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Article AUTONOME (Avis n° 2016-0837 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 juin 2016 sur un projet de décret relatif aux mécanismes de signalement des services à valeur ajoutée)

Article AUTONOME (Avis n° 2016-0837 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 28 juin 2016 sur un projet de décret relatif aux mécanismes de signalement des services à valeur ajoutée)

Après en avoir délibéré le 28 juin 2016,
Formule l'avis suivant :
L'article L. 36-5 du CPCE prévoit que l'ARCEP est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier en date du 3 juin 2016, le ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique a sollicité l'avis de l'ARCEP sur un projet de décret relatif aux modalités du mécanisme de signalement prévu à l'article L. 224-43 du code de la consommation et de l'information des opérateurs sur les numéros les concernant en application de l'article L. 224-51, pris en application de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 susvisée.
Les dispositions du projet de décret appellent les observations suivantes de l'ARCEP.

1. Contexte

Le marché des services à valeur ajoutée (ci-après SVA ) regroupe l'ensemble des prestations de services délivrées par voie téléphonique à partir de numéros spécifiquement identifiés à cet effet dans le plan national de numérotation (1) pour les services vocaux (2) ou dans les plans privés des opérateurs (3) pour les services à base de messages textuels (4). Différents types de services peuvent être proposés par l'intermédiaire de ces numéros, notamment :

- des informations génériques indépendantes de l'identité de l'appelant telles que des prévisions météorologiques, des renseignements téléphoniques ou encore des petites annonces vocales ;
- des informations personnalisées en fonction de l'identité de l'appelant telles que l'assistance client, la vente à distance ou encore l'accès à des services administratifs.

Ces services sont fournis par des éditeurs de services. Ils peuvent faire l'objet d'une facturation de l'utilisateur final appelant à travers son abonnement téléphonique selon des tarifs fixés par l'éditeur en conformité avec la décision de l'ARCEP n° 05-1085 susvisée.
Dans la chaîne de valeur du marché des SVA, on distingue ainsi l'éditeur qui fournit le service à valeur ajoutée, l'opérateur d'arrivée, exploitant du numéro, qui affecte à l'éditeur son numéro et collecte les appels vocaux et messages textuels qui lui sont destinés et l'opérateur de départ qui fournit aux utilisateurs finaux un service de communications électroniques leur permettant de joindre les numéros des éditeurs.
Aux cours des dernières années, les pouvoirs publics ont adopté de nombreuses mesures visant à renforcer la protection des utilisateurs finaux vis-à-vis de l'utilisation des numéros surtaxés :

- interdiction de recourir à des numéros surtaxés pour les services après-vente, services d'assistance technique et services réclamations proposés aux consommateurs (2008 (5)) ;
- obligation, pour tout appel surtaxé, de fournir au consommateur appelant une information sur le tarif de l'appel par un message gratuit en début d'appel (2010 (6)) ;
- simplification de la tarification de détail des SVA afin d'en améliorer la transparence pour les utilisateurs finaux (2015 (7)) ;
- institution d'une liste d'opposition afin de protéger les consommateurs contre la prospection téléphonique agressive (2016 (8)).

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 susvisée a introduit au sein du code de la consommation de nouvelles dispositions relatives aux services à valeur ajoutée (qui ont fait l'objet d'une nouvelle numérotation par l'ordonnance n° 2016-301).
En premier lieu, les dispositions des articles L. 224-43 à L. 224-50 visent à accroître la transparence relative à l'identité du fournisseur de service et à la description de ce dernier, en prévoyant l'obligation de mettre à disposition, d'une part, deux annuaires inversés des numéros de SVA (pour les services vocaux et pour les messages textuels) et, d'autre part, un mécanisme permettant aux utilisateurs finals de signaler d'éventuelles erreurs. Ces dispositions imposent aux opérateurs exploitant les numéros ainsi signalés, de vérifier les renseignements présents dans ces annuaires afin de procéder en cas d'inexactitude à la suspension de l'accès au numéro et, le cas échéant, à la résiliation du contrat conclu avec l'éditeur de services.
Ces annuaires sont accessibles aux adresses suivantes :

- pour les services vocaux : " http://www.infosva.org/ " ;
- pour les services à base de messages textuels : " http://annuaire.infoconso-multimedia.fr/sms-plus/ ".

En deuxième lieu, les dispositions des articles L. 224-51 et L. 224-52 ont pour objet de lutter contre les appels et les messages textuels non sollicités en imposant aux fournisseurs de services de communications électroniques de proposer à leurs clients un outil de signalement des appels et des messages textuels non sollicités émis par des professionnels. Cet outil est mis en œuvre aujourd'hui à travers le numéro de messages courts 33700 auquel le consommateur peut transférer le message non sollicité et envoyer le numéro utilisé par le professionnel pour un tel message ou un tel appel. Le consommateur peut également signaler un appel non sollicité en ligne à l'adresse : " https://spam-vocal.33700.fr/signalement ".
Le projet de décret soumis à l'avis de l'ARCEP a pour objet de fixer, en application de l'article L. 224-53 du code de la consommation, les modalités du mécanisme de signalement prévu à l'article L. 224-47 et les modalités selon lesquelles les opérateurs sont informés des numéros les concernant en application de l'article L. 224-52.

2. Le mécanisme de signalement relatif à l'annuaire inversé

Le projet de décret précise les trois catégories de signalements qu'un consommateur peut effectuer via l'annuaire inversé prévu à l'article L. 224-43 du code de la consommation : 1° une inexactitude des informations fournies par l'annuaire pour un numéro donné, 2° une préoccupation sur la déontologie du service associé à ce numéro et 3° un problème relatif au contact auquel le consommateur doit pouvoir adresser ses réclamations.
L'ARCEP accueille favorablement la possibilité de signaler toute préoccupation sur la déontologie du service proposé via un numéro. L'opérateur exploitant le numéro sera ainsi en mesure de s'assurer, conformément au sixième alinéa de l'article L. 224-46, que le service proposé par l'éditeur ne fait pas partie de ceux qu'il exclut au titre de ses règles déontologiques.
De même, s'agissant du troisième motif de signalement, l'ARCEP considère en effet que l'adresse ou le numéro de téléphone de contact fourni par l'annuaire inversé des numéros de SVA constitue une information essentielle pour garantir la transparence du service proposé.
Afin de faciliter le traitement des signalements, il serait utile de clarifier dans le projet de texte que le consommateur aura la possibilité de décrire librement en quelques phrases l'élément précis faisant l'objet de son signalement. A ce titre, les termes " donnent au consommateur la possibilité de signaler, pour un numéro d'appel ou de message textuel " de l'article D. 224-1 pourraient être complétés par les termes " donnent au consommateur la possibilité de signaler et de décrire précisément, pour un numéro d'appel ou de message textuel ".

3. La diffusion des signalements

Le projet de décret précise les modalités selon lesquelles les opérateurs sont informés des signalements relatifs aux numéros de SVA les concernant, que ce soit par le mécanisme de signalement mentionné à l'article L. 224-47 du code de la consommation ou directement par les fournisseurs d'un service téléphonique au public, en application de l'article L. 224-52, lorsque ces derniers ont reçu des signalements d'appels et de messages textuels non sollicités.
Il est prévu que les opérateurs exploitants un ou plusieurs numéros de services à valeur ajoutée soient informés de ces signalements à une fréquence quotidienne, quelle que soit leur source d'information. Cette diffusion immédiate des remontées des consommateurs renforce la capacité d'action rapide des opérateurs.
Par ailleurs, l'ARCEP accueille favorablement la possibilité, ouverte par le projet de décret, de mise à disposition volontaire des signalements à la DGCCRF, au service national de police judiciaire chargé de la lutte contre la cybercriminalité et des opérateurs de communications électroniques ainsi qu'à elle-même.
En effet, le partage des signalements renforce la transparence du secteur et rend plus efficace l'action des autorités impliquées dans la lutte contre les dérives qui menacent la chaîne de valeur du marché des services à valeur ajoutée. En ce qui concerne l'ARCEP, l'accès aux données des signalements s'inscrit pleinement dans les conclusions de sa revue stratégique et les nouveaux modes de son intervention que sont la coconstruction de la régulation et la régulation par la donnée.
De plus, la diffusion des signalements aux opérateurs de départ fournissant au consommateur le service de communications électroniques leur permet de participer à la protection des consommateurs contre les numéros frauduleux ou abusifs. L'implication de tous les acteurs de la chaîne de valeur du marché des SVA est en effet indispensable pour rétablir la confiance dans ce marché. L'ARCEP rappelle à cet égard que, dans un souci de protection des utilisateurs, l'obligation d'accessibilité imposée aux opérateurs de départ est, en vertu de la décision n° 2007-0213 susvisée, " sans préjudice de toute autre disposition juridique permettant à l'opérateur de suspendre l'accès à un numéro depuis son réseau dès lors qu'est avéré un cas de fraude, d'abus ou un manquement aux règles déontologiques ".

4. L'exploitation des signalements

Le projet de décret précise les modalités de fonctionnement du mécanisme de signalement qui impose à l'opérateur exploitant du numéro de vérifier les renseignements présents dans l'annuaire inversé. Il prévoit notamment, dans un souci de proportionnalité, que l'obligation de vérification ne s'applique qu'aux numéros dont le nombre de signalements dépassent un ou plusieurs seuils.
Le projet de décret prévoit que ces seuils seront définis par arrêté du ministre chargé de la consommation, chaque année, après consultation de l'organisme professionnel le plus représentatif du secteur des SVA, et que les seuils pourront varier notamment en fonction du tarif du numéro et de la fréquence des appels ou messages textuels en cause.
L'ARCEP estime opportun que les modalités de calcul de ces seuils puissent être modifiés régulièrement pour tenir compte de l'évolution du marché et de l'appropriation progressive des outils de signalement par les consommateurs.

5. Les dérives déontologiques dont sont victimes les utilisateurs de SVA

L'ARCEP accueille favorablement le projet de décret qui lui est soumis, en ce qu'il met en place des outils supplémentaires de lutte contre les pratiques peu vertueuses de certains éditeurs de SVA. Mais elle tient à souligner que ces dispositifs ne seront pleinement efficaces que si l'ensemble de la chaine de valeur se dote des moyens appropriés pour agir rapidement, à titre préventif, contre les éditeurs auteurs de telles pratiques afin qu'ils ne puissent utiliser de nouveaux numéros pour les reproduire et, à titre curatif, contre les numéros signalés.
Pour cette raison, l'ARCEP invite (9) les opérateurs, les éditeurs de SVA et leurs associations représentatives à s'organiser afin de définir un cadre déontologique et le faire respecter. A cet égard, elle salue l'engagement récent de ces acteurs à la création d'une organisation sectorielle unifiée gérant les questions déontologiques et espère que cette organisation parviendra à mettre en place rapidement des actions concrètes et efficaces de lutte contre les dérives déontologiques.
De façon générale, les acteurs de la chaine de valeur SVA pourraient, dans le respect de la réglementation applicable, définir, de préférence de manière coordonnée au niveau du secteur, des voies d'action telles que :

- suspendre les numéros les plus signalés ;
- limiter l'accès aux tarifications les plus élevées pour les éditeurs ou les opérateurs d'arrivée bénéficiant d'un historique de signalement défavorable ;
- informer les appelants via une annonce gratuite en début d'appel que le numéro qu'ils souhaitent joindre a fait l'objet de nombreux signalements de la part des consommateurs ;
- ajuster les délais de reversement dus par les opérateurs de départ aux opérateurs exploitant les numéros de SVA en fonction du nombre de signalements ;
- rembourser systématiquement les utilisateurs finaux présentant des réclamations justifiées à propos des numéros signalés et déduire ces remboursements des reversements.

L'ARCEP rappelle que les dérives qui perdurent, entrainent une perte de confiance généralisée (consommateurs, pouvoirs publics, entreprises) envers cette chaine de valeur, ce qui pénalise ses usages légitimes et menace sa pérennité à court terme.
Le présent avis sera transmis au Gouvernement et sera publié au Journal officiel de la République française.