Après en avoir délibéré le 18 juin 2015,
Formule l'avis suivant :
Conformément à l'article L. 36-5 du code des postes et des communications électroniques (CPCE), la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a sollicité l'avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (l'Autorité) sur un projet d'arrêté relatif à la définition des tranches de numéros qui ne peuvent être utilisés comme identifiant d'appel par un professionnel dans le cadre d'un démarchage téléphonique, pris pour l'application de l'article L. 121-34-2 du code de la consommation.
L'article L. 121-34-2 du code de la consommation, introduit par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, prévoit en matière de démarchage téléphonique et de prospection commerciale l'interdiction d'utiliser « comme identifiant d'appel par un professionnel qui joint un consommateur » certaines tranches de numéros définies par arrêté « en tenant compte du plafond de tarification et du format de ces numéros ».
Le projet d'arrêté dont l'Autorité est saisie a pour objet de définir les tranches de numéros commençant par 089 et celles de la forme 3BPQ (hors 30PQ et 31PQ) comme étant celles ne pouvant pas être utilisées comme identifiant d'appel par un professionnel qui joint un consommateur dans le cadre d'un démarchage téléphonique.
Les dispositions du projet d'arrêté appellent les observations suivantes de l'Autorité.
1° Sur l'objet de l'interdiction :
L'article L. 121-34-2 du code de la consommation dispose au premier alinéa que « l'utilisation d'un numéro masqué est interdite » pour un professionnel contactant un consommateur dans le cadre d'une action de démarchage par voie téléphonique (1). Au deuxième alinéa de l'article précité, il est indiqué que « le numéro affiché avant l'établissement de l'appel [doit être un numéro] affecté au professionnel pour le compte duquel l'appel est effectué ».
Le troisième alinéa prévoit que certaines tranches de numéros, dont la définition est renvoyée à un arrêté, « ne peuvent être utilisées comme identifiant d'appel ». Il ressort des travaux parlementaires que l'objectif poursuivi par le législateur (2) est « d'éviter que l'obligation d'afficher le numéro ne soit détournée par des professionnels peu scrupuleux qui cherchent à inciter les consommateurs à rappeler des numéros fortement surtaxés (pratique dite de “ping call” [3]) ».
Ainsi, dans ce contexte et afin d'éviter toute ambiguïté, l'Autorité comprend que le terme « identifiant d'appel » utilisé dans l'article L. 121-34-2 susvisé et dans le projet d'arrêté fait référence au « numéro affiché avant l'établissement de l'appel », ce qui correspond à ce qu'elle a désigné sous le terme « identifiant de l'appelant sur le terminal de l'appelé » dans sa décision n° 2012-0856 susvisée.
2° Sur le champ d'application :
L'Autorité constate que, conformément à l'article L. 121-34-2 du code de la consommation, et comme le rappelle l'article 1er du projet d'arrêté, ce dernier s'applique « aux professionnels qui joignent un consommateur par téléphone dans les conditions mentionnées à l'article L. 121-20 du code de la consommation », c'est-à-dire « en vue de conclure ou de modifier un contrat portant sur la vente d'un bien ou sur la fourniture d'un service ».
Ainsi, l'Autorité relève que ce projet d'arrêté ne s'applique :
- ni aux services publics, tels que Pôle Emploi (3949) ou l'assurance maladie (3646), qui pourront ainsi continuer à utiliser le numéro comme « identifiant d'appel » pour joindre leurs usagers, dès lors que l'objet de leurs appels ne relève pas du démarchage téléphonique ou de la prospection commerciale ;
- ni aux appels émis entre professionnels, y compris ceux ayant pour objet un acte de prospection commerciale.
3° Sur les impacts pour les opérateurs de communications électroniques :
Le troisième alinéa de l'article L. 121-34-2 du code de la consommation vise à interdire aux professionnels d'utiliser les tranches de numéros définies par arrêté comme identifiant d'appel dans le cadre du démarchage téléphonique d'un consommateur par un professionnel.
Il n'appartient donc pas aux opérateurs de communications électroniques de mettre en œuvre cette obligation, contrairement à ce qui était le cas s'agissant de l'interdiction, prévue par la décision n° 2012-0856 susvisée de l'Autorité, de permettre l'utilisation des numéros de la tranche 089 en tant qu'identifiant de l'appelant.
Dans ces conditions, l'Autorité souligne que le troisième alinéa de l'article L. 121-34-2 du code de la consommation ne crée aucune obligation supplémentaire pour les opérateurs de communications électroniques.
4° Sur la liste des tranches de numéros :
L'article 2 du projet d'arrêté prévoit l'interdiction d'utiliser « comme identifiant d'appel […] les numéros spéciaux à tarification majorée commençant par 089 et les numéros courts à tarification banalisée ou majorée 3BPQ (hors 30PQ et 31PQ) ».
L'Autorité a introduit en 2012, à travers sa décision n° 2012-0856 susvisée, une disposition interdisant d'utiliser les numéros commençant par 089 comme « identifiant d'appel » (cf. supra) pour limiter la pratique dite « des appels à rebond » (ou « ping call ») (4). Elle accueille par conséquent favorablement l'inclusion de cette tranche dans le projet d'arrêté, qui contribue à la cohérence et à l'effectivité de la lutte des pouvoirs publics contre cette pratique de nature frauduleuse.
De même, l'Autorité estime que l'inclusion, prévue par le projet d'arrêté, de la tranche 3BPQ (hors 30PQ et 31PQ [5]) est cohérente dès lors que les appels vers les numéros de cette tranche sont susceptibles de se voir appliquer, à la demande de l'éditeur de service, une tarification identique à celle des numéros commençant par 089 (prix du service pouvant atteindre 0,80 € par minute ou 3 € par appel). L'Autorité note à cet égard que la pratique des appels à rebond s'est reportée en 2013 vers l'utilisation de numéros courts de la tranche 3BPQ (hors 30PQ et 31PQ) à la suite de la décision n° 2012-0856 susmentionnée.
En revanche, l'Autorité relève que le projet d'arrêté ne vise pas les catégories de numéros de la forme 10YT et 118 XYZ. L'Autorité estime qu'il convient également d'inclure ces catégories de numéros qui sont susceptibles de faire l'objet de tarifications équivalentes, voire supérieures (6), à celle des numéros commençant par 089 et de la forme 3BPQ (hors 30PQ et 31PQ). A défaut, il est à craindre que les professionnels peu scrupuleux qui se livrent à des pratiques d'appels à rebond ne cherchent à se reporter vers ces catégories de numéros.
Le présent avis sera transmis à la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et sera publié au Journal officiel de la République française.