ACCORD
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE LIBANAISE RELATIF À LA COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE, SIGNÉ À BEYROUTH LE 20 NOVEMBRE 2008
Le Gouvernement de la République française
et
Le Gouvernement de la République libanaise
Ci-après dénommés les « Parties »,
Désirant renforcer dans leur intérêt commun les relations d'amitié existantes entre les deux pays,
Réaffirmant leur engagement vis-à-vis de la Charte des Nations unies, et en particulier le respect de la souveraineté et de l'indépendance des Etats ainsi que les principes de non-ingérence dans les affaires intérieures et de règlement pacifique des différends,
Manifestant le désir de développer la coopération entre les ministères de la défense et les forces armées des deux pays, convaincus de ce que la coopération bilatérale puisse aider à la compréhension mutuelle dans les questions militaires et renforcer les capacités de défense respectives, sont convenus des dispositions qui suivent :
Article 1er
Les Parties conviennent d'agir, de concert et en conformité avec leurs engagements internationaux, pour encourager, favoriser et développer la coopération dans le domaine de la défense.
Article 2
1. La coopération entre les Parties s'exerce dans les domaines suivants :
a) échanges de vues sur les questions de défense, de sécurité et de contrôle des armements ;
b) questions liées au maintien de la paix et aux opérations humanitaires approuvées par l'Organisation des Nations unies ;
c) échanges d'informations et d'expériences sur les doctrines militaires nationales, sur les questions de formation, d'entraînement et de commandement ;
d) organisation des armées, articulation et équipement des unités militaires, administration et gestion du personnel, médecine militaire et sport militaire ;
e) renforcement et modernisation de l'appareil de défense des Parties ;
f) partenariats et investissements entre les sociétés de défense des deux Etats, échanges d'information et soutien à la mise en œuvre, au maintien en condition opérationnelle et à la modernisation des matériels d'origine française en service dans les forces armées libanaises ;
g) politique d'acquisition relevant des deux ministères de la défense ;
h) accompagnement de l'enseignement de la langue française en milieu militaire.
2. Les deux Parties se réservent la possibilité de faire porter leur coopération en matière de défense sur tout autre domaine d'intérêt commun reconnu comme favorisant leur coopération et répondant aux objectifs poursuivis par le présent accord.
Article 3
La coopération entre les Parties se fait notamment dans les formes suivantes :
1. visites réciproques des représentants des Parties au niveau des ministères de la défense, des états-majors généraux des forces armées, commandements, directions et états-majors des armées, d'arme et de service ;
2. échanges d'expériences entre des experts des deux Parties ;
3. appui en matière de conseil dans le domaine de la maintenance des matériels d'origine française et éventuellement une aide pour les opérations préventives et curatives, ainsi qu'une coopération dans le domaine logistique ;
4. organisation et exécution d'activités de formation spécialisée, d'entraînement et d'exercice commun ;
5. participation d'observateurs aux exercices militaires ;
6. contacts entre institutions militaires ;
7. discussions, consultations, rencontres et participations à des séminaires, des conférences, des stages ;
8. escales de bâtiments, d'aéronefs et visites d'installations et d'unités militaires ;
9. échanges de supports pédagogiques et de matériels d'enseignement ;
10. organisation d'activités culturelles et sportives.
Article 4
1. Il est institué une commission militaire mixte franco-libanaise qui est chargée de définir la conception générale de la coopération bilatérale dans le domaine de la défense ainsi que d'organiser et de coordonner cette coopération.
2. La commission militaire mixte franco-libanaise est coprésidée par un officier général du ministère de la défense de chacune des Parties. La commission comprend des officiers ou des représentants des différentes armées, armes et services de chacun des deux pays.
3. Les séances de la commission militaire mixte franco-libanaise se tiennent en principe une fois par an alternativement en République française et en République libanaise.
4. Tous les sujets de nature à favoriser le renforcement de la coopération bilatérale peuvent être inscrits à l'ordre du jour des séances de la commission militaire mixte franco-libanaise, après approbation des deux coprésidents.
5. La commission militaire mixte franco-libanaise dresse le bilan de la coopération réalisée au cours de l'année écoulée et détermine le plan de coopération bilatérale pour les années suivantes.
6. Le plan de coopération comporte les actions décidées en commun ainsi que leur objet, leurs formes, leurs dates et lieux de réalisation ainsi que les institutions responsables de leur exécution et de leur financement. Le plan de coopération bilatérale est signé par les coprésidents de la commission militaire mixte franco-libanaise.
7. Les attachés de défense assurent le suivi des actions de coopération prévues au plan annuel et peuvent l'enrichir en cours d'année avec l'accord des Parties.
Article 5
1. Les Parties supportent les coûts de mise en œuvre des activités de coopération éventuelles sur une base de réciprocité et dans la limite de leurs disponibilités budgétaires.
2. Sous réserve des dispositions figurant au paragraphe 4 du présent article, la Partie d'origine supporte, pour ses propres personnels, les frais de déplacement jusqu'au point d'entrée sur le territoire de la Partie d'accueil, les frais relatifs aux rémunérations et leurs accessoires prévus par sa réglementation nationale.
3. Sauf si les Parties en conviennent autrement dans les arrangements prévus à l'article 14, la Partie d'accueil supporte les coûts relatifs au transport local à partir du point d'entrée sur le territoire de la Partie d'accueil et les frais d'hébergement et de restauration lorsque ceux-ci sont assurés dans des installations militaires, ainsi que les coûts relatifs aux activités qu'elle a la responsabilité d'organiser.
4. Les exercices et entraînements communs ainsi que les stages et formations de personnel font l'objet de modalités de prise en charge financière spécifiques prévues par un arrangement ad hoc conformément à l'article 14.
Article 6
1. Les Parties renoncent mutuellement à toute action en cas de dommages qui pourraient être causés à leurs matériels ou à leur personnel, y compris ceux ayant entraîné la mort, à l'occasion d'activités communes, sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle. Par faute lourde, il convient d'entendre l'erreur grossière ou la négligence grave.
2. Les deux Parties prennent en charge à parts égales la réparation des dommages causés aux tiers par leur personnel du fait d'activités communes sur le territoire de la République du Liban lorsqu'elles sont conjointement responsables ou s'il n'est pas possible de déterminer de façon précise la responsabilité de l'une ou l'autre des Parties.
3. Dans le cas visé au paragraphe 2 précédent, la Partie française donne à la Partie libanaise le pouvoir de la représenter en cas d'action judiciaire la concernant ou concernant les deux Parties devant les tribunaux de la Partie libanaise. Elle confie également à la Partie libanaise le soin de se substituer à elle pour le versement du montant des compensations prononcées par jugement, la Partie française s'engage à procéder sans retard au remboursement.
Article 7
1. Dans le cadre des activités communes organisées conformément au présent accord sur le territoire de la République du Liban, les infractions commises par un membre du personnel de la Partie française sont de la compétence des juridictions de la Partie libanaise, sous réserve des dispositions prévues au paragraphe 2 ci-après.
2. Par dérogation aux dispositions du paragraphe 1 et dans la mesure où le droit de la Partie française le permet, les autorités de la Partie française exercent par priorité leur juridiction sur les membres du personnel de la Partie française dans les cas suivants :
a) les infractions portant atteinte uniquement à la sécurité de la Partie française (la trahison, le sabotage, l'espionnage ou la violation de la législation relative aux secrets d'Etat ou de la défense nationale) ;
b) les infractions portant atteinte uniquement aux biens de la Partie française ;
c) les infractions portant atteinte uniquement à la personne d'un autre membre du personnel de la Partie française ; ou
d) les infractions résultant de tout acte ou négligence accomplis en service ou à l'occasion du service. La Partie française détermine si l'acte ou la négligence a eu lieu en service ou à l'occasion du service.
3. Si les autorités exerçant par priorité leur droit de juridiction renoncent à l'exercice de celui-ci, elles le notifient immédiatement aux autorités de l'autre Partie. Les autorités exerçant par priorité leur juridiction examinent avec bienveillance toute demande de l'autre Partie d'abandon de toute poursuite engagée contre son personnel, sauf dans les cas où ces autorités estiment que des raisons d'une particulière importance s'opposent à ce qu'elles renoncent à exercer leur juridiction.
4. Les autorités des Parties, dans les cas où il y a juridiction concurrente, s'informent réciproquement de la suite donnée aux affaires.
5. Les autorités de la Partie française et les autorités de la Partie libanaise coopèrent pour arrêter le cas échéant les membres du personnel de la Partie française auteurs d'infractions, et les remettre à l'autorité en droit d'exercer la juridiction en accord avec les dispositions précédentes. Si ces infractions sont punies par la peine capitale par la Partie qui exerce sa juridiction, l'autre Partie subordonne son assistance à l'assurance que la peine capitale ne sera ni prononcée, ni exécutée.
6. Les autorités de la Partie libanaise notifient dans les délais les plus brefs aux autorités militaires et à la mission diplomatique de la Partie française toute arrestation d'un membre du personnel de la Partie française.
7. La garde d'un membre du personnel de la Partie française, sur lequel les autorités de la Partie libanaise exercent un droit de juridiction, et dont la détention est jugée nécessaire par ces autorités, est assurée par la Partie française jusqu'au procès. Toutefois, les autorités de la Partie libanaise peuvent avoir un libre accès à cette personne.
8. Les autorités des Parties française et libanaise se prêtent mutuellement assistance pour la conduite des enquêtes, pour la recherche de preuves, y compris la saisie et, s'il y a lieu, la remise des pièces à conviction et des objets de l'infraction. La remise des pièces et objets saisis peut toutefois être subordonnée à leur restitution dans un délai déterminé par l'autorité qui procède à cette remise.
9. Tout personnel accusé d'une infraction et poursuivi devant les juridictions de la Partie libanaise est présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il a droit notamment à :
a) être jugé rapidement ;
b) être informé avant les débats de l'accusation ou des accusations portées contre lui ;
c) être confronté avec les témoins à charge ;
d) ce que des preuves soient présentées en son nom et à ce que les témoins à décharge soient contraints de se présenter si la juridiction de la Partie libanaise a le pouvoir de les y obliger ;
e) être représenté selon son choix ou être assisté dans les conditions légales en vigueur sur le territoire de la Partie libanaise ;
f) s'il l'estime nécessaire, aux services d'un interprète compétent ;
g) communiquer avec un représentant du Gouvernement de la Partie française, et, lorsque les règles de procédure le permettent, à la présence de ce représentant aux débats.
10. La Partie libanaise examine avec bienveillance les demandes de la Partie française visant à ce que les peines d'emprisonnement prononcées par les juridictions de la Partie libanaise, conformément aux dispositions du présent article, soient exécutées sur le territoire français.
11. Lorsqu'un personnel a été jugé conformément aux dispositions du présent article par les autorités de la Partie libanaise, il ne sera pas jugé une nouvelle fois pour le même délit par les autorités de la Partie française. Cependant, rien dans ce paragraphe n'empêche les autorités de la Partie française de sanctionner un membre des forces armées de la Partie française pour toute violation par action ou négligence des règles de discipline et constituant une infraction déjà jugée par les autorités de la Partie libanaise.
12. Lorsqu'elle exerce sa compétence de juridiction conformément aux dispositions du présent article, la Partie libanaise s'engage à ce que, dans le cas où elle serait encourue, la peine de mort ne soit ni requise ni prononcée à l'égard d'un membre du personnel de la Partie française, et à ce que, dans l'hypothèse où celle-ci aurait été prononcée, elle ne soit pas exécutée.
Article 8
1. Dans le cadre des activités communes décidées conformément aux termes du présent accord sur le territoire de la République du Liban, la Partie libanaise facilite les démarches permettant l'obtention des visas d'entrée et de séjour et assure leur gratuité pour le personnel de la Partie française, après transmission par les soins de cette dernière de la liste de son personnel participant.
2. La Partie française peut importer au Liban les matériels et équipements nécessaires aux activités prévues dans le cadre du présent accord sous le régime de l'admission temporaire suivant les procédures relatives à cette admission. Les importations de la Partie française en approvisionnements en produits consommables au Liban sont exonérées des taxes douanières, incluant le minimum cité dans l'article 295 du droit douanier, ainsi que de tous autres droits et taxes.
Article 9
Dans le cadre des activités communes sur le territoire de la République du Liban, le personnel de la Partie française est autorisé à conduire les véhicules importés à cette fin, à porter son uniforme et à porter ses armes individuelles avec ses munitions dans les lieux définis pour ces activités, dans le respect de la réglementation de la Partie libanaise.
Article 10
La Partie libanaise autorise la Partie française à mettre en œuvre un système autonome de transmissions pour les besoins des activités communes sur le territoire de la République du Liban, selon les fréquences attribuées par la Partie libanaise. L'accès au spectre radioélectrique est gratuit.
Article 11
1. Tous les membres du personnel de la Partie d'origine ont accès aux soins médicaux et dentaires nécessaires auprès des services de santé militaires de l'Etat de la Partie d'accueil dans les mêmes conditions que le personnel des forces armées de l'Etat de la Partie d'accueil.
2. Les soins et consultations délivrés par les services médicaux d'unité ou de garnison, de même que les évacuations sanitaires d'urgences primaires par hélicoptères militaires, sont gratuits. Les évacuations sanitaires par moyens aériens civils, les hospitalisations, consultations, examens et soins en milieu hospitalier civil ou militaire sont remboursés par l'Etat dont relève la personne traitée. La fourniture de médicaments ou d'objets de pansement peut être effectuée à titre onéreux.
3. Pour les stagiaires de longue durée dans les écoles militaires et les unités des forces armées, le droit aux prestations du service de santé des forces armées et les principes de la prise en charge financière de ces prestations sont régis par la réglementation en vigueur sur le territoire de l'Etat de la Partie d'accueil.
Article 12
Les deux Parties prennent les mesures et dispositions de sécurité nécessaires à la protection des personnels sur le territoire de chacune des deux Parties pendant la durée de leur séjour.
Article 13
Dans le cadre du présent accord, tout décès d'un personnel est déclaré sans retard par la Partie d'accueil auprès des autorités concernées de la Partie d'origine. Les autorités concernées de la Partie dont relève le défunt procèdent au rapatriement du corps conformément à la réglementation de la Partie d'accueil et prennent à leur charge les coûts financiers.
Article 14
Les représentants autorisés des deux Parties peuvent conclure des arrangements et des documents de procédure appropriés pour la mise en œuvre du présent accord.
Article 15
1. Tant qu'un accord de sécurité n'est pas signé, aucune information classifiée n'est échangée entre les Parties.
2. Les informations obtenues dans le cadre du présent accord ne peuvent être utilisées au détriment des intérêts de l'autre Partie et ne peuvent être communiquées à des tiers sans l'accord écrit préalable de la Partie qui les a fournies.
Article 16
En cas de désaccord sur l'interprétation ou la mise en œuvre du présent accord, les différends sont réglés exclusivement par consultation entre les Parties.
Article 17
1. Chacune des Parties notifie à l'autre l'accomplissement des procédures constitutionnelles requises, en ce qui la concerne, pour l'entrée en vigueur du présent accord. Celui-ci entre en vigueur à la date de réception de la dernière des notifications écrites par lesquelles les Parties se notifient officiellement l'achèvement des procédures internes prévues à cet effet.
2. Le présent accord peut être modifié à tout moment après l'accord écrit des Parties, et les modifications éventuelles entrent en vigueur selon les modalités prévues au paragraphe 1er du présent article.
3. Le présent accord est conclu pour une durée initiale de cinq ans. Il est tacitement reconduit pour de nouvelles périodes de la même durée, à moins que l'une des Parties n'informe l'autre par écrit de son intention de le dénoncer. Dans ce cas, l'accord prend fin six mois après la date du jour de la réception de la dénonciation par l'autre Partie.
4. En cas de dénonciation les Parties mettent tout en œuvre pour mener à terme les activités en suspens et engagent les consultations nécessaires pour régler les questions controversées.
En foi de quoi, les représentants dûment autorisés des deux Parties ont signé le présent accord en deux exemplaires originaux, chacun en langues française et arabe, les deux versions faisant également foi.
Fait à Beyrouth, le 20 novembre 2008.
Pour le Gouvernement de la République française :
Hervé Morin ministre de la Défense
Pour le Gouvernement de la République libanaise :
Elias Murr ministre de la Défense