverture ciblée telles qu'elles figurent dans le projet d'arrêté :
2.2.1. Objectif de couverture par les quatre opérateurs
Interrogés par l'Arcep, les opérateurs lui ont indiqué qu'ils souhaitent proposer des modifications au projet d'arrêté. Trois types de modifications sont souhaitées par les opérateurs (l'ensemble des sites concernés est listé en annexe 1) :
- un opérateur souhaite être désigné sur un site où il n'est pas désigné dans le projet d'arrêté (demande de « rajout » de l'opérateur) ;
- un opérateur souhaite ne pas être désigné sur un site où il est désigné dans le projet d'arrêté (demande de « retrait ») ;
- un opérateur souhaite que d'autres opérateurs soient désignés sur un site où il est lui-même désigné (demande de « rajout d'autres opérateurs »).
L'Autorité rappelle que, aux termes des autorisations d'utilisation de fréquences des opérateurs, pour chaque zone du dispositif de couverture ciblée « l'objectif est d'y apporter la couverture de tous les opérateurs ».
Ainsi, concernant les demandes de « rajout », l'Arcep rappelle que les observations qu'elle a formulées dans son précédent avis (3) sur les conséquences liées au choix de ne pas désigner les quatre opérateurs pour couvrir une zone restent pertinentes. En effet, une telle situation aboutirait à une couverture partielle (couverture des seuls clients de certains opérateurs sur une zone donnée) ou, à terme, pourrait conduire à une multiplication des sites ou des antennes des différents opérateurs (générant ainsi des surcoûts) qui n'apparaît pas efficace en termes de partage de réseaux.
Il paraît souhaitable, pour de telles situations, de demander la confirmation aux collectivités territoriales concernées de leur choix de désigner ou non des opérateurs pour couvrir ces zones du dispositif de couverture ciblée. En effet, il est essentiel que les collectivités territoriales soient éclairées sur les conséquences de leur choix visant à ne pas désigner les quatre opérateurs pour couvrir une zone - et notamment sur le fait que de telles zones resteront durablement des zones grises.
L'Autorité avait également souligné dans son précédent avis qu'une correction a posteriori qui consisterait à désigner dans un second temps les opérateurs ne couvrant pas une zone pourrait conduire à dupliquer les sites là où un partage de réseau aurait pu être mis en place initialement.
Dans le cas présent, il apparaît qu'une zone identifiée par le projet d'arrêté (2019_07_14_1) comme devant être couverte par Bouygues Telecom et SFR figurait déjà dans l'arrêté du 12 juillet 2019 (sous l'identifiant 2019_2_14-1) comme devant être couverte par Free et Orange. Compte tenu des dates rapprochées entre les deux arrêtés (quelques mois d'écart), et dès lors qu'aucun opérateur ne fournit dans cette zone de service de radiotéléphonie mobile à un niveau de « bonne couverture » au sens de la décision de l'Arcep n° 2016-1678, l'Arcep considère que les quatre opérateurs désignés pour couvrir cette zone devraient mettre en œuvre, conjointement, une mutualisation des réseaux permettant de fournir des services de radiotéléphonie mobile et d'accès mobile à très haut débit sur la zone. Pour une meilleure lisibilité des obligations des opérateurs, l'Arcep invite en conséquence le gouvernement à apporter les modifications nécessaires au projet d'arrêté.
2.2.2. Optimisation du nombre de sites et de leur emplacement
a) Entre les différents arrêtés du dispositif de couverture ciblée
L'Autorité signale que certains points d'intérêt, voire certaines zones dans leur intégralité (à point d'intérêt unique) identifiés par le projet d'arrêté sont redondants par rapport à ceux ou celles figurant déjà dans l'arrêté du 12 juillet 2019 ; c'est par exemple le cas :
- du point d'intérêt de coordonnées (607227,7 ; 6369725,4) situé dans la zone 2019_07_46_2 (identifiant GC_46_005), qui figurait déjà dans la zone 2019_2_46-6 (Site_GC_46_010_S1) identifiée par cet arrêté du 12 juillet 2019 ;
- du point d'intérêt unique de la zone 2019_07_90_1 qui se trouve à moins de 200 mètres du point d'intérêt de la zone 2019_02_90-2 identifiée elle aussi par l'arrêté du 12 juillet 2019.
L'ensemble de ces points d'intérêt appartiennent à des zones devant être couvertes par les quatre opérateurs.
b) Entre le présent projet d'arrêté et le programme « zones blanches centres-bourgs »
Le programme de résorption des zones blanches, dit programme « zones blanches centres-bourgs » (4), vise à apporter la couverture mobile dans des zones non couvertes par aucun opérateur.
S'agissant des zones identifiées par le projet d'arrêté, l'Autorité signale que certains des points d'intérêt définis sont situés à forte proximité de sites existants destinés à couvrir des centres-bourgs du programme précité. En particulier, plusieurs points d'intérêt définis par le projet d'arrêté sont situés à moins de 1000 mètres du lieu d'implantation de ces sites. Les zones concernées sont les suivantes :
- 2019_07_30-1 (identifiant du site concerné : LOT1_2019_ZN_30_003_S3), proche du site de la commune des Plantiers (30) ;
- 2019_07_44-3 (identifiant du site : LOT1_2019_ZG_43_005_S1), proche du site de Laval-sur-Doulon (44) desservant les centres-bourgs de Laval-sur-Doulon et Saint-Vert.
Dans la mesure où ces sites « zones blanches centres-bourgs » très proches des points d'intérêt concernés, sont d'ores et déjà équipés en services internet mobiles, et devront être équipés en très haut débit mobile au plus tard d'ici fin 2022 (5), conformément aux obligations prévues par les autorisations d'utilisation de fréquences des opérateurs, l'Autorité s'interroge sur la nécessité de prévoir le déploiement d'un site supplémentaire pour couvrir ces points d'intérêt.
Il est possible que les conditions géographiques (relief, végétation, etc.) ou un besoin particulier d'aménagement numérique du territoire conduisent les collectivités territoriales à souhaiter déployer des sites supplémentaires dans ces zones, mais l'Arcep ne dispose pas à ce jour des éléments d'appréciation suffisants pour évaluer ce besoin.
L'Arcep insiste sur le fait que les situations exposées au a et au b (une liste indicative de tels cas étant proposée en annexe 2) pourraient conduire à une multiplication des sites construits par les opérateurs pour couvrir une zone donnée. Dans un objectif d'utilisation efficace des 5 000 sites du dispositif de couverture ciblée, de telles situations méritent d'être examinées et il conviendrait de demander confirmation aux collectivités territoriales concernées de leur volonté d'inclure ces points d'intérêt ou zones dans le nouveau projet d'arrêté, ou de corriger ces situations le cas échéant.
2.3. Autres observations
Quant aux délais de mise en œuvre et au suivi des déploiements par l'Arcep, l'Autorité rappelle que les observations qu'elle a formulées dans ses précédents avis (6) restent pertinentes :
- les opérateurs auront, au plus, 24 mois après la date de publication de l'arrêté pour assurer la couverture des zones identifiées au titre du dispositif de couverture ciblée pour l'année 2019. Ce délai est différent dans le cas d'une mise à disposition d'un emplacement raccordé au réseau électrique et permettant l'installation d'une station de base pouvant couvrir la zone identifiée par une collectivité ou un groupement de collectivités ;
- afin que l'Autorité soit en mesure d'assurer le suivi des déploiements des sites concernés, il apparaît nécessaire que les opérateurs désignés fournissent, conjointement avec les autres opérateurs participant au dispositif, toute information permettant ce suivi et ce sur une base trimestrielle, conformément à un format défini par l'Autorité.
Par ailleurs, elle souligne à nouveau qu'il est indispensable que les opérateurs transmettent, conformément aux dispositions de leurs autorisations, aux collectivités territoriales et au ministre chargé des communications électroniques les cartes de couverture prévisionnelles des sites permettant de couvrir les zones identifiées par arrêté, dès que leur emplacement exact est connu. Cela répond à un besoin de visibilité des élus locaux et des acteurs chargés de proposer de nouvelles zones à couvrir.
3. Conclusion
L'Arcep émet un avis favorable sur la troisième liste des zones à couvrir par les opérateurs mobiles au titre de leur obligation de participation au dispositif de couverture ciblée pour l'année 2019 prévue par leurs autorisations d'utilisation de fréquences actuelles dans les bandes 900 MHz, 1 800 MHz et 2,1 GHz, sous réserve de :
- faire confirmer par les collectivités locales concernées la volonté d'inclure des zones du projet d'arrêté qui recouvrent même partiellement des zones identifiées dans le cadre des précédents arrêtés ou qui sont à proximité de sites issus du programme « zones blanches centres-bourgs », ou d'une correction de ces situations le cas échéant ;
- clarifier la situation de la zone numérotée 2019_07_14_1 dans le projet d'arrêté et numérotée 2019_02_14-1 dans l'arrêté du 12 juillet 2019, afin de s'assurer que les quatre opérateurs mettront en œuvre une mutualisation active de leurs réseaux sur la zone.
L'Arcep invite le gouvernement à maintenir les efforts initiés visant à éclairer les collectivités territoriales sur les conséquences liées à la création de « zones grises » en raison de leur choix de ne pas désigner tous les opérateurs pour couvrir une zone - et notamment sur le fait que de telles zones resteront durablement des zones grises.
Le présent avis sera transmis au directeur général des entreprises du ministère de l'économie et des finances et publié au Journal officiel de la République française.