ANNEXE
CAHIER DES CHARGES RELATIF AUX ACTIONS INITIÉES, DÉFINIES ET MISES EN ŒUVRE PAR LES STRUCTURES IMPLIQUÉES DANS LA PRÉVENTION ET LA PRISE EN CHARGE DE LA RADICALISATION
Ce cahier des charges :
- définit les conditions relatives à l'organisation des structures menant des actions de prévention et de prise en charge de la radicalisation ;
- fixe les critères nécessaires que doivent remplir les actions de prise en charge et d'accompagnement des familles, de formation, les projets de recherche et les actions de contre-discours.
Pour prétendre bénéficier d'une subvention d'une autorité publique, l'association doit répondre aux critères fixés par le présent cahier des charges. Par ailleurs, l'octroi d'une subvention est subordonné à la conclusion d'une convention, à la production d'un compte-rendu financier et au dépôt et à la publication de ces documents.
I. - Contexte et enjeux
Depuis la mise en place de la politique de prévention de la radicalisation en 2014, de multiples structures ont été soutenues pour mener des actions dans ce domaine notamment pour assurer la prise en charge des personnes signalées au centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) ou, au plan local, au niveau de la cellule de suivi, ainsi que l'accompagnement et le soutien des familles concernées.
Dans ce contexte, il convient de mieux identifier et encadrer les structures menant des actions de prévention et de prise en charge de la radicalisation, ainsi que les actions elles-mêmes pour mieux cibler les publics visés et améliorer l'impact des actions auprès de ces derniers.
Le présent cahier des charges fixe les critères a minima exigibles pour mener des actions de prévention et de prise en charge de la radicalisation. Les préfets de département mettent en application ce cahier des charges pour orienter le choix de la structure adéquate ou valider des actions de prévention et de prise en charge dans ce domaine.
II. - Critères relatifs aux structures
Certaines conditions sont relatives à l'organisation même de la structure, à la composition des équipes, et aux missions confiées dans le cadre de la prévention de la radicalisation.
Les structures faisant déjà l'objet d'une habilitation ou d'une convention avec les services déconcentrés ou décentralisés de l'Etat sont mobilisées en priorité.
1. Critères relatifs à l'organisation de la structure :
La structure dispose d'une personnalité juridique et, lorsqu'il s'agit d'une personne morale de droit privé, a été déclarée ou immatriculée en fonction de son statut.
Pour les associations, sont exigés la déclaration en préfecture, les comptes déposés en année n-1 et n-2 ainsi que l'inscription au répertoire national des associations (RNA).
L'association fonctionne dans le respect du cadre légal et réglementaire inhérent à la nature juridique de la structure et organise la tenue régulière d'assemblées générales réunies, a minima une fois par an.
Son activité présente des garanties strictes d'éthique, d'intégrité et d'honorabilité.
Elle respecte strictement les principes et valeurs de la République et de la laïcité.
La structure fait preuve de transparence quant à son fonctionnement et ses documents comptables et financiers : elle présente des documents administratifs, financiers et comptables conformes aux textes applicables et à la réalité de son activité.
Elle produit, dans le cadre du dépôt de demande de subvention, une liste des salariés et des bénévoles, la copie des titres universitaires et diplômes professionnels de chacun des membres de ce personnel, ainsi que le montant des traitements et salaires des personnels et des dirigeants. Elle explicite clairement le rôle des bénévoles au titre des actions de prévention de la radicalisation.
2. Critères relatifs à la composition et à la qualification des équipes :
La structure est composée d'une équipe de dirigeants et de personnels qualifiés pour mener des actions en matière de prévention et de prise en charge de la radicalisation.
Ainsi, en fonction de la nature de l'action, sont exigées des compétences et expériences en matière de prise en charge de publics vulnérables, en difficulté, en particulier concernant les mineurs, mais également en matière de soutien à la parentalité et/ou d'aide aux victimes.
Les professionnels des structures amenés à diligenter des actions de prévention ou de prise en charge de la radicalisation doivent avoir suivi une formation spécifique sur le phénomène de la radicalisation, notamment sur les trois volets suivants : compréhension du phénomène de radicalisation (processus, indices de radicalisation, publics visés etc.), modalités de détection et d'évaluation (méthodes, outils) de la radicalisation et circuits de signalement, réponses publiques locale et nationale.
Les structures peuvent bénéficier des formations organisées au plan national par le secrétariat général du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR) ou par les écoles de service public, les ministères, ou tout autre organisme public ou privé s'inscrivant préalablement dans le cadre défini par le présent cahier des charges (voir ci-après). Toutefois, pour les associations ou organismes privés déjà mobilisés sur la thématique, la valorisation des acquis de l'expérience peut être prise en compte.
La pluridisciplinarité des équipes ou la capacité à travailler dans un contexte pluridisciplinaire est nécessaire. Elle est appréciée, en associant par exemple plusieurs corps de métiers et approches disciplinaires : éducateurs spécialisés, travailleurs sociaux, psychologues, juristes, et/ou psychiatres, par exemple. Cette pluridisciplinarité permet une réponse plus complète aux difficultés posées par la spécificité de la radicalisation. Des diplômes d'Etat ou européens reconnus en France sont obligatoires, notamment dans le champ du travail social ou en psychologie pour mener les actions susvisées.
Les prises en charge assurées par des équipes extérieures aux structures directement mandatées sont encadrées par des conventions entre les parties.
3. Critères relatifs aux modalités d'intervention dans le cadre de la prévention et de la prise en charge de la radicalisation :
Comme condition préalable, la structure accepte le mode de fonctionnement de la cellule de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), notamment s'agissant de l'échange d'informations dans les conditions fixées par la circulaire n° 5858/SG du Premier ministre du 13 mai 2016 relative à la prévention de la radicalisation, et le principe même de l'évaluation. Un modèle de charte de partage d'informations pourrait être co-construit avec les acteurs concernés et diffusé aux préfets.
Les structures de prise en charge inscrivent leur action dans le cadre d'un travail en réseau avec d'autres acteurs impliqués au plan local dans la prévention et la prise en charge de la radicalisation afin de faciliter la prise de relais par des acteurs de droit commun, notamment sur le plan de l'insertion socio-professionnelle.
Enfin, les structures s'inscrivent dans le maillage territorial pour améliorer le dispositif de détection et de signalement des cas et des foyers de radicalisation.
III. - Critères relatifs aux actions de prévention et de prise en charge de la radicalisation
1. Actions relevant de la prise en charge des individus et de l'accompagnement des familles :
Ces actions constituent le cœur des dispositifs soutenus dans le cadre de la prévention de la radicalisation. Elles doivent ainsi répondre à des conditions garantissant une prise en charge encadrée et professionnelle des individus concernés et de leurs familles.
L'encadrement et le suivi des individus et des familles sont effectués par des personnes qualifiées et formées dans le domaine de la radicalisation (ayant bénéficié d'une formation, titulaire d'un diplôme et/ou d'une expérience professionnelle reconnue). Les professionnels doivent avoir par exemple une expérience dans le suivi et la prise en charge de personnes vulnérables ou en difficulté, ou encore dans le soutien à la parentalité, la prise en charge de publics sous-main de justice etc.
Les diplômes des professionnels sont en adéquation avec l'activité de soutien et de prise en charge effectué auprès des individus concernés et leur famille (exemples : diplômes dans le domaine du travail social, de la psychologie, de la médiation familiale, de la psychiatrie, etc.). Les psychologues ou plus généralement les professionnels de santé devront par ailleurs disposer d'un numéro ADELI.
En concertation avec la préfecture, des spécialistes de l'islam peuvent être sollicités ou mobilisés, qu'il s'agisse de référents cultuels ou culturels, d'islamologues ou d'anthropologues, si cette intervention présente une plus-value pour la prise en charge et le suivi (éclairage théorique, déconstruction d'une approche radicale de l'Islam notamment).
L'action de prise en charge et de soutien nécessitant des contacts et entretiens réguliers avec les individus et les familles, un principe de confidentialité doit être respecté. A cet égard, les personnes concernées par un suivi sont informées du cadre d'action de la mission et des échanges d'informations pouvant avoir lieu dans le cadre de la cellule de prévention de la radicalisation et de l'accompagnement des familles (CPRAF).
Par ailleurs, l'action de la structure s'inscrivant dans un cadre institutionnel placé sous l'égide du préfet, celle-ci rend compte régulièrement à ce dernier de l'avancée et des résultats de son travail de suivi sous peine de voir mis fin à sa subvention. Un compte rendu régulier de suivi des situations est mis en place à cet effet dans le cadre de la cellule de suivi. Ce bilan des suivis se fait à rythme régulier, selon des modalités définies localement par chaque CPRAF et doit obligatoirement faire a minima l'objet de comptes rendus oraux d'étape en séance et d'un rapport final écrit retraçant l'historique des actions mises en œuvre, l'évolution des situations, les mesures correctives envisagées ainsi que les résultats obtenus pour chacun des cas et familles pris en charge.
2. Actions de formation :
La formation dédiée à la prévention de la radicalisation est actuellement délivrée par plusieurs organismes publics, mais également par une multitude d'organismes privés ou associatifs. Cette grande diversité des guichets de la formation nécessite un encadrement par les pouvoirs publics, une vérification du contenu de ces modules proposés aux acteurs de terrain et de leur adéquation avec les orientations de la politique publique étatique.
Les actions de formations doivent répondre aux critères suivants :
- être référencé au Data Doc et avoir obtenu le label qualité de l'OPQF dans la mesure du possible ;
- les modules proposés dans ce domaine doivent reprendre les orientations de la politique nationale en matière de prévention de la radicalisation telle qu'elles sont définies dans les circulaires et plans nationaux depuis 2014 ;
- les programmes de formation proposés doivent couvrir a minima les volets suivants : éléments de définition, sociohistoire du phénomène de radicalisation, indicateurs permettant la détection, puis circuits et canaux de signalement des cas de radicalisation ;
- les organismes proposant ces cycles ou séminaires justifient d'une expérience dans le domaine de la formation, ainsi que des références dans le champ de la prévention de la radicalisation. Ils disposent des compétences suivantes :
- capacité à animer des groupes en mobilisant des outils pédagogiques, des connaissances théoriques et des exemples de pratiques dans le domaine de la prévention de la radicalisation ;
- connaissance du réseau local associatif et institutionnel territorial et national qui participe au dispositif de prévention de la radicalisation ;
- les formateurs doivent eux-mêmes présenter ces qualifications et expériences sus-décrites : être formés aux techniques ou à la pratique de l'animation de groupes, aux approches pédagogiques et disposer d'une expérience professionnelle dans le domaine concerné ;
- l'approche de la prévention de la radicalisation doit être aussi objective que possible, et n'afficher ni orientations politiques ou religieuses ;
- un contrôle qualité ou une évaluation est mis en place par la préfecture afin de vérifier que le contenu des modules de formation correspond à l'ensemble des critères et conditions exposés dans le présent cahier des charges.
3. Actions émanant de la recherche :
Certains projets de recherche peuvent être soutenus par des financements publics dans le cadre d'enveloppes dédiées à la prévention de la radicalisation. Il peut s'agir de contribuer au financement de conférences associant chercheurs et praticiens, ainsi qu'à celui de projets de recherche visant soit l'évaluation de l'action publique, soit une meilleure connaissance des leviers de la délinquance ou de la radicalisation, toujours à des fins opérationnelles.
Ces financements publics se substituent en aucun cas aux instances de financement de la recherche (CNRS, ANR, ERC, CIFRE, etc.). Par ailleurs, les projets et conférences de recherche soutenus dans ce cadre doivent répondre aux critères suivants :
- adéquation avec les priorités thématiques et d'action fixées au plan national, ou apport en matière de prospective concernant des champs d'action à investir ;
- opérationnalité des projets soit influençant l'action publique, soit permettant la mise en réseau de chercheurs, de praticiens et/ou de décideurs du champ de la radicalisation ;
- exposé clair de la méthodologie retenue, description de l'échantillon d'étude ou du corpus de données ;
- rédaction d'un état de la recherche se positionnant par rapport aux travaux existant sur l'objet d'étude et soulignant l'apport du projet soumis au financement public par rapport à l'état de l'art ;
- présentation précise du budget du projet, de préférence sous la forme d'un CERFA.
Les porteurs du projet doivent par ailleurs remplir les conditions suivantes :
- compétences thématiques des porteurs de projet sur le phénomène de la radicalisation, quelle que soit leur discipline d'appartenance (sociologie, histoire, islamologie, psychologie, etc.) ;
- parcours universitaire attestant de qualités scientifiques, notamment au vu de publications dans des revues à comité de lecture ;
- affiliation à un laboratoire universitaire ou à un think tank compétent.
4. Campagnes de contre-discours :
Sur le plan national, un certain nombre d'initiatives citoyennes émanant de la société civile visant à prévenir la radicalisation de jeunes en rupture et potentiellement en voie de radicalisation ou qui auraient engagé un processus de réinsertion, peuvent bénéficier de subventions publiques.
Ces campagnes de contre-discours non institutionnelles doivent répondre aux critères suivants :
- adhésion à des valeurs communes (respect des valeurs républicaines, du vivre-ensemble, de la liberté d'expression, de conscience, de religion, égalité entre les femmes et les hommes) ;
- nécessité pour les différents acteurs d'inscrire leur action au niveau européen en étant membre de la plateforme CSEP/RAN : identification au niveau européen et possible mise en réseau avec des acteurs agissant dans le même champ dans d'autres pays membres ;
- opérationnalité des projets s'inscrivant dans une stratégie digitale cohérente permettant d'adresser la cible visée quelle qu'elle soit (jeunes filles ou garçons, femmes, hommes tentés par la propagande djihadiste voire en voie de radicalisation, grand public, éducateurs, professeurs, monde de l'entreprise, professions médicales, milieu sportif, etc.) ;
- exposé clair de la stratégie de communication retenue et présentation précise du budget du projet, de préférence sous la forme d'un CERFA ;
- détenir des compétences techniques et une expérience reconnue dans le domaine des nouvelles techniques de l'information et des communications ;
- nécessité pour les acteurs d'être identifiés par les principales plateformes numériques susceptibles d'accompagner la propagation de leurs messages (Facebook, Twitter, Google/YouTube, Snapchat, etc.) ;
- discrétion dans l'affichage du soutien public.