Après en avoir délibéré le 23 octobre 2017,
1. Rappel du cadre réglementaire
Conformément aux dispositions des articles L. 33-1 et D. 98-8 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), les opérateurs doivent acheminer gratuitement les appels d'urgence vers le centre compétent correspondant à la localisation de l'appelant et mettre sans délai à la disposition des services de secours, agissant dans le cadre de missions d'interventions de secours, les données de localisation de l'appelant par un procédé sécurisé.
L'article D. 98-8 du CPCE précise :
« […] On entend par appels d'urgence les appels à destination des numéros d'appel d'urgence des services publics chargés :
- de la sauvegarde des vies humaines ;
- des interventions de police ;
- de la lutte contre l'incendie ;
- de l'urgence sociale.
La liste des numéros d'appel d'urgence est précisée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes dans les conditions prévues à l'article L. 36-6. »
Aux termes de l'article L. 32-1 du CPCE, l'ARCEP veille notamment :
« II. - […] [à] la protection des consommateurs […] et [à] la satisfaction des besoins de l'ensemble des utilisateurs, y compris les utilisateurs handicapés, âgés ou ayant des besoins sociaux spécifiques, en matière d'accès aux services et aux équipements ; […]
[à] la promotion des numéros européens harmonisés pour les services à objet social et la contribution à l'information des utilisateurs finals, lorsque ces services sont fournis ; […]
III. - […] [à] l'utilisation et la gestion efficaces des fréquences radioélectriques et des ressources de numérotation ; […] ».
En application de l'article L. 44 du CPCE, le plan national de numérotation téléphonique est établi et géré sous le contrôle de l'Autorité. Les principales règles d'utilisation des catégories de numéros du plan national de numérotation ont ainsi été établies par sa décision n° 05-1085 susvisée. Cette décision prévoit notamment que « la liste des numéros d'urgence est définie par la décision n° 02-1179 de l'Autorité en date du 19 décembre 2002 modifiée ».
Cette décision a été modifiée par les décisions de l'ARCEP n° 2007-0180 en date du 20 février 2007, n° 2010-1233 en date du 14 décembre 2010, n° 2013-1405 en date du 17 décembre 2013 et n° 2015-0153 du 17 mars 2015 et n° 2016-0172 du 9 février 2016. La liste des numéros d'urgence en vigueur à la suite de ces décisions est la suivante :
112 : numéro d'urgence européen ;
15 : sauvegarde des vies humaines - SAMU ;
17 : intervention de police - Police secours ;
18 : lutte contre l'incendie et sauvegarde des vies humaines - Pompiers ;
114 : numéro d'urgence pour les personnes déficientes auditives ;
115 : urgence sociale - SAMU social ;
119 : urgence sociale - Enfance en danger ;
116000 : urgence sociale - Enfants disparus ;
116117 : sauvegarde des vies humaines - Permanence des soins ambulatoires ;
191 : urgences aéronautiques ;
196 : urgences maritimes ;
197 : alerte attentat - alerte enlèvement.
2. Demande d'ouverture d'un nouveau numéro d'urgence
Par un courrier du 7 août 2017, le commissaire aux communications électroniques de défense a demandé à l'ARCEP, à la suite de sa saisine par le haut fonctionnaire de défense et de sécurité du ministère des solidarités et de la santé, d'inscrire le numéro paneuropéen pour l'enfance en danger 116111 sur la liste des numéros d'urgence. Ce numéro a vocation à remplacer à terme le numéro d'urgence national 119, qui poursuit les mêmes finalités.
2.1. Le service téléphonique européen d'écoute pour l'enfance en danger
La décision 2007/116/CE susvisée a réservé, dans les plans de numérotation nationaux des Etats membres, la série commençant par 116 à des numéros harmonisés pour des services à valeur sociale harmonisés. La notion de « service à valeur sociale harmonisé » est précisée par l'article 2 de cette décision, qui définit comme tel le « […] service répondant à une description commune accessible aux individus via un numéro de téléphone gratuit, qui est potentiellement utile aux visiteurs étrangers et qui répond à des besoins sociaux spécifiques, qui contribue en particulier au bien-être ou à la sécurité des citoyens ou de groupes particuliers de citoyens, ou qui aide des citoyens en difficulté ». L'objectif est de permettre aux citoyens, notamment aux voyageurs et utilisateurs handicapés, de joindre les services à valeur sociale en composant des numéros identiques, reconnaissables dans tous les Etats membres où ils auront été ouverts.
Le « service téléphonique d'écoute pour enfants » a été reconnu comme service à valeur sociale harmonisé par la décision n° 2009/884/CE de la Commission européenne du 30 novembre 2009 modifiant la décision 2007/116/CE en ce qui concerne l'introduction de numéros réservés supplémentaires commençant par 116. Ce service, qui s'est vu réserver le numéro paneuropéen 116111, a vocation, comme précisé dans l'annexe de la décision n° 2009/884/CE susmentionnée, à aider « les enfants ayant besoin d'attention et de protection et [à] les met [tre] en contact avec des services et des ressources ; il offre aux enfants la possibilité de faire part de leurs préoccupations, de parler de problèmes qui les touchent directement et de contacter quelqu'un en cas d'urgence ».
Cette description recouvre les missions de prévention et de transmission des informations aux autorités compétentes, qui sont actuellement confiées au Service national d'accueil téléphonique de l'enfance en danger (SNATED). Le SNATED, qui est une entité du groupement d'intérêt public de l'enfance en danger (GIPED), est le gestionnaire du numéro d'urgence national 119 « Enfance en danger » et sera également celui du numéro 116111. En sa qualité de « service d'accueil téléphonique gratuit », le SNATED a notamment pour mission, selon l'article L. 226-6 du code de l'action sociale et des familles, de répondre « […] à tout moment, aux demandes d'information ou de conseil concernant les situations de mineurs en danger ou présumés l'être ».
Le dispositif technique prévu pour la réception des appels au numéro 116111 est le même que celui prévu pour les appels au numéro 119 : les appels au numéro 116111 seront acheminés vers la plateforme téléphonique du 119 opérée par le SNATED, avec sollicitation, si nécessaire, d'un service de traduction en langue étrangère.
2.2. Demande d'ouverture d'un nouveau numéro d'urgence
Lors de la CICREST du 2 février 2017, le ministère de la cohésion sociale a indiqué qu'il souhaitait l'inscription sur la liste des numéros d'urgence du numéro 116111 pour l'enfance en danger.
Dans sa demande adressée à l'ARCEP, le commissaire aux communications électroniques de défense rappelle que la Commission européenne a défini un certain nombre de numéros « harmonisés », dont le « 116111 » dédié à l'Enfance en danger et que ces numéros sont harmonisés dans l'ensemble de l'Union. Il précise qu'en France, et depuis 1989, le service Enfance en danger utilise le numéro court d'urgence « 119 ». Il ajoute qu'afin de répondre à l'harmonisation européenne, le Conseil d'administration du Groupement d'intérêt public pour l'enfance en danger (GIPED) souhaite utiliser, dans les mêmes conditions que le 119, le numéro « 116111 » qui, à terme, remplacera le 119.
Il précise que les missions assignées au numéro national 119 et celles assignées au 116111 par la Commission européenne poursuivent les mêmes finalités. Il ajoute que ces deux numéros seront gérés par la même entité, à savoir le SNATED.
Concernant les modalités de transition du numéro 119 au numéro 116111, le commissaire aux communications électroniques de défense précise notamment que les deux numéros devraient coexister pendant au moins cinq ans, afin de ne pas perdre ces appels et de permettre des actions de communication pour que le public s'approprie progressivement le nouveau numéro et qu'à l'issue de ces cinq ans, pendant une nouvelle période de cinq ans, le numéro 119 répondra par un film sonore de redirection vers le 116111. Il précise que ces périodes devront être ajustées au regard du trafic résiduel sur le 119.
Il indique que cette demande a été discutée avec les opérateurs lors d'une réunion préparatoire dans le cadre de la Commission interministérielle de coordination des réseaux et des services de télécommunications pour la défense et la sécurité publique (CICREST) le 27 mars 2017 et que celle-ci a approuvé cette orientation en réunion plénière le 6 juin 2017.
2.3. Disparition à terme du numéro d'urgence national 119
Créé il y a vingt-huit ans, le service d'urgence accessible via le numéro 119 a reçu, en 2015, près de 470 000 appels, dont 32 000 ont fait l'objet d'un traitement au titre de la protection de l'enfance. Il s'agit notamment d'assurer une aide, un soutien, voire, dans les situations les plus graves, une transmission de la file d'appel aux autorités départementales pour intervention auprès des enfants concernés. Il est à noter que 11 % des appels vers le numéro 119 émanent des enfants eux-mêmes.
En situation d'urgence, les appelants ne doivent pas avoir à réfléchir au numéro à composer. Du fait de sa notoriété, il est ainsi indispensable que le numéro 119 coexiste pendant une certaine période avec le numéro 116111, afin de laisser aux appelants le temps nécessaire pour se familiariser avec ce nouveau numéro. En pratique, pendant cette période de transition, ces deux numéros ont vocation à converger vers un unique centre de réception des appels.
Toutefois, à terme, le numéro 119 va disparaître au profit du numéro 116111 qui demeurera l'unique numéro d'urgence pour l'aide aux enfants, notamment en cas de maltraitance.
En conséquence, par la présente décision, l'Autorité, d'une part, ajoute le numéro 116111 comme numéro d'urgence pour l'enfance en danger à la liste prévue à la décision n° 02-1179 et, d'autre part, organise les modalités de transition du numéro 119 vers le 116111.
A cet effet, et afin de laisser à la population le temps de se familiariser avec le nouveau numéro, la présente décision prévoit de ne retirer le numéro 119 de la liste des numéros d'urgence qu'à compter du 1er janvier 2023, soit au terme d'un délai de près de cinq ans. Durant cette période de coexistence, une analyse des appels résiduels devrait être réalisée, afin de quantifier les appels émis vers le numéro 119 et de mesurer ainsi l'efficacité du dispositif de communication pour, le cas échéant, pouvoir l'adapter.
Au-delà de cette période de coexistence, pendant une nouvelle durée de cinq ans, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2023 et jusqu'au 31 décembre 2027, le numéro 119 ne sera plus un numéro d'urgence mais deviendra un numéro d'intérêt général servant à informer le public sur l'existence du numéro d'urgence 116111. Ainsi, le numéro 119 restera accessible gratuitement pour les appelants pour une durée de cinq ans et invitera les appelants, via un message préenregistré, à contacter le 116111, numéro auquel le service enfance en danger sera joignable.
En conséquence, l'Autorité décide d'ajouter le numéro 116111 (« enfance en danger ») à la liste prévue dans la décision n° 02-1179.
3. Consultation publique
L'Autorité a lancé une consultation publique sur la présente décision et a reçu deux contributions.
La première contribution indique approuver l'utilisation du numéro harmonisé dans l'ensemble de l'Union européenne pour l'enfance en danger en ce qu'il permet aux citoyens européens de joindre le service d'écoute pour l'enfance en danger en composant un numéro identique reconnaissable dans tous les Etats européens. Toutefois, elle estime que la période de coexistence des deux numéros sera source de confusion pour les personnes concernées et induira une complexité de gestion pour les opérateurs de communications électroniques. Elle propose en conséquence d'en limiter cette durée au minimum en proposant le retrait du 119 de la liste des numéros d'urgence au 1er janvier 2019. En outre, elle note qu'un tel délai ne peut que freiner tout effort de communication sur le nouveau numéro vers les publics visés.
La seconde contribution relève que lorsque le numéro 119 sera retiré de la liste des numéros d'urgence, il ne devra plus bénéficier de l'outre-passement du secret (< démasquage »). A cet égard, elle précise qu'il faudra que les appels vers le numéro 119 soient acheminés à compter de cette date vers un accès téléphonique distinct de celui recevant les appels vers le numéro 116111.
En outre, s'agissant de l'analyse des appels résiduels vers le numéro 119, ces deux contributions appellent à ce que celle-ci soit effectuée annuellement afin d'adapter, le cas échéant, le dispositif de communication.
Au regard des enjeux liés à la protection de l'enfance, l'Autorité estime qu'il est nécessaire de prévoir une période de cinq ans pendant laquelle le numéro 119 fera partie, comme le 116111, de la liste des numéros d'urgence. Toutefois, une fois celui-ci retiré de cette liste, l'Autorité estime en effet pertinent que le suivi des appels résiduels se fasse annuellement, afin d'adapter, le cas échéant, le dispositif initial.
Décide :