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Article AUTONOME (Décision nos 428530, 428564 du 31 juillet 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux)

Article AUTONOME (Décision nos 428530, 428564 du 31 juillet 2019 du Conseil d'Etat statuant au contentieux)


ECLI:FR:CECHR:2019:428530.20190731


Sont annulés les 12° et 14° de l'article 1er du décret n° 2018-1359 du 28 décembre 2018 relatif aux conditions matérielles d'accueil (NOR : INTV1833309D).
Cette annulation comporte pour les autorités administratives les obligations énoncées par les motifs de la décision.
Motifs de la décision :

« S'agissant des dispositions relatives au retrait du bénéfice des conditions matérielles d'accueil :
11. (…) Il résulte de l'article 20 de la directive [2013/33/UE du 26 juin 2013] que s'il est possible dans des cas exceptionnels et dûment justifiés de retirer les conditions matérielles d'accueil à un demandeur d'asile, d'une part ce retrait ne peut intervenir qu'après examen de la situation particulière de la personne et être motivé, d'autre part l'intéressé doit pouvoir solliciter le rétablissement des conditions matérielles d'accueil lorsque le retrait a été fondé sur l'abandon du lieu de résidence sans information ou autorisation de l'autorité compétente, sur la méconnaissance de l'obligation de se présenter aux autorités ou de se rendre aux rendez-vous qu'elle fixe ou sur l'absence de réponse aux demandes d'information. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir qu'en créant des cas de refus et de retrait de plein droit des conditions matérielles d'accueil sans appréciation des circonstances particulières et en excluant, en cas de retrait, toute possibilité de rétablissement de ces conditions, les articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction résultant de la loi du 10 septembre 2018, s'avèrent incompatibles avec les objectifs de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013. Il en résulte qu'elles sont fondées à demander l'annulation des dispositions des 12° et 14° de l'article 1er du décret du 28 décembre 2018, pris pour l'application de ces dispositions législatives.

En ce qui concerne le droit applicable à compter de l'annulation prononcée :
15. L'incompatibilité, dans la mesure précisée au point 11, des dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi du 10 septembre 2018, avec les objectifs de l'article 20 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, n'a pas pour effet par elle-même de faire disparaître rétroactivement ces dispositions législatives de l'ordonnancement juridique, ni, par suite, de rétablir dans cet ordonnancement les dispositions antérieures abrogées et remplacées par cette loi. Cette incompatibilité fait, en revanche, obstacle à ce que les autorités administratives compétentes adoptent, sur leur fondement, des décisions individuelles mettant fin aux conditions matérielles d'accueil dans des conditions contraires au droit de l'Union.
16. Elle implique, en outre, que les demandeurs d'asile ayant été privés du bénéfice des conditions matérielles d'accueil en vertu d'une décision, prise après le 1er janvier 2019, y mettant fin dans un cas mentionné à l'article L. 744-7 du code puissent demander le rétablissement de ce bénéfice. Il appartient alors à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de statuer sur une telle demande de rétablissement en appréciant la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil.
17. Enfin, compte tenu des motifs d'incompatibilité des dispositions des articles L. 744-7 et L. 744-8 qui ne s'opposent pas à ce que l'autorité compétente puisse limiter ou supprimer le bénéfice des conditions matérielles d'accueil aux demandeurs d'asile qui quittent leur lieu d'hébergement ou la région d'orientation déterminée en application de l'article L. 744-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qui ne respectent pas les exigences des autorités chargées de l'asile, il y a lieu de préciser les conditions dans lesquelles les autorités compétentes peuvent, dans l'attente de la modification des articles L. 744-7 et L. 744-8 par le législateur, tirer des conséquences de tels comportements sur le bénéfice des conditions matérielles d'accueil.
18. Ainsi, il reste possible à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de refuser le bénéfice des conditions matérielles d'accueil, après examen de sa situation particulière et par une décision motivée, au demandeur qui a refusé le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation. Il lui est également possible, dans les mêmes conditions et après avoir mis, sauf impossibilité, l'intéressé en mesure de présenter ses observations, de suspendre le bénéfice de ces conditions lorsque le demandeur a quitté le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation ou n'a pas respecté les exigences des autorités chargées de l'asile, notamment de se rendre aux entretiens, de se présenter aux autorités et de fournir les informations utiles afin de faciliter l'instruction des demandes. Si le bénéfice des conditions matérielles d'accueil a été suspendu, le demandeur d'asile peut en demander le rétablissement à l'Office, qui devra apprécier la situation particulière du demandeur à la date de la demande de rétablissement au regard notamment de sa vulnérabilité, de ses besoins en matière d'accueil ainsi que, le cas échéant, des raisons pour lesquelles il n'a pas respecté les obligations auxquelles il avait consenti au moment de l'acceptation initiale des conditions matérielles d'accueil. »