ANNEXE
CAHIER DES CHARGES
relatif à l'expérimentation mentionnée à l'article 76 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels
1. Contexte et objectifs de l'expérimentation
A travers la plateforme « Ensemble pour l'emploi » signée par le Premier ministre et le président de l'Association des régions de France (ARF) le 30 mars dernier, il a été convenu de mettre en œuvre de nouveaux moyens pour développer l'emploi, les formations professionnelles initiales et l'insertion professionnelle des jeunes.
Dans ce cadre, la plateforme prévoit, à titre expérimental, de permettre aux présidents de conseils régionaux de décider de l'affectation des fonds non affectés par les entreprises.
L'article 76 de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels pose les principes de cette expérimentation et fixe, conformément à ce qui a été prévu dans la plateforme, à deux régions le nombre de collectivités pouvant conduire cette expérimentation.
L'objectif poursuivi par cette expérimentation est de tester l'impact d'un rôle décisionnel des régions auprès des organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage (OCTA) pour accroître une approche globale en matière de financement de la politique d'apprentissage par région. Dans la continuité de la loi du 5 mars 2014 et de ses dispositions relatives à la gouvernance et au renforcement du rôle des régions en matière d'apprentissage dans un cadre décentralisé, ce rôle décisionnel sur l'affectation des fonds libres de la fraction « quota » et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) pourrait permettre de mieux garantir le financement de l'apprentissage, au plus près des besoins de formation et des bassins d'emplois.
L'expérimentation est prévue sur trois ans afin d'en tirer tous les enseignements.
2. Périmètre de l'expérimentation
Les entreprises assujetties à la taxe d'apprentissage et à la contribution supplémentaire à l'apprentissage se libèrent de ces impositions auprès d'un OCTA avant le 1er mars de l'année suivant le versement des salaires servant d'assiette au calcul de la taxe et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage. Les entreprises n'ayant pas choisi d'affecter à un organisme la part « quota » ou « hors quota » de leurs obligations ou la CSA voient ces sommes ventilées par l'OCTA, selon des modalités que celui-ci détermine.
L'article 76 prévoit une expérimentation dérogeant aux modalités de droit commun en matière d'affectation des fonds dits « libres » de la fraction « quota » et de la CSA, sans qu'il soit dérogé au calendrier défini réglementairement.
Aussi, les OCTA transmettent aux présidents de conseils régionaux expérimentateurs leur proposition de répartition territoriale, selon le modèle annexé, avant le 15 mai de chaque année.
Après concertation au sein du bureau du comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (CREFOP), les décisions des présidents de conseils régionaux devront être communiquées aux organismes collecteurs avant le 1er juillet pour que les ressources soient versées aux centres de formation d'apprentis bénéficiaires avant le 15 juillet.
L'expérimentation est menée sur les exercices de collecte 2017 (au titre de la masse salariale 2016), 2018 (au titre de la masse salariale 2017) et 2019 (au titre de la masse salariale 2018).
A l'issue de l'expérimentation, un bilan, établi au 31 décembre 2019, sera transmis par les régions aux préfets de région concernés et au ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social dans le courant du 1er trimestre 2020. Un rapport sera présenté au Parlement avant le 1er juillet 2020.
3. Principes et modalités de mise en œuvre de l'expérimentation
Sur la base des déclarations d'intention des présidents des conseils régionaux et de la production d'une délibération du conseil régional ou de la commission permanente, en fonction des règlements intérieurs de chaque collectivité, confirmant leur volonté de s'engager dans l'expérimentation, un décret arrêtera le nom des régions dans lesquelles l'expérimentation aura lieu à compter du 1er janvier 2017. Ce décret sera soumis, pour avis, au Conseil national de l'emploi, de l'orientation et de la formation professionnelle.
La concertation au sein du bureau du CREFOP sur les propositions des OCTA en matière d'affectation de ces fonds a toujours lieu et le cas échéant, elle permet de préciser les projets de décision d'affectation du conseil régional.
Les décisions de répartition des fonds non affectés par les conseils régionaux s'opèrent dans la limite du montant des fonds non affectés initialement proposé par l'OCTA.
La notification par le président du conseil régional à chaque OCTA des décisions de répartition a lieu avant le 1er juillet, conformément au droit commun. Les versements par les OCTA, selon les notifications des deux régions expérimentatrices, ont lieu avant le 15 juillet.
L'Etat veillera à mobiliser l'ensemble des parties prenantes à l'expérimentation et tout particulièrement les OCTA nationaux et régionaux au titre de leurs compétences en matière de répartition des fonds de la taxe d'apprentissage. Sur demande des présidents de conseils régionaux expérimentateurs, une réunion d'échange avec les OCTA nationaux pourra être organisée par l'Etat pour établir collectivement au 15 mai de chaque année la fiabilité et de l'exhaustivité des données transmises par les OCTA aux présidents de conseils régionaux.
4. Evaluation de l'expérimentation
- L'objectif de l'évaluation est de :
- mesurer l'effet de l'expérimentation sur les échanges intervenant entre les OCTA et les régions en matière de financement des CFA ;
- apprécier la pertinence de l'affectation des fonds ;
- apprécier les résultats en termes de développement de l'apprentissage ;
- déterminer l'opportunité d'une généralisation.
L'évaluation de l'expérimentation s'attachera aux deux axes suivants :
1) L'évolution des comportements, générée par cette nouvelle disposition expérimentale, à travers :
- la procédure de prise de décision de la région, notamment :
- la relation avec les organismes collecteurs nationaux et régionaux et la méthode de dialogue mise en place auprès de ces structures ainsi qu'avec les branches professionnelles ;
- la détermination et l'éventuelle hiérarchisation des critères de répartition et la capacité de la région à motiver sa décision en cas d'écart avec les propositions des collecteurs ;
- la capacité à mobiliser le CREFOP en y associant l'ensemble des parties prenantes.
- Le positionnement des collecteurs, qui pourra être apprécié par :
- l'évolution de la procédure de préparation de l'affectation des fonds par les OCTA : mise en place d'un dialogue de gestion préalable, recherche de convergence entre les appels à projet de l'OCTA et les propositions de répartition à la région ;
- l'évolution de l'implication des instances décisionnaires de l'OCTA ;
- l'évolution des montants versés dans les régions en 2016 et ultérieurement.
- le comportement des entreprises au regard de l'affectation de la taxe d'apprentissage :
- l'évolution de la part des fonds affectés et non affectés sur la fraction « quota » et la CSA dans les régions expérimentatrices ;
- l'évolution du nombre d'entreprises affectant des fonds dans les régions expérimentatrices.
2) L'effet de l'expérimentation sur les ressources des CFA, qui peut s'analyser via :
- le montant des ressources disponibles pour les CFA avant et après l'expérimentation ;
- l'analyse sur l'origine des ressources et notamment l'effet de substitution constaté ou non avec d'autres ressources telles que les dotations de fonctionnement ou d'investissement des conseils régionaux et l'évolution des fonds de la professionnalisation ;
- le renforcement ou pas du rôle de régulation des régions ;
- l'effet global sur la politique et les résultats en matière de développement de l'apprentissage (appréciation de l'évolution des effectifs d'apprentis et des budgets dédiés).
- Modalités de mise en œuvre de l'évaluation :
Contenu du bilan régional :
Le bilan régional veillera à respecter les périmètres de l'évaluation définis précédemment et s'attachera particulièrement à mentionner les éléments de contexte régional, tels que l'évolution annuelle du nombre d'apprentis (nombre total d'apprentis et effectif par niveau de formation), l'évolution du nombre de formations ouvertes et du nombre de places ouvertes. Il précisera également pour les exercices 2015 et 2016 :
- le montant de l'ensemble des ressources affectées au territoire pour le financement de l'apprentissage : taxe d'apprentissage, fonds de la professionnalisation, fonds libres non affectés de l'ensemble des collecteurs ;
- la répartition des fonds affectés et non affectés de la fraction « quota » et de la CSA.
Ce bilan doit mesurer l'écart entre les propositions et versements de l'OCTA en N-1 et les recommandations adressées par le conseil régional : en volume (montant des fonds et nombre d'établissements) et par nature d'organismes gestionnaires des CFA. Il mesure, pendant l'expérimentation, les écarts entre les propositions de l'OCTA et les décisions d'affectation notifiées par le président du conseil régional : en volume (montant des fonds et nombre d'établissements) et par nature d'organismes gestionnaires des CFA.
Il identifiera :
- l'évolution du volume des fonds non affectés de tous les OCTA, par rapport aux fonds affectés, avant et après chaque année de l'expérimentation ;
- l'évolution du nombre de CFA ayant bénéficié de fonds libres ;
- les critères ou motifs d'affectation retenus par les régions et les effets recherchés ainsi que les modalités d'association des CREFOP dans le processus d'affectation des fonds libres ;
- le respect du calendrier et de la procédure relative aux dates de présentation et de transmission des documents par les OCTA.
Le bilan devra décrire la nature et la fréquence des échanges entre OCTA et conseil régional préalablement à la phase d'expérimentation et pendant l'expérimentation : nombre de réunions de présentation, de négociation ou de décision, réalité des échanges avec chaque OCTA, modalités d'association éventuelles des branches professionnelles.
Il doit indiquer les évolutions de la stratégie régionale de l'apprentissage générées par cette disposition expérimentale en matière de financement des CFA, voire d'évolution pour les apprentis, en fonction de la nature des objets financés par les fonds libres (types d'équipements ou de contributions à de nouvelles offres de formations…).
Réalisation et calendrier du bilan régional
Le premier niveau de bilan de l'expérimentation relève de la responsabilité des présidents des conseils régionaux. Il leur appartient, à la suite des débats en CREFOP, de déterminer les modalités opérationnelles de réalisation de ce bilan, et les informations additionnelles utiles à l'éclairage des pouvoirs publics.
Conformément à la loi du 8 août 2016, chaque président de conseil régional adresse au représentant de l'Etat dans la région le bilan de l'expérimentation qui lui a été confiée, établi au 31 décembre 2019. Ce bilan sera présenté et discuté en CREFOP.
Le ministère du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sera également destinataire du bilan réalisé par les régions.
Ce bilan sera complété par une analyse nationale (cf. ci-après).
Suivi national et évaluation de l'expérimentation :
Un comité national de suivi sera créé, associant l'Etat, Régions de France, les deux présidents de conseils régionaux concernés et les représentants des partenaires sociaux. Ce comité se réunira au 2e semestre 2017, afin de faire un premier retour d'expériences sur la première année de mise en œuvre.
Ce comité déterminera notamment les compléments de données (compte tenu des systèmes d'informations dont l'Etat est maitre d'ouvrage ou des enquêtes qu'il peut réaliser) à apporter aux bilans régionaux afin d'aboutir à la rédaction du rapport national.
Le projet de rapport national sera présenté et discuté en CNEFOP.
Sur ces bases, le Gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juillet 2020, un rapport portant sur l'expérimentation mise en œuvre sur les territoires dans l'objectif de préciser les conditions d'une éventuelle généralisation.