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Article AUTONOME (Avis n° 2019-1341 du 25 octobre 2019 sur deux projets d'arrêtés relatifs à la « 4G fixe »)

Article AUTONOME (Avis n° 2019-1341 du 25 octobre 2019 sur deux projets d'arrêtés relatifs à la « 4G fixe »)


Après en avoir délibéré le 25 octobre 2019,
L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'Autorité est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 25 juillet 2019, le Directeur général des entreprises a sollicité l'avis de l'Autorité sur deux projets d'arrêtés, l'un définissant les zones dans lesquelles les opérateurs de radiocommunications mobiles sont tenus de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit, et l'autre définissant la première liste des zones à couvrir par les opérateurs de radiocommunications mobiles au titre du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe ». Par un courrier en date du 16 octobre 2019, le Directeur général des entreprises a sollicité l'avis de l'Arcep sur un projet d'arrêté modifié définissant la première liste des zones à couvrir par les opérateurs de radiocommunications mobiles au titre du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe » en substitution de la saisine initiale du 25 juillet 2019.


1. Contexte de la saisine


Dans le cadre du « New Deal mobile » intervenu en janvier 2018 qui a pour objectif la généralisation d'une couverture mobile de qualité pour tous les Français, les opérateurs ont pris des engagements qui ont été retranscrits, à leur demande, dans les autorisations d'utilisation de fréquences dans les bandes 900 MHz, 1 800 MHz et 2,1 GHz actuelles de Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR, en tant qu'obligations ; ces obligations figurent également en substance dans les autorisations d'utilisation de fréquences délivrées en 2018 à la suite de la procédure d'attribution des fréquences des bandes 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz.
Parmi ces nouvelles obligations, la fourniture d'un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit, pour les quatre opérateurs, et le dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe », pour Orange et SFR, visent à permettre d'améliorer la couverture par le service d'accès fixe à internet de zones du territoire métropolitain où les débits fixes sont insuffisants, contribuant ainsi à atteindre l'objectif de bon débit pour tous (8 Mbit/s) pour 2020, de manière complémentaire aux déploiements en technologie filaire et aux déploiements en autres technologies hertziennes telles que la boucle locale radio (BLR) et le très haut débit radio (THD radio).
Dans le cadre de l'obligation qu'ont les quatre opérateurs de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile, chaque opérateur est « tenu de fournir un service d'accès fixe à internet sur son réseau mobile à très haut débit […] dans les zones couvertes par son réseau mobile à très haut débit qui sont identifiées, après consultation du titulaire, par arrêté du ministre chargé des communications électroniques, dans un délai de 4 mois suivant la publication de l'arrêté, sauf indisponibilité dûment justifiée d'une capacité suffisante pour assurer la préservation d'une qualité de service satisfaisante pour les utilisateurs mobiles ».
Dans le cadre du dispositif d'extension de la couverture « 4G fixe » auquel sont tenus de participer Orange et SFR, « le ministre chargé des communications électroniques arrête, après consultation des opérateurs participants, pour chaque année la liste des zones à couvrir au titre du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe » et, pour chaque zone, les opérateurs qui doivent y apporter leurs services. Au total, jusqu'à 500 zones par opérateur seront identifiées par arrêté du ministre (le ministre pourra identifier au moins 400 zones au titre des années 2018 et 2019). […] Le titulaire est tenu de fournir un service d'accès fixe à internet sur son réseau mobile à très haut débit, grâce à l'installation d'un nouveau site pouvant notamment répondre à des insuffisances de couverture ou de capacité, sur chaque zone pour laquelle il a été désigné ».
Les deux projets d'arrêtés sur lesquels l'Arcep est saisie pour avis établissent, pour l'un, les zones dans lesquelles les opérateurs sont tenus de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit et, pour l'autre, la première liste des zones à couvrir par Orange et SFR au titre du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe ».


2. Observations de l'Arcep
2.1. Observations communes aux deux projets d'arrêtés
2.1.1. Identification des zones sans bon haut débit filaire à fin 2020


Pour définir les zones des deux projets d'arrêtés, l'Agence du Numérique a dans un premier temps identifié des zones où aucune offre d'accès fixe à internet à bon haut débit, ou « BHD » (débit supérieur à 8 Mbit/s), reposant sur les réseaux filaires, ne sera disponible à fin 2020. L'Agence semble avoir établi ce diagnostic des débits à fin 2020 à partir de ses évaluations des débits sur les réseaux filaires existants, des engagements de déploiement de fibre optique jusqu'à l'abonné des opérateurs sur fonds propres dans les zones d'initiative privée (zones très denses et zones AMII1) et des prévisions de déploiement des collectivités territoriales dans les zones d'initiative publique, tels qu'elles ont été partagées avec elle à l'occasion d'échanges en juillet 2017 et juin 2018.
Ainsi, les déploiements en technologies boucle locale radio (« BLR ») ou très haut débit radio (« THD radio »), susceptibles d'apporter du bon haut débit aux usagers, n'ont pas dans un premier temps été pris en compte dans le processus d'identification de ces zones.
Dans un second temps, et à la suite d'une consultation publique relative aux projets d'arrêtés menée de juillet à septembre 2019, l'Agence du Numérique a ajusté la liste de zones à couvrir pour prendre en compte les remarques formulées par les acteurs, notamment les collectivités territoriales et les opérateurs de BLR et de THD radio. Après la consultation publique, ont donc été exclues les zones amenées à bénéficier d'un service d'accès fixe à bon haut débit en fonction :


- des déploiements effectifs ou prévisionnels en technologies BLR ou THD radio ;
- des éventuelles prévisions de déploiements en fibre optique jusqu'à l'abonné envisagées depuis juin 2018 par les opérateurs et les collectivités territoriales, réajustées le cas échéant des révisions de calendrier des déploiements.


L'Arcep souligne l'enjeu de complémentarité entre les différentes technologies d'accès fixe à internet et de cohérence entre les initiatives des acteurs privés, des collectivités territoriales et du gouvernement et prend acte de la méthodologie retenue.


2.1.2. Contrôle des obligations par l'Arcep


L'Arcep est chargée du contrôle des obligations des opérateurs. Dans ce contexte, il est important de souligner que le contrôle des obligations de fournir des services d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit par les opérateurs diffère du contrôle exercé par l'Arcep pour s'assurer du respect des obligations en matière de couverture mobile.
En effet, en premier lieu, les locaux auxquels les opérateurs devront fournir un accès fixe à internet à partir de leur réseau mobile à très haut débit évolueront au cours du temps, soit du fait des déploiements des opérateurs (cf. point 2.2 ci-après) soit du fait des choix finaux d'implantation des sites dans le cas du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe » (cf. point 2.3 ci-après).
En second lieu et surtout, il ne s'agira pas pour l'Arcep de contrôler la couverture mobile mais bien la fourniture d'un accès fixe à internet à très haut débit, impliquant des modalités de contrôle adaptées différentes de celles relatives à la couverture mobile, afin de contrôler effectivement la disponibilité du service d'accès fixe à internet.


2.2. Observation relative au projet d'arrêté définissant les zones dans lesquelles les opérateurs sont tenus de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit


L'article 1er du projet d'arrêté prévoit que « les opérateurs Bouygues Telecom, Free Mobile, Orange et SFR sont tenus chacun de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit, dans les conditions prévues par les autorisations d'utilisation de fréquences susvisées, dans les zones géographiques définies en annexe et qui sont couvertes par leur réseau mobile à très haut débit. Cette obligation entre en vigueur quatre mois après la publication de l'arrêté ou, lorsque cette date est plus tardive, au moment de la couverture de la zone concernée par le réseau mobile à très haut débit de l'opérateur concerné ».
Le projet d'arrêté définit en annexe une liste de zones, correspondant environ à deux millions de locaux, sans désigner, pour chaque zone, d'opérateur spécifique. Par ailleurs, cette liste comprend des zones à la fois déjà couvertes et non (encore) couvertes par le réseau mobile à très haut débit des opérateurs.
En pratique, le projet d'arrêté n'impose, à chacun des opérateurs, d'« activer » le service d'accès fixe à internet dans les zones qu'il identifie que si elles sont couvertes, pour chacun, par leur réseau mobile à très haut débit.
Ainsi, chaque opérateur n'a pas l'obligation de fournir un service d'accès fixe à internet sur l'ensemble des zones identifiées par le projet d'arrêté, mais bien seulement sur celles qui sont ou qui seront situées dans sa zone de couverture en très haut débit mobile.
En outre, si un opérateur estime ne pas avoir à fournir un service d'accès fixe à internet sur l'une des zones identifiées par le projet d'arrêté et couvertes par son réseau mobile à très haut débit en cas d'« indisponibilité dûment justifiée d'une capacité suffisante pour assurer la préservation d'une qualité de service satisfaisante pour les utilisateurs mobiles », il lui appartiendra de fournir des justifications précises pour chaque zone concernée.


2.3. Observations relatives au projet d'arrêté définissant la première liste des zones à couvrir par Orange et SFR au titre du dispositif d'extension de la couverture en « 4G fixe »
2.3.1. Nombre de zones identifiées par opérateur


Le projet d'arrêté identifie au total 408 zones, soit 236 pour Orange et 172 pour SFR. Le ministre chargé des communications électroniques a la possibilité d'identifier jusqu'à 500 zones par opérateur et au moins 400 zones par opérateur au titre des années 2018 et 2019. En conséquence, compte tenu des zones déjà identifiées dans le projet d'arrêté dont l'Arcep a été saisie, le ministre chargé des communications électroniques restera en mesure d'arrêter à l'avenir le nombre de zones complémentaires suivant :


- 264 pour Orange ;
- 328 pour SFR.


Afin de permettre facilement d'identifier la localisation des points d'intérêts qui définissent les zones, l'Autorité suggère de renseigner, pour chacune des zones, le nom de la commune dans laquelle le point d'intérêt est situé.


2.3.2. Caractérisation de l'effet attendu en matière de fourniture de service « 4G fixe » par chaque nouveau site


L'Arcep est attachée, d'une part, à ce que les zones à couvrir au titre de l'obligation des opérateurs soient précisément définies, et que l'obligation puisse en conséquence être effectivement contrôlée et, d'autre part, à ce que les obligations en matière de « 4G fixe » issues du New Deal soient complémentaires des autres obligations. En particulier, l'obligation de fournir un service « 4G fixe » doit se traduire par un gain mesurable dans les services disponibles en surcroît du gain apporté par les autres obligations.
Or, le projet d'arrêté, dans sa version initiale, telle que mise en consultation publique, n'incluait aucun élément relatif aux locaux auxquels les opérateurs devaient fournir un service « 4G fixe », et à ce titre il ne rendait pas l'obligation suffisamment effective.
Pour répondre à ces préoccupations, le Gouvernement a fait évoluer son projet d'arrêté, en tenant compte notamment des éléments transmis par Orange et SFR à l'Agence du numérique concernant les locaux qu'ils ont prévu de rendre éligibles à un service « 4G fixe » par l'installation de chaque nouveau site dans le cadre du dispositif d'extension de la « 4G fixe ».
Ainsi, l'article 2 du projet d'arrêté modifié dispose maintenant que « dans chaque zone, les opérateurs désignés sont tenus de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit dans les conditions prévues par les autorisations mentionnées à l'article 1, grâce à l'installation d'un nouveau site pouvant notamment répondre à des insuffisances de couverture ou de capacité en « 4G fixe », en vue notamment d'assurer la couverture des points d'intérêt de la zone.
L'opérateur est tenu de rendre éligible au service « 4G fixe » les locaux sans bon haut débit filaire à fin 2020 dans la zone de couverture prévisionnelle du site avec un minimum de 25 locaux supplémentaires dans chacune des zones.
Dès lors que l'opérateur a connaissance de l'emplacement exact du site devant permettre de couvrir une zone identifiée, l'opérateur informe les collectivités territoriales concernées (ou leurs groupements) et le ministre chargé des communications électroniques de la zone de couverture prévisionnelle de ce site ».
Ainsi, d'une part, ces nouvelles dispositions permettent de caractériser l'effet attendu par chaque nouveau site installé par Orange et SFR dans le cadre du dispositif d'extension de la « 4G fixe » : il s'agit de rendre éligible au service « 4G fixe » un minimum de 25 locaux supplémentaires dans chacune des zones identifiées par l'arrêté.
D'autre part, le Gouvernement a pris le soin de préciser que les déploiements qui découleront de l'arrêté devront permettre de fournir un service « 4G fixe » à des « locaux supplémentaires ». L'Arcep comprend qu'il s'agit de locaux qui n'auraient pas disposé d'un service de 4G fixe en application des autres obligations. Ainsi, ne seront pas couverts par la notion de « locaux supplémentaires » des locaux qui :


- soit seront rendus éligibles à un service « 4G fixe » fourni par l'opérateur concerné en application de l'arrêté définissant les zones dans lesquelles les opérateurs sont tenus de fournir un service d'accès fixe à internet sur leur réseau mobile à très haut débit ;
- soit seront couverts par le réseau mobile à très haut débit de l'opérateur concerné en application de ses autres obligations, dont notamment les obligations de généralisation du très haut débit mobile sur l'ensemble des sites de son réseau et de participation au dispositif de couverture ciblée.


Il pourrait néanmoins être opportun que l'arrêté précise la notion de « locaux supplémentaires ».
Par ailleurs, l'Arcep note que le projet d'arrêté identifie un grand nombre de zones déjà couvertes en très haut débit mobile par l'opérateur désigné sur la zone. Dans ce cas, pour répondre à l'obligation, l'opérateur concerné peut, dès lors que 25 locaux supplémentaires bénéficieront effectivement d'un service de « 4G fixe » :


- soit déployer des équipements sur un nouveau point haut,
- soit le cas échéant renforcer sa couverture mobile par l'installation de nouvelles bandes de fréquences, en général des « bandes hautes » (fréquences supérieures à 1 GHz) offrant plus de capacité, sur un point haut déjà existant et déjà équipé en 4G.


L'Arcep considère qu'il ne serait pas pertinent de déployer un nouveau point haut si un point haut existant et déjà équipé peut être utilisé pour répondre à l'obligation. Si le Gouvernement souhaite maximiser l'effort financier des opérateurs et s'assurer que l'obligation résulte en l'installation d'un nouveau point haut, il lui appartient de le faire au travers du choix des zones identifiées par l'arrêté, de sorte que celles-ci ne soient pas couvertes par le réseau mobile à très haut débit de l'opérateur concerné.


2.3.3. Suivi par l'Arcep


En vue de permettre à l'Arcep de s'assurer du respect, par les opérateurs désignés, de leur obligation de rendre « éligibles au service 4G fixe les locaux sans bon haut débit filaire dans la zone de couverture du site avec un minimum de 25 locaux supplémentaires dans chacune des zones », il conviendra que ces opérateurs transmettent à l'Arcep une version « mise à jour » de la liste des locaux qu'ils ont chacun rendu éligibles à un service « 4G fixe ».
L'Arcep rappelle par ailleurs que les opérateurs sont tenus de publier les cartes de couverture correspondant à l'étendue du service « 4G fixe » selon les modalités de la décision n° 2018-01692 ; il conviendra que ces cartes intègrent également l'extension de couverture du service « 4G fixe » obtenue au titre des deux arrêtés faisant l'objet du présent avis.


3. Conclusion


Le New Deal mobile marque un changement d'ambition sans précédent en matière de couverture mobile du territoire. Plutôt que privilégier un critère financier lors de la réattribution des fréquences dans les bandes 900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz en 2018, l'Etat a décidé d'orienter l'effort des opérateurs vers l'investissement, en prévoyant des obligations de couverture inédites par leur ambition. Afin d'optimiser la portée du dispositif, l'Arcep est attachée à ce que la déclinaison des obligations en matière de « 4G fixe » soit complémentaire des autres obligations et contrôlable
Elle n'a pas d'objection à formuler sur les deux projets d'arrêtés relatifs à la « 4G fixe » faisant l'objet du présent avis.
Le présent avis sera transmis au directeur général des entreprises du ministère de l'économie et des finances et publié au Journal officiel de la République française.