Après en avoir délibéré le 2 février 2016 ;
L'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) prévoit que l'Autorité est consultée sur les projets de loi, de décret ou de règlement relatifs au secteur des communications électroniques et participe à leur mise en œuvre.
Par un courrier reçu le 23 décembre 2015, la direction générale des entreprises a sollicité l'avis de l'Autorité sur un projet de décret relatif aux conditions de mise à disposition, par les collectivités territoriales et leurs groupements, d'infrastructures de réseaux ouverts au public.
Contexte :
Le programme de résorption des zones blanches de services mobiles de deuxième génération (le programme « zones blanches ») a été initié le 15 juillet 2003 par la signature d'une convention nationale entre le Gouvernement, l'Autorité, l'Association des maires de France, l'Assemblée des départements de France, Bouygues Telecom, Orange France et SFR.
Cette convention prévoyait la couverture en téléphonie mobile des centres-bourgs des communes métropolitaines et axes de transport prioritaires n'étant couverts par aucun opérateur mobile, lesquels ont été recensés en 2003 puis en 2008 sous l'égide des préfets de régions. Par un accord-cadre conclu entre SFR, Orange et Bouygues Telecom en 2010 en application de l'article 119 de la LME, les opérateurs ont prévu d'y déployer également un réseau mobile de troisième génération.
La couverture d'une partie des centres-bourgs est conditionnée à la mise à disposition, par les pouvoirs publics, d'infrastructures aux opérateurs. Les articles R. 1426-1, R. 1426-2 et R. 1426-3 du CGCT fixent les modalités dans lesquelles ces infrastructures leur sont mises à disposition.
En application de l'article 52-1 de la LCEN, et à la suite d'une nouvelle campagne de mesures organisée sous l'égide des préfets de région entre juillet et novembre 2015, le programme « zones blanches » a été complété par un arrêté du 5 novembre 2015. Celui-ci contient une liste de 171 centres-bourgs non couverts en services mobiles, et devant être couverts en 2G ou en 3G par les opérateurs avant le 31 décembre 2016 et au plus tard six mois après la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements. Ce programme pourrait encore être complété.
Le projet de décret soumis à l'Autorité vise à mettre à jour les articles R. 1426-1 et suivants au regard de ces nouvelles dispositions.
Cadre juridique :
L'article 129 de la loi n° 2015-990 susvisée a introduit de nouvelles dispositions en faveur de l'extension de la couverture mobile. Ces dispositions portent à la fois sur les périmètres géographiques, les technologies à déployer et les échéances de couverture.
Notamment, la LCEN a été complétée par un article 52-1 qui dispose que :
« I. - La liste nationale mentionnée au III de l'article 52 est complétée par une liste comportant les zones suivantes :
1° Les centre-bourgs de communes qui répondent aux critères fixés au premier alinéa du même III ;
2° Les anciens centre-bourgs de communes ayant fusionné avec une autre commune au cours d'une période de cinquante ans précédant la date de promulgation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques identifiés comme n'étant couverts par aucun exploitant d'un réseau mobile ouvert au public, titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques.
II. - Cette liste est arrêtée conjointement par les ministres chargés des communications électroniques et de l'aménagement du territoire dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée, en concertation avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, les représentants des collectivités territoriales et les exploitants des réseaux précités.
III. - Les zones inscrites sur la liste mentionnée au II du présent article sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération, dans les conditions prévues à l'article 52, avant le 31 décembre 2016, et au plus tard six mois après la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements. »
L'article L. 52-2 étend ces dispositions aux zones résiduelles du programme d'extension de la couverture par les réseaux de téléphonie mobile de deuxième génération et précise :
« On entend par zones résiduelles du programme d'extension de la téléphonie mobile de deuxième génération :
1° Les zones de la liste nationale mentionnée au III de l'article 52 non couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques ;
2° Les zones que les opérateurs de communications électroniques, titulaires, à la date d'entrée en vigueur de la même loi, d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques pour l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public de deuxième génération, se sont engagés à couvrir par voie conventionnelle en services de téléphonie mobile de deuxième génération dans le cadre d'un partage des réseaux mobiles ouverts au public. »
Enfin, l'article 52-3 de la LCEN laisse la possibilité aux opérateurs de privilégier, pour les zones mentionnées aux articles 52-1 et 52-2, une couverture en services mobiles de troisième génération.
De manière analogue, la LME a été complétée par un article 119-2, selon lequel :
« La couverture des zones mentionnées à l'article 52-1 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique en services mobiles de troisième ou quatrième génération est réalisée avant le 31 décembre 2016, et au plus tard six mois après la mise à disposition effective des infrastructures par les collectivités territoriales ou leurs groupements, dans les conditions prévues au II de l'article 119-1 de la présente loi et à l'article L. 34-8-1-1 du code des postes et des communications électroniques, par les opérateurs de communications électroniques titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques pour l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public ».
En dernier lieu, l'article L. 34-8-5 du CPCE prévoit la conclusion d'une convention, entre l'Etat, les représentants des collectivités territoriales et les opérateurs de communications électroniques titulaires d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques pour l'exploitation d'un réseau mobile ouvert au public, définissant les conditions dans lesquelles la couverture des zones où aucun service mobile n'est disponible, à l'exception des zones identifiées en application du III de l'article 52, ou des articles 52-1 et 52-2 de la LCEN, ou des articles 119, 119-1 et 119-2 de la LME. Il précise que cette convention doit notamment prévoir les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, après avoir constaté une carence d'initiative privée, mettre à disposition des exploitants une infrastructure comprenant un point haut support d'antenne, un raccordement à un réseau d'énergie et un raccordement à un réseau fixe ouvert au public, permettant d'assurer la couverture de la zone en cause en services mobiles de troisième génération au minimum, dans des conditions techniques et tarifaires raisonnables.
Les articles L. 1425-1 et R. 1426-1 et suivants du CGCT prévoient les conditions dans lesquelles les collectivités mettent à disposition des opérateurs leurs infrastructures.
Dans leur rédaction actuelle, les articles R. 1426-1 et suivants du CGCT portent sur la mise à disposition des infrastructures de réseaux de radiocommunications mobiles de deuxième génération.
Les articles R. 1426-1 à R. 1426-3 du CGCT précisent en particulier les modalités dans lesquelles sont fixés les loyers dont les opérateurs sont redevables envers les collectivités mettant à disposition des infrastructures (pylônes). Les opérateurs qui bénéficient d'une mise à disposition transmettent à l'ARCEP les montants, calculés au niveau national selon des modalités définies par l'Autorité, des revenus et des coûts (hors loyers), liés à l'exploitation de ces infrastructures sur l'année.
En conséquence, l'ensemble des dispositions précitées nécessitent de mettre en cohérence certaines dispositions du code général des collectivités territoriales avec les nouvelles dispositions concernant la couverture mobile du territoire issues de la loi n° 2015-990 afin que les conditions de mise à disposition de sites par les collectivités territoriales et leurs groupements s'appliquent, d'une part, aux nouveaux centres-bourgs et nouvelles zones non couvertes en téléphonie mobile et, d'autre part, à l'ensemble des technologies (2G, 3G et 4G). C'est l'objet du projet de décret soumis à l'avis de l'Autorité, qui vise ainsi à mettre en œuvre les modalités visant à assurer une couverture mobile de l'ensemble du territoire, aussi bien sur les centres-bourgs identifiés que sur les zones stratégiques d'activité économique ou touristiques dépourvues de couverture aujourd'hui, favorisant ainsi le développement numérique et économique de ces zones.
Le projet de décret participe à l'amélioration de la connectivité mobile des zones les moins denses du territoire :
L'Autorité est très sensible à toutes nouvelles dispositions tendant à assurer une connectivité mobile étendue des territoires.
Elle accueille dès lors favorablement l'extension, par ce décret, des conditions financières de mise à disposition par les collectivités territoriales ou leurs groupements des infrastructures destinées à supporter des réseaux de téléphonie mobile, à l'ensemble des zones précitées, en cohérence avec l'article 129 de la loi n° 2015-990.
Ce décret vise ainsi à clarifier les conditions pour les déploiements mobiles sur les centres-bourgs des communes du programme « zones blanches », ainsi que sur les zones stratégiques d'activité économique ou touristiques dépourvues de couverture aujourd'hui, et ce, que cela soit en 2G, 3G ou 4G.
Les opérateurs seront ainsi en mesure de mettre en œuvre les obligations de déploiement leur incombant, dans des conditions tarifaires clarifiées, et technologiquement neutres, ce qui est de nature à favoriser la couverture mobile des zones les moins denses du territoire.
L'Autorité relève que les articles R. 1426-2 et R. 1426-3 du CGCT prévoient que les loyers dus par les opérateurs aux collectivités territoriales correspondent à la différence, au niveau national, entre les revenus et les coûts. Jusqu'à maintenant, la différence entre les revenus et les coûts ayant été négative, les loyers de chaque année ont été fixés par arrêté du ministre, sur proposition de l'ARCEP, à 1 euro par infrastructure conformément au dernier alinéa de l'article R. 1426-3.
Dès lors que le projet de décret élargit l'assiette des revenus et des coûts à de nouvelles technologies à déployer ainsi qu'à de nouvelles zones, il est très probable que la différence entre les revenus et les coûts demeure négative pendant plusieurs années. Pourtant, chaque année, la fixation des loyers continuera de requérir un arrêté du ministre, faisant suite à une décision de l'ARCEP, alors même que le montant des loyers demeurera fixe (1 euro par infrastructure).
Ainsi, dans un souci d'efficacité, l'ARCEP propose une simplification du processus, lorsque la différence entre les revenus et les coûts est négative. Par exemple, le décret pourrait fixer un loyer annuel par défaut de 1 euro par infrastructure, sauf lorsque la différence entre les revenus et les coûts devient positive pour une année donnée. Dans ce cas l'ARCEP prendrait alors une décision proposant le tarif au ministre, qui fixerait à son tour le loyer de l'année donnée par arrêté.
En outre, dans le cas où cette différence deviendrait positive, l'Autorité estimerait utile d'ajouter des précisions relatives à la fixation des loyers individuels, dans la mesure où le texte actuel pourrait être clarifié.
L'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret relatif aux conditions de mise à disposition, par les collectivités territoriales et leurs groupements, d'infrastructures de réseaux ouverts au public.
Le présent avis sera transmis au directeur général des entreprises et publié au Journal officiel de la République française.