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Article AUTONOME (Décision n° 2016-017 du 17 février 2016 portant règlement d'un différend entre la société Millet et SNCF Mobilités)

Article AUTONOME (Décision n° 2016-017 du 17 février 2016 portant règlement d'un différend entre la société Millet et SNCF Mobilités)


Le collège en ayant délibéré le 17 février 2016,


1. Faits et procédure


1. La société Millet exerce des activités de location de wagons et de locomotives, de dépannage de wagons sur site ainsi que de logistique.
2. Elle a fait assurer la maintenance de ses wagons dans le cadre d'un contrat de « prestation d'entité en charge de la maintenance » conclu le 5 octobre 2011 avec la direction du matériel de la Société nationale des chemins de fer français, devenue SNCF Mobilités. Ayant décidé d'assurer elle-même la maintenance de ses wagons, la société Millet a résilié ce dernier contrat avec effet au 31 décembre 2013. Depuis le 1er janvier 2015, elle assure également le développement de l'entretien des wagons, et exerce désormais l'ensemble des fonctions d'entité en charge de la maintenance (ci-après « ECM »).
3. La société Millet a, à plusieurs reprises, sollicité de SNCF Mobilités la transmission de la documentation d'entretien nécessaire à l'exercice de la fonction d'ECM. Elle s'est prévalue, à cet égard, des stipulations contractuelles prévoyant que le dossier retraçant les opérations de maintenance des wagons devait être transmis sans délai à la nouvelle ECM.
4. Par courrier du 13 novembre 2015, le directeur général du matériel de SNCF Mobilités a indiqué que, dans le cadre du contrat d'ECM, SNCF avait hébergé et tenu à jour l'ensemble des caractéristiques techniques et données de maintenance des wagons du parc Millet dans son système d'information « Margo ». Il a estimé avoir respecté ses engagements contractuels en mettant à la disposition de la société Millet l'ensemble des données via le portail « iMargo », et en rétablissant, pendant une durée de trente jours, les accès à ce service pour récupération des données. Il a également rappelé à la société les termes de précédents échanges selon lesquels le travail conséquent d'extraction, de structuration et de mises en forme de ces données que la société réclamait avait fait l'objet d'un devis, fixé à 10 000-15 000 euros HT.
5. Estimant que SNCF Mobilités n'a pas répondu aux obligations qui lui incombent, la société Millet demande à l'Autorité d'inviter SNCF Mobilités à fournir sans délai, gratuitement et dans un format communément acceptable, le fichier informatique contenant la documentation d'entretien des wagons ayant fait l'objet de prestations d'ECM de sa part.


2. Compétence et recevabilité
2.1. Compétence de l'Autorité


6. Aux termes de l'article L. 2134-2 du code des transports, applicable à la date d'introduction de la requête, devenu L. 1263-2, tout candidat, tout gestionnaire d'infrastructure ou tout exploitant d'installation de service peut saisir l'Autorité d'un différend, dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice lié à l'accès au réseau ferroviaire.
7. Il résulte de ces dispositions que l'Autorité ne peut, dans le cadre d'un règlement de différend, être saisie que d'un préjudice afférent à un traitement inéquitable, une discrimination ou de tout autre préjudice lié à l'accès au réseau.
8. En l'espèce, la société Millet fait état d'un préjudice résultant de l'absence de transmission dans un format acceptable, par SNCF Mobilités, des informations nécessaires à l'exercice des missions d'ECM. Elle soutient que cette situation entraîne « des surcoûts de saisies informatiques et d'opérations de contrôle réalisés en maintenance préventive sur l'ensemble du parc concerné » et « l'empêche d'offrir la prestation d'entité en charge de l'entretien à des détenteurs susceptibles de l'accepter et de quitter SNCF et, donc, à restreindre significativement la concurrence. ».
9. Ce préjudice, qui résulte d'un différend dans l'interprétation d'une clause contractuelle relative aux modalités de transmission des informations de maintenance lors du changement d'ECM, ne peut être regardé comme étant lié à l'accès au réseau au sens des dispositions susmentionnées dès lors qu'il ne porte pas sur l'exercice par la société Millet d'un droit d'accès au réseau ferroviaire ou d'un droit connexe.
10. En particulier, le préjudice invoqué n'a trait, au sens de l'article L. 2134-2, ni au contenu du document de référence du réseau, ni à la procédure de répartition des capacités d'infrastructures ferroviaires ou aux décisions y afférentes, ni aux conditions particulières faites au requérant, ni à l'exercice du droit d'accès au réseau et à la mise en œuvre des redevances à acquitter pour l'utilisation du réseau en application du système de tarification ferroviaire, ni à la surveillance exercée en matière de sécurité ferroviaire, ni à l'exercice du droit d'accès aux installations de service, y compris la fourniture et la mise en œuvre de la tarification des services de base fournis dans ces installations et des prestations complémentaires ou connexes, ni à l'exécution des accords-cadres mentionnés aux articles L. 2122-6 et L. 2122-7 ou aux contrats d'utilisation de l'infrastructure, pas plus qu'à la création de services intérieurs de transport de voyageurs effectués lors d'un service international de transport de voyageurs.
11. En conséquence, la demande de la société Millet ne relève pas du champ de compétence de l'Autorité dans le cadre de la procédure de règlement de différend.


2.2 Recevabilité de la demande


12. Au demeurant, il résulte de l'article L. 2134-2 du code des transports que seuls les candidats, gestionnaires d'infrastructure et exploitants d'installations de service peuvent saisir l'Autorité d'un règlement d'un différend.
13. D'une part, l'article L. 2122-11 du code des transports définit le candidat comme étant « un regroupement international d'entreprises ferroviaires ou toute autre personne ayant des raisons commerciales ou de service public d'acquérir des capacités de l'infrastructure, telle qu'un opérateur de transport combiné, un port, un chargeur, un transitaire ou une autorité organisatrice de transport ferroviaire ». En l'espèce, la société Millet ne peut pas être assimilée à un candidat dès lors qu'eu égard au type d'activités qu'elle exerce, elle n'acquiert pas de capacités auprès de gestionnaires d'infrastructure.
14. D'autre part, le 2° du II de l'article préliminaire du décret du 7 mars 2003 susvisé prévoit que le gestionnaire d'infrastructure correspond à « Toute entité ou entreprise chargée notamment de l'établissement, de la gestion et de l'entretien de l'infrastructure ferroviaire, y compris la gestion du trafic, et du système de signalisation et de contrôle-commande ». Or, la société Millet n'exerce pas d'activité de gestionnaire d'infrastructure ni ne dispose d'un agrément de sécurité de l'EPSF en ce sens, en vertu de l'article 19 du décret susvisé du 19 octobre 2006.
15. Enfin, l'article 3, paragraphe 12, de la directive 2012/34/UE définit l'exploitant d'installations de service comme une « entité publique ou privée chargée de gérer une ou plusieurs installations de service ou de fournir à des entreprises ferroviaires un ou plusieurs des services visés à l'annexe II, points 2, 3 et 4 [services de base, prestations complémentaires et prestations connexes offertes dans les installations de service] ». La société Millet ne peut être regardée comme un exploitant d'installations de service en ce qu'elle ne gère aucune des installations mentionnées à l'article 1er du décret susvisé du 20 janvier 2012 et qu'elle ne fournit aucune des prestations prévues aux articles 4 à 9 de ce même décret.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Millet ne fait manifestement pas état d'un préjudice relevant de l'article L. 2134-2 du code des transports ou de l'article L. 1263-2 qui lui a succédé. Elle n'a, au surplus, manifestement pas qualité pour saisir l'Autorité dans le cadre d'un règlement de différend.
17. La saisine de la société Millet ne peut, par suite, qu'être rejetée.
Décide :