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Article AUTONOME (Avis n° 2017-0399 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 mars 2017 sur un projet de décret relatif à l'accès des personnes handicapées au service téléphonique)

Article AUTONOME (Avis n° 2017-0399 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 mars 2017 sur un projet de décret relatif à l'accès des personnes handicapées au service téléphonique)


Après en avoir délibéré le 28 mars 2017,
Formule l'avis suivant :
L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) prévoit que l'ARCEP soit consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 23 février 2017, le Directeur de cabinet du Secrétaire d'Etat chargé du numérique et de l'innovation a saisi l'ARCEP sur un projet de décret relatif à l'accès des personnes handicapées au service téléphonique.


1. Contexte de la saisine
1.1. Rappel des dispositions législatives


L'article 105 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a renforcé les obligations relatives à l'accessibilité téléphonique des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, qui s'appliquent aux opérateurs de communications électroniques, à certaines entreprises et aux services publics.
En ce qui concerne les opérateurs de communications électroniques, l'article 105 susmentionné a notamment élargi le périmètre des obligations inscrites à l'article L. 33-1 du CPCE en introduisant un p) leur imposant de proposer l'« accès des utilisateurs finals sourds, malentendants, sourdaveugles et aphasiques à une offre de services de communications électroniques incluant, pour les appels passés et reçus, la fourniture d'un service de traduction simultanée écrite et visuelle […]. Cette offre est proposée sans surcoût aux utilisateurs finals, dans la limite d'un usage raisonnable dont les conditions sont définies par décret et dans le respect de conditions de qualité définies par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ».
Cet article précise, en outre, que ce service de traduction assure, « en mode simultané et à la demande de l'utilisateur, l'interprétariat entre le français et la langue des signes française, la transcription écrite et le codage en langage parlé complété » et qu'il « fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année », « au plus tard dix ans après la promulgation de la […] loi », c'est-à-dire le 7 octobre 2026.
Cet article prévoit également que la mise en œuvre de cette obligation « s'appuie notamment sur la création d'un groupement interprofessionnel comportant notamment des opérateurs de communications électroniques, dont l'objet est d'assurer l'organisation, le fonctionnement et la gestion de services d'accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation des coûts, selon des modalités définies par le décret […] et sous le contrôle de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes ». Cette obligation « peut [également] s'appuyer sur des applications de communications électroniques permettant la vocalisation du texte, la transcription de la voix en texte, la traduction en et depuis la langue des signes française ou la transcription en et depuis le langage parlé complété […] à la condition de garantir une accessibilité de qualité équivalente et d'offrir les mêmes conditions de traduction aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques ».
Afin d'en préciser les modalités d'application, cet article prévoit l'adoption de décrets afin de définir :


- les conditions de l'usage raisonnable dans les limites desquelles est proposée l'offre ;
- le chiffre d'affaires minimum à partir duquel les entreprises (autres que les opérateurs de communications électroniques) sont concernées par l'obligation d'accessibilité ;
- l'organisation, le fonctionnement, la gestion du service d'accessibilité téléphonique et la mutualisation des coûts, à travers la création d'un groupement interprofessionnel ;
- les diplômes et qualifications des téléconseillers et interprètes intervenant sur l'accessibilité simultanée des appels ;
- les horaires de fonctionnement du service de traduction simultanée et les horaires d'ouverture des services d'accueil téléphonique et des services clients accessibles concernés jusqu'à atteindre la plage horaire de 24 h/24, 7 jours/7, 10 ans après la promulgation de la loi ;
- les modalités d'entrée en vigueur des dispositions dans le respect des échéances maximales fixées par la loi ;
- les modalités de suivi de l'application de cet article.


1.2. Contenu du projet de décret


Le projet de décret soumis pour avis à l'ARCEP vise à préciser certaines des modalités d'application précitées des obligations prévues par l'article 105 de la loi pour une République numérique.
Ainsi, l'article 1er du projet de décret concerne l'offre proposée par les opérateurs de communications électroniques en ajoutant un article D. 98-14 dans le CPCE. Il précise ainsi :


- au I, le public cible de cette offre : « toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole » ;
- au II, l'évolution de la limite de l'usage raisonnable jusqu'au 1er octobre 2026 :
« - 1 heure de communications mensuelles jusqu'au 30 septembre 2021 inclus ;
« - 3 heures de communications mensuelles du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2026 inclus ;
« - 5 heures de communications mensuelles à compter du 1er octobre 2026 » ;


- au III, les caractéristiques de l'offre de communications électroniques incluant le service de traduction simultanée écrite et visuelle : « via une offre de téléphonie fixe ou mobile incluant un accès internet à des débits permettant la fourniture de ce service » et « sans surcoût par rapport à une offre abordable » ;
- au IV, l'évolution des horaires de fonctionnement du service de traduction simultanée avec les jalons correspondants jusqu'à atteindre la plage horaire de 24/24h 7/7j telle que prévue par la loi 10 ans après sa promulgation :
« - du lundi au vendredi de 8h30 à 19h, hors jours fériés jusqu'au 30 septembre 2021 inclus ;
« - du lundi au vendredi de 8h30 à 21h et le samedi matin de 8h30 à 13h, hors jours fériés du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2026 inclus ;
« - vingt-quatre heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année à compter du 1er octobre 2026 ».


Les articles 2 et 3 précisent les obligations s'appliquant aux services publics et aux entreprises concernées.
L'article 4 prévoit « une évaluation semestrielle menée par les Ministres en charge du numérique et du handicap avec l'appui de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et avec deux représentants désignés par le conseil national consultatif des personnes handicapées […] et des familles et deux représentants des opérateurs téléphoniques ».
L'article 5 liste notamment les diplômes et qualifications requis pour les professionnels qui interviendront sur l'accessibilité simultanée des appels, telle que proposée par les opérateurs de communications électroniques aux personnes handicapées. Ainsi, pour l'interprétation en langue française - langue des signes française, il s'agit des « diplômes d'Etat de niveau Licence et Master I et II ou équivalent en interprétation en langue des signes française » complété, le cas échéant, par des diplômes et qualifications professionnelles définis par arrêté.
Enfin, l'article 6 définit les dates d'entrée en vigueur des dispositions s'appliquant aux opérateurs, aux services publics et aux entreprises concernées. Pour les opérateurs, il s'agit de deux ans après la promulgation de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique.
L'Autorité constate que le projet de décret qui lui a été soumis pour avis ne comporte aucune disposition relative au groupement interprofessionnel, prévu par l'article 105 de la loi pour une République numérique, ayant pour objet d'assurer l'organisation, le fonctionnement, la gestion du service d'accessibilité téléphonique et la mutualisation des coûts.


2. Observations de l'Autorité


A titre liminaire, l'Autorité précise qu'elle se prononcera principalement sur les obligations incombant aux opérateurs de communications électroniques sans préjuger du reste du projet de décret.


2.1. Sur l'incertitude de l'impact du projet de décret


L'Autorité regrette de ne pas disposer d'une étude d'impact détaillée de ce décret qui lui aurait permis notamment de comprendre les niveaux d'adoption (nombre d'utilisateurs) et d'usage (volumétrie d'appels) attendus, le coût du dispositif anticipé par le Gouvernement ainsi que la capacité du système d'enseignement et de formation français à former les interprètes nécessaires. Dans ces conditions, elle est amenée à prendre des hypothèses afin d'évaluer, même de façon aproximative, l'ampleur de ce projet.


2.1.1. Niveau d'adoption et d'usage


A titre de référence, une expérimentation menée en 2014 auprès de 1 000 testeurs a mis en évidence un taux d'adoption par les utilisateurs concernés de 50 % (500 testeurs actifs) et un usage moyen de 40 minutes de communications par testeur actif sur un forfait de 1 heure allouée.
Bien qu'il soit extrêmement difficile de généraliser ce résultat afin de prévoir le succès que rencontrera le dispositif légal au cours des 10 prochaines années, l'Autorité y recourt pour construire deux scénarios de développement d'usage :


- le premier (usage faible) suppose un taux d'adoption sous 10 ans de 5 % des bénéficiaires potentiels (soit 4 500 personnes (1) avec une utilisation moyenne de 40 minutes par mois ;
- le second (usage fort), sans pour autant être maximaliste, suppose un taux d'adoption cible de 50 % (soit 45 000 personnes) avec une utilisation moyenne de 200 minutes par mois.


Ces scénarios restent cohérents avec les résultats de l'expérimentation de 2014 (50 % de taux d'actif et 40 minutes par mois par actif) et la limite d'usage raisonnable qui atteindra 5 h en 2026.


2.1.2. Coût du dispositif


Dans ces conditions, en reprenant le coût horaire de 7 €/minute présenté dans le rapport « Évaluation des besoins des personnes sourdes ou malentendantes en matière d'accessibilité des services téléphoniques » réalisée en 2010 par le cabinet Advention Business Partners, pour une prestation de traduction simultanée, on obtient pour chacun des scénarios une estimation du coût du dispositif qui varie de 15 M€/an pour un usage faible (2) à plus de 750 M€/an pour un usage fort (3), ce qui caractérise d'abord une grande incertitude sur l'impact du dispositif.
En termes d'ampleur, cette évaluation pourrait par ailleurs conduire à un coût de plusieurs dizaines voire centaines de millions d'euros par an, ce qui est à comparer au coût du service universel des communications électroniques, financé par les opérateurs, qui était évalué en 2014 à 20 M€ (4).


2.1.3. Disponibilité des interprètes


Au-delà du coût du dispositif, l'Autorité a tenté d'évaluer le nombre d'interprètes formés qui serait nécessaire pour répondre au besoin pour chaque scénario. Ainsi, en considérant qu'un interprète à temps plein (150h/mois) passe 80 % de son temps en conversation effective (soit 120 h/mois), il faudrait à terme entre 25 (5) et 1 200 (6) interprètes à temps plein.
Ces deux estimations peuvent être mises en regard des 500 à 1 000 interprètes déjà formés mais actuellement employés (7).
Compte tenu de l'incertitude concernant le succès de cette offre, l'Autorité comprend la difficulté de former suffisamment d'interprètes pour répondre au besoin tout en veillant à ce que l'ensemble des candidats s'engageant dans cette filière de formation ait suffisamment de débouchés.
Cette incertitude étant d'autant plus forte au lancement du service, l'Autorité craint qu'elle n'ait in fine de très forts impacts sur la qualité de service lors de la montée en puissance du dispositif en termes de temps d'attente pour les bénéficiaires appelants et de taux de succès des appels à destination des bénéficiaires appelés.
Compte tenu du délai de 2 à 5 ans pour former un interprète au regard des formations proposées dans le décret, les éventuels problèmes de qualité de service liés à un sous-dimensionnement du nombre d'interprètes disponibles mettraient du temps pour se résorber.
Dans ces conditions, il conviendrait, d'une part, d'affiner autant que possible les prévisions relatives au nombre de bénéficiaires intéressés et actifs au lancement et, d'autre part, d'anticiper, en cas de sous-estimation importante du besoin, les mesures de délestage (amplitude des horaires, volume d'appel raisonnable et priorisation des appels entrants/sortants) permettant de préserver un niveau de qualité de service acceptable pour les bénéficiaires.


2.2. Sur l'absence de décret relatif au groupement interprofessionnel


L'article 105 de la loi précise que la mise en œuvre des obligations « s'appuie notamment sur la création d'un groupement interprofessionnel (…) dont l'objet est d'assurer l'organisation, le fonctionnement et la gestion de services d'accessibilité téléphonique grâce à une mutualisation des coûts, selon des modalités définies par […] décret ».
Or en l'absence d'un tel décret, il existe un risque de voir retardée l'entrée en vigueur du dispositif. La création d'un groupement interprofessionnel semble en effet le moyen le plus efficace pour les acteurs économiques de répondre aux exigences de la loi dans un calendrier et à un coût raisonnable. Créer ce cadre de travail paraît une action prioritaire pour les parties prenantes et la puissance publique.
Par ailleurs, il conviendra d'apporter une attention particulière à la mutualisation des coûts comme le prévoit la loi. L'autorité souligne à cet égard que le choix de retenir un seuil de 250 M€ pour les entreprises soumises à l'obligation conduit à faire supporter aux opérateurs les coûts des appels vers les entreprises plus petites.


2.3. Sur le délai d'entrée en vigueur


Au regard des incertitudes soulevées aux paragraphes précédents, l'Autorité s'interroge sur les raisons ayant conduit à fixer à 2 ans le délai d'entrée en vigueur du service comme prévu par le projet de décret, alors que la loi prévoyait une entrée en vigueur dans un délai maximal de 5 ans, et s'inquiète de la capacité des opérateurs de communications électroniques à remplir leurs obligations en fournissant dès le 7 octobre 2018 un service de qualité au public cible.


2.4. Sur la prise en charge du coût du service


L'Autorité constate l'absence de précision apportée par le projet de décret quant à la prise en charge des coûts du service, alors que le coût annuel de fourniture de ce service en fonctionnement nominal est aujourd'hui très incertain mais pourrait représenter potentiellement des sommes très importantes (cf. 2.1.2).
Dans ces conditions, l'ARCEP s'interroge sur la proportionnalité du futur dispositif qui pourrait conduire à faire supporter de lourdes charges aux opérateurs pour le champ ne concernant ni le service public ni les entreprises obligées. Il paraît opportun dans ces conditions de prévoir a minima un mécanisme de suivi de l'évolution de ces coûts et d'en adapter le cas échéant la prise en charge.


2.5. Sur les progrès potentiels de solutions automatisées


Il convient de prendre en compte les éventuels progrès de solutions automatisées qui pourraient intervenir au cours des prochaines années, comme le prévoit l'article 105 de la loi pour une République numérique.
L'Autorité observe les percées récentes et inédites dans le domaine de l'intelligence artificielle et anticipe deux types d'impact induits par de telles évolutions. Le premier induirait une réduction de coût du service rendu qui pourrait profiter aux bénéficiaires de l'offre en ce que cela ouvrirait la voie à une réévaluation à la hausse de la limite de l'usage raisonnable de l'offre (voire sa suppression) et en améliorant la qualité de service par une réduction du temps d'attente avant prise en charge du besoin de traduction simultanée. Le second fait peser un risque sur la pérennité de l'activité d'une partie des interprètes spécifiquement formés pour répondre aux besoins de ce dispositif et qu'il conviendrait de reclasser.
Dans ces conditions, puisqu'il est, par essence, difficile de prévoir les ruptures technologiques, l'ARCEP estime indispensable que soient évalués régulièrement les progrès de ces solutions automatisées afin d'ajuster en conséquence, le périmètre de l'offre, la gestion des formations des interprètes et l'évolution de carrière de ceux employés dans le cadre de ce dispositif.


2.6. Sur les modalités de suivi de la mise en œuvre


Ce projet de décret et l'article 105 de la loi pour une République numérique, dont l'objet est de répondre aux attentes fortes des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques, traduit la volonté du Gouvernement et du Parlement de leur apporter une solution ambitieuse à la hauteur de ces attentes. L'Autorité partage pleinement cet objectif. Elle souligne qu'il s'agit d'un projet de grande ampleur et de long terme avec de forts enjeux financiers, de formations et de technologie.
Par ailleurs, comme souligné précédemment, il existe encore une forte incertitude sur la mise en œuvre du dispositif (dimensionnement des besoins, coûts, adoption du décret relatif à l'organisation, le fonctionnement, la gestion du service d'accessibilité téléphonique et la mutualisation des coûts, à travers la création d'un groupement interprofessionnel).
Dans ces conditions, l'Autorité estime déterminant pour le succès du dispositif que l'instance d'évaluation semestrielle prévue à l'article 4 du projet de décret ait un rôle actif de pilotage transverse pour fédérer l'ensemble des acteurs impliqués et analyser de manière pragmatique les difficultés, le coût du dispositif et les éléments nouveaux qui seraient susceptibles de se présenter au cours de la montée en charge afin de proposer des adaptations efficaces et opérationnelles.


2.7. Autres observations


À titre accessoire, l'Autorité s'interroge sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à retenir, à l'article 3 du projet de décret, un seuil en chiffre d'affaires pour déterminer les entreprises assujetties à l'obligation, et non à faire référence à l'une des catégories d'entreprises définies par la classification INSEE (microentreprises, PME, ETI, grandes entreprises).


3. Conclusion


L'Autorité adhère pleinement à l'importance d'apporter une solution de qualité aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques leur permettant d'appeler et d'être appelées par l'ensemble des abonnés au service téléphonique.
L'Autorité tient à souligner que la solution adoptée par le Parlement a ouvert un chantier d'ampleur majeure sollicitant les opérateurs de communications électroniques, les grandes entreprises et les services publics. La mise en œuvre du dispositif s'étendra sur plusieurs années et pourrait, en fonction des niveaux d'adoption et d'usage par les bénéficiaires potentiels, nécessiter la formation de plus d'un millier de traducteurs compétents et devra intégrer le développement à terme de solutions automatisées, basées notamment sur des technologies d'intelligence artificielle. Le dispositif pourrait représenter un coût d'exploitation, à l'issue de la période de montée en charge, de l'ordre de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de millions d'euros par an. Ce contexte appelle, de la part de l'Autorité, à formuler les principales observations suivantes concernant le projet de décret qui lui a été transmis.
Tout d'abord, l'Autorité regrette de ne pas disposer d'une étude d'impact détaillée relative au projet de décret. Dans ces conditions, elle s'interroge, d'une part, sur les modalités d'entrée en vigueur (jalons et niveaux d'usage raisonnable) prévue par le projet de décret au regard de l'incertitude concernant le nombre d'interprètes nécessaire au lancement, qui risque d'engendrer, en cas de sous-dimensionnement, d'importants problèmes de qualité de service en attendant la formation d'interprètes supplémentaires. L'Autorité s'interroge, par ailleurs, sur la proportionnalité du futur dispositif qui pourrait conduire à faire supporter de lourdes charges aux seuls opérateurs pour le champ ne concernant ni le service public ni les entreprises obligées. Il paraît opportun dans ces conditions de prévoir un mécanisme de suivi de l'évolution de ces coûts et d'en adapter, le cas échéant, la prise en charge.
Ensuite, l'Autorité estime que l'implication de l'instance d'évaluation semestrielle dans le pilotage précis du projet de déploiement du service est déterminante pour garantir son succès en fédérant, d'une part, l'ensemble des parties prenantes (opérateurs, grandes entreprises, administrations et représentants des bénéficiaires du dispositif) et, d'autre part, en évaluant régulièrement les difficultés, les coûts et les progrès technologiques des solutions automatisées afin, le cas d'échéant, de proposer les ajustements nécessaires.
Enfin, l'Autorité constate l'incomplétude du dispositif réglementaire du fait de l'absence, dans ce projet de décret, de dispositions précisant l'organisation, le fonctionnement et les modalités de mutualisation des coûts, à travers la création d'un groupement interprofessionnel. Ce groupement sera un élément clé du succès du dispositif et l'absence de disposition réglementaire sur ce point risque de soulever des difficultés quant à la capacité des acteurs obligés à s'organiser efficacement et rapidement afin de tenir le premier jalon de mise en œuvre du dispositif prévu le 7 octobre 2018, c'est-à-dire sous 18 mois.
En conclusion, l'Autorité invite le Gouvernement à réexaminer son dispositif réglementaire en le complétant le plus rapidement possible, notamment en ce qui concerne le groupement interprofessionnel, ainsi que les modalités du pilotage et de suivi de ce chantier majeur.
Le présent avis sera transmis au Secrétaire d'État chargé de l'industrie, du numérique et de l'innovation.