Après en avoir délibéré le 10 novembre 2016,
1 Contexte de la saisine
Partant du constat que le coût des travaux de génie civil représente une part importante du coût de déploiement des réseaux à très haut débit fixes et mobiles, la Commission européenne a proposé, au mois de mars 2013, un projet de règlement prévoyant des mesures visant à faciliter l'accès aux infrastructures de génie civil et à créer des synergies entre les différentes industries de réseau susceptibles de mobiliser des infrastructures, notamment de génie civil.
La directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 octroie ainsi de nouveaux droits aux opérateurs de communications électroniques déployant des réseaux à très haut débit, c'est-à-dire pouvant fournir des débits d'au moins 30 Mbit/s, afin de faciliter l'utilisation des infrastructures de génie civil mobilisables pour le déploiement de ces réseaux. En particulier, la directive prévoit que les opérateurs de réseaux à très haut débit disposeront d'un droit d'accès aux infrastructures de génie civil des opérateurs de réseaux, y compris des réseaux autres que de communications électroniques.
L'ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 susvisée, prise en application de l'article 115 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques, a introduit les mesures de nature législative nécessaires à la transposition de la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 susvisée. Elle prévoit l'adoption de décrets en Conseil d'Etat et d'un décret simple.
Par un courrier en date 18 octobre 2016, reçu le 24 octobre 2016, conformément aux dispositions de l'article L. 36-5 du CPCE, le directeur de cabinet de la secrétaire d'Etat chargée du numérique et de l'innovation a sollicité l'avis de l'Autorité sur un projet de décret en Conseil d'Etat et un projet de décret, afin de transposer la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 susvisée.
Les observations de l'Autorité portent sur le projet de décret en Conseil d'Etat. Elles concernent, d'une part, les délais de règlements des différends mentionnés aux articles L. 34-8-2-1, L. 34-8-2-2 et L. 49 du CPCE et, d'autre part, les modalités de transmission des informations au guichet unique mentionné à l'article L. 50 du CPCE. Le projet de décret simple n'appelle pas d'observations de la part de l'Autorité.
2. Observations de l'Autorité
2.1. Sur les délais de règlement des différends mentionnées aux articles L. 34-8-2-1, L. 34-8-2-2 et L. 49 du CPCE
2.1.1.Sur le délai mentionné à l'article L. 34-8-2-1 du CPCE, relatif au droit d'accès aux infrastructures d'accueil
L'article L. 34-8-2-1 du CPCE, issu de l'ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 susvisée, impose aux gestionnaires d'infrastructures d'accueil de faire droit aux demandes raisonnables d'accès à leurs infrastructures d'accueil émanant d'un opérateur de réseau ouvert au public à très haut débit et fournit une liste non exhaustive de motifs de refus, lesquels doivent en tout état de cause être fondés sur des critères objectifs, transparents et proportionnés.
Afin de garantir l'effectivité de ce droit d'accès aux infrastructures d'accueil, l'article L. 34-8-2-1 du CPCE a attribué à l'Autorité une compétence d'intervention ex post en règlement des différends. L'Autorité se prononce sur le différend qui lui est soumis dans les conditions prévues à l'article L. 36-8 du CPCE.
L'article L. 34-8-2-1 du CPCE précise en outre que l'Autorité devra saisir pour avis la Commission de régulation de l'énergie (CRE) ou l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) lorsque l'activité de l'une des parties au différend relève de la compétence de ces autorités.
Conformément à la directive, le projet de décret prévoit que l'Autorité tranche les différends qui lui seront soumis dans un délai de quatre mois. En outre, il précise le délai dont disposeront la CRE et l'ARAFER pour rendre leur avis.
A cet égard, l'Autorité note avec satisfaction que le projet de décret prévoit de laisser à ces autorités un délai de six semaines pour rendre leur avis, délai identique à celui dont dispose le Conseil supérieur de l'audiovisuel lorsqu'il est saisi pour avis par l'Autorité dans le cadre d'un règlement de différends (1). Un délai supérieur risquerait de rendre plus difficile le respect du caractère contradictoire de la procédure et de raccourcir le temps dont disposent les rapporteurs et la formation de règlement des différends de l'Autorité pour instruire puis trancher le différend. En effet, lors de la phase d'instruction, les parties au litige doivent pouvoir formuler des observations non seulement sur les écritures de l'autre partie mais également sur l'avis rendu par la CRE ou l'ARAFER. Au terme de l'instruction menée par les rapporteurs au regard de l'ensemble des pièces du dossier, débute la phase de jugement, au cours de laquelle une audience est organisée et un projet de décision est élaboré puis adopté. S'agissant de dossiers soulevant des questions techniques et économiques complexes, il est ainsi nécessaire de trouver un équilibre entre la phase d'instruction et la phase de jugement, tout en garantissant le caractère contradictoire de la procédure. Compte tenu de ces contraintes, un délai de 6 semaines apparaît raisonnable.
2.1.2. Sur les délais mentionnes à l'article L. 34-8-2-2 du CPCE, relatif au droit d'accès aux informations relatives aux infrastructures d'accueil
L'article L. 34-8-2-2 du CPCE, issu de l'ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 susvisée, prévoit notamment que les opérateurs disposent d'un droit d'accès à une série minimale d'informations concernant les infrastructures d'accueil mobilisables pour le déploiement de réseaux ouverts au public à très haut débit. Il met ainsi à la charge des gestionnaires d'infrastructures d'accueil et des personnes publiques l'obligation de transmettre, lorsqu'elles ne sont pas disponibles via le guichet unique prévu à l'article L. 554-2 du code de l'environnement, ces informations en réponse à une demande d'un opérateur de réseau ouvert au public à très haut débit.
Il confie également à l'Autorité un pouvoir de règlement des différends relatifs à l'accès aux informations relatives aux infrastructures d'accueil et l'obligation pour cette dernière de recueillir, lorsque l'activité de l'une des parties relève de leur compétence, l'avis de la CRE et de l'ARAFER.
Le projet de décret prévoit, d'une part, que l'Arcep disposera, conformément à l'article 4 de la directive 2014/61/UE, et sauf en cas de circonstances exceptionnelles, d'un délai de deux mois pour se prononcer sur les différends dont elle est saisie, et, d'autre part, que la CRE et l'ARAFER rendront leur avis à l'Autorité dans un délai de trois semaines.
Le projet de décret prévoit de laisser à ces autorités un délai de trois semaines pour rendre leur avis, lequel est proportionné au délai dans lequel ces mêmes autorités doivent rendre leur avis à l'Arcep en application de l'article L. 34-8-2-1 du CPCE. Comme relevé précédemment et eu égard aux délais courts dans lesquels l'Autorité doit adopter sa décision, le délai laissé à la CRE et l'ARAFER permet d'assurer le caractère contradictoire de la procédure.
2.1.3. Sur les délais mentionnés à l'article L. 49 du CPCE (coordination des travaux de génie civil et accès aux informations relatives aux travaux prévus)
L'article L. 49 du CPCE, tel que modifié par l'ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 susvisée, transpose les articles 5 et 6 de la directive 2014/61/UE du 15 mai 2014 susvisée, relatifs à la coordination des travaux de génie civil ainsi qu'à la transparence relative aux travaux de génie civil prévus. Il confie à l'Arcep un pouvoir de règlement des différends en cas de litige concernant ces travaux et l'information relative à ces travaux et prévoit qu'elle peut recueillir l'avis du représentant de l'Etat en région dans le cadre de cette procédure.
Le projet de décret prévoit, d'une part, que l'Arcep disposera, conformément à l'article 5 de la directive 2014/61/UE et, sauf en cas de circonstances exceptionnelles, d'un délai de deux mois pour se prononcer sur les différends dont elle est saisie et, d'autre part, que le préfet de région rendra son avis à l'Autorité dans un délai de trois semaines.
L'Autorité relève que le délai de trois semaines dont dispose le préfet de région pour rendre son avis est cohérent avec le délai laissé à la CRE et l'ARAFER dans le cadre de l'article L. 34-8-2-2 du CPCE. Comme l'Autorité l'a relevé ci-dessus, ce délai permet d'assurer le caractère contradictoire de la procédure tout en laissant le temps à l'Arcep d'instruire et de trancher le différend.
2.2. Sur le format et la structure des informations transmises au guichet unique mentionné à l'article L. 50 du CPCE
L'article L. 50 du CPCE tel que modifié par l'ordonnance n° 2016-526 du 28 avril 2016 susvisé prévoit la création d'un « guichet unique » pour l'accès aux informations nécessaires à la connaissance des infrastructures d'accueil des gestionnaires d'infrastructure (2). Il prévoit également qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de fonctionnement de ce guichet unique, ainsi que le format et la structure selon laquelle ces informations doivent être transmises.
Le projet de décret prévoit ainsi, notamment, de confier l'exercice de cette mission de « guichet unique » à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris).
Le projet de décret précise en particulier que les informations relatives à la zone d'emprise des travaux devront pouvoir être visualisées au moyen d'un outil cartographique et que les informations relatives à l'emplacement des travaux et aux éléments de réseau concernés pourront être obtenues « dans un format ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé largement répandu » et « sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans un système d'information géographique et suivant un format largement répandu. »
L'Autorité estime qu'une telle précision est de nature à faciliter l'exploitation des données concernées par les opérateurs. Elle relève à cet égard que l'article D. 98-6-3 du CPCE pris en application de l'article L. 33-7, dans le cadre du dispositif dit de « connaissance des réseaux », prévoit de la même manière la transmission des informations relatives aux réseaux de communications électroniques sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans un système d'information géographique.