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Article AUTONOME (Délibération n° 2018-073 du 15 février 2018 portant avis sur un projet de décret pris pour application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et de l'article L. 228-3 du code de la sécurité intérieure, et relatif au placement sous surveillance électronique mobile (demande d'avis n° 18001148))

Article AUTONOME (Délibération n° 2018-073 du 15 février 2018 portant avis sur un projet de décret pris pour application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et de l'article L. 228-3 du code de la sécurité intérieure, et relatif au placement sous surveillance électronique mobile (demande d'avis n° 18001148))


Sur la proposition de Mme Sylvie ROBERT, commissaire, et après avoir entendu les observations de Mme Nacima BELKACEM, commissaire du Gouvernement,
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Emet l'avis suivant :
La commission a été saisie par la ministre de la justice d'une demande d'avis portant sur un projet de décret en Conseil d'Etat, pris pour application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et de l'article L. 228-3 du code de la sécurité intérieure, et relatif au placement sous surveillance électronique mobile.
La loi du 20 novembre 2015 a modifié les dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 susvisé afin de permettre le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM) des personnes assignées à résidence, lorsqu'elles ont été condamnées à une peine privative de liberté pour un crime qualifié d'acte de terrorisme ou pour un délit recevant la même qualification puni de dix ans d'emprisonnement et qu'elles ont fini l'exécution de sa peine depuis moins de huit ans.
Par ailleurs, la loi du 30 octobre 2017 a créé de nouvelles mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance, codifiées aux articles L. 228-1 à L. 228-7 du code de la sécurité intérieure (CSI). L'article L. 228-3 du CSI introduit la possibilité pour le ministre de l'intérieur de proposer à la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour la sécurité et l'ordre public et qui soit entre en relation de manière habituelle avec des personnes ou des organisations incitant, facilitant ou participant à des actes de terrorisme, soit soutient, diffuse, lorsque cette diffusion s'accompagne d'une manifestation d'adhésion à l'idéologie exprimée, ou adhère à des thèses incitant à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes, de la placer sous surveillance électronique mobile.
Le projet de décret a pour objet d'élargir le champ d'application du traitement automatisé de données à caractère personnel relatif au contrôle des personnes placées sous surveillance électronique mobile en application d'une décision judiciaire ou prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et codifié aux articles R. 61-12 à R. 61-20 du code de procédure pénale (CPP).
Il prévoit par ailleurs les conditions de mise en œuvre des deux mesures de PSEM précitées, prises en application des articles 6 de la loi du 3 avril 1955 susvisée et L. 228-3 du CSI.
Le traitement dont la modification est envisagée, intéresse la sûreté de l'Etat et relève des dispositions de l'article 26-I-1° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. En outre, la mise en œuvre d'un tel dispositif peut être complété d'une authentification biométrique vocale à des fins de vérification à distance de la présence de l'intéressé, de sorte que le traitement relève également des dispositions de l'article 27-I-2° de la loi précitée.
Les modifications envisagées, conformément aux dispositions précitées et en application de l'article 30 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, doivent être autorisées par décret en Conseil d'Etat pris après avis motivé et publié de la Commission.
En premier lieu, le projet de décret vise à préciser les garanties mises en œuvre pour l'application de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 précité, et de l'article L. 228-3 du CSI, préalablement au prononcé de la mesure et lors de la procédure. Ces dispositions font l'objet des chapitres I et II du projet de décret.
Les deux premiers chapitres du projet de décret prévoient des garanties similaires à celles de l'article L. 571-3 du CESEDA, qui autorise, dans certaines hypothèses, le placement sous surveillance électronique mobile de catégories de ressortissants étrangers, et ce, dans un cadre dit administratif.
En effet, au même titre que l'article L. 571-3 précité, sont prévues des garanties s'agissant de la faisabilité technique d'une telle surveillance, de l'information et de l'accord préalable de la personne concernée, de la notification de la décision de placement, de la pose du dispositif, de la fin du placement et de l'habilitation des personnes auxquelles peuvent être confiées des prestations techniques concernant la mise en œuvre de ce dispositif.
La commission soulève néanmoins que le projet de décret ne prévoit pas, pour aucune de ces deux mesures, d'introduire l'obligation de motivation de la décision de placement sous surveillance électronique mobile.
Elle souligne par ailleurs que ces deux mesures de PSEM sont susceptibles de concerner, aussi bien des personnes majeures que mineures. Alors que les conditions tenant à la peine encourue et exécutée, prévues à l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 susvisée, sont de natures à restreindre le prononcé d'une telle mesure à l'égard de personnes mineures, la commission estime que des garanties particulières devraient être mises en œuvre en ce qui concerne le placement sous surveillance électronique mobile de personnes mineures relevant de l'article L. 228-3 du CSI.
Sous ces réserves, les dispositions envisagées dans les chapitres I et II du projet de décret, en ce qu'elles précisent la mise en œuvre de ces deux mesures de PSEM et qui ne concernent pas directement le traitement de données à caractère personnel, n'appellent pas d'observations supplémentaires de la commission.
En second lieu, le projet de décret vise à modifier les caractéristiques de mise en œuvre du traitement automatisé relatif au contrôle des personnes placées sous surveillance électronique mobile, qui font l'objet du chapitre III du projet de décret.
Les I et II du chapitre III, article 9, du projet de décret, visent à modifier les articles R. 61-12-1, relatif à la finalité de contrôle à distance des personnes faisant l'objet d'une décision administrative de PSEM, et R. 61-14 du CPP, relatif aux données collectées, afin de faire référence au PSEM prévu par la loi relative à l'état d'urgence ainsi que par l'article L. 228-3 du CSI. Ces dispositions n'appellent pas d'observation particulière de la part de la commission.
Le III du même article du projet de décret vise à modifier l'article R. 61-17-2 du CPP, relatif aux destinataires des données dans le cadre du PSEM « administratif ». Cet article prévoit que l'autorité administrative et les agents des services de police et de gendarmerie peuvent accéder aux données du traitement dans l'hypothèse où la personne concernée « ne se trouve plus dans la zone d'inclusion ou lorsque le fonctionnement du dispositif de surveillance électronique mobile est altéré ». Par ailleurs, une modification non substantielle est introduite afin qu'il soit fait référence à « la personne concernée » et non « l'étranger » dans le cadre de cette hypothèse.
Ainsi, l'autorité administrative ne dispose en aucun cas d'un accès direct au traitement et aux données qui y sont enregistrées. Par ailleurs, le projet de décret intègre, à la demande de la commission, que l'autorité administrative pourra être destinataire d'un historique des évènements afin d'apprécier l'opportunité du renouvellement de la mesure d'assignation à résidence relevant de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955 précitée ou de l'obligation mentionnée au 1° de l'article L. 228-2 du CSI dans les conditions prévues à l'article L. 228-3 du même code.
La commission prend acte que le ministère s'engage à apporter les mêmes garanties pour le placement sous surveillance électronique mobile pris sur le fondement de ces nouvelles dispositions, s'agissant notamment de l'étanchéité entre les mesures de PSEM, dit judiciaire, et les mesures de PSEM de type administratif.
Elle relève que les données personnelles enregistrées dans le traitement sont chiffrées en base de données et communiquées uniquement aux catégories de personnels listées à l'article R. 61-17 du CPP, ne pouvant accéder auxdites données qu'à raison « de leurs fonctions ou pour les besoins du service », et ce, dans des conditions « strictement nécessaires pour l'exercice de leurs attributions ».
De ce fait, les autorités judiciaires n'auront pas à connaître des informations issues d'un placement sous surveillance électronique mobile fondé sur les dispositions de l'article 61-12-1 du CPP.
La commission prend acte de ce que les mesures de sécurité relatives au traitement restent inchangées, et sont ainsi conformes aux exigences prévues par l'article 34 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. Elle rappelle néanmoins la nécessité de mise à jour de ces mesures au regard de la réévaluation régulière des risques.