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Article AUTONOME (Avis n° 2017-14 de la Commission consultative des trésors nationaux)

Article AUTONOME (Avis n° 2017-14 de la Commission consultative des trésors nationaux)


La commission régulièrement convoquée et constituée, réunie le 15 novembre 2017,
Après en avoir délibéré,
Considérant que le bien pour lequel le certificat d'exportation est demandé est un extraordinaire manuscrit autographe du premier véritable ouvrage du Marquis de Sade (1740-1814), Les 120 journées de Sodome, qui est une copie au net, sans correction, réalisée entre le 22 octobre et le 28 novembre 1785 pendant son emprisonnement à la Bastille, sur un étroit et long rouleau de feuilles de papier collées ; que l'intrigue raconte l'enfermement, durant quatre mois d'un hiver du début du XVIIIe siècle, du 1er novembre au 28 février, de quatre libertins, avec notamment leurs épouses, leurs filles et des courtisanes dans une forteresse, le château de Silling, au cœur de la Forêt noire, qui vont y expérimenter de nombreuses pratiques sexuelles ; que ce récit resté inachevé, dont les brouillons antérieurs au manuscrit de 1785 sont perdus, après une présentation détaillée des personnages, est divisé, selon une savante gradation des perversions, en quatre parties, dont seule la première est entièrement rédigée et les suivantes sont restées à l'état de plans, plus ou moins développés ; que ce manuscrit, empli d'une écriture minuscule et réalisé sous une forme de rouleau afin d'être facilement dissimulable dans la cellule, a disparu, dans des circonstances inconnues, de la Bastille après le transfert du Marquis de Sade à l'hospice de Charenton, au début du mois de juillet 1789, étant probablement découvert lors du pillage de la forteresse ou de sa démolition ; que ce manuscrit, dont on perd quasiment la trace au XIXe siècle jusqu'à sa première publication en Allemagne par le psychiatre Iwan Bloch, sous le pseudonyme d'Eugen Dühren, en 1904, a ensuite été racheté en 1929 par Charles de Noailles, par l'intermédiaire de Maurice Heine qui en fait une nouvelle édition tirée à 360 exemplaires à Paris en 1931-1935, base de toutes les éditions postérieures, puis a été volé, en 1982, à Nathalie de Noailles, pour être vendu à un collectionneur suisse de livres rares, avant de revenir en France, en 2014, après avoir été acquis par une société désormais en liquidation ; qu'il apparaît important de maintenir sur le territoire, notamment en vue d'en permettre l'étude et une véritable édition critique, ce manuscrit, devenu mythique tant par son parcours que par son aura, d'une œuvre considérée comme la plus importante et la plus représentative de son auteur, mais aussi comme l'exemple le plus emblématique de la littérature de prison et qui a eu une très grande postérité littéraire ;
Qu'en conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l'histoire et de l'art et doit être considérée comme un trésor national ;
Emet un avis favorable au refus du certificat d'exportation demandé.