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Article AUTONOME (Avis n° 2019-12 du 8 novembre 2019 du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique)

Article AUTONOME (Avis n° 2019-12 du 8 novembre 2019 du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique)


Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Le projet de loi organique n'appelle pas d'observation de sa part.
Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique modifie de manière très substantielle la loi du 30 septembre 1986 pour l'adapter aux évolutions profondes du secteur de la communication audiovisuelle. Ce texte prévoit notamment la transposition de la nouvelle directive « services de médias audiovisuels » (SMA), une modernisation du dispositif de contribution des éditeurs de services de médias audiovisuel à la création, le renforcement des droits des auteurs et de la protection des œuvres, une nouvelle gouvernance de l'audiovisuel public, une modernisation de la régulation et la création d'un régulateur unique compétent sur l'ensemble de la chaîne de création, en cohérence avec d'autres évolutions législatives récentes ou à venir.
Ce projet marque ainsi avec force l'entrée dans une ère nouvelle de la régulation audiovisuelle, désormais étendue et adaptée à la communication numérique, tout en en confortant les grands objectifs et principes fondateurs.
Le Conseil, qui se félicite que le projet de loi confie un rôle central à l'autorité issue de la fusion du CSA et de l'HADOPI, l'ARCOM, souhaite formuler un certain nombre de remarques.


I. - Sur le développement et la diversité de la création et de la communication audiovisuelle
A. - Sur la modernisation du soutien à la création audiovisuelle et cinématographique


La contribution des éditeurs de services de médias audiovisuels au financement de la création, et particulièrement à la production d'œuvres patrimoniales, est un des fondements de notre souveraineté culturelle. Comme il a eu l'occasion de l'affirmer à plusieurs reprises, le Conseil estime que sa modernisation et son renforcement sont devenus indispensables en raison de la profonde transformation du paysage concurrentiel dans lequel évoluent les acteurs français et européens. Profondément attaché à la dimension culturelle qui irrigue depuis l'origine le modèle français de régulation, le Conseil rappelle l'importance de sa mission de contrôle des obligations des éditeurs de services de médias audiovisuels en matière de développement de la création. Il souligne également le caractère essentiel des objectifs sociétaux inscrits dans la loi du 30 septembre 1986.
Le Conseil se réjouit donc de l'extension de ce régime à tous les services de médias audiovisuels qui ciblent le territoire français. Il rappelle que, s'agissant de ceux établis dans l'Union européenne (UE) et l'Espace économique européen (EEE), cette extension est un acquis majeur de la directive SMA et que les régulateurs européens, réunis au sein de l'European Regulators Group for Audiovisual Media Services (ERGA), auront un rôle essentiel à jouer dans la bonne application de cette disposition. La directive a également arrêté le principe d'obligations d'exposition de la création européenne dans les catalogues des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) européens, dont le contrôle du respect sera assuré par le régulateur du pays d'établissement du service. Le CSA œuvrera au sein de l'ERGA en faveur d'une application la plus harmonisée possible de cette disposition, de manière à limiter les dissymétries de régulation par rapport aux règles applicables aux acteurs établis en France.
Le Conseil note avec une grande satisfaction la volonté de simplification du régime de contribution des éditeurs à la production des œuvres. L'intention manifestée par le Gouvernement est en effet de conforter la place accordée à la négociation professionnelle tout en évitant que le décret d'application de la loi, qui devrait englober toutes les catégories de services, doive être adapté au gré des accords interprofessionnels, comme c'est le cas actuellement. Il est toutefois difficile pour le Conseil d'apprécier pleinement la portée de la nouvelle architecture normative prévue par le projet de loi, faute de disposer du projet de décret. Au-delà de l'avis qu'il sera amené à rendre sur ce dernier texte et au regard de son importance dans l'économie du dispositif, le CSA souhaite être étroitement associé à son élaboration.
S'il ne lui revient donc pas, à ce stade, de se prononcer sur le détail des dispositions réglementaires, le Conseil considère nécessaire de poursuivre le mouvement de rééquilibrage des relations entre producteurs et éditeurs, notamment au bénéfice du financement des œuvres par les groupes audiovisuels nationaux, tout en fixant des règles adaptées aux opérateurs de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) étrangers et en donnant toute sa place à la production indépendante, essentielle à la vitalité de notre création et à son rayonnement.
Il entend en outre réaffirmer sa conviction que la régulation est plus adaptée que la réglementation pour embrasser les problématiques d'un secteur en rapide mutation et à l'hétérogénéité croissante. Il salue de ce point de vue les avancées du projet de loi et sera attentif à ce que cette préoccupation, partagée par le Gouvernement, se traduise dans les faits afin de garantir l'efficacité et la pérennité du dispositif de soutien à la création.
Le Conseil s'interroge enfin sur le calendrier de mise en œuvre de ce nouveau régime, le Gouvernement semblant inviter les acteurs concernés à engager des négociations professionnelles parallèlement à la discussion du projet de loi et à l'élaboration du projet de décret.
Au-delà de ces remarques générales, le Conseil souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de points déterminants relatifs aux articles 2, 4, 6 et 8 du projet de loi.
1° Sur le champ du nouveau dispositif de soutien à la création audiovisuelle :
Le projet de loi, en son article 2, assujettit les SMAD établis à l'étranger et visant la France au régime de contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que, pour ceux qui sont établis sur le territoire d'un Etat qui n'est ni membre de l'UE, ni partie à l'accord sur l'EEE, aux obligations de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. Le dispositif ainsi mis en place va donc au-delà de la seule transposition de la directive SMA.
Le Conseil se félicite de l'instauration de ce nouveau régime qui permettra d'améliorer le financement de la création, de réduire l'asymétrie des obligations entre les services étrangers et nationaux et de lutter contre d'éventuelles stratégies de contournement d'opérateurs qui pourraient vouloir cibler le territoire français depuis des pays proches hors de l'UE et de l'EEE. Il lui semble toutefois nécessaire de lever certaines interrogations.
1. Le projet de texte prévoit que les services établis dans un autre Etat doivent viser le territoire français pour être assujettis à la contribution financière en France, alors que les services établis en France devraient viser spécifiquement un autre Etat membre pour que la contribution financière versée, le cas échéant, dans cet Etat membre soit prise en compte dans le calcul de sa contribution en France. Il apparaît nécessaire de remédier à une telle dissymétrie injustifiée et source de difficultés d'application du dispositif en supprimant le mot « spécifiquement » au 5e alinéa de l'article 2 du projet de loi.
2. Dès lors que l'intention en a été clairement affichée par le Gouvernement, il conviendrait d'inscrire expressément à l'article 2 que les SMAD établis hors de France sont soumis à un régime de conventionnement par l'ARCOM, afin d'assurer le respect de l'obligation de contribution financière prévue au 1° du I bis de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986.
3. Par ailleurs, si le principe du conventionnement devait s'appliquer aux services de télévision établis hors du territoire français, l'article 2 du projet de texte devrait là aussi le mentionner et, dans ce cas, l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 devrait être revu dès lors qu'il dispose que « Les services de télévision relevant de la compétence d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et les services de télévision relevant de la compétence d'un autre Etat partie à la Convention européenne, du 5 mai 1989, précitée peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences attribuées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sans formalité préalable ».
4. Le Conseil souligne les difficultés pratiques que pourrait rencontrer l'ARCOM dans l'identification de certains des services établis hors de France, de l'UE et de l'EEE et visant le territoire français, du fait notamment de l'éloignement géographique de leur éditeur.
Plus généralement, l'ARCOM devrait être dotée de prérogatives nouvelles lui permettant de tirer les conséquences d'une absence de conventionnement d'un service. Ainsi, il serait souhaitable qu'elle puisse demander au juge d'enjoindre à un distributeur de ne pas reprendre un service non conventionné, ce qui nécessiterait notamment de modifier l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, et qu'elle puisse s'opposer au plan de service d'un distributeur qui inclurait un tel service.
Le Conseil rappelle en revanche que ces services sont également disponibles sur l'internet ouvert (« over-the-top ») et, pour certains, dans les magasins d'application, et que les mesures qui seraient rendues nécessaires pour éviter leur mise à disposition des utilisateurs français seraient probablement disproportionnées et contraires aux grands principes de liberté.
5. En tout état de cause, le conventionnement des services établis dans l'UE et l'EEE ne devrait porter que sur l'obligation de contribution au financement de la production, seule susceptible de déroger au principe du pays d'origine en vertu de la directive SMA. Les outils à la disposition de l'autorité de régulation pour sanctionner la méconnaissance de cette obligation pourraient être adaptés à la nature de ces services.
6. Afin de faciliter l'accomplissement des missions de l'ARCOM, le Conseil estime qu'il serait utile que la loi prévoie l'obligation, pour l'ensemble des éditeurs visant le territoire français, de désigner un représentant légal qui serait l'interlocuteur référent du régulateur sur le territoire français pour l'application de la loi et, en particulier, pour la négociation et la signature de sa convention.
2° Sur le régime de contribution des éditeurs au développement de la production :
Le régime de contribution des éditeurs à la production des œuvres et, notamment, la place donnée à la négociation professionnelle et à l'office du régulateur appellent plusieurs observations.
1. Le Conseil tient à s'assurer que l'expression « en tenant compte des accords », qui figure aux articles 4 et 6 du projet de texte, confère bien à l'ARCOM la marge de manœuvre nécessaire pour fixer, le cas échéant, des règles mieux-disantes que le décret en l'absence d'accord ou différentes de celles retenues dans l'accord lorsque celui-ci ne réunit pas la signature de tout ou partie des principales organisations de l'industrie cinématographique et audiovisuelle. Dans un domaine qui ressortit naturellement de la négociation interprofessionnelle, il serait utile que le législateur clarifie expressément l'interprétation de cette expression.
2. De la même façon, le Conseil estime essentiel qu'à l'instar du pouvoir réglementaire, l'ARCOM ait la possibilité de prendre en compte les « catégories de services et […] la nature de leur programmation » dans les règles conventionnelles qu'elle aura le cas échéant à fixer en l'absence d'accord professionnel ou lorsqu'elle considérera légitime de se substituer à celui-ci au regard de la nature de ses signataires. En effet, pour que le régulateur puisse mener à bien le rôle central, qui lui est confié par la loi, de veiller au soutien à la création dans un environnement concurrentiel équitable, il doit, pour ce faire, disposer d'un pouvoir de négociation conventionnelle fort et d'une marge de manœuvre suffisamment importante vis-à-vis du cadre réglementaire afin de fixer des règles adaptées aux situations économiques propres aux différents acteurs régulés.
Il conviendrait ainsi de faire référence à cette expression non seulement à l'alinéa 1er de l'article 71, mais également aux articles 28 et 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui portent sur le contenu des conventions, ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 71, qui mentionne ces mêmes conventions.
3. La prise en compte de la diversité des éditeurs de services, linéaires ou non, relève également de la nature et du niveau du seuil de déclenchement des obligations de contribution au financement de la création. Le Conseil salue l'instauration dans le projet de loi d'un nouveau seuil en fonction du niveau de chiffre d'affaires pour les SMAD comme pour les services linéaires. Il lui apparaît néanmoins impératif de maintenir dans le décret, de façon complémentaire, les seuils liés au volume annuel des œuvres audiovisuelles et cinématographiques diffusées ou mises à disposition, pour éviter de soumettre à des obligations de financement des éditeurs pour lesquels une telle contribution serait inadaptée en raison de leur format.
4. Le projet de texte prévoit que les organisations professionnelles et organismes de gestion collective des droits des auteurs soient associés à la négociation des accords interprofessionnels lorsque les auteurs qu'elles représentent « sont concernés ». Le Conseil, qui, dans ses « 20 propositions pour refonder la régulation audiovisuelle » rendues publiques en septembre 2018, avait appelé à une meilleure prise en compte des intérêts des auteurs dans la loi du 30 septembre 1986, souscrit pleinement à l'orientation générale qui préside à cette disposition.
Il a pour souci de garantir l'efficacité de ce dispositif, dès lors que cette négociation impliquera une grande pluralité d'acteurs et que l'article L. 132-24 du code de la propriété intellectuelle précise, s'agissant de la titularité des droits, que « le contrat (…) emporte sauf clause contraire et sans préjudice des droits reconnus à l'auteur (…) cession au profit du producteur des droits exclusifs d'exploitation de l'œuvre ».
Il préconise donc que le périmètre des sujets exigeant l'accord des organisations représentant les auteurs soit précisé, dès lors notamment que l'étendue de l'office de l'ARCOM dans le cadre de la négociation de la convention dépendra de la signature ou de l'absence de signature des organisations concernées. Il suggère également que le projet de loi soit amendé afin de mieux articuler la négociation des règles concernant les seuls producteurs et la négociation de celles qui concernent également les auteurs. Enfin, il suggère la suppression au 4° de l'article 33-1 tel que modifié par l'article 6 du projet de loi du membre de phrase « sans préjudice des droits d'exploitation reconnus aux producteurs ».
5. S'agissant de l'assiette des obligations des éditeurs de service, et singulièrement de certains opérateurs de vidéo à la demande établis hors de France, le Conseil appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte, dans la détermination de leurs revenus réalisés en France, la diversité de leurs modèles d'affaires.
6. Le projet de texte prévoit en son article 8 qu'une œuvre n'est pas prise en compte par l'ARCOM au titre de la contribution à la production d'un éditeur lorsque le contrat conclu pour sa production ne respecte pas les droits moraux et patrimoniaux reconnus aux auteurs. Le Conseil approuve pleinement le principe de cette disposition, que complète celle prévue à l'article 11 du projet de loi relative aux conditions d'attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Il est en effet essentiel de faire en sorte que l'intégration dans le système français de soutien à la création d'opérateurs originaires de territoires régis par le copyright se fasse dans le respect du droit des auteurs, et en particulier de leur droit moral.
Le Conseil souligne la portée très large de cette disposition, dès lors que « toute personne concernée » est susceptible de saisir l'instance de régulation et que l'étendue des clauses contestées n'est pas précisée. En outre, les recours postérieurs à la validation, par l'ARCOM, des bilans des investissements des éditeurs devraient pouvoir être écartés par le régulateur afin de garantir la sécurité juridique de ces opérateurs.
7. Il serait également opportun que la loi précise que les accords en cours signés par les organisations professionnelles et les éditeurs de service, et qui ont été intégrés le cas échéant dans les conventions signées par ces derniers avec le CSA, continuent de produire leurs effets jusqu'à leur terme ou leur dénonciation par les parties.
8. S'agissant des modalités de contribution à la production, le projet de loi renvoie au pouvoir réglementaire le soin de définir, pour les œuvres audiovisuelles, la part minimale réservée à la production d'œuvres de fiction, d'animation, de documentaires de création, y compris de ceux qui sont insérés au sein d'une émission autre qu'un journal télévisé ou une émission de divertissement, de vidéo-musiques et de captation ou de recréation de spectacles vivants, ressortissant de l'obligation de contribution des éditeurs de services à la production d'œuvres à vocation patrimoniale.
Le Conseil constate, s'agissant des services hertziens, que les termes du projet de loi diffèrent de ceux de la loi en vigueur, qui précise que la contribution « porte entièrement ou de manière significative » sur la production d'œuvres patrimoniales. Dès lors que les obligations de production de ces éditeurs ont un effet structurant sur leurs investissements et sur le développement et le financement de la création, le Conseil s'interroge sur l'opportunité de réintroduire cette garantie dans la loi.
9. Parmi les conditions de prise en compte des œuvres au titre de la production indépendante, l'article 8 du projet de loi fait référence à la nature et à l'étendue de la responsabilité de l'éditeur dans la production de l'œuvre. Il renvoie au pouvoir réglementaire la définition des modalités d'encadrement, à l'instar des autres conditions de la production indépendante.
Si cette condition, qui fait implicitement référence au statut de producteur délégué, n'est pas nouvelle dès lors qu'elle figure déjà dans la rédaction actuelle de la loi et est définie par décrets, le Conseil estime néanmoins qu'elle devrait être énoncée plus clairement. A cet égard, le statut de producteur délégué, propre au droit français, participe de la diversité, du dynamisme et de la promotion de la création française. La consécration de sa définition dans la loi permettrait d'affirmer ce modèle de production déléguée dans la perspective de l'intégration de nouveaux acteurs étrangers au dispositif de contribution à la création française. C'est pourquoi le Conseil suggère, à l'article 8 du projet de loi, de compléter la rédaction du 4e alinéa du 5° du II de l'article 71 comme suit : « à ce titre, l'éditeur de service ne prend pas personnellement ou ne partage pas solidairement l'initiative et la responsabilité financière, artistique et technique de la réalisation de l'œuvre audiovisuelle ou cinématographique, et n'en garantit pas la bonne fin ».
Par ailleurs, compte tenu de l'augmentation annoncée de la part dépendante, il importerait que le régulateur soit mis en mesure de valoriser le modèle de production déléguée au titre de cette part lors du conventionnement des éditeurs de services. Cette question pourrait au demeurant être utilement intégrée dans le périmètre des accords interprofessionnels à venir.
10. Enfin, dans l'hypothèse, qui semble envisagée par le Gouvernement, où le ministre de la culture serait doté d'une compétence d'homologation des accords qui dérogeraient à certaines règles fixées par décret, le Conseil s'interroge sur la nécessité d'inscrire cette compétence dans la loi.
3° Sur le conventionnement des SMAD :
Le projet de loi, en son article 6, établit un nouveau régime de conventionnement pour les SMAD, prévoyant un régime dérogatoire de déclaration en-deçà d'un certain montant de chiffre d'affaires déterminé par voie réglementaire. En complément des questions soulevées supra propres aux SMAD non établis en France, le Conseil souhaite formuler les remarques suivantes.
1. Le projet de loi prévoit que la détermination de la nature du régime - déclaratif ou conventionnel - à appliquer aux services linéaires et non linéaires soit fonction du niveau de chiffre d'affaires du service, qui sera déterminé par décret. La notion de chiffre d'affaires, qui se substitue à celle de budget actuellement en vigueur pour le conventionnement des services linéaires, est pertinente dans la mesure où il s'agit d'un élément comptable objectif et non contestable. A cet égard, le projet de texte pourrait être utilement complété d'une obligation, pour chaque éditeur soumis au régime déclaratif, de rendre compte chaque année au régulateur de son chiffre d'affaires afin de lui permettre de s'assurer que le service relève toujours de ce régime.
Le Conseil estime que si un critère d'audience devait être ajouté, il serait complexe à mettre en œuvre pour les premières demandes, contrairement au chiffre d'affaires, qui peut être établi plus aisément de manière prévisionnelle.
2. Une lecture littérale des dispositions pertinentes du projet de texte pourrait conduire à considérer que le régime de conventionnement s'applique également à l'ensemble des services de médias audiovisuels à la demande, y compris aux services de télévision de rattrapage (TVR). Le Conseil propose d'exclure expressément cette catégorie de services du champ du conventionnement, dès lors qu'ils ont vocation à être régis par les conventions des services linéaires dont ils sont issus. Ainsi, l'article 6 du projet de loi pourrait être précisé par ces termes : « I bis. - Les services de médias audiovisuels à la demande autres que, d'une part, ceux régis par l'article 43-12 et, d'autre part, les services dits de télévision de rattrapage régis par le 14° bis de l'article 28 et par le 11e alinéa du I du présent article concluent avec l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique une convention (…) ».
3. La mise en œuvre du décret du 12 novembre 2010 relatif aux SMAD met en évidence, depuis plusieurs années, la difficulté à prendre en compte, notamment au regard des obligations de production, des services qui se déclinent en plusieurs versions destinées chacune à un support de diffusion ou à un distributeur particulier.
Le Conseil propose donc de compléter l'article 6 du projet de loi modifiant l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986. Serait considérée comme un service unique la mise à disposition soit d'un catalogue de programmes principal ainsi que d'une ou plusieurs parties de ce catalogue, soit de plusieurs parties d'un catalogue de programmes présentées au public comme relevant d'un service unique, quelles qu'en soient les modalités de mise à disposition. Les obligations de contributions financières porteraient alors globalement sur le service tandis que les autres obligations, notamment les obligations d'exposition, porteraient sur le catalogue principal, ainsi que sur chacune des parties de ce catalogue mises à disposition par l'éditeur. Au‐delà des conséquences sur les obligations de contribution au développement de la production, cette proposition clarifierait, de manière générale, la notion de service, notamment dans le cadre du respect des autres obligations légales et réglementaires appliquées aux SMAD.
4. Par ailleurs, la définition des SMAD qui figure à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 appelle de la part du Conseil, au vu de sa pratique de qualification, les remarques suivantes.
L'expression « permettant le visionnage » rend difficile la qualification en tant que SMAD de certains services, tels que la vidéo à la demande à l'achat, dès lors qu'elle la limite aux services permettant de visionner un programme dans un environnement fermé - le site de l'éditeur du SMAD - mais exclut les sites qui offrent la possibilité de le télécharger pour le regarder hors connexion et/ou à l'aide d'un autre logiciel. La substitution aux mots « permettant le visionnage » de l'expression « fourni pour le visionnage » résoudrait cette difficulté.
Le Conseil constate également que la condition tenant au fait que l'éditeur de SMAD est la personne qui contrôle la sélection et l'organisation d'un catalogue de programmes n'est plus adaptée à la réalité du marché. En effet, les distributeurs peuvent être amenés à organiser en partie les offres de SMAD qu'ils distribuent, tout en laissant les éditeurs de ces services en maîtriser un autre aspect, notamment sur le plan éditorial. Il suggère donc de s'appuyer sur la définition des SMAD figurant dans la directive SMA pour ne retenir que le critère de sélection du catalogue.
Le Conseil suggère enfin, s'agissant des critères d'exclusion de la définition des SMAD, de retenir, à la place du mot « secondaire », le terme « accessoire », qui permettrait de mieux définir leur périmètre. Le caractère accessoire de la vidéo au sein d'un service est en effet plus pertinent que son caractère secondaire, notion strictement quantitative. Ce terme permettrait en particulier d'exclure les services dont l'objet principal n'est pas la fourniture de programmes au sens de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne : celle-ci a en effet jugé que les contenus audiovisuels venant à l'appui d'autres contenus qui ne relèvent pas du périmètre des services de médias audiovisuels sont exclus du champ de la directive SMA.
5. Plus généralement, le Conseil tient à souligner que les SMAD comportent différentes catégories de services, lesquelles relèvent d'une économie, d'une politique éditoriale et d'usages très différents.
A cet égard, la rédaction de l'article 71 retenue dans le projet de loi permettra, le cas échéant, de distinguer les obligations de financement applicables d'une part aux services de vidéo à la demande par abonnement, d'autre part aux services de vidéo à l'acte.
Le Conseil note toutefois que le texte n'introduit pas le principe d'une telle distinction s'agissant des dispositions permettant de garantir la diversité de l'offre et d'assurer la mise en valeur effective des œuvres cinématographiques et audiovisuelles sur les SMAD. Ainsi, sans se prononcer à ce stade sur ce qui devrait figurer dans le projet de décret, il estime que les obligations en matière d'exposition des œuvres devraient également tenir compte de ces différences.
Il rappelle également que les services de télévision de rattrapage sont le reflet de la programmation d'un service de télévision, lui-même soumis à des quotas d'exposition des œuvres calculés sur une base annuelle et non à tout moment.
4° Remarque complémentaire :
Dans la continuité de ses observations relatives aux obligations d'exposition des œuvres sur les SMAD présentées au point 5 du 3° ci-dessus, les obligations de diffusion des œuvres applicables aux services de télévision linéaires non hertziens pourraient également être adaptées, de façon encadrée, à leurs caractéristiques éditoriales. Le projet de loi pourrait ainsi modifier l'article 33 de la loi de 1986 en prévoyant que les proportions prévues aux 9° et 10° de l'article 33 peuvent être abaissées dans les conventions conclues par l'ARCOM en application de l'article 33-1 pour mieux tenir compte des spécificités de certains services, notamment de leur programmation qui peut dans certains cas s'avérer peu adaptée à la diffusion de programmes européens ou d'expression originale française.


B. - Sur l'instauration d'une concurrence plus équitable


1° Sur les dispositions relatives aux ressources financières des éditeurs :
Le Conseil juge impératif d'assurer un haut niveau de financement du secteur audiovisuel français afin d'en assurer la compétitivité et de favoriser le renouvellement de la création.
Il accueille donc favorablement les mesures visant à élargir les ressources financières des éditeurs de service, qu'elles relèvent du pouvoir réglementaire, comme c'est le cas par exemple pour la publicité ciblée, ou de la loi, à l'instar des dispositions du projet de loi relatives à la troisième interruption publicitaire d'une œuvre ou au placement de produits. Il examinera avec attention les conséquences susceptibles d'être tirées de cette dernière disposition, dans le souci de concilier le financement des programmes et la protection des téléspectateurs et des utilisateurs des services de médias audiovisuels à la demande.
De la même façon, le Conseil souscrit au principe de l'autorisation de recourir à la publicité en écran partagé pour les seules retransmissions sportives, instauré par l'article 13 du projet de loi. Il note que cette pratique constituera un changement notable pour le téléspectateur et considère souhaitable de préciser un certain nombre de points dans le projet de loi.
1. La rédaction du nouvel article 14-2 de la loi du 30 septembre 1986 pourrait être lue comme imposant la technique de l'écran partagé comme seule modalité possible de diffusion de publicités au cours de retransmissions sportives. Le texte devrait donc être modifié afin de faire apparaître que les éditeurs conservent la possibilité de recourir, de façon encadrée comme aujourd'hui, à des interruptions publicitaires de ce genre de programme.
2. Si la loi renvoie à l'autorité de régulation le soin de fixer les conditions dans lesquelles la séparation entre contenus publicitaires et éditoriaux devra être opérée, elle ne mentionne expressément comme moyen que la seule séparation spatiale. Or celle-ci pourrait le cas échéant être complétée par des moyens d'identification optiques et/ou acoustiques, dans un objectif de protection du consommateur. L'article du projet de loi pourrait être utilement précisé en ce sens.
3. Afin de lever toute ambiguïté, le Conseil suggère par ailleurs que l'article 14-2 précise que le temps d'antenne consacré à la diffusion simultanée de publicités et d'une retransmission sportive est décompté au titre du temps publicitaire.
2° Sur les autres dispositions :
La suppression par voie législative de la grille horaire de programmation des œuvres cinématographiques, communément appelée le régime des « jours interdits », permettra une plus grande souplesse en matière de programmation, en phase avec la multiplication des canaux de diffusion numérique et l'évolution des usages. Le Conseil en approuve donc le principe.
De la même façon, l'introduction dans la loi de la possibilité d'insérer dans des programmes des messages annonçant le programme suivant, dans des conditions fixées par l'ARCOM, est une initiative bienvenue.


C. - Sur la modernisation de la radio et de la télévision numérique terrestres


1° Sur l'UHD :
1. Le Conseil se réjouit de l'encouragement au développement de l'ultra haute définition (UHD). Il rappelle l'importance de la modernisation de la plateforme hertzienne terrestre et l'impulsion qu'il a lui-même donnée en ce sens. A cet égard, il se félicite de la création, à l'article 22 du projet de loi, d'un label « Prêt pour la TNT en ultra haute définition ». Il suggère toutefois que ce label porte non seulement sur l'amélioration du format d'image et de son, mais encore sur les éléments relatifs aux services interactifs qui sont mis en œuvre sur la télévision numérique terrestre (TNT) grâce à la norme HbbTV.
2. Le Conseil souligne l'importance de la disposition prévue à l'article 19 du projet de texte, qui donne la faculté à l'instance de régulation d'autoriser, à titre expérimental, la diffusion en UHD de programmes de services de télévision déjà autorisés. Il s'agit là d'alléger les contraintes d'affectation de la ressource spectrale afin de favoriser une meilleure expérience de télévision en matière de qualité d'image.
Toutefois, le Conseil estime nécessaire qu'une plus grande souplesse soit apportée à ce dispositif. Il marque sa nette préférence pour un dispositif prévoyant, d'une part, une autorisation expérimentale délivrée pour une période de cinq ans renouvelable une fois et, d'autre part, la possibilité pour l'ARCOM de l'abroger lorsqu'il sera procédé au passage généralisé de la TNT vers les nouvelles normes de diffusion.
3. Par ailleurs, le projet de loi instaure une obligation de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs TNT à l'ultra haute définition qui entrera en vigueur dans un délai qui varie selon le type d'équipements, calculé à compter de la diffusion de programmes de télévision dans ce standard auprès d'au moins 30 % de la population française. Le Conseil considère qu'il serait préférable de ne pas lier les obligations d'intégration au taux de couverture mais plutôt de les faire démarrer à compter de la promulgation de la loi afin d'accompagner au plus vite le développement de cette qualité d'image. A défaut, le seuil de couverture au-delà duquel l'obligation de compatibilité des téléviseurs et adaptateurs TNT à l'ultra haute définition entrera en vigueur devrait être abaissé à 20 % de la population française - seuil de population qui a été retenu pour le déclenchement des obligations pour le DAB+.
En outre, les délais d'intégration figurant dans le projet de loi paraissent longs en ce qu'ils concernent non pas des technologies nouvelles mais des technologies a priori déjà intégrées par certains constructeurs à leurs équipements. Celui relatif aux écrans de plus de 110 cm de diagonale pourrait donc être réduit de dix-huit à douze mois, et celui pour l'ensemble des autres dispositifs de douze à six mois.
Enfin, le seuil de 110 cm de diagonale pourrait être abaissé pour favoriser la migration des produits d'entrée et de milieu de gamme vers les nouvelles normes utilisées pour la diffusion en UHD.
4. Malgré la mise en œuvre de normes de diffusion et de codage plus performantes, il paraît difficile, même à terme, de permettre la diffusion simultanée de l'ensemble des chaînes de la TNT en UHD. En réponse à la consultation publique menée par le Conseil en 2017, des éditeurs avaient indiqué souhaiter disposer d'une autorisation leur permettant, de manière plus flexible qu'actuellement, de pouvoir offrir alternativement de l'UHD ou de la HD améliorée aux téléspectateurs, en fonction notamment de la disponibilité de contenus produits selon ces standards. La rédaction du projet de loi pourrait, le cas échéant, être ajustée pour prévoir explicitement à l'article 30-1 de la loi de 1986 que l'autorisation accordée à un éditeur lui permet de diffuser ses programmes alternativement selon plusieurs formats.
2° Sur le DAB + :
Le Conseil tient à rappeler son attachement au développement du DAB+, comme en témoignent les nombreuses actions qu'il a engagées en faveur de la diffusion de cette technologie ces deux dernières années.
Il relève que le 3°de l'article 22 du projet de loi prévoit des obligations de réception des services de radio diffusés en mode numérique par voie hertzienne terrestre. Ces nouvelles règles doivent remplacer les obligations de commercialisation de récepteurs FM compatibles avec la norme DAB+ adoptées par la France dès 2009 et modifiées significativement en 2011.
Or les obligations prévues par le projet de loi sont moins-disantes que celles actuellement en vigueur. Elles sont ainsi susceptibles de retarder la généralisation du DAB+ de six mois dans les autoradios (décembre 2020 au lieu de juillet 2020) et de 18 mois dans les récepteurs avec écran. Le décalage dans le temps de ces obligations pourrait dès lors conduire les fabricants et distributeurs de récepteurs de radio à faire preuve d'attentisme, au risque de retarder l'équipement des foyers français.
Par ailleurs, à la différence de la loi actuellement en vigueur, le projet de loi exclut les récepteurs sans affichage du champ de l'obligation d'intégration du DAB+. Là encore, l'abandon complet des obligations d'intégration pour tout un pan du marché des récepteurs au moment même où les services de radio investissent largement dans la diffusion numérique serait préjudiciable à son développement.
Le Conseil préconise donc, d'une part, de s'en tenir aux dates actuellement en vigueur pour l'intégration du DAB+ dans les autoradios et les récepteurs avec écran et, d'autre part, de ne pas revenir sur l'objectif de généralisation du DAB+ dans l'ensemble des récepteurs, y compris ceux d'entrée de gamme, en prévoyant pour cela un délai raisonnable, par exemple 18 mois après l'entrée en vigueur de la loi - eu égard au fait que le DAB+ irriguera déjà largement le territoire hexagonal en 2021.


D. - Sur le renforcement des droits des auteurs et des droits voisins et de la protection des œuvres


Le Conseil a pris connaissance de l'avis circonstancié émis par l'HADOPI le 24 octobre 2019 sur les dispositions du projet de loi relatives à la contrefaçon sur internet. En complément, il souhaite formuler les observations suivantes.
Les articles 23 et 24 du chapitre IV du projet de loi visent à transposer dans le code de la propriété intellectuelle le régime applicable aux « fournisseurs de services de partage de contenu en ligne » issu de la directive du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique. Ils transposent également les dispositions relatives aux droits des utilisateurs, en particulier l'obligation faite pour les fournisseurs de services de partage de contenu de mettre en place un dispositif de recours et de plaintes concernant les situations de blocage ou de retrait d'une œuvre téléversée.
La directive prévoit que des « recours extrajudiciaires » puissent être exercés pour le règlement des litiges issus des dispositifs de plaintes internes. Le Conseil estime pertinente la dévolution de cette compétence à l'ARCOM, dès lors que cette mission se situe dans le prolongement de celles de l'HADOPI.
Dans un souci de bonne administration de la justice et compte tenu de la spécialisation de l'ordre judiciaire dans le domaine de la propriété intellectuelle, le Conseil recommande que les décisions de l'ARCOM en matière de protection des droits d'auteur et des droits voisins, notamment celles prises en application du chapitre IV du titre I du projet de loi, ainsi que du chapitre 1er du titre II du même projet, relèvent de la compétence de la cour d'appel de Paris. Sont notamment concernées les décisions de conciliation ou la recommandation adoptées dans le cadre d'un litige entre un fournisseur de partage de contenus en ligne et un utilisateur (article 23 du projet de texte) et la délibération par laquelle l'ARCOM estime qu'un service de communication au public en ligne porte atteinte de manière grave et répétée aux droits d'auteur et aux droits voisins (article 29 du projet).


II. - Sur l'adaptation de la régulation de la communication audiovisuelle
A. - Sur l'organisation de la régulation


Le Conseil tient à rappeler l'importance qui s'attache à ce que les autorités de régulation développent leurs coopérations, partagent leurs expertises et assurent la cohérence de leurs interventions, en particulier vis-à-vis des opérateurs numériques.
La fusion du CSA et de l'HADOPI au sein de l'ARCOM, combinée aux nouvelles prérogatives en matière de lutte contre le piratage confiées à l'autorité unique, répond pleinement à cet objectif. Le Conseil considère que la lutte contre le piratage devra constituer une des missions fondamentales de l'ARCOM, qui devra lui accorder la même priorité que celle que lui accorde aujourd'hui l'HADOPI. En outre, il est convaincu que le croisement des expertises de deux autorités existantes au sein de l'instance unique sera bénéfique non seulement à l'efficacité de la politique de lutte contre la contrefaçon mais aussi à leurs équipes respectives. Il proposera à l'HADOPI que la préfiguration de cette fusion soit engagée une fois le projet de loi présenté en conseil des ministres et qu'elle soit confiée aux présidents des deux autorités.
De la même façon, le Conseil approuve les dispositions renforçant les liens entre l'ARCOM et l'ARCEP, qu'il s'agisse de l'instauration de membres appartenant conjointement aux deux autorités ou de la mise en place d'un organe de règlement de différend commun. Ces coopérations renforcées permettront aux deux autorités de mieux articuler l'exercice de leurs compétences, lorsque les sujets l'exigent, et de bénéficier mutuellement de leurs expertises respectives. Ce dispositif législatif pourra être utilement complété par la mise en place par les deux autorités d'un pôle commun en matière d'études et de prospective. Elles ont déjà préparé un projet de convention en ce sens.
Le Conseil entend néanmoins formuler quelques remarques spécifiques.
1° Sur la composition du collège de l'ARCOM :
L'article 37 du projet de loi, qui modifie l'article 4 de la loi du 30 septembre 1986 relatif à la composition de l'autorité, prévoit que le renouvellement du collège intervienne par moitié tous les trois ans, à l'exception du président et du membre désigné par l'ARCEP. Ce dispositif semble donc porter, en l'état actuel du texte, sur cinq membres. Le texte devrait donc être clarifié pour inclure le président dans ce mécanisme de renouvellement triennal.
Il en est de même de la disposition relative au membre nommé par le président de la République dès lors qu'il n'apparaît pas clairement si la liste qui devra être présentée à ce dernier devra comporter trois noms par juridiction ou trois noms au total.
Le Conseil relève par ailleurs, s'agissant des deux membres qui appartiendront conjointement à l'ARCOM et à l'ARCEP, que les procédures de nomination des membres des deux autorités n'obéissent pas aux mêmes règles.
Par ailleurs, conscient de la charge de travail particulière qui pèsera sur ces deux membres, le CSA estime qu'il reviendra à l'ARCOM d'aménager au besoin son fonctionnement interne afin de permettre aux personnes concernées d'y faire face dans les meilleures conditions.
2° Sur l'instance de règlement des différends commune à l'ARCOM et l'ARCEP :
Le projet de loi instaure une instance de règlement des différends commune à l'ARCOM et à l'ARCEP. Chacune des deux autorités pourra décider, au regard de l'objet du litige, de lui soumettre le différend. Cette instance dispose également de compétences exclusives, celles de connaître des différends mentionnés aux articles L. 331-32 et L. 331-33 du code de la propriété intellectuelle et à l'article 24 de la loi relative à la modernisation de la distribution de la presse.
Le Conseil, favorable à l'établissement de relations plus étroites avec l'ARCEP, se félicite de l'inscription dans la loi de cette possibilité de travail en commun. Il formule toutefois les quelques remarques suivantes.
1. L'article 40 du projet de loi, qui introduit les dispositions relatives à l'instance commune au sein du code des postes et des communications électroniques (CPCE), prévoit un aménagement du principe du contradictoire lorsque des pièces sont couvertes par le secret des affaires. L'équivalent ne se retrouve pas à l'article 39 du projet de loi, qui introduit le nouvel article 17-1-1 au sein de la loi du 30 septembre 1986. Cette asymétrie dans les pouvoirs d'instruction, selon que l'instance est saisie par l'ARCOM ou l'ARCEP, ne semble pas justifiée.
2. La compétence déléguée à l'organe de règlement de différend commun par chacune des deux autorités est laissée à leur entière discrétion. Si la recherche d'une certaine souplesse afin de faciliter au mieux la collaboration de l'ARCOM et de l'ARCEP sous-tend cette rédaction, il conviendrait, par souci pratique et de sécurité juridique, de préciser les conditions de saisine de l'instance commune. Le projet de loi pourrait ainsi être complété afin de prévoir que, lorsque l'une des deux autorités envisage de lui soumettre le différend, elle sollicite au préalable l'avis conforme de l'autre autorité.
3. Enfin, il apparaît nécessaire que le texte précise comment et par qui les mesures conservatoires et la décision adoptées par l'instance commune seront exécutées. En effet, l'article 42-15 de la loi du 30 septembre 1986, qui sera modifié, prévoit le prononcé par le CSA de sanctions pécuniaires lorsqu'une partie ne se conforme pas aux décisions prises. Il pourrait être envisagé d'ajouter des dispositions analogues au futur article 17-1-1. Toutefois, le prononcé par l'instance commune d'une sanction pécuniaire en l'absence de procédure de sanction adéquate se heurte au principe d'impartialité. Dans ces conditions, le Conseil suggère de confier à l'autorité ayant saisi en premier lieu l'instance commune le soin de s'assurer de l'exécution des mesures conservatoires et décisions prises par cette dernière.
3° Sur l'expertise et l'appui d'un service administratif de l'Etat :
Le projet de loi prévoit, en son article 43, la possibilité pour toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante intervenant dans la régulation des opérateurs de plateforme en ligne de recourir à l'expertise et l'appui d'un service administratif de l'Etat désigné par décret en Conseil d'Etat. Une telle possibilité est bienvenue pour assurer des travaux de long terme planifiables dès lors qu'aucune confusion n'est créée avec l'exercice par le régulateur indépendant de ses missions. Le Conseil entend en effet rappeler qu'il ne saurait s'agir, par ce biais, ni de transférer la mise en œuvre de compétences qu'il lui incombe d'assumer à part entière, ni de le priver des ressources en moyens humains et matériels qui lui sont nécessaires pour exercer pleinement les missions que le législateur lui confie.


B. - Sur les nouveaux pouvoirs et compétences de l'ARCOM


Le Conseil se réjouit de ce que le projet de loi renforce un certain nombre de ses prérogatives, indispensables au bon exercice de ses multiples missions, à l'égard d'un nombre et d'une diversité croissants d'opérateurs économiques.
Il en est ainsi notamment en matière de règlement de différend, dans le cadre duquel l'ARCOM pourra ordonner des mesures conservatoires lorsque le différend est susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à l'un des principes de l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Il en est de même des pouvoirs de recueil d'informations et d'enquête dès lors que l'article 47 du projet étend, notamment aux sociétés assurant la diffusion de services de communication audiovisuelle, le champ des personnes auxquelles l'ARCOM peut demander des informations et lui reconnait un pouvoir d'enquêtes menées par des agents habilités à cet effet. Le projet de loi, qui prévoit que ce pouvoir d'investigation s'applique également aux plateformes de partage de vidéo, facilite par ailleurs les échanges d'information de l'ARCOM avec l'ARCEP, l'ADLC, le CNC et la DGFIP. Compte tenu de la place occupée par la donnée dans l'économie des éditeurs audiovisuels, le projet de loi pourrait également faciliter l'échange d'informations entre l'ARCOM et la CNIL.
Par ailleurs, le Conseil relève la diversité des nouvelles missions qui sont confiées à l'ARCOM, en complément des prérogatives que le CSA exerce déjà en matière de régulation des contenus sur internet. Il souligne en particulier le renforcement des missions « sociétales » découlant de la transposition de la directive SMA.
Le Conseil souhaite à cet égard appeler l'attention du Gouvernement sur quelques points particuliers et formuler quelques propositions complémentaires.
1° Sur la modernisation de la procédure de règlement des différends devant l'ARCOM :
Le Conseil considère qu'il serait pertinent de clarifier voire d'élargir le cadre juridique applicable aux mesures conservatoires et d'envisager des modifications complémentaires.
1. L'exposé des motifs indique que l'ARCOM doit pouvoir prononcer des injonctions aux fins de « prévenir toute interruption brutale de la reprise d'une chaîne à l'occasion de litiges relatifs au paiement du signal » et le projet de texte renvoie à cet égard à l'article 1er de la loi du 30 septembre 1986. Le Conseil propose de renvoyer plutôt aux impératifs prioritaires énumérés au 6e alinéa de l'article 29 de la loi afin que l'ARCOM puisse se prévaloir non seulement de l'atteinte au pluralisme des courants d'expression socio-culturels, visée à l'article 1er, mais aussi de l'intérêt du public. Par ailleurs, l'office de l'ARCOM pourrait être élargi en le calquant sur celui du juge judiciaire, afin de lui permettre de prononcer des mesures conservatoires en cas d'atteinte grave et immédiate à la situation du demandeur ou de trouble illicite à sa situation.
2. Le Conseil appelle en outre l'attention sur d'autres modifications, qui apparaissent nécessaires afin d'améliorer l'efficacité de la procédure de règlement des différends et de lui donner sa pleine portée. L'ARCOM devrait ainsi pouvoir prononcer des injonctions dans tous les cas où sa décision rendrait nécessaire que l'une des parties prenne une mesure dans un sens déterminé, assortir ses décisions d'une astreinte, lever le secret des affaires et disposer d'un pouvoir de clôture d'instruction.
3. Sur l'extension du pouvoir de règlement de différend aux litiges concernant les plateformes, le projet de texte prévoit en son article 57 que l'ARCOM « peut également être saisie de tout différend entre un utilisateur ou un fournisseur de plateformes de partage de vidéos relatif à l'application de l'article 60. » La conjonction de coordination « ou » pourrait être utilement remplacée par « et » pour lier les deux parties s'opposant aux litiges dont il est question.
2° Sur les pouvoirs d'enquête confiés à l'ARCOM :
Le dispositif en matière de pouvoirs d'investigation prévu à l'article 19 de la loi de 1986 demanderait à être complété. Le Conseil tient à souligner combien ce point est important afin notamment de donner à l'ARCOM les moyens d'exercer ses missions vis-à-vis des services de plateformes de partage de vidéo, des opérateurs de plateforme en ligne et des fournisseurs de services de partage de contenus en ligne, dans un environnement qui se caractérise par une forte asymétrie d'information et un déficit important de transparence.
1. Ainsi, le Conseil rappelle son souhait de voir la nature des informations qu'il peut solliciter étendue à toutes celles « nécessaires à l'élaboration de ses avis, études et décisions » s'agissant des personnes mentionnées au 3° de l'article 19 de la loi de 1986 alors que, aux termes du projet de loi, elle demeure limitée aux « informations nécessaires pour s'assurer du respect des obligations qui sont imposées aux personnes soumises aux dispositions de la (…) loi [de 1986] ».
2. Le Conseil souligne également la nécessité d'inscrire dans la loi un pouvoir d'investigation renforcé consistant, à l'instar d'autres autorités administratives indépendantes, en la possibilité pour le régulateur d'utiliser des pseudonymes ou identités d'emprunt pour s'assurer, notamment par des travaux d'études, du respect par les plateformes en ligne des obligations qui leur incombent et de la réalité des informations déclaratives qu'elles lui transmettent.
3. De même, afin que l'instance de régulation puisse exercer au mieux la mission qui lui est confiée par l'article 54 du projet de loi et consistant à établir et tenir à jour une liste des éditeurs de services de télévision et de médias audiovisuels à la demande relevant de la compétence de la France, il conviendrait que les informations qu'elle peut demander à l'opérateur de réseaux satellitaires portent sur tous les services transportés, y compris les SMAD.
4. Enfin, le projet de loi pourrait rendre inopposable le secret des affaires dans le cadre des enquêtes menées par les agents de l'ARCOM spécialement habilités à cet effet.
3° Sur la mission tendant à la réalisation d'études sur les plateformes en ligne :
Afin d'asseoir davantage la capacité de l'ARCOM à réguler les plateformes en ligne et, pour ce faire, à recueillir auprès d'elles les jeux de données lui permettant de mener des études à grande échelle, le Conseil souhaite que l'article 3-1 de la loi de 1986, qui énumère ses missions, soit complété afin de prévoir que l'élaboration d'études sur les plateformes en ligne relatives au pluralisme de l'information, à la cohésion sociale, à la santé, à la lutte contre les discriminations, la manipulation de l'information et les contenus haineux en ligne entre bien dans son champ de compétence.
Il pourrait par ailleurs être envisagé, à l'instar de la proposition formulée dans le rapport remis par la mission « Régulation des réseaux sociaux » au Secrétaire d'Etat en charge du numérique le 10 mai 2019, de confier à l'ARCOM, dans le respect du droit de la protection des données personnelles, un rôle de tiers de confiance entre le monde académique et les plateformes, afin d'alimenter les travaux des chercheurs et, le cas échéant, de donner la possibilité à l'autorité de mener des études en partenariat avec ces derniers.
4° Sur l'intégrité du signal :
L'article 48 du projet de loi crée un nouvel article 20-5 dans la loi du 30 septembre 1986 qui transpose la directive SMA en matière de protection de l'intégrité du signal des services de radio, de télévision et de médias audiovisuels à la demande.
Le Conseil appelle de ses vœux davantage de précisions sur les contours de la mission qui lui est ainsi confiée dès lors qu'il devra fixer les conditions et règles techniques permettant d'assurer l'intégrité du signal de ces services sans pour autant faire peser d'obligations disproportionnées sur leurs destinataires.
Ainsi, il propose que l'article 20-5 de la loi de 1986 soit complété afin de prévoir qu'il reviendra à l'ARCOM de préciser quels sont les flux, fonctionnalités ou données considérés comme faisant intégralement partie de ces services. Le Conseil tient en effet à souligner que la transmission des données interactives selon le standard HbbTV est un enjeu stratégique pour les télévisions et qu'il lui semble important de s'assurer que les flux de sous-titrage et d'audiodescription soient bien pris en compte sur l'ensemble des réseaux de diffusion.
5° Sur la régulation des plateformes en ligne :
1. Sur l'articulation entre les différentes notions de plateformes :
L'article 58 du projet de loi ajoute, à la loi du 30 septembre 1986, un titre IV intitulé « Dispositions applicables aux plateformes en ligne », dont le chapitre 1er, intitulé « Dispositions applicables à l'ensemble des plateformes en ligne », fait référence aux obligations des opérateurs de plateforme en ligne qui sont dans le champ de la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information et le chapitre 2 aux « Dispositions particulières applicables aux plateformes de partage de vidéo ».
Afin de renforcer la clarté de l'articulation entre les différentes notions de plateforme, le Conseil suggère quelques modifications pour mieux faire apparaître que les opérateurs de plateforme en ligne constituent une catégorie générale qui inclut les opérateurs de plateforme en ligne mentionnés à l'article L. 163-1 du code électoral ainsi que les services de plateforme de partage de vidéos. Ainsi, il propose :


- de compléter l'article 56 du projet de loi afin que l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 inclue, avant la définition des plateformes de partage de vidéos, celle des opérateurs de plateforme en ligne prolongeant ainsi la logique du « général au particulier » qui est celle qui préside déjà à cet article, dont les premiers alinéas font successivement référence aux notions de « communications électroniques », « communication au public par voie électronique » et « communication audiovisuelle » ;
- de modifier l'article 58 du projet de loi afin qu'il soit fait expressément référence aux opérateurs de plateforme en ligne dans le titre IV et en précisant, dans le titre du chapitre 1er, que celui-ci porte sur les opérateurs mentionnés au premier alinéa de l'article L. 163-1 du code électoral dès lors que les obligations qu'il contient les concernent exclusivement.


Ce faisant, il apparaitrait plus clairement aussi que la mission de conciliation prévue à l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, et dont la rédaction est revue par l'article 44 du projet de loi, inclut bien les services de plateforme de partage de vidéos dès lors qu'il est fait référence à la catégorie générale d'opérateurs de plateforme en ligne.
2. Sur l'alignement de la définition des « services de plateforme de partage de vidéos » sur celle de la directive SMA :
La modification de l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986 par l'article 56 du projet de loi a notamment pour objet d'insérer la définition des « services de plateforme de partage de vidéos » issue de la directive SMA. Le Conseil relève toutefois que la rédaction du projet de loi diffère de celle de la directive. A cet égard, plusieurs difficultés peuvent être soulignées.


- La directive prévoit trois critères alternatifs, mais non exclusifs, pour déterminer la part que doit représenter la fourniture de contenus audiovisuels sur le service afin que ce dernier soit considéré comme « plateforme de services de partage de contenu ». Il s'agit de vérifier si la fourniture de tels contenus répond à l'objet principal du service (1), à l'objet principal d'une partie dissociable du service (2) ou relève d'une fonctionnalité essentielle du service (3). Or la rédaction du projet de loi peut être lue comme fixant un quatrième critère alternatif, lequel autoriserait à vérifier si la fourniture de contenus audiovisuels relève d'une « fonctionnalité essentielle d'une section dissociable du service ». La notion de « fonctionnalité essentielle » a notamment été pensée pour analyser des médias sociaux en tant que tels et non pas une de leur partie dissociable. La formulation du projet de loi pourrait ainsi entrainer la qualification de services qui ne répondent pas à la définition de la directive SMA. Le Conseil souhaite donc que Ia rédaction suivante soit retenue : « 2° la fourniture de programmes, de vidéos générées par l'utilisateur, ou les deux, pour informer, divertir ou éduquer est l'objet principal du service proprement dit ou d'une partie dissociable de ce service ou représente une fonctionnalité essentielle du service ».
- La directive SMA prévoit que les fournisseurs de plateforme de partage de vidéo n'ont pas de responsabilité éditoriale sur certains contenus présents sur leur service. Il s'agit de ceux qui sont mis à disposition du public et relèvent de l'objet principal du service, d'une section du service ou d'une fonctionnalité essentielle du service. Pour autant, la directive n'exclut pas que ces fournisseurs de plateforme puissent avoir une responsabilité éditoriale sur d'autres contenus que ceux précités. Or la rédaction du projet de loi, moins précise, pose pour principe, de manière générale, l'absence de responsabilité éditoriale. Cette formulation pourrait entrainer l'impossibilité de qualifier de « fournisseurs de plateforme de partage de vidéo » des services qui répondent à la définition de la directive SMA mais qui ont une responsabilité éditoriale sur certains contenus. Enfin, le périmètre de la responsabilité « organisationnelle » pourrait, de la même manière, être ajusté dans le projet de loi afin de correspondre à celui de la directive ; la rédaction suivante pourrait ainsi être retenue : « 3° le fournisseur du service n'a pas de responsabilité éditoriale sur les contenus mentionnés au 2° mais en détermine l'organisation ».


Le Conseil insiste donc sur le nécessaire alignement de la définition des plateformes de partage de vidéo du projet de loi sur celle de la directive SMA.
3. Sur la désignation des contenus générés par les utilisateurs privés :
A l'article 58 du projet de loi, aux points 1° et 3° du I de l'article 60, sont utilisés des termes différents pour désigner une même notion, celle de « user-generated content ». Le 1° mentionne les « vidéos produites par les utilisateurs » et le 3° les « vidéos créées par les utilisateurs ». De son côté, la disposition définissant les plateformes de partage de vidéos, qui figure à l'article 56 du projet de loi, utilise la formulation « vidéos générées par l'utilisateur ». Dès lors que ces trois termes désignent la même chose, il semble nécessaire au Conseil de les harmoniser afin de ne créer aucune ambiguïté sur les contenus visés. Il propose de retenir, pour l'ensemble du projet de loi, l'expression « vidéos créées par les utilisateurs », qui a d'ores et déjà été retenue par le législateur français, à l'article 2 de la loi du 30 septembre 1986, et le législateur européen, notamment au b bis du paragraphe 1° de l'article 1er de la directive SMA.
6° Sur l'accessibilité :
Le Conseil accueille favorablement la création, par l'article 61 du projet de loi, d'un nouvel article 20-6 au sein de la loi du 30 septembre 1986, confiant à l'autorité de régulation une mission générale visant à garantir l'accessibilité des programmes audiovisuels aux personnes handicapées. Il suggère néanmoins que le texte soit précisé, de manière à assurer la continuité de la chaîne d'accessibilité, en veillant à ce que les personnes handicapées, en particulier celles affectées d'un handicap visuel, puissent aisément accéder aux fonctions d'accessibilité.
Le Conseil se félicite également de la transposition, à l'article 33-2 de la loi du 30 septembre 1986, du dispositif de la directive SMA relatif à l'accessibilité des services de médias audiovisuels à la demande. Si, à travers sa délibération n° 2011-64 du 20 décembre 2011, le Conseil a déjà pu encourager les éditeurs de ces services à rendre leurs contenus accessibles, le dispositif retenu par le projet de loi permettra de fixer des règles contraignantes par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de l'autorité de régulation.


III. - Sur la transformation de l'audiovisuel public à l'ère du numérique


Le Conseil relève que le Gouvernement a fait le choix de créer une société holding, dénommée France Médias, dotée de compétences larges portant sur la stratégie, la répartition des ressources et la cohérence éditoriale d'ensemble. Il considère que cette société doit assurer un rôle de pilotage stratégique sans interférer avec la gestion opérationnelle quotidienne des filiales, au risque sinon de créer un échelon administratif supplémentaire. Le Conseil relève par ailleurs que les directeurs généraux des filiales, de par leur mode de nomination, ne tireront pas leur légitimité du seul président de la holding.
Le Conseil salue la clarification des missions assignées au service public et leur harmonisation pour l'ensemble des sociétés, ainsi que la volonté de simplification des textes encadrant l'activité des opérateurs publics, avec l'allégement du contenu des cahiers des charges et le recentrage du contrat d'objectifs et de moyens (COM), qui devient un contrat stratégique pluriannuel, sur les enjeux stratégiques majeurs.
Le Conseil souhaite vivement que le projet de loi évolue afin que, à l'instar des compétences qu'il exerce aujourd'hui à l'égard des COM, l'autorité de régulation soit chargée de rendre un avis sur le contrat stratégique pluriannuel de la holding, préalablement à sa signature, ainsi que sur son rapport d'exécution. Il considère d'autant plus difficile de retirer à l'instance de régulation le suivi de la stratégie du secteur public de l'audiovisuel qu'elle ne sera plus dotée de la compétence exclusive de nomination de ses dirigeants.
L'ambition d'un service public fort, indépendant et innovant constitue un impératif fondamental. Le Conseil tient à souligner qu'il est indispensable de s'assurer que la trajectoire financière de la holding soit à la hauteur de cette ambition. Or, il s'interroge sur la pérennité de ce financement, notamment au regard du lien entre la contribution à l'audiovisuel public et la taxe d'habitation, dont la suppression est programmée.
Comme a pu le rappeler le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009 sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, la garantie du financement constitue un élément de l'indépendance du secteur public audiovisuel. Le Conseil considère donc qu'il incombe à l'État de veiller à ce que l'audiovisuel public dispose des moyens pérennes et, en particulier, des ressources affectées nécessaires à l'exercice des missions qui lui sont confiées.
Le Conseil tient également à formuler quelques remarques spécifiques.


A. - Sur les modalités de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public et des personnalités indépendantes au sein des conseils d'administration


Comme il avait eu l'occasion de le mentionner dans son avis du 7 octobre 2008, le Conseil considère qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur le choix du législateur quant au mode de nomination des dirigeants de l'audiovisuel public. Il relève qu'en tout état de cause, dans sa décision du 3 mars 2009, le Conseil constitutionnel a déjà eu l'occasion de souligner que l'exigence d'un avis conforme du Conseil équivalait à un pouvoir de codécision et qu'il permettait d'assurer l'indépendance du secteur public audiovisuel.
A cet égard, le Conseil suggère que l'exigence d'avis conforme soit étendue à la procédure de nomination et de révocation du directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), par souci de cohérence d'ensemble des règles de gouvernance des filiales de la holding.
Concernant les personnalités indépendantes nommées ou désignées au conseil d'administration de France Médias après avis conforme de l'ARCOM, le Conseil considère qu'il pourrait être utile que le projet de loi précise les qualités attendues des candidats à ces postes d'administrateurs.


B. - Sur la désignation d'un commissaire du Gouvernement


Le projet de loi prévoit la désignation d'un commissaire du Gouvernement auprès des sociétés France Médias, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et Institut national de l'audiovisuel. Quand bien même le terme « commissaire du Gouvernement » est issu de l'article 15 de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, le Conseil suggère une autre dénomination, celle-ci lui apparaissant peu appropriée à l'activité d'une entreprise du secteur de l'audiovisuel.


C. - Sur la publicité commerciale dans les programmes des services nationaux de télévision de France Télévisions destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans


Le Conseil note avec satisfaction la clarification apportée, qui conduit à une meilleure concordance entre le nouvel article 56-10 de la loi de 1986 et les dispositions réglementaires de l'article 27-1 du cahier des charges de France Télévisions. Il observe toutefois que, si les dispositions du projet de loi appliquent la restriction de la publicité à l'ensemble des messages diffusés sur les SMAD et les services de communication au public en ligne édités par France Télévisions et qui sont prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans, elles ne prévoient pas la même possibilité pour les parties de ces services qui seraient prioritairement destinées aux enfants de moins de douze ans. Or, au 2° de son article 27-1, le cahier des charges de la société nationale de programme prévoit que la restriction peut s'appliquer à tout ou partie des services mentionnés au 6° de l'article 3 qui sont prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans. Une modification pourrait donc être apportée au projet de loi afin de compléter la mise en adéquation de la loi et du cahier des charges de France Télévisions.


D. - Sur les campagnes audiovisuelles officielles


L'article 73 du projet de loi supprime le premier alinéa de l'article 16 de la loi du 30 septembre 1986 relatif notamment aux campagnes audiovisuelles officielles. Les dispositions correspondantes sont reprises, en vertu de l'article 65 du projet de loi, dans un nouvel article 56-6 de la loi de 1986. Elles pourraient être utilement complétées d'un nouvel alinéa prévoyant que « Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à ce que les candidats réalisent par leurs propres moyens les émissions de la campagne électorale ». Un tel ajout permettrait de prendre en compte une pratique désormais bien installée qui a permis de moderniser ce type d'émission.
Par ailleurs, le projet de loi comporte, dans ses articles 75 et 76, des dispositions de coordination visant à mettre à jour celles de l'article 19 de la loi du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen et de l'article L. 167-1 du code électoral. Pour les mêmes raisons, il conviendrait de modifier également l'article L. 565 du code électoral, dans la mesure où ce dernier renvoie à l'article 16 de la loi de 1986, dont une partie des dispositions sera introduite dans le nouvel article 56-6.


IV. - Sur d'autres dispositions que le Conseil souhaite voir ajoutées


Le Conseil appelle l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de modifications supplémentaires qu'il lui semble essentiel d'apporter à la loi du 30 septembre 1986.


A. - Concernant certains acteurs


1° La radio et l'audio numérique :
Le Conseil relève qu'à l'exception de la révision des obligations d'intégration du DAB+ dans les équipements de réception, le projet de texte ne comporte aucune disposition relative à la radio et à l'audio numérique. Il tient à formuler plusieurs propositions qui lui semblent indispensables à l'exercice d'une régulation efficace.
1. Sur l'exposition de la chanson francophone :
Les radios doivent respecter des obligations en matière de diffusion de chansons d'expression française qui diffèrent selon leur nature - radios privées diffusées par la voie hertzienne terrestre, radios du secteur public et web radios, qu'elles soient déclarées ou conventionnées. Au contraire, les services à destination du public français proposant d'écouter de la musique à la demande en ligne ne sont assujettis à aucune obligation tendant à ce qu'ils contribuent aux objectifs de promotion de la chanson d'expression française.
Or comme le soulignent, à juste titre, à la fois certains acteurs de la filière musicale et les radios, la concurrence croissante entre ces services de musique en ligne et les services de radio rend de plus en plus prégnant le déséquilibre entre ces deux types d'acteur. Le Conseil considère donc qu'il est aujourd'hui légitime que les pouvoirs publics mettent en place des outils permettant d'assurer que la diversité culturelle soit garantie sur les services de musique en ligne à la demande.
Dans cette perspective, la loi pourrait prévoir que ces services soient tenus de transmettre des données de consommation à l'instance de régulation afin que cette dernière dispose d'éléments fiables et transparents, indispensables pour fonder une régulation efficace. Elle pourrait de même prévoir que l'ARCOM, au vu de ces éléments, adopte des recommandations et encourage ces acteurs à adopter des mesures permettant une exposition effective de la chanson francophone.
Si le système des quotas sur les radios a montré sa capacité à favoriser l'exposition de la chanson francophone, le Conseil souligne toutefois la rigidité des dispositions législatives applicables. Aussi accueille-t-il favorablement la création récente d'une mission parlementaire dont les travaux contribueront à évaluer la portée de ce dispositif et à apprécier l'opportunité de sa simplification.
2. Sur la protection des contenus des services de radio :
Le Conseil constate que les contenus produits par les services de radios sont repris par de nombreux acteurs tels que les portails d'agrégation et de référencement ou les plateformes de streaming musical.
A cet égard, le Conseil relève que l'article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit expressément le principe d'une autorisation préalable pour la reprise des « programmes » d'une entreprise de communication audiovisuelle, ce qui inclut nécessairement l'ensemble des services de communication audiovisuelle ; mais il n'est pas certain pour autant que la notion englobe d'autres contenus produits par un éditeur que les services de communication audiovisuelle.
Afin de lever toute ambiguïté sur la portée de cet article, le Conseil souhaiterait que sa rédaction soit modifiée pour s'assurer qu'il inclut bien tous les contenus produits par les entreprises de communication audiovisuelle, y compris ceux qui ne répondent pas à la définition d'un service de radio au sens de la loi de 1986, comme les podcasts.
3. Sur la gestion du spectre de fréquences FM :
Le développement de l'offre radiophonique FM a longtemps reposé en partie sur l'identification de nouvelles fréquences. Ainsi, les travaux d'optimisation du spectre FM auxquels le Conseil a constamment procédé ont permis de dégager de très nombreuses fréquences supplémentaires. Or ce spectre est aujourd'hui très largement saturé, ce qui conduit le Conseil à privilégier le développement du DAB+. Bien que la loi du 30 septembre 1986 soit silencieuse sur les modalités d'organisation de ce travail de recherche, le Conseil d'État a reconnu au Conseil la capacité d'allouer « prioritairement ses moyens de recherche de fréquences disponibles aux zones géographiques que le conseil a identifiées comme prioritaires dans un programme de travail annuel de recherche de fréquences disponibles ».
Toutefois, le Conseil peut être saisi à tout moment d'une demande de lancement d'appel aux candidatures dans n'importe quelle zone. Dans cette hypothèse, si l'opérateur fournit des éléments techniques précis quant à la disponibilité de fréquences, le Conseil doit alors, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, vérifier leur disponibilité indépendamment de tout programme de travail et n'est pas tenu de chercher si d'autres fréquences sont disponibles dans la (les) zone(s) concernée(s) à moins que le demandeur ne fasse état d'éléments relatifs à l'insuffisance de l'offre radiophonique et à l'existence de projets de radios de nature à établir que la zone doit manifestement être regardée comme prioritaire pour la conduite de recherches de fréquences.
A l'heure où le déploiement du DAB+ nécessite d'y consacrer des moyens importants et alors même que le spectre FM est déjà très largement saturé dans de nombreuses zones, l'application stricte de cette jurisprudence est de nature à retarder la généralisation de la radio numérique et offre un potentiel réduit et incertain d'accroissement du pluralisme sur la bande FM.
La loi du 30 septembre 1986 pourrait donc être complétée afin de permettre au Conseil de hiérarchiser et d'organiser les recherches de fréquences. Elle pourrait prévoir que celles-ci sont menées dès lors qu'aucune contrainte de programme n'affecte la fréquence proposée et que la zone demandée bénéficie d'une offre radiophonique manifestement insuffisante en comparaison de zones comparables.
4. Sur une extension hors appel aux candidatures des services autorisés :
Le Conseil mène actuellement une action de grande envergure pour déployer le DAB+ sur l'ensemble du territoire. Dans certaines hypothèses, le recours à un appel aux candidatures pour étendre une zone de couverture locale peut apparaître disproportionné eu égard aux contraintes techniques applicables. C'est notamment le cas pour l'agrandissement des multiplex locaux déjà constitués et bénéficiant d'une autorisation du Conseil, dès lors qu'il apparaît au plan technique que l'extension de leur couverture impose une stricte identité des radios présentes dans le multiplex. Cette contrainte incontournable rend donc artificielle, insécurisante, lourde et inutilement consommatrice de ressources - tant administratives que privées - l'organisation d'un appel aux candidatures. C'est pourquoi le Conseil suggère de compléter l'article 30-4 de la loi du 30 septembre 1986 afin de permettre une extension hors appel aux candidatures des services autorisés en application de l'article 29-1, sous réserve que plusieurs conditions cumulatives soient remplies :


- l'extension porte sur une ou des zones géographiques voisines à celle obtenue suite à un appel aux candidatures ;
- l'extension porte sur l'usage de la même fréquence ;
- l'extension intervient dans les limites des contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication (i.e. il n'existe pas une ressource libre déjà planifiée pour cette zone) ;
- l'ensemble des radios autorisées en font la demande conjointe.


Il ne s'agirait dès lors pas d'une nouvelle autorisation, mais d'une extension de l'autorisation initiale, avec le même opérateur de multiplex et selon la même échéance.
5. Sur l'ajout d'un critère d'autorisation relatif aux habitudes d'écoute des auditeurs :
A l'échéance des autorisations d'émettre, les fréquences vacantes doivent faire l'objet d'un nouvel appel aux candidatures sur le fondement des articles 29 ou 29-1 de la loi du 30 septembre 1986. Dans ce cadre, la loi n'accorde aucune forme de priorité ni d'avantage à l'exploitant de la fréquence. Conformément à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le CSA accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés par la loi. Parmi ceux-ci figure notamment « l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication », critère qui est relatif au professionnalisme des opérateurs et non à une présence dans la zone.
Or les services autorisés ont, dans la majorité des cas, réalisé des investissements importants, constitué des équipes de salariés ou de bénévoles et noué un lien avec leurs auditeurs. C'est pourquoi le Conseil demande que soit ajouté aux critères énumérés à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986, le fait qu'il peut tenir compte des habitudes d'écoute des auditeurs pour apprécier l'intérêt des candidatures pour le public et, à ce titre, délivrer une autorisation à des services dont la cessation des programmes serait de nature à mécontenter un auditoire important et fidèle dans la zone.
2° Les télévisions locales :
1. Il apparaît que les télévisions locales de la TNT qui émettent en haute définition ne sont pas systématiquement reprises dans ce format par les distributeurs de services. Le Conseil suggère d'introduire dans la loi du 30 septembre 1986 une disposition imposant, à l'instar de l'article 34-2 de la même loi, la reprise en haute définition de ces services dès lors que le distributeur propose une offre de télévision dans ce format.
Dans le même sens, le projet pourrait prévoir la même obligation de reprise en HD pour tous les services de télévision nationaux hertziens privés repris dans les offres des distributeurs.
2. Afin d'améliorer la visibilité des services à vocation locale, le Conseil considère qu'il serait pertinent que la loi pose l'obligation, pour l'ensemble des distributeurs, de mettre en œuvre une mesure de « géolocalisation » dans le sens des préconisations qui figurent dans sa délibération du 15 février 2017 relative à la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs. Celles-ci invitent « l'ensemble des distributeurs dont l'offre comprend plusieurs services à vocation locale à les rendre accessibles via une mosaïque sur le canal 30 de leurs plans de services (ou tout dispositif visant le même objectif qui aurait été mis en place de façon concertée avec les éditeurs concernés ou leurs représentants). Dans la mesure des capacités techniques de chacun des distributeurs, cette mosaïque ou ce dispositif doit permettre à l'abonné soit de choisir les services qu'il souhaite voir affichés en priorité, soit d'afficher prioritairement les services locaux autorisés dans la zone géographique dans laquelle il réside. »
De la même façon, là-encore sous réserve de sa faisabilité technique, il conviendrait que les distributeurs proposent par défaut à leurs abonnés les déclinaisons géographiques de France 3 correspondant à leur lieu de résidence.
3° Les distributeurs :
1. L'article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986 pourrait être complété afin de circonscrire la compétence du Conseil aux offres proposées par des distributeurs qui visent le territoire français. A l'inverse, un acteur français qui proposerait une offre à destination d'un pays tiers ne relèverait pas de l'office du Conseil.
2. Le terme « numérotation » ne permet pas d'appliquer la règlementation aux offres récentes sous forme « applicative » avec une présentation par vignette ou mosaïque, sans lien direct avec l'ordre de numérotation des chaînes, ainsi qu'une logique de programmes, et proposant souvent une commande vocale (ex : Molotov, Freebox Delta). Cette évolution de la présentation des offres, si elle n'est pas prise en compte par la loi, conduira à terme à réduire fortement le pouvoir d'intervention du Conseil auprès des distributeurs sur la question de l'accès aux services de télévisions puisqu'il n'a, à ce jour, pas de compétence sur l'organisation des offres autrement que via la numérotation. Pour prendre en compte ces difficultés et donner à l'ARCOM les moyens de garantir effectivement l'équité de traitement et la prise en compte de l'intérêt du public, la compétence de l'instance de régulation pourrait ainsi être élargie aux modalités de présentation et d'accès aux offres et à « l'ordonnancement » des services.
3. Le CSA doit garantir l'accès de tous à l'offre de télévision gratuite sur l'ensemble du territoire. Or, si l'article 98-1 de loi de 1986 impose un service antenne pour les zones non couvertes par la TNT, sa rédaction ne permet pas de prendre en compte la situation dans laquelle plusieurs opérateurs satellitaires sont présents sur le territoire mais où une coupure de signal n'affecte que l'un d'entre eux. Le Conseil souhaite donc que l'article 98-1 soit modifié en sorte de créer une obligation de reprise des chaînes de la TNT en clair pour tous les opérateurs de satellite qui proposeraient une offre par satellite gratuite répondant aux conditions de cet article.
4. L'environnement numérique offre des possibilités toujours plus nombreuses d'accès aux contenus audiovisuels. Face à cette multitude, il apparaît essentiel que les contenus de service public soient aisément repérables. C'est pourquoi, comme le permet l'article 7 bis de la directive SMA, des mesures appropriées pourraient être adoptées afin de garantir, notamment au sein des guides électroniques de programmes ou des environnements applicatifs des télévisions connectées, par un portail dédié, la visibilité des contenus linéaires et non linéaires des sociétés de l'audiovisuel public.
Le Conseil appelle donc de ses vœux que le projet de loi reprenne à son compte cet objectif de visibilité, détermine les genres de contenus concernés et fixe les modalités selon lesquelles leur mise en avant pourrait être assurée.


B. - Sur l'économie de la régulation


1° Sur le dispositif anti-concentration :
Le dispositif actuellement en vigueur se révèle obsolète dans la plupart de ses composantes, face notamment aux évolutions démographiques, économiques et technologiques du secteur. L'Autorité de la concurrence le relevait dans un récent avis. Le Conseil suggère donc que le Gouvernement confie à des experts une mission de réflexion sur l'évolution de ce dispositif.
2° Sur la faculté de faire évoluer les conventions des services de télévision autorisés :
Aux termes de l'article 42-3 de la loi du 30 septembre 1986, l'instance de régulation ne peut faire droit aux demandes de modifications substantielles des données au vu desquelles une autorisation a été délivrée à un opérateur. Cet article pourrait être reformulé afin de renforcer la marge d'appréciation de l'autorité de régulation en lui permettant expressément de modifier, par une décision motivée, les obligations liées à la programmation d'un service de télévision, y compris les obligations quantifiées, dès lors que cette modification ne remet pas en cause le format de la chaîne et qu'elle est compatible avec l'intérêt du public. Le tempérament ainsi apporté à l'article 42-3 apporterait une souplesse indispensable aux acteurs du secteur, sous le contrôle du régulateur.
3° Sur la simplification du contradictoire autour des études élaborées au titre de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986 :
S'agissant des évolutions conventionnelles susceptibles de modifier de façon importante le marché en cause, l'avant-dernier alinéa de l'article 28 de la loi de 1986 prévoit la réalisation préalable d'une étude d'impact, sans toutefois préciser le formalisme applicable à sa mise en œuvre. Le raisonnement tenu par le Conseil d'Etat dans ses décisions du 17 juin 2015 est transposable aux études d'impact réalisées dans le cadre de l'article 28 de la loi du 30 septembre 1986. Ainsi, en vertu de cette jurisprudence, il revient au CSA de mettre au contradictoire son étude d'impact avant toute prise de décision, et de laisser un temps raisonnable au destinataire de la décision et aux tiers pour s'exprimer.
Eu égard à la lettre de l'article 28, la procédure contradictoire mise en œuvre n'implique pas que les personnes intéressées disposent du droit d'être entendues par le Conseil. Toutefois, afin d'assurer la sécurité juridique des décisions de l'ARCOM, il pourrait être utile de préciser, d'une part, qu'à compter de la publication de l'étude d'impact, le demandeur et les tiers adressent leurs contributions à l'ARCOM dans le délai qu'elle a imparti et, d'autre part, que l'ARCOM peut, si elle l'estime utile, entendre le demandeur et les tiers qui le lui demandent.
4° Sur l'économie de la donnée :
Dans la continuité des propositions faites au mois de septembre 2018, le Conseil renouvelle son souhait de voir créer un cadre de régulation pour l'économie de la donnée dans l'audiovisuel. Ce dispositif devrait assurer des conditions d'accès équitables et loyales aux données de consommation des programmes, qui incluent en particulier les données de localisation des utilisateurs et les données d'audience des programmes, afin que la richesse produite par leur utilisation soit mieux partagée entre les différents acteurs, et notamment entre les éditeurs et les distributeurs.
Pour ce faire, l'article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 pourrait être complété afin de prévoir que l'ARCOM veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire du partage, entre les distributeurs et les éditeurs de services de communication audiovisuelle, des données relatives à la consommation des programmes de ces derniers.
De même, un nouvel article pourrait être créé après l'article 34-5 de la loi du 30 septembre 1986 afin de prévoir que, sans préjudice de la réglementation applicable en matière de données à caractère personnel, tout distributeur fait droit, dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires, aux demandes des éditeurs de services de communication audiovisuelle visant à assurer l'accès de ces derniers aux données relatives à la consommation de leurs programmes lorsque de telles données sont effectivement collectées par le distributeur. Un décret en Conseil d'Etat devrait alors fixer les modalités d'application de cette disposition.
Par ailleurs, le Conseil relève que la consécration d'un tel cadre pourrait nécessiter la révision de l'article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques afin de substituer au principe d'interdiction faite aux opérateurs de communications électroniques de traiter des données portant sur le « contenu des correspondances échangées ou des informations consultées » celui du consentement préalable de la personne concernée.
En outre, la suppression opérée par le projet de loi de la garantie du principe de secret des choix parmi les services et les programmes posé par l'article 3 de la loi de 1986 apparait pertinente au Conseil dans la mesure où une telle disposition s'articule difficilement avec le cadre général européen applicable en matière de traitement de données à caractère personnel.


C. - Sur le rapporteur indépendant du collège du CSA


La loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public a institué un nouveau modèle d'organisation de la procédure de sanction du CSA. La procédure confie ainsi à un rapporteur indépendant du collège de l'autorité le soin de décider de l'engagement des poursuites et d'instruire les dossiers. Ce rapporteur est nommé par le vice-président du Conseil d'Etat, après avis du Conseil, parmi les membres des juridictions administratives en activité pour une durée de quatre ans renouvelable une fois.
Il apparaît que sa charge, qui est d'ores et déjà élevée, est susceptible d'évoluer encore au vu, d'une part, des nouvelles compétences de sanction que la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux est susceptible de confier au CSA et, d'autre part, de l'extension significative des missions qui seront confiées à l'ARCOM.
C'est pourquoi le CSA souhaite une modification de l'article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986 afin de prévoir la possibilité, pour le vice-président du Conseil d'Etat, de nommer, après avis de l'ARCOM, un ou plusieurs rapporteurs adjoints.


Au-delà de l'ensemble de ces remarques, le Conseil renouvelle sa satisfaction de constater que ses compétences sont non seulement fortement renforcées mais encore très largement étendues. Il veut toutefois souligner avec force que ces missions nouvelles ne sauraient être exercées de façon satisfaisante par l'ARCOM sans que lui soient alloués les moyens financiers et de personnels nécessaires, auxquels la fusion avec l'HADOPI ne saurait, à elle seule, suffire à pourvoir.
Le présent avis sera publié au Journal officiel de la République française.