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Article AUTONOME (Délibération n° 2018-098 du 22 mars 2018 portant avis sur un projet de décret modifiant le décret n° 2012-895 du 19 juillet 2012 portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Agorha » relatif à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale (demande d'avis n° 1555002V3))

Article AUTONOME (Délibération n° 2018-098 du 22 mars 2018 portant avis sur un projet de décret modifiant le décret n° 2012-895 du 19 juillet 2012 portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Agorha » relatif à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale (demande d'avis n° 1555002V3))


Sur la proposition de M. Jean-François CARREZ, commissaire, et après avoir entendu les observations de Mme Nacima BELKACEM, commissaire du Gouvernement,
Emet l'avis suivant :
La commission a été saisie par le ministre de l'intérieur d'une demande d'avis concernant un projet de décret modifiant le décret n° 2012-895 du 19 juillet 2012 portant autorisation d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Agorha » relatif à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale.
Ce projet a pour objet de permettre une mise en relation du traitement Agorha avec le traitement dénommé « interface de levée de l'anonymat des agents de la police et de la gendarmerie nationales et des douanes dans les actes de procédure » (IDPV), qui doit être mis en œuvre par la Direction générale de la police nationale (DGPN) et par la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) du ministère de l'intérieur et dont le projet d'acte de création a été soumis à la commission.
Il s'explique par l'adoption récente de plusieurs dispositions législatives permettant notamment aux agents de la gendarmerie nationale de ne pas s'identifier dans des actes de procédure par leur nom et prénom et d'y substituer un numéro d'immatriculation administrative, complété par la qualité et le service d'affectation de l'agent. Cette faculté, dont la mise en œuvre est conditionnée par l'autorisation du responsable hiérarchique, vise à protéger les agents concernés de risques de représailles par des délinquants ou des criminels faisant l'objet de procédures.
Initialement réservée aux seuls officiers et agents de police judiciaire affectés dans les services spécialement chargés de la lutte contre le terrorisme, la possibilité de ne pas être identifié par ses nom et prénom a été étendue par l'article 15-4 du code de procédure pénale, issu de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, aux agents de la gendarmerie nationale intervenant dans le cadre des procédures relatives à un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ou dans le cadre des procédures relatives à un crime ou un délit puni de moins de trois ans lorsqu'en raison de circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause, la révélation de l'identité de l'agent est susceptible de mettre en danger sa vie ou son intégrité physique ou celle de ses proches.
L'article L. 229-2 du CSI, créé par la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, a ensuite étendu cette possibilité, en matière de police administrative, aux procès-verbaux relatant les opérations de visite et saisie effectuées aux seules fins de prévenir la commission d'actes de terrorisme.
Dès lors qu'un certain nombre d'actes de procédure ne comporteront plus les nom et prénom des agents ayant participé à leur accomplissement, l'autorité judiciaire ainsi que les agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes devant connaître de ces procédures doivent pouvoir accéder aux nom et prénom des agents identifiés par un numéro d'immatriculation.
La DGPN et la DGGN souhaitent donc mettre en œuvre une interface unique, IDPV, permettant d'accéder, à partir du numéro d'immatriculation administrative complété, le cas échéant, par le numéro de la procédure, aux données à caractère personnel nécessaires à l'identification de l'agent et de son service d'affectation. Ces données étant enregistrées, s'agissant des agents relevant de la gendarmerie nationale, dans le traitement Agorha, il est prévu que l'interface IDPV interroge ce traitement.
L'objet du projet de décret soumis à la commission est de procéder aux modifications du décret du 19 juillet 2012 susvisé nécessaires pour autoriser et encadrer cette consultation. Le projet prévoit ainsi de compléter les dispositions de l'article 3 du décret du 19 juillet 2012 précité, en précisant que peuvent être destinataires de données issues du traitement :


- des magistrats du ministère public, des juridictions d'instruction, des juridictions répressives de jugement et des juridictions d'application des peines ainsi que les greffiers qui les assistent ;
- des agents et officiers de police judiciaire et fiscaux de la Direction générale de la police nationale, de la Direction générale de la gendarmerie nationale, de la préfecture de police ;
- des agents spécialisés, techniciens et ingénieurs de police technique et scientifique de la police nationale ;
- les agents de la gendarmerie nationale agissant en qualité de personne qualifiée ou d'expert ;
- les agents du service national de douane judiciaire, habilités sur le fondement de l'article 28-1 du CPP ;
- des agents de la direction générale de la sécurité intérieure ;
- les agents relevant de l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN).


Le projet de décret précise que la consultation de données par ces destinataires ne peut intervenir qu'en cas de nécessité d'identification des personnels de la Gendarmerie nationale apparaissant dans un acte de procédure sous un numéro d'immatriculation administrative en application des articles 15-4 du CPP ou L. 229-2 du CSI et selon les modalités prévues par l'acte créant l'interface IDPV.
Il ressort en outre du dossier qu'en dehors de l'hypothèse particulière de l'utilisation du dispositif par l'IGGN pour l'accomplissement de ses missions de contrôle, l'accès à des données issues du traitement Agorha par le biais de l'interface IDPV n'interviendra que dans les hypothèses suivantes :


- lorsqu'une partie à la procédure considère que la connaissance des nom et prénom d'une personne ayant été autorisée à s'identifier par un numéro d'immatriculation est nécessaire à l'exercice des droits de la défense, notamment en raison de la contestation des faits énoncés dans les procès­verbaux et rapports ou des conditions de leur recueil et que le juge d'instruction ou le président de la juridiction de jugement ordonne la révélation de ces informations ;
- en cas de demande d'annulation d'un acte de procédure fondée sur la violation des formes prescrites par la loi dont l'appréciation nécessite la révélation de l'identité des personnes qui sera communiquée au juge d'instruction, au président de la chambre de l'instruction ou au président de la juridiction, qui statueront sans verser ces éléments dans le cadre du débat contradictoire ni indiquer l'identité des personnes dans leur décision ;
- en cas de poursuite d'une enquête par un autre service ou en cas d'enquête en co-saisine, les agents de la police, de la gendarmerie nationale et de la douane désignés par un numéro d'immatriculation devant pouvoir être identifiables par les autres agents amenés à connaître de la procédure judiciaire ou administrative ;
- pour permettre au juge qui a autorisé une saisie sur le fondement de l'article L. 229-2 du CSI et aux juridictions saisies à cet effet de connaître l'identité des agents qui ont procédé à la visite et à la saisie.


La commission prend également acte que seules pourront être consultées, dans ce cadre, les données concernant :


- le grade, le nom, le prénom et la qualité judiciaire de l'agent ;
- le service ou l'unité dans lequel il est affecté ;
- l'adresse électronique professionnelle et le numéro de téléphone du service ou de l'unité.


La commission considère que la consultation de ces informations par les destinataires mentionnés par le projet de décret, dont la nécessité découle de l'application de dispositions législatives, est justifiée et n'est pas incompatible avec les finalités du traitement Agorha.
Le projet de décret soumis à la commission prévoit également d'autoriser, de manière dérogatoire, la conservation des données à caractère personnel permettant l'identification des agents de la gendarmerie nationale pendant les vingt ans qui suivent la rupture de tout lien avec l'administration de la gendarmerie nationale. La commission prend acte qu'une telle conservation est nécessaire pour permettre l'identification des agents qui auraient quitté l'administration mais dont le numéro d'immatriculation figurerait sur des actes relatifs à des procédures toujours en cours. En outre, la durée de conservation prévue n'apparaît pas excessive compte tenu de la longueur des procédures concernées et des durées de prescription applicables, en particulier en matière criminelle, ainsi que de l'encadrement strict des possibilités d'utilisation des données pendant cette durée.
Elle rappelle par ailleurs que les durées ainsi définies en matière de conservation des données s'appliquent sans préjudice des dispositions du code du patrimoine relatives à l'archivage public et du versement en base d'archives des tables de correspondances permettant l'identification des agents de la gendarmerie nationale.
Enfin, le projet de décret prévoit un allongement de la durée de conservation des traces de consultation du traitement, qui doit passer de cinq ans à six ans. Une telle évolution, compte tenu des enjeux particuliers soulevés par la protection des données relatives aux agents de la gendarmerie nationale, n'appelle pas d'observation de la part de la commission.