Après en avoir délibéré le 29 novembre 2017,
Emet l'avis suivant, qui porte sur la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, sur l'abrogation de l'article 65 du cahier des charges relatif aux relations avec Canal France International ainsi que sur l'actualisation des obligations de production. Par ailleurs, il renouvelle les propositions qui avaient été formulées dans son avis n° 2017-06 du 15 mars 2017, en matière d'offre culturelle et de protection de l'enfance.
Concernant la suppression de la publicité commerciale dans les programmes destinés à la jeunesse de la télévision publique :
Le projet de décret portant modification du cahier des charges de la société nationale de programme France Télévisions insère un article 27-1 au sein de ce dernier pour tenir compte de la promulgation de la loi n° 2016-1771 du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique.
Le conseil en approuve la rédaction, sous réserve des observations suivantes.
Le conseil relève tout d'abord l'absence de définition de la notion de programme destiné prioritairement aux enfants de moins de douze ans, qui est pourtant susceptible de prêter à interprétation. Faute d'habilitation législative, il ne revient pas au conseil de préciser cette définition. En l'état actuel du projet de décret, il sera donc conduit à apprécier la qualité des programmes destinés prioritairement aux enfants de moins de douze ans au cas par cas, postérieurement à leur diffusion.
Le conseil remarque par ailleurs que le pouvoir réglementaire envisage de retenir un champ d'application de l'interdiction de publicité commerciale différent, pour ce qui concerne les services de communication au public en ligne, de celui visé à l'article 53 modifié de la loi n° 86-1067 du30 septembre 1986.
En effet, alors que la loi renvoie, de façon certes imprécise, aux « sites internet [des] services nationaux de télévision qui proposent des programmes prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans », le projet de décret englobe un périmètre différent. Par certains aspects, ce dernier est plus large puisqu'il vise tous les contenus des SMAD et des services de communication au public en ligne développés par le groupe France Télévisions dès lors que ces derniers sont prioritairement destinés aux enfants de moins de douze ans. Par d'autres, il est plus circonscrit que celui de la loi puisqu'il n'implique pas la prohibition de la publicité commerciale sur l'ensemble d'un site qui ne diffuserait que quelques contenus destinés aux enfants de moins de douze ans.
Le conseil s'interroge sur la possibilité pour le pouvoir réglementaire de fixer des dispositions qui s'éloignent ainsi des termes de la loi.
Il appelle par ailleurs l'attention du Gouvernement sur la difficulté à identifier précisément l'ensemble des services susceptibles d'être concernés par l'interdiction.
Il s'interroge enfin sur la capacité de France Télévisions à respecter les dispositions envisagées sur les services dont le groupe ne maîtrise pas la régie publicitaire (par exemple les « chaînes » des plateformes de partage de vidéo) et qui, pour autant, offrent une exposition significative aux programmes jeunesse du groupe et peuvent être source, à terme, de recettes publicitaires significatives pour le groupe public.
Le conseil rappelle qu'il fera une application uniforme des règles du cahier des charges à l'ensemble des services entrant dans le champ d'application de la loi n° 2016 -1771 du 20 décembre 2016.
Concernant l'abrogation de l'article 65 du cahier des charges, relatif aux relations avec Canal France International (CFI) :
Le conseil approuve l'abrogation de l'article 65 du cahier des charges de France Télévisions apportée par l'article 3 du projet de décret, qui tire les conséquences de l'évolution des missions de CFI.
Concernant la modification de l'étendue des droits acquis par la société nationale de programme sur les œuvres d'animation, de documentaire et de spectacle vivant :
Le projet adressé au conseil a par ailleurs pour objet de modifier l'étendue des droits acquis par France Télévisions sur les œuvres d'animation, de documentaire et de spectacle vivant, conformément aux accords professionnels par genre signés le 31 mars 2017.
En propos liminaires, le conseil rappelle que l'accord professionnel du 10 décembre 2015 a instauré un espace dit « de souplesse » qui recouvre les dépenses de la société nationale de programme réalisées avec des sociétés de production indépendantes pour le financement d'œuvres sur lesquelles elle détient notamment des droits plus étendus que ceux prévus pour sa part de production indépendante.
Comme il a pu l'indiquer dans ses « Conclusions de la concertation sur la production audiovisuelle » publiées en janvier 2016, le conseil est favorable à cette troisième voie qui permet de garantir « un chiffre d'affaires annuel global aux producteurs non liés à un éditeur de services tout en donnant aux éditeurs […] plus de flexibilité que le système actuel [en assurant] une meilleure exploitation des œuvres qu'ils financent dans un contexte de diversification des supports ».
En application de cette nouvelle architecture, les accords du 31 mars 2017 sont venus préciser l'étendue des droits acquis par France Télévisions sur ces trois genres d'œuvres, selon que ces dernières sont rattachées à la part indépendante ou à l'espace de souplesse de l'éditeur de services.
Le conseil relève des lacunes dans le projet de décret qui lui est soumis, tenant au défaut de transposition des droits acquis par la société nationale de programme sur les œuvres qu'elle finance, et invite le pouvoir réglementaire à le compléter sur les points suivants :
- s'agissant de l'encadrement des droits détenus par France Télévisions sur les œuvres de spectacle vivant relevant de la production indépendante ;
Le conseil estime que le projet de décret pourrait être précisé pour ce qui concerne l'étendue des droits acquis par la société nationale de programme sur les œuvres de spectacle vivant prises en compte au titre de la part indépendante.
A ce titre, l'accord relatif aux œuvres de spectacle vivant du 31 mars 2017 vient préciser l'étendue des droits détenus par France Télévisions sur les œuvres prises en compte au titre de la production indépendante en ce qu'il définit les droits afférents aux œuvres « web-natives » -selon les termes de l'accord- et les modalités d'exploitation en vidéo à la demande gratuite des œuvres de spectacle vivant initialement diffusées sur les antennes de la société nationale de programme.
Le conseil regrette que ces dispositions, participant à l'encadrement de la part indépendante, ne soient pas transposées dans le projet de décret et invite le pouvoir réglementaire à le compléter en ce sens.
- s'agissant de l'encadrement des droits détenus par France Télévisions sur les œuvres d'animation relevant de l'espace de souplesse.
Le conseil constate que le pouvoir réglementaire n'a pas transposé les dispositions de l'accord par genre du 31 mars 2017 relatives à l'étendue des droits acquis par la société nationale de programme sur les œuvres d'animation relevant de l'espace de souplesse.
Il considère cette transposition nécessaire dès lors que l'encadrement de ces droits constitue l'une des contreparties à l'élargissement de la part dépendante de la contribution de France Télévisions au développement de la production audiovisuelle, qui est passée de 5 à 25 % de son obligation dite « patrimoniale ».
A cet égard, le conseil rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 14 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010, « les conventions et les cahiers des charges déterminent l'étendue des droits cédés par genre d'œuvres audiovisuelles ».
L'article 9 du cahier des charges tel que modifié par le décret n° 2016-752 du 6 juin 2016 renvoie d'ores et déjà, pour la définition de la durée des droits de diffusion acquis par France Télévisions sur les œuvres d'animation relevant de l'espace de souplesse, à une annexe du cahier des charges relative à l'étendue des droits cédés. Cependant, cette annexe n'existe pas et le projet de décret n'envisage pas sa création. Le conseil invite le Gouvernement à remédier à cette lacune.
Il suggère d'intituler cette annexe comme suit : « Part relative aux œuvres d'animation qui n'est pas consacrée au développement de la production indépendante et réalisée avec des sociétés de production indépendantes au sens de l'article 15 du décret n° 2010-747 du 2 juillet 2010 ».
Le conseil regrette par ailleurs que les observations qui avaient été formulées dans son avis n° 2017-06 du 15 mars 2017, en matière d'offre culturelle et en matière de protection de l'enfance, n'aient pas été prises en considération. Sans attendre une future et hypothétique refonte du cahier des charges, le conseil attire l'attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte les deux demandes suivantes.
Concernant les observations relatives à l'offre culturelle, le conseil renouvelle sa proposition de modifier l'article 6 du cahier des charges de France Télévisions relatif à l'exposition des spectacles afin de rendre cette obligation plus efficiente. En effet, la place de la culture et notamment celle des spectacles vivants sur les antennes de la télévision publique est un marqueur fort de la différenciation de l'offre éditoriale de France Télévisions par rapport à la programmation des éditeurs privés. Ainsi, de nombreux articles du cahier des charges imposent à France Télévisions la mise en place d'une programmation riche et diversifiée en matière de programmes culturels (programmes culturels quotidiens en première partie de soirée, diffusion de spectacles vivants, émissions musicales).
Pour autant et bien que France Télévisions respecte son cahier des charges, le conseil a très souvent regretté la mauvaise exposition accordée à certains genres de programmes culturels. Afin de mieux exposer les spectacles vivants et ainsi de répondre aux attentes du public et des professionnels du secteur, le conseil propose que France Télévisions veille à ce que les programmes valorisés à deux et trois points, correspondant à des retransmissions programmées à des horaires de journée ou de soirée, représentent au moins une part minimale du réalisé de l'obligation, fixée à 150 points. Le périmètre des émissions retenues pourrait cependant être élargi afin de réduire la contrainte de programmation.
Concernant les observations relatives à la protection de l'enfance, le conseil rappelle sa proposition d'éviter la diffusion de programmes de catégorie III (déconseillés au moins de douze ans) et leurs bandes annonces avant 22 heures sur France 4, chaîne désormais destinée « aux enfants, aux jeunes et à leurs parents ». Cette demande, tout comme celle de suppression de la publicité dans les programmes jeunesse, participe d'un objectif commun, celui de protéger les publics les plus sensibles, non seulement de la pression commerciale mais aussi de programmes qui ne leur sont pas adaptés.