PROTOCOLE
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI RELATIF AUX COMPÉTENCES DE LA PRÉVÔTÉ SUR LE TERRITOIRE DE LA RÉPUBLIQUE DE DJIBOUTI, SIGNÉ À PARIS LE 1ER MARS 2017
Considérant que le traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République de Djibouti du 21 décembre 2011 (ci-après « le traité ») détermine dans son article 16 les domaines de compétence des juridictions pénales françaises et djiboutiennes vis-à-vis des infractions commises par des membres du personnel et des personnes à charge ;
En application des stipulations dudit traité, le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti sont convenus de ce qui suit :
Article 1er
1. La prévôté est le service particulier de la gendarmerie nationale institué auprès des forces françaises stationnées sur le territoire de la République de Djibouti. Conformément à l'article 9.3 de l'annexe 1 du traité, elle comprend une ou plusieurs brigades prévôtales.
2. La prévôté assure les missions qui lui sont confiées conformément aux modalités de l'exécution du service de la gendarmerie nationale.
Missions de police judiciaire
I. - GÉNÉRALITÉS
La prévôté est spécialement chargée de la police judiciaire pour toutes les infractions rendant leurs auteurs justiciables des juridictions françaises en application de l'article 16.2 du traité :
a) elle agit sans le concours des autorités djiboutiennes lorsque l'infraction est commise dans les circonstances prévues à l'article 16.2.d du traité ;
b) elle agit avec le concours des autorités djiboutiennes dans toutes les autres hypothèses envisagées à l'article 16.2 du traité ;
c) en l'absence de la prévôté, les autorités djiboutiennes portent d'urgence à la connaissance de celle-ci la nature des faits et la qualité des personnes impliquées relevant de la compétence française conformément à l'article 16.2 du traité.
II. - RÔLE DES FORMATIONS DE LA PRÉVÔTÉ EN CAS DE CRIME OU DE DÉLIT FLAGRANT
a) Si un crime ou un délit flagrant qui, à raison de la nationalité de son auteur, relève de la compétence des juridictions djiboutiennes, est commis dans les installations, la prévôté prend toutes les mesures conservatoires (gardes à vue des auteurs, coauteurs ou complices, conservation des preuves notamment) et prévient immédiatement la gendarmerie ou la police djiboutienne qui doit mener l'enquête conjointement avec la prévôté à l'intérieur des installations des forces françaises stationnées et la poursuivre seule à l'extérieur. Le commandement des forces françaises est toujours tenu informé des résultats de l'enquête.
b) Si un crime ou un délit flagrant est commis par un membre du personnel ou une personne à charge, hors des installations, la police ou la gendarmerie djiboutienne prend seule toutes les mesures conservatoires et s'assure notamment de la personne du délinquant. Le commandement des forces françaises en est tenu informé sans délai.
Si l'auteur de l'infraction, ou ses coauteurs et complices éventuels, relève des juridictions françaises en application de l'article 16.2 du traité, il est remis aux autorités françaises dans un délai de 12 heures, majoré, le cas échéant, des délais de route nécessités par les circonstances.
Si l'auteur de l'infraction, ou ses coauteurs et complices éventuels, n'est pas justiciable des juridictions françaises, les autorités djiboutiennes et françaises conviennent d'un commun accord du lieu où il sera assigné à résidence à titre de détention préventive.
III. - RÔLE DE LA PRÉVÔTÉ HORS LE CAS DE CRIME OU DE DÉLIT FLAGRANT
Hors le cas de crime ou de délit flagrant, tout justiciable des juridictions françaises en application de l'article 16.2 du traité ne peut être arrêté que par la prévôté ou, à la demande des autorités françaises, par la gendarmerie ou la police djiboutienne.
IV. - CAS PARTICULIERS
Si un membre du personnel est poursuivi simultanément pour diverses infractions relevant pour certaines des juridictions françaises et pour d'autres des juridictions djiboutiennes, il est tenu, en priorité, à la disposition de l'autorité judiciaire compétente pour l'infraction pour laquelle la peine encourue est la plus élevée au regard du droit pénal français. Les autorités djiboutiennes et françaises fixent d'un commun accord le lieu de détention préventive du mis en cause.
Toutefois :
- si les infractions entraînent la même peine, l'auteur ou les coauteurs et complices éventuels, est tenu en priorité à la disposition de l'autorité djiboutienne qui détermine, en accord avec l'autorité française, le lieu de détention préventive du mis en cause ;
- si l'une des infractions est la désertion et l'autre un délit, l'auteur, ou les coauteurs et complices éventuels, est remis à l'autorité militaire française.
V. - INSTRUCTIONS DES PLAINTES ET DÉNONCIATIONS EMANANT DES MEMBRES DU PERSONNEL OU DES PERSONNES À CHARGE
La prévôté instruit sans le concours des autorités djiboutiennes, les plaintes et dénonciations qu'elle reçoit dans les cas prévus à l'article 16.2 du traité.
Elle transmet les plaintes et dénonciations à la gendarmerie ou à la police djiboutienne pour suite à donner, lorsque ces plaintes ou dénonciations se révèlent ne pas être de la compétence des autorités militaires ou des tribunaux français. Réciproquement, la gendarmerie ou la police djiboutienne adresse à la prévôté, pour suite à donner, les plaintes et dénonciations, ainsi que les constatations de fait, qui ne sont pas de la compétence des juridictions djiboutiennes.
Pour les besoins de ses enquêtes, hors des lieux dans lesquels s'exerce sa compétence exclusive, chacune (prévôté et gendarmerie ou police djiboutienne) peut demander le concours de l'autre. La prévôté et la gendarmerie ou la police djiboutienne s'échangent les actes de procédure établis dans les plus brefs délais (5 jours maximum) afin d'optimiser les enquêtes.
VI. - MANDATS ET CITATIONS DE JUSTICE
Conformément à l'article 6, alinéa 1er de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République de Djibouti du 27 septembre 1986, les mandats et citations de justice émis par les autorités judiciaires françaises à l'encontre des membres du personnel ou des personnes à charge sont communiqués aux autorités judiciaires djiboutiennes aux fins d'effectuer les procédures de signification et d'exécution.
Par dérogation à la convention d'entraide, les formations de la prévôté sont habilitées à signifier seules ces citations ou à exécuter seules ces mandats dans l'enceinte des installations.
VII. - MISE À EXÉCUTION DES COMMISSIONS ROGATOIRES PAR LA PRÉVÔTÉ
La transmission et l'exécution des commissions rogatoires s'opèrent conformément à l'article 3 alinéa 1er de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la République française et la République de Djibouti.
Par dérogation à la convention d'entraide, les formations de la prévôté exécutent les commissions rogatoires émanant des autorités judiciaires françaises pour ce qui concerne les infractions visées à l'article 16.2 du traité et dans les conditions prévues au paragraphe 1 de l'article 1er du présent protocole.
Article 2
Accidents de la circulation mettant en cause les membres du personnel
1. L'accident met en cause un membre du personnel en service conduisant un véhicule militaire ou civil :
1.1. si cet accident ne cause aucun dégât corporel ou matériel à des tiers djiboutiens ou étrangers, vivant à Djibouti, ou à l'Etat djiboutien (dégradations de route, pylône, arbre, pont, etc.), la prévôté est avisée immédiatement, le cas échéant par la gendarmerie ou la police djiboutienne. La prévôté mène l'enquête et en tient informé les autorités djiboutiennes ;
1.2. dans le cas de dégâts corporels ou matériels à des tiers ou à l'Etat djiboutien, la prévôté est immédiatement avisée par la gendarmerie ou la police djiboutienne. La prévôté mène l'enquête en commun avec cette dernière et rédige, en toute hypothèse, les actes de procédure.
2. L'accident met en cause un membre du personnel, en-dehors du service, conduisant un véhicule militaire :
2.1. si cet accident ne cause aucun dégât corporel ou matériel à des tiers djiboutiens ou étrangers, vivant à Djibouti ou à l'Etat djiboutien (dégradations de route, pylône, arbre, pont, etc.), la prévôté est avisée immédiatement, le cas échéant par la gendarmerie ou la police djiboutienne. La prévôté mène l'enquête et en tient informé les autorités djiboutiennes ;
2.2. dans le cas de dégâts corporels ou matériels à des tiers ou à l'Etat djiboutien, la prévôté est immédiatement avisée par la gendarmerie ou la police djiboutienne. La prévôté mène l'enquête en commun avec cette dernière et rédige, en toute hypothèse, les actes de procédure ;
2.3. lorsque l'accident, hors enceinte militaire, met en cause une personne à charge, il est fait application de l'alinéa 2.2.
Dans tous les cas, les représentants légaux des victimes, parents, conjoints, successeurs, sont tenus informés des suites réservées aux procédures sur les plans judiciaire et policier.
Article 3
Accidents ou incidents survenant à des aéronefs militaires français
1. Lorsque l'accident ou l'incident survient à l'intérieur des limites d'un aérodrome ou d'un plan d'eau militaire mis à la disposition des forces françaises stationnées, la prévôté constate l'accident et en avise immédiatement la gendarmerie ou la police djiboutienne. Toutefois, si des membres des forces armées djiboutiennes ou des civils djiboutiens sont à bord de l'appareil, la gendarmerie ou la police djiboutienne sont associées à l'enquête.
2. Lorsque l'accident ou l'incident survient hors des limites des aérodromes ou des plans d'eau mis à la disposition des forces françaises stationnées, la gendarmerie ou la police djiboutienne effectue les constatations et prennent les mesures de secours et les mesures conservatoires nécessaires. Elle avise sans délai la prévôté qui mène l'enquête en commun avec elle et rédige, en toute hypothèse, les actes de procédures.
Article 4
La police générale militaire
1. La prévôté contribue au bon ordre et à la sécurité des forces françaises stationnées.
2. Elle constate de concert avec la gendarmerie ou la police djiboutienne tous dégâts aux habitations ou aux cultures provoqués par les forces françaises stationnées au cours de leurs exercices.
3. Elle signale à la gendarmerie ou à la police djiboutienne, à charge de réciprocité, les agissements contraires à la législation djiboutienne qu'elle serait amenée à découvrir.
4. En cas de sinistre ou d'événement grave (incendie, raz-de-marée, déraillement, séisme, etc.) la prévôté coopère avec la gendarmerie ou la police djiboutienne à la demande des autorités djiboutiennes.
5. Sans préjudice de l'application des articles 9.2 et 9.3 de l'annexe 1 du traité, les services spécialisés, la gendarmerie et la police djiboutiennes peuvent concourir, en liaison et sur demande de la prévôté, à la sécurité des installations des forces françaises stationnées (protection contre les vols, le pillage, les détournements, etc.).
Article 5
Contrôle du comportement des membres du personnel
1. Dans les conditions prévues par l'article 9.3 de l'annexe 1 du traité, la prévôté veille à la discipline des membres du personnel à l'extérieur des installations.
2. Si nécessaire, ces missions de surveillance et de vérifications sont exécutées par des patrouilles mixtes comprenant, du côté djiboutien des éléments de police, de gendarmerie ou de l'armée et, du côté français, des éléments de la prévôté.
Les éléments français et djiboutiens de la patrouille coopèrent en se portant aide et assistance mutuelle lors de ces missions.
3. La gendarmerie ou la police djiboutienne peut à tout moment s'assurer d'un membre du personnel perturbant l'ordre public. Elle en informe sans délai la prévôté qui prend l'intéressé en charge.
4. Dans le cas de poursuites judiciaires intentées par les autorités djiboutiennes, la procédure à employer est celle prévue par l'article 16 du traité.
Article 6
Contrôle des véhicules de forces françaises stationnées
1. En dehors des installations, la prévôté a également pour mission de faire observer par les membres du personnel les prescriptions réglementaires du code de la route en vigueur à Djibouti et les ordres donnés par le commandement des forces françaises stationnées en matière de police de la circulation militaire.
2. En cas de déplacements importants des forces françaises stationnées par voie terrestre (exercices), la prévôté assistée d'éléments des forces françaises stationnées chargés de la circulation routière concourt avec la gendarmerie et la police djiboutiennes à assurer la police de la circulation, la régulation des convois et la constatation des accidents.
La direction de la police de la circulation routière appartient alors aux autorités djiboutiennes prévenues en temps opportun.
Article 7
Dispositions finales
1. Règlements des différends.
Tout différend lié à l'interprétation ou à l'application du présent protocole est réglé selon les modalités prévues à l'article 19 du traité.
2. Entrée en vigueur, amendements et dénonciation.
Chaque Partie notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises en ce qui la concerne pour l'entrée en vigueur du présent protocole qui prend effet le premier jour du deuxième mois suivant le jour de la réception de la dernière notification.
Les Parties peuvent, à tout moment et d'un commun accord, amender par écrit le présent protocole.
Chaque Partie peut dénoncer à tout moment le présent protocole par le biais d'une notification écrite. Cette dénonciation prend effet six mois après réception de la notification par l'autre Partie.
La dénonciation du présent protocole n'affecte pas les droits ou obligations résultant de son exécution préalablement à cette dénonciation.
Fait à Paris, le 1er mars 2017, en double exemplaire original en langue française.
Pour le Gouvernement de la République française : Jean-Yves Le Drian
Ministre de la défense
Pour le Gouvernement de la République de Djibouti : S.E.M. Mahmoud Ali Youssouf
Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale