Après en avoir délibéré le 10 mars 2016,
Formule l'avis suivant :
L'Autorité a été saisie pour avis, en application de l'article L. 36-5 du CPCE, du projet d'ordonnance de transposition de la directive 2014/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative à l'harmonisation des législations des Etats membres concernant la mise à disposition sur le marché d'équipements radioélectriques et abrogeant la directive 1999/5/CE (ci-après directive 2014/53/UE), et modifiant en conséquence les dispositions du CPCE. Ce projet d'ordonnance est pris en application de l'article 115 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour l'activité, la croissance et l'égalité des chances économiques.
1. Contexte de la saisine
La directive 2014/53/UE abroge et remplace la directive 1999/5/CE du 9 mars 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité (ci-après directive R&TTE), qui avait établi le cadre européen pour la mise sur le marché, la libre circulation et la mise en service des équipements hertziens et des équipements terminaux de télécommunications en définissant les exigences essentielles applicables, les modalités d'évaluation de leur conformité et en fixant les exigences administratives applicables. Cela conduit à modifier certaines dispositions du CPCE.
La refonte de la directive R&TTE s'inscrit dans le prolongement du « nouveau cadre législatif » pour la commercialisation des produits, qui fixe des exigences pour l'accréditation des organismes d'évaluation et pour la surveillance des marchés (1). L'objectif de ce nouveau cadre est de clarifier le cadre juridique alors en vigueur, de veiller à ce que la législation entre les Etats membres soit élaborée de manière unifiée et à instaurer une égalité concurrentielle entre les acteurs du marché.
Les modifications apportées par la directive 2014/53/UE visent à adapter le cadre existant aux nouveaux types d'équipements mis à disposition sur le marché. La refonte de la directive RTTE était devenue nécessaire, afin notamment de tenir compte de l'augmentation, ces dernière années, du nombre d'appareils mobiles et d'applications sans fil qui nécessite d'encadrer la mise sur le marché de ce type de produits, de prévenir les risques d'interférence entre les divers dispositifs présents sur le marché et de garantir une utilisation de plus en plus efficace du spectre des fréquences radioélectriques.
Parmi les modifications les plus significatives apportées par la directive 2014/53/UE, il convient de relever en premier lieu que le champ d'application a évolué de manière importante par rapport à celui de la directive R&TTE. Sont ainsi désormais exclus du champ d'application les équipements terminaux fixes (2). En revanche, les équipements de réception radio destinés à être utilisés exclusivement pour la réception de services de radiodiffusion sonore et télévisuelle, précédemment exclus, font désormais partie du périmètre des produits régis par la directive.
En deuxième lieu, la directive 2014/53/UE réorganise, renforce et complète la liste des exigences essentielles dont le respect est imposé aux équipements radioélectriques mis à disposition sur le marché. En outre, la Commission européenne a le pouvoir d'adopter des actes délégués afin de préciser, pour certaines exigences essentielles, quelles sont les catégories ou classes d'équipements qui y sont soumis. C'est le cas, notamment, en ce qui concerne l'exigence relative au fait, pour l'équipement, d'être compatible avec des chargeurs universels, qui devrait s'appliquer en particulier aux terminaux mobiles.
Par ailleurs, les exigences pour les organismes d'évaluation de la conformité ont été renforcées, « afin de garantir un niveau de performance uniformément élevé des organismes notifiés dans l'ensemble de l'Union » (3), en imposant par exemple aux sous-traitants et filiales des organismes notifiés le même niveau d'exigence que celui attendu de l'organisme lui-même (article 28 de la directive 2014/53/UE).
Enfin, la directive 2014/53/UE définit les obligations des différents acteurs économiques qui participent à la mise à disposition sur le marché des équipements de radiocommunication (fabricants, distributeurs, importateurs et distributeurs) et impose une responsabilité échelonnée de ces acteurs, qui se voient attribuer des droits et des devoirs différents en fonction de leur rôle dans le processus de mise à disposition sur le marché de leurs équipements.
2. Observations de l'ARCEP sur les modifications du CPCE prévues par le projet d'ordonnance
Le projet d'ordonnance transposant la directive 2014/53/UE modifie les dispositions législatives du CPCE relatives à la mise sur le marché des équipements terminaux et des équipements radioélectriques. L'Autorité a relevé avec satisfaction que le projet d'ordonnance avait été mis en consultation publique fin 2015, afin de recueillir l'avis des acteurs concernés.
Les principales modifications apportées au CPCE par le projet d'ordonnance sont les suivantes :
- modification du champ des équipements concernés ;
- précisions des exigences essentielles applicables et clarification du régime d'évaluation de la conformité des équipements ;
- renforcement de l'efficacité de la surveillance du marché.
Les dispositions réglementaires du CPCE devront également être adaptées pour tenir compte de ces évolutions.
Le projet d'ordonnance appelle les deux observations suivantes de l'ARCEP.
2.1. La définition des équipements radioélectrique prévue par le projet d'ordonnance
Le 2° de l'article 1er du projet d'ordonnance remplace les dispositions actuelles du 11° de l'article L. 32 du CPCE par de nouvelles dispositions relatives à la définition du « réseau, installation ou équipement radioélectrique » :
« Un réseau, une installation ou un équipement sont qualifiés de radioélectriques lorsqu'ils utilisent intentionnellement des fréquences radioélectriques en émission ou en réception pour la propagation des ondes en espace libre. Au nombre des réseaux radioélectriques figurent notamment les réseaux utilisant les capacités de satellites. Sont également considérés comme des équipements radioélectriques les équipements de radiorepérage, ceux permettant de recevoir des services de radio et de télévision ainsi que ceux qui, combinés à un accessoire tel qu'une antenne, émettent ou reçoivent des fréquences radioélectriques. »
L'ARCEP s'interroge sur le périmètre de la définition retenue par le projet d'ordonnance, au regard de celle prévue par la directive 2014/53/UE (4). En effet, au sens de la directive, l'équipement radioélectrique est défini par l'émission ou la réception intentionnelle des ondes radioélectriques, à des fins de radiocommunication ou radiorepérage. En particulier, la précision relative à la finalité de l'émission ou de la réception n'apparaît pas dans la définition proposée par le projet d'ordonnance.
Or il convient que la définition de l'équipement radioélectrique prévue au 11° de l'article L. 32 du CPCE soit parfaitement cohérente avec celle de la directive 2014/53/UE. En effet, les équipements radioélectriques visés au 11° de l'article L. 32 du CPCE seront soumis, d'une part, au respect des exigences essentielles prévues au 12° de l'article L. 32 du CPCE modifié par le projet d'ordonnance pour tenir compte de la transposition de la directive et, d'autre part, en application des dispositions de l'article L. 34-9 du CPCE également modifié par le projet d'ordonnance, à une évaluation de leur conformité aux exigences essentielles, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. Ainsi, le champ d'application du projet d'ordonnance actuel pourrait avoir pour effet de soumettre des équipements non visés par la directive aux obligations prévues par le CPCE pour les équipements radioélectriques (5).
2.2. La désignation des organismes notifiés
Le projet d'ordonnance retire à l'Autorité la mission qui lui était attribuée à l'article L. 36-7 du CPCE en matière de désignation des organismes intervenant dans la procédure d'évaluation de conformité prévue à l'article L. 34-9 du CPCE.
Cette procédure, dont les modalités devront être précisées par décret, devrait désormais être conduite par les services du ministère de l'économie, de l'industrie et du numérique, qui assurent déjà ce rôle dans le cadre des dispositions relatives à la compatibilité électromagnétique des équipements électriques et électroniques (6).
Il apparaît, en outre, cohérent et opportun de regrouper la conduite de ces différentes procédures au sein des mêmes services de l'Etat. La bonne conduite de la procédure de désignation des organismes notifiés nécessite de pouvoir mobiliser des ressources et une expertise spécifiques, dont l'ARCEP ne dispose plus, eu égard, notamment, au faible nombre de demandes au cours de ces dernières années (7).
3. Conclusion
L'ARCEP prend acte du projet d'ordonnance, qui vise à transposer les dispositions de la directive 2014/53/UE. Au-delà des évolutions liées à cette directive, l'ARCEP accueille favorablement les modifications prévues par le projet d'ordonnance en ce qui concerne la compétence de désignation des organismes notifiés intervenant dans la procédure d'évaluation de conformité prévue à l'article L. 34-9 du CPCE. L'ARCEP, qui ne dispose plus des ressources et de l'expertise nécessaires à la bonne conduite de ces procédures, estime cohérent et opportun de regrouper la conduite de procédures similaires au sein des mêmes services de l'Etat.
Par ailleurs, l'ARCEP invite le Gouvernement à veiller à la parfaite cohérence de la définition de la notion d'équipements radioélectriques avec la définition issue de la directive 2014/53/UE, afin d'écarter tout risque de soumettre d'autres équipements que ceux visés par cette directive aux règles prévues par celle-ci.