ACCORD
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE ITALIENNE RELATIF À LA MISE EN PLACE D'UN SERVICE DE FERROUTAGE ENTRE LA FRANCE ET L'ITALIE, SIGNÉ À LUXEMBOURG LE 9 OCTOBRE 2009
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne, ci-après dénommés les Parties,
Convaincus de la nécessité de soulager le trafic sur les axes routiers et les zones sensibles, en particulier dans la traversée des Alpes, par un transfert des poids lourds de la route vers le fer ;
Considérant l'intérêt de promouvoir le transport ferroviaire comme mode de transport complémentaire au transport routier dans une logique d'aménagement du territoire et de transport durable ;
Ayant réalisé les investissements propres à améliorer l'axe ferroviaire international Dijon-Modane-Turin (mise au gabarit GB1, augmentation du débit de la ligne, renforcement de la sécurité, régénération des ouvrages d'art) ;
Convaincus que les systèmes de ferroutage constituent un complément indispensable à l'offre de transport combiné rail-route dédié aux conteneurs maritimes et aux caisses mobiles ;
Tirant les enseignements du service expérimental d'autoroute ferroviaire alpine et convaincus que le développement et la poursuite d'un service de ferroutage sur cet axe contribueront à l'amélioration de l'efficacité de la chaîne de transport ;
Tenant compte du livre blanc de la Commission européenne du 12 septembre 2001 « la politique européenne des transports à l'horizon 2010, l'heure des choix » ;
Considérant les décisions intervenues lors des rencontres bilatérales entre le ministre français des transports et les ministres italiens des transports et des infrastructures du 11 juillet 2006 et du 24 novembre 2006 (sommet de Lucques) et entre les ministres français et italien des transports du 24 avril 2007 ;
Considérant la déclaration ministérielle sur l'autoroute ferroviaire alpine du 27 novembre 2007 des ministres français et italien des transports ;
Considérant le mémorandum d'entente du 24 février 2009 des ministres français et italien chargés des transports relatif au service de ferroutage franco-italien par le tunnel du Mont-Cenis,
Sont convenus de ce qui suit :
Article 1er
Objet
1. Après avoir expérimenté un service d'autoroute ferroviaire alpine et s'être accordées sur ses potentialités de développement, sa pertinence et sa contribution au développement durable, les Parties souhaitent poursuivre ce service de ferroutage dans la continuité du service expérimental, avec l'objectif d'absence d'interruption du service, en tendant vers son autonomie financière. Le présent accord a pour objet de déterminer les conditions de mise en place, entre la France et l'Italie, d'un service de ferroutage franco-italien utilisant l'axe ferroviaire du tunnel du Mont-Cenis (tunnel du Fréjus), et d'assurer se mise en œuvre et son suivi.
2. Le service de ferroutage franco-italien objet du présent accord désigne une offre de transport intermodal entre la France et l'Italie, qui consiste à transporter, sur un parcours principal ferroviaire, des ensembles routiers et/ou des remorques non accompagnées et qui présente un cadencement approprié pour répondre aux besoins des transporteurs routiers et de leurs chargeurs et une fréquence propre à assurer un report modal significatif, sans distorsion de concurrence contraire à l'intérêt commun, dans le respect des règles de sécurité ferroviaire.
Ce service, qui reliera lors de son commencement les régions Rhône-Alpes et Piémont, en utilisant les terminaux d'Aiton et d'Orbassano, devra être accessible aux transports de matières dangereuses. Il débutera à l'issue des travaux d'agrandissement du gabarit du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis (tunnel du Fréjus) et de mise en capacité de la ligne. Il sera prévu la possibilité d'utiliser d'autres terminaux dans le but d'améliorer la flexibilité et la compétitivité du service et d'allonger les trajets.
3. A l'occasion de la procédure, il conviendra notamment :
- de faire connaître les exigences des Gouvernements en termes de fréquence et de performance du service ;
- de déterminer, le cas échéant, le niveau et les modalités d'octroi éventuel de subvention nécessaire et d'apports des Gouvernements au soutien du service.
Article 2
Droits et obligations des Parties
Les Parties s'engagent à autoriser la mise en place d'un service de ferroutage franco-italien exploité par une ou des entreprises (ci-après dénommée « l'exploitant ») dans les conditions prévues par le présent accord et par un ou des contrats portant sur l'exploitation du service de ferroutage franco-italien conclu entre les deux Gouvernements et l'exploitant, ci-après dénommé le « contrat ».
Le contrat, qui pourra revêtir la forme d'une concession de service public, sera attribué dans le cadre d'une procédure de mise en concurrence internationale respectant les règles et principes du traité instituant la Communauté européenne et notamment les principes de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence. La durée du contrat, qui sera arrêtée dans le cadre de la procédure de mise en concurrence, pourra tenir compte de la durée d'amortissement des investissements financés par l'exploitant, sans pouvoir excéder la durée maximale de 15 ans.
Article 3
Dispositions internationales, législatives et réglementaires
1. Les Parties prennent les dispositions nécessaires pour que la mise en place et le fonctionnement du service de ferroutage franco-italien soient assurés dans le respect de leurs engagements internationaux et en particulier du droit communautaire applicable. Elles coopèrent pour accomplir toutes les démarches nécessaires auprès des organisations internationales concernées.
Le contrat précise la loi qui lui est applicable, ainsi que les modalités selon lesquelles seront réglés, par voie d'arbitrage, les éventuels litiges relatifs à l'exécution ou à l'interprétation du contrat susceptibles d'intervenir entre les Etats et l'exploitant.
2. Les Parties prennent les dispositions législatives et réglementaires et entreprennent les actions nécessaires à la mise en place et au fonctionnement du service de ferroutage franco-italien, et destinées à permettre un fonctionnement optimal de ce service au regard des objectifs de fréquence et de performance du service tels que déterminés par les Parties,
Les procédures de coordination mises en œuvre par les gestionnaires d'infrastructures concernés lors des procédures d'attribution des capacités d'infrastructure ferroviaires sur l'axe du tunnel du Mont-Cenis (tunnel du Fréjus) tiennent compte de l'intérêt particulier que revêt la promotion du ferroutage pour les passages alpins, en complément des services de transport combiné rail-route et plus largement des services de fret ferroviaire.
3. Les Parties conviennent de se concerter afin de déterminer la nécessité et les modalités éventuelles d'adoption de décisions, ou mesures légales ou réglementaires, de report modal.
4. Sur la base d'un accord entre les Etats et les gestionnaires d'infrastructure, les gestionnaires d'infrastructure concluent avec l'exploitant du service de ferroutage franco-italien et/ou avec les Etats, dans le respect de la législation communautaire en vigueur relative à l'octroi de capacités d'infrastructures, un accord-cadre conjoint portant sur la réservation des capacités d'infrastructure nécessaires au respect des objectifs de fréquence du service déterminés dans le contrat, et les principes de tarification à appliquer.
5. Les Parties prennent les dispositions nécessaires, le cas échéant auprès des gestionnaires d'infrastructure, pour assurer la disponibilité des installations, en particulier des terminaux, nécessaires au fonctionnement du service au regard notamment des objectifs de fréquence et de performance du service tels que déterminés par les Parties.
Article 4
Financement du service
L'exploitant assure le service de ferroutage franco-italien dans les conditions qui seront prévues au contrat.
Les Parties ayant convenu que chacune d'elles se charge, en principe, du financement des infrastructures éventuellement nécessaires situées sur son territoire, des subventions, apports et autres contributions publiques de toute nature, directes ou indirectes, provenant des Etats directement ou indirectement ou des collectivités territoriales françaises et italiennes, ainsi que de l'Union européenne pourront être attribués à l'exploitant. L'assiette, le niveau, la durée et les modalités de versement de ces éventuelles subventions, apports et autres contributions publiques de toute nature, directes ou indirectes, seront définitivement arrêtés par les Gouvernements à l'issue de la procédure de mise en concurrence portant sur l'attribution du contrat. Le régime juridique applicable à ces subventions, apports et autres contributions publiques de toute nature, directes ou indirectes, est celui issu du droit communautaire.
Les modalités de répartition entre les deux Etats des subventions, apports et autres aides ou contributions publiques de toute nature, directes ou indirectes, nécessaires à la mise en œuvre du projet, sont déterminées dans le cadre d'une convention de financement conclue entre les Parties.
Article 5
Règlement des différends - Consultations entre les Gouvernements
1. Les différends entre les Parties relatifs à l'interprétation ou à l'application du présent accord sont réglés par les deux Gouvernements par la voie diplomatique.
Les deux Gouvernements se consultent, à la demande de l'un d'entre eux :
a) sur toute question relative à l'interprétation ou à l'application du présent accord ;
b) sur toute question relative à l'interprétation et à l'exécution du contrat ;
c) sur les conséquences de toute mesure annoncée ou prise qui pourrait affecter substantiellement le service de ferroutage franco-italien ;
d) sur toute question concernant les droits et obligations des Etats découlant du présent accord ;
e) sur toute question concernant les droits et obligations des Etats découlant du contrat ;
f) si le contrat prend fin de manière anticipée pour quelque cause que ce soit, sur l'avenir du service de ferroutage franco-italien.
2. Si, dans un délai de trois mois, ces différends n'ont pas été réglés, les Parties s'engagent à se soumettre aux décisions du tribunal arbitral prévu à l'alinéa suivant.
3. Le tribunal arbitral est constitué dans chaque cas selon la façon suivante :
a) chacun des Gouvernements nomme un arbitre dans un délai de deux mois suivant la requête d'arbitrage ;
b) les deux arbitres, dans les deux mois de la nomination du dernier d'entre eux, désignent d'un commun accord un troisième arbitre ressortissant d'un Etat tiers, qui préside le tribunal arbitral ;
c) si l'une des nominations n'a pas été faite dans les délais fixés ci-dessus, une Partie peut, en l'absence de tout autre accord, demander au président de la Cour de justice des Communautés européennes de procéder à la nomination nécessaire ;
d) si le président de la Cour de justice des Communautés européennes est un ressortissant de l'un des deux Etats ou si, pour d'autres raisons, il est empêché, les nominations sont demandées aux présidents de Chambre de cette cour par ordre d'ancienneté ;
e) si ces derniers sont ressortissants de l'un des deux Etats ou sont également empêchés, les nominations sont effectuées par le juge de la cour le plus ancien qui n'est ressortissant d'aucun des deux Etats et qui n'est pas empêché pour d'autres raisons.
4. Le tribunal décide à la majorité des voix. Les arbitres ne peuvent s'abstenir. Le tribunal peut, à la requête d'une des Parties, interpréter ses propres décisions. Les décisions du tribunal sont définitives et obligatoires pour les Parties.
Les honoraires et les frais du tribunal sont proportionnels au montant des litiges faisant l'objet de la demande selon application du barème alors en vigueur de la Chambre de Commerce internationale.
En tout état de cause, une sentence arbitrale détermine la part des honoraires et des frais du tribunal pesant sur chacune des Parties.
Article 6
Groupe de travail
1. Le groupe de travail créé par le mémorandum d'entente du 24 février 2009 relatif au service de ferroutage franco-italien par le tunnel du Mont-Cenis est chargé de préparer, de mettre en place et de mener au nom des deux Gouvernements et par délégation de ceux-ci la procédure de sélection de l'exploitant du service de ferroutage franco-italien, dans le respect des règles et principes du traité CE et notamment les principes de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence, ainsi que d'assurer la préparation des mesures et conventions connexes nécessaires à sa mise en œuvre.
Pour réaliser les missions décrites ci-après, le groupe de travail est constitué de six membres, trois représentants de la direction des services de transport du ministère français en charge des transports, et trois représentants de la direction générale des transports ferroviaires du ministère italien en charge des transports. Conformément au mémorandum d'entente du 24 février 2009, le coordonnateur est le directeur des services de transport pour la délégation française, et le directeur général des transports ferroviaires pour la délégation italienne. Pour l'exécution de sa mission, le groupe de travail bénéficie de la collaboration des administrations de chaque Partie, qui peuvent assister aux réunions du groupe. Il peut faire appel, en tant que besoin, à tout organisme ou expert de son choix.
2. Le groupe de travail est chargé plus particulièrement à ce titre :
- d'élaborer le dossier de consultation et notamment l'avis d'appel public à la concurrence, le règlement de la consultation ainsi que les projets de contrat et de conventions connexes ;
- d'assurer l'organisation, la conduite et le suivi de la procédure de consultation et de sélection des candidats à l'attribution du contrat, et en particulier de procéder à l'analyse des candidatures et des offres, et à l'organisation des auditions, échanges et négociations avec les candidats ;
- d'émettre, en tant qu'organisme consultatif, des avis ou recommandations aux Gouvernements en lien avec la procédure de sélection de l'exploitant, et en particulier de proposer aux ministres la liste des candidats invités à participer à la consultation, le choix du ou des candidats admis à négocier, ainsi que de l'attributaire.
3. Le groupe de travail est par ailleurs chargé d'élaborer le projet de convention de financement visé à l'article 4 du présent accord.
4. Les Parties conviennent de confier le contrôle et le suivi technique, administratif et financier du contrat à un organisme binational dont la composition et les missions seront précisées dans le contrat.
5. La « Commission intergouvernementale pour la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin » est chargée de fournir des avis et recommandations sur des mesures susceptibles de favoriser l'exécution et la réussite du service de ferroutage.
6. A cette fin, pour le suivi des effets du projet, objet du présent accord, en termes de report des poids lourds de la route vers le rail, un « Observatoire du report modal » sera créé après le lancement du nouveau service. Cet observatoire travaillera avec les collectivités territoriales intéressées qui souhaiteront participer.
Article 7
Recours liés à la procédure d'attribution du contrat
1. La procédure d'attribution du contrat est régie par les dispositions issues du droit communautaire applicable, et notamment les principes de non-discrimination, d'égalité de traitement et de transparence. Toute personne ayant ou ayant eu un intérêt à obtenir le contrat, et ayant été ou risquant d'être lésée par une violation de ces dispositions peut introduire un des recours visés par la directive n° 89/665/CE du 21 décembre 1989, telle que modifiée par la directive n° 2007/66/CE du 11 décembre 2007, aux fins d'obtenir l'adoption des mesures correctives ou compensatrices autorisées par cette directive. Les délais d'introduction de ces recours correspondent aux délais minimaux fixés par cette directive.
2. Un Tribunal de résolution des conflits, ci-après dénommé le Tribunal, est constitué en qualité d'organe compétent pour connaître de ces recours.
Le Tribunal est composé de cinq magistrats ou conseillers d'Etat français et italiens nommés sur décision conjointe des deux Gouvernements dans un délai maximum de deux mois à compter de la signature du présent accord.
Le Tribunal décide à la majorité des voix. Il statue en premier et dernier ressort. Les décisions du Tribunal sont publiques.
Article 8
Entrée en vigueur
Chacune des Parties contractantes notifiera à l'autre l'exécution des procédures constitutionnelles exigées pour l'entrée en vigueur du présent accord, qui interviendra à la date de la dernière notification sous forme de note verbale.
Le présent accord reste en vigueur jusqu'au terme du contrat, à moins que l'une des Parties, sous réserve d'un préavis d'un an notifié par la voie diplomatique, ne le dénonce.
Fait à Luxembourg, le 9 octobre 2009, en deux exemplaires, en langues française et italienne, les deux textes faisant également foi.
Pour le Gouvernement de la République Française : Dominique Bussereau
Secrétaire d'Etat chargé des Transports auprès du Ministre d'Etat, Ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de la Mer, en charge des Technologies vertes et des Négociations sur le climat
Pour le Gouvernement de la République italienne : Altero Matteoli
Ministre des Infrastructures et des Transports