Après en avoir délibéré le 22 mars 2016,
L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) prévoit que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ci-après « l'Autorité ») est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 16 février 2016, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a sollicité l'avis de l'Autorité concernant un projet d'arrêté relatif aux agréments des associations de sécurité civile pour la participation aux opérations de secours pris en application des articles du code de la sécurité intérieure susvisés.
Contexte
La loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile et son décret d'application n° 2006-237 du 27 février 2006 ont précisé le cadre dans lequel les associations, en fonction de leurs compétences et de leurs moyens, sont susceptibles d'apporter, en complément des services publics d'urgence, leur concours aux missions de sécurité civile, en leur donnant la possibilité d'être reconnues comme acteurs de la sécurité civile grâce à l'obtention d'un agrément délivré par l'État. Ces dispositions ont été par la suite codifiées dans le code de la sécurité intérieure par l'ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012.
L'agrément de sécurité civile vise à certifier les qualifications et les compétences d'une association pour garantir la sécurité de ses intervenants et l'efficacité de ses actions. L'article L. 725-3 du code de la sécurité intérieure prévoit à cet égard les domaines d'intervention pour lesquels cet agrément de sécurité civile est nécessaire : « seules les associations agréées sont engagées, à la demande de l'autorité de police compétente ou lors du déclenchement du plan Orsec, pour participer aux opérations de secours et à l'encadrement des bénévoles dans le cadre des actions de soutien aux populations. Elles seules peuvent contribuer à la mise en place des dispositifs de sécurité civile dans le cadre de rassemblements de personnes ».
Ces associations de sécurité civile représentent environ 189 000 adhérents et disposent de moyens matériels importants. Leur mobilisation est fortement encouragée par l'Inspection générale de l'administration dans son rapport de janvier 2012 intitulé « le bénévolat de sécurité civile ».
Afin de compléter ce dispositif, le Gouvernement a élaboré un projet de décret modificatif du code de la sécurité intérieure relatif aux associations de sécurité civile ainsi que quatre projets d'arrêté - un par type d'agrément selon la mission de l'association.
L'Autorité est saisie pour avis par la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sur le projet d'arrêté relatif aux agréments des associations agréées de sécurité civile pour la participation aux opérations de secours (agrément « A »).
Ce projet d'arrêté a notamment pour objet de préciser les conditions à la délivrance des agréments, auxquelles doivent répondre les associations qui désirent obtenir l'autorisation de participer aux missions de sécurité civile.
Observations de l'Autorité
Par ce projet d'arrêté, le Gouvernement entend renforcer les garanties opérationnelles demandées aux associations, notamment, en rendant plus contraignantes les exigences de capacité, d'aptitude et de moyens humains et matériels qui résultaient auparavant d'une circulaire du 12 mai 2006.
L'Autorité note que les articles 1er et 3 du projet d'arrêté fixent des conditions à la délivrance de l'agrément relatives aux moyens de communications électroniques.
L'article 1er exige en effet des associations de disposer, a minima, de terminaux de téléphonie mobile en mesure de transmettre les appels d'urgence définis à l'article D. 98-8 du code des CPCE.
L'Autorité tient à préciser que, compte tenu du cadre applicable aux opérateurs de communications électroniques, toutes les offres de téléphonie mobile qu'ils proposent en France doivent permettre d'« acheminer gratuitement les appels d'urgence (…) vers le centre compétent correspondant à la localisation de l'appelant ». Ainsi, une telle exigence ne devrait pas poser de difficulté pour les associations de sécurité civile candidates à cet agrément.
Toutefois, il convient de préciser que l'utilisation de ces lignes de téléphonie mobile ne conférera aux associations de sécurité civile aucune priorité vis-à-vis des autres utilisateurs en ce qui concerne la prise en charge effective de leur appel par le centre traitant les appels d'urgence. Ainsi, en cas de catastrophe naturelle par exemple, l'importance du flux d'appels d'urgence peut être de nature à engorger le centre d'appel d'urgence, ce qui pourrait affecter sa capacité à traiter les appels émis par les associations de sécurité civile.
En complément des terminaux de téléphonie mobile précités, l'article 3 du projet d'arrêté exige des associations demandeuses d'agrément de disposer « de moyens de radiocommunications au sens du règlement des radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications (…), autres que ceux du réseau fixe ouvert au public et de la téléphonie mobile » afin de permettre les communications entre leurs membres et salariés.
Le niveau d'exigence demandé aux réseaux autres que ceux ouverts au public se justifie par la nécessité d'assurer une continuité des communications internes à ces associations dans les situations susceptibles d'affecter la disponibilité des réseaux de téléphonie fixe et mobile, que ce soit en raison d'avaries causées aux infrastructures des opérateurs ou encore de congestions liées au grand nombre d'appels des utilisateurs. Les réseaux autres que ceux ouverts au public correspondent aux réseaux indépendants tels que définis au 4° de l'article L.32 du CPCE - par exemple les radioamateurs, les réseaux satellitaires indépendants ou les réseaux mobiles professionnels (PMR) - et peuvent, selon le cas, impliquer l'attribution d'autorisations d'utilisation de fréquences par l'Arcep ou l'utilisation de bandes de fréquences « libres » (c'est-à-dire non soumise à autorisation individuelle préalable).
Toutefois, l'Autorité constate que la formulation actuelle du projet d'arrêté conduit à imposer à une partie des associations éligibles une obligation de déploiement d'un réseau autre que de « téléphonie mobile » excluant, à ce titre, les réseaux non ouverts au public que sont les réseaux PMR. Or certaines associations (l'Ordre de Malte France, le Secours Catholique, la Croix-Rouge française, la Fédération nationale de protection civile et la Fédération française des secouristes Croix-Blanche) sont d'ores et déjà titulaires d'autorisations d'utilisation de fréquences délivrées par l'Arcep, leur permettant d'exploiter des réseaux PMR. Le projet d'arrêté leur imposerait ainsi de déployer d'autres réseaux ou de suivre les procédures requises pour devenir radioamateur alors même qu'elles disposent déjà d'un réseau PMR répondant à ce titre à l'objectif poursuivi par le projet d'arrêté.
En conséquence, il conviendrait de modifier ainsi l'avant-dernier alinéa du I de l'article 3 du projet d'arrêté : « - Disposer, afin de permettre les communications entre ses membres et salariés et en complément des moyens mentionnés à l'article 1er, de moyens de radiocommunications au sens du règlement des radiocommunications de l'Union internationale des télécommunications susvisé autres que ceux des réseaux fixe et mobile ouverts au public. »
L'ARCEP n'a pas d'observation particulière à formuler sur les autres dispositions du projet d'arrêté.
Le présent avis sera transmis à la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises du ministère de l'intérieur et sera publié au Journal officiel de la République française.