Après en avoir délibéré le 6 septembre 2016,
Formule l'avis suivant :
L'Autorité a été saisie pour avis, en application de l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (« CPCE »), sur l'article 9 du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.
1. Contexte de la saisine
Le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne est une nouvelle étape dans l'évolution des dispositifs prévus par la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne dite loi « montagne ».
L'article 9 de ce projet de loi, dont l'Autorité a été saisie, introduit de nouvelles dispositions dans la loi « montagne », afin, en particulier, de favoriser la prise en compte des contraintes spécifiques des zones de montagne dans la mise en œuvre des investissements publics et de faire de ces territoires des lieux prioritaires d'expérimentation des innovations permettant le développement de « mix technologiques », en vue de leur déploiement.
2. Observations de l'Autorité
Sur la prise en compte des contraintes spécifiques en zone de montagne pour la mise en œuvre des investissements
L'article 9 du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne introduit un nouvel alinéa à l'article 16 de la loi « montagne » pour que les contraintes propres à la zone montagne soient prises en compte, en tant que de besoin, dans le domaine des communications électroniques fixes ou mobiles et dans le cadre des procédures de mise en œuvre opérationnelle des investissements pour l'équipement et la maintenance.
L'aménagement numérique du territoire est considéré par les pouvoirs publics comme un enjeu majeur pour les années à venir. L'Autorité, au même titre que les services de l'Etat, considère ainsi comme essentielle la disponibilité de réseaux de communications électroniques performants et de qualité sur l'ensemble des territoires. Cela englobe nécessairement les zones de montagne, avec leurs spécificités.
Il existe aujourd'hui plusieurs programmes d'investissements publics définis par le gouvernement en matière d'aménagement numérique du territoire. Le Plan France très haut débit, qui vise à couvrir l'intégralité du territoire en très haut débit d'ici 2022, confie aux collectivités territoriales la responsabilité du déploiement de réseaux publics en zones rurales et prévoit une enveloppe de subvention de l'tat de plus de 3 milliards d'euros. Ces subventions sont accordées en appliquant une logique de péréquation nationale, tenant compte de la géographie des territoires : les aides sont modulées en fonction du taux de ruralité et du taux de dispersion de l'habitat des territoires, ainsi qu'en appliquant un facteur spécifique pour les territoires ultramarins.
De même, en matière de téléphonie mobile, le programme « zones blanches - centres-bourgs » porté par le gouvernement et relancé en 2015, qui vise à couvrir l'ensemble des centres-bourgs du territoire en téléphonie mobile, prévoit, dans sa mise en œuvre, des montants de subventions majorés pour les territoires de montagne.
L'action de l'Autorité elle-même s'inscrit, à l'instar de celle du gouvernement, dans l'objectif d'aménagement et d'intérêt des territoires établi, aux côtés d'autres, à l'article L. 32-1 du CPCE. L'intervention de l'Autorité pour inciter les opérateurs à investir vise notamment à ce que ces investissements concernent également les zones rurales et de montagne. Lors des procédures d'attribution des fréquences utilisables pour la 4G aux opérateurs de communications électroniques, l'Autorité a ainsi imposé aux opérateurs des obligations en matière d'aménagement numérique du territoire, notamment des obligations de déploiement renforcées dans une zone englobant largement des territoires de montagne.
En outre et dans le cadre de sa revue stratégique et de l'adoption d'une feuille de route en janvier 2016, l'Autorité a réaffirmé son attachement à l'aménagement numérique du territoire en identifiant les « territoires connectés » comme un des quatre piliers de son action.
L'introduction dans la loi « montagne » d'une prise en compte des contraintes des zones de montagne dans le cadre des investissements dans le domaine des communications électroniques s'inscrirait ainsi dans la lignée de l'action déjà menée par les pouvoirs publics, dont l'Autorité. L'action du Gouvernement et de l'Autorité s'inscrit en effet dans les objectifs existants qui leur sont assignés par la loi en matière de communications électroniques, notamment d'aménagement et d'intérêt des territoires, définis par l'article L. 32-1 du CPCE.
A cet égard, l'Autorité relève que ces dispositions nouvelles ne peuvent avoir de portée effective que s'agissant des investissements publics, ce qui pourrait être explicité.
Sur le développement d'expérimentations, en priorité en zone de montagne
L'article 9 du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne introduit un dernier alinéa à l'article 16 de la loi « montagne » qui prévoit que les expérimentations d'innovations permettant le développement d'un « mix technologique » sont effectuées en priorité en zone de montagne, en vue de leur déploiement, compte tenu des contraintes particulières de cette zone liées à l'altitude, la pente ou le climat.
Dans la formulation de cette disposition, l'Autorité relève qu'il conviendrait de faire référence à des expérimentations portant sur des « solutions techniques complémentaires », qui peuvent passer par des technologies alternatives ou par des modalités différentes de mise en œuvre de technologies existantes, plutôt qu'à la notion de « mix technologique » plus restrictive.
L'Autorité est de manière générale favorable au développement d'expérimentations. Cela englobe les expérimentations visant à développer des innovations en matière de solutions de couverture, notamment dans des zones présentant des contraintes comme les territoires de montagne.
L'Autorité a par exemple ouvert en mars 2016 un cycle d'analyse et d'expérimentation sur les usages futurs de différentes bandes de fréquences, dont certaines pouvant servir à fournir un accès à internet fixe par voie hertzienne (3,5 GHz et 2,6 GHz TDD). L'objectif est à la fois d'encourager l'innovation et de permettre aux acteurs du secteur de s'assurer que les technologies envisagées pour la modernisation des réseaux d'internet fixe par voie hertzienne pourront répondre aux attentes et trouver un modèle de développement.
Dans ce cadre, une consultation publique doit être lancée à l'automne 2016. Tous les acteurs concernés sont invités à contribuer, ce qui englobe des collectivités ayant des zones de montagne sur leur territoire, qui pourraient souhaiter inclure ou maintenir des solutions d'accès à internet fixe par voie hertzienne dans leur projet d'aménagement numérique du territoire.
Au-delà des éléments présentés ci-dessus, l'Autorité n'a pas d'observations supplémentaires sur les éléments du projet de loi dont elle a été saisie.
Le présent avis sera transmis au ministre chargé de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales et sera publié au Journal officiel de la République française.