La commission consultative des communications électroniques ayant été consultée le 16 octobre 2015 ;
Après en avoir délibéré le 22 octobre 2015,
Pour les motifs suivants :
I. - Cadre réglementaire
Les compétences de l'Autorité en matière de numérotation sont prévues par les dispositions des articles L. 36-7 et L. 44 du code des postes et des communications électroniques (ci-après « CPCE »).
L'article L. 36-7 (7°) du CPCE dispose que l'Autorité « établit le plan national de numérotation téléphonique, attribue aux opérateurs les ressources en numérotation nécessaires à leur activité dans les conditions prévues à l'article L. 44 et veille à leur bonne utilisation ; (…) ».
Le I de l'article L. 44 du même code prévoit que « Le plan national de numérotation téléphonique est établi par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes et géré sous son contrôle. Il garantit un accès égal et simple des utilisateurs aux différents réseaux et services de communications électroniques et l'équivalence des formats de numérotation. Il permet, sous réserve de faisabilité technique et économique, aux utilisateurs situés dans d'autres Etats membres de l'Union européenne d'accéder aux numéros non géographiques accessibles sur l'ensemble du territoire national. (…) ».
II. - Demande exprimée par les opérateurs
La décision n° 2012-0855 de l'Autorité relative à la réorganisation des tranches de numéros commençant par 06 et 07 susvisée prévoit notamment :
- la création d'une tranche de numéros mobiles étendus à 14 chiffres en métropole ;
- l'interdiction, à compter du 1er janvier 2016, d'utiliser en métropole des numéros mobiles à 10 chiffres pour les services de communications M2M (1).
Dans le cadre du suivi de la mise en œuvre de la décision susvisée, certains opérateurs ont fait part à l'Autorité de difficultés, notamment techniques, ne leur permettant pas d'affecter à compter du 1er janvier 2016 des numéros à 14 chiffres à leurs clients M2M. Ces opérateurs invoquent en particulier la complexité de mise en œuvre de cette nouvelle tranche, dans la mesure où le numéro de téléphone est un élément structurel utilisé dans la plupart de leurs systèmes d'informations (routage, facturation, interconnexion).
En conséquence, les opérateurs ont demandé à pouvoir bénéficier d'un report de l'interdiction d'affecter des numéros mobiles à 10 chiffres pour les communications M2M de l'ordre de 18 à 24 mois afin de pouvoir continuer à répondre aux besoins de leurs clients M2M pendant qu'ils finalisent les développements nécessaires à l'utilisation de numéros à 14 chiffres.
III. - Bilan de la ressource en numérotation mobile à 10 chiffres en métropole
1. Le bilan du plan de numérotation mobile fait ressortir une disponibilité de 27 millions de numéros pour la métropole
Au 1er octobre 2015, 70 millions de numéros mobiles sont disponibles (cf le tableau suivant).
TYPE DE RESSOURCE |
ESPACE TOTAL (en millions) |
ATTRIBUÉS (en millions) |
DISPONIBLES (en millions) |
---|---|---|---|
Espace dédié aux numéros mobiles à 10 chiffres en métropole (Z=6 et ZA = 73 à 78) |
148 |
121 |
27 |
Espace dédié aux numéros mobiles à 10 chiffres en Outre-mer |
8 |
4 |
4 |
Réserve (70 à 72) |
29 |
0 |
29 |
Réserve DOM (79) |
10 |
0 |
10 |
Total |
195 |
125 |
70 |
2. Le rythme annuel des attributions de numéros mobiles a ralenti mais ne remet pas en cause le risque de saturation lié à la croissance des besoins M2M
Après trois années consécutives de très forte consommation des numéros mobiles en 2010, 2011 et 2012 (avec une moyenne de 10 millions de numéros attribués par an), celle-ci a significativement diminué au cours des deux dernières années avec 3 millions de numéros mobiles attribués en 2013 et 4 millions en 2014. On constate ainsi, sur les 10 dernières années, une moyenne annuelle de 6 millions de numéros mobiles attribués.
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0297 du 23/12/2015, texte nº 136
Par ailleurs, les prévisions (2) sur lesquelles s'appuyait l'Autorité en 2012 pour adopter la décision n° 2012-0855 estimaient, à fin 2014, à un total de 9,2M le nombre de carte SIM M2M attribuées, et à 4,5 millions le nombre de cartes SIM Internet attribuées. Or, les récentes données publiées par l'Autorité dans son observatoire du marché des services mobiles indique qu'à fin 2014 le parc était constitué de 8,2 millions de cartes SIM M2M et de 3,7 millions de cartes SIM Internet. Ces résultats sont inférieurs de 1,8 millions d'unités par rapport aux prévisions initiales. Compte tenu du rythme actuel de croissance du parc de cartes SIM M2M (cf. infra), cela représente un décalage d'environ 15 mois.
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0297 du 23/12/2015, texte nº 136
Ce rythme moins soutenu que prévu de la consommation de numéros mobiles à 10 chiffres pour les services M2M peut s'expliquer par le retard (ou l'abandon) de certains projets présentant un important potentiel de croissance du parc des cartes SIM. Ainsi, le projet « écotaxe », qui devait être mis en œuvre en 2013 et représenter 1 million de cartes SIM, a été abandonné en 2014. Quant au projet de mise en place du dispositif « eCall (3) », qui devait être déployé à partir de 2015 et représenter, à terme, 30 millions de cartes SIM en France, n'entrera finalement en vigueur qu'au 2e trimestre 2018 (avec un décalage de 3 années par rapport au calendrier envisagé lors de l'adoption de la décision n° 2012-0855 susvisée). Toutefois, l'Autorité tient à rappeler que la décision n° 585/2014/UE du Parlement Européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant le déploiement du service eCall interopérable dans toute l'Union européenne dispose à son article premier qu'« au plus tard le 1er octobre 2017, les Etats membres déploient sur leur territoire l'infrastructure des PSAP eCall requise aux fins de la bonne réception et du traitement approprié de tous les appels eCall ». Cette obligation nécessite d'avoir validé avant cette date le bon fonctionnement de l'infrastructure eCall dans des conditions aussi proches que possible de la réalité, en particulier avec des numéros mobiles à 14 chiffres.
IV. - Observations recueillies lors de la consultation publique
Dans un souci de transparence et de lisibilité, l'Autorité a lancé une consultation publique afin d'informer le secteur de cette demande de report de la date d'interdiction d'utiliser des numéros mobiles à 10 chiffres pour les usages M2M et ainsi recueillir l'avis des acteurs sur le nouveau projet de décision. Les principaux commentaires sont synthétisés ci-dessous.
L'ensemble des opérateurs s'étant prononcés sur ce point est favorable au report de l'interdiction d'utiliser des numéros mobiles à 10 chiffres pour les usages M2M au 1er juillet 2017.
Toutefois, un des contributeurs souhaiterait pouvoir bénéficier d'un report supplémentaire afin de poursuivre l'affectation de numéros mobiles à 10 chiffres pour ses clients « domotiques » jusqu'à une date significativement ultérieure au 1er juillet 2017. L'Autorité rappelle que les opérateurs avaient connaissance, dès juillet 2012, de l'interdiction d'utiliser des numéros mobiles à 10 chiffres pour de tels usages à compter de janvier 2016, soit un délai qui leur avait été laissé de près de 42 mois pour s'y préparer, auquel s'ajoute un délai complémentaire de 18 mois dans l'hypothèse d'un report au 1er juillet 2017 (soit au total un délai de 5 ans). Il n'y a donc pas lieu de donner suite à cette demande.
Un autre contributeur indique ne pas être en mesure de s'engager à assurer le transport et le routage des numéros à 14 chiffres sur son réseau au 1er janvier 2016, tel que prévu dans le projet de décision soumis à consultation publique pour bénéficier de la dérogation d'utilisation des numéros mobiles à 10 chiffres jusqu'au 1er juillet 2017. Il évoque un délai nécessaire de 6 mois à compter de la première demande émanant d'un opérateur tiers afin de réaliser les développements réseaux, SI et les tests nécessaires. L'Autorité ayant, par ailleurs, reconnu (4) que le délai d'ouverture de ressources en numérotation s'étendait en pratique de 1 à 6 mois pour les situations les plus complexes, un délai de 6 mois semble raisonnable pour la première ouverture d'une nouvelle catégorie de numéro. Toutefois, de telles ressources ayant déjà été attribuées par l'Autorité en 2015, la mise en place du routage des numéros à 14 chiffres des opérateurs tiers ne pourra excéder la date au 1er juillet 2016.
Par ailleurs, un régime dérogatoire avait été prévu en 2012 afin d'accorder aux clients M2M existants, non préparés à cette évolution de la longueur des numéros, le temps de faire les développements nécessaires (modification de SI, voire reconfiguration d'un parc déployé). Le cadre réglementaire étant désormais connu depuis plus de 3 ans, les clients M2M ont pu être correctement informés par leur opérateur et s'y préparer. Si tel n'est pas le cas, il leur reste plus de 20 mois pour réaliser ces évolutions. Il n'apparait donc pas nécessaire à l'Autorité de modifier cette dérogation comme le suggère un contributeur. Toutefois, ainsi que le propose un autre contributeur, il convient d'imposer aux opérateurs qu'ils informent avec un préavis suffisant leurs clients M2M du passage de la numérotation à 14 chiffres de manière à s'assurer que ceux-ci soient également prêts à la date convenue.
V. - Solution retenue
Au regard de ces éléments, et en particulier du décalage observé par rapport au calendrier initial de mise en œuvre effective du dispositif « eCall », la demande de certains opérateurs relative au report de l'interdiction d'affecter aux clients M2M des numéros mobiles à 10 chiffres semble raisonnable.
Toutefois, il est primordial pour l'Autorité :
- d'une part, de s'assurer que l'ensemble des opérateurs sera effectivement en mesure d'exploiter les ressources mobiles à 14 chiffres lors du déploiement des infrastructures eCall sur le territoire (au plus tard le 1er octobre 2017) ;
- d'autre part, de veiller à ce que le retard pris par certains opérateurs ne pénalise pas ceux ayant effectué les développements nécessaires à l'affectation à leurs clients de numéros mobiles à 14 chiffres.
Par conséquent, l'Autorité décide, à titre dérogatoire, de permettre aux opérateurs qui en feront la demande d'utiliser des numéros mobiles à 10 chiffres pour des usages M2M jusqu'au 30 juin 2017 dans les conditions ci-après.
La dérogation sera accordée sur demande individuelle sous réserve que le demandeur s'engage à respecter les dispositions suivantes :
- affecter des numéros mobiles de longueur étendue à ses clients M2M au plus tard au 1er juillet 2017 ;
- informer au plus tard le 1er février 2016 ses clients M2M de leur future obligation d'utiliser des numéros mobiles de longueur étendue ainsi que ses prospects M2M préalablement à la contractualisation ;
- acheminer, au plus tard le 1er juillet 2016, le trafic voix et SMS émis au départ de sa boucle locale à destination des numéros à 14 chiffres des autres opérateurs ;
- acheminer, au plus tard le 1er juillet 2016, les communications des clients d'autres opérateurs ayant une carte SIM affectée d'un numéro à 14 chiffres dans les zones où un accord d'itinérance nationale est applicable aux cartes SIM affectées de numéros mobiles à 10 chiffres.
Pour bénéficier d'une telle dérogation, les opérateurs devront formuler une demande à l'Autorité, au plus tard le 31 décembre 2015, accompagnée d'un calendrier détaillé du projet (description des principaux chantiers et des jalons importants) permettant d'attester qu'ils seront en mesure de tenir la nouvelle échéance. La demande devra également être accompagnée des documents attestant de l'allocation des moyens budgétaires nécessaires à sa réalisation (estimation des coûts du projet, engagements budgétaires, bons de commande, …). Le dossier devra, à cette fin, comporter une attestation du directeur financier de l'opérateur ou de toute personne pouvant engager financièrement l'entreprise sur de tels montants, afin que l'ARCEP puisse s'assurer de la capacité de cet opérateur à respecter les engagements susmentionnés.
Après réception d'un dossier de demande par l'ARCEP, celle-ci adressera un accusé de réception attestant de la complétude du dossier ou le cas échéant précisant les éléments complémentaires attendus.
Par ailleurs, l'ARCEP estime nécessaire de mettre en place un mécanisme de suivi du respect par les opérateurs du calendrier fixé dans la présente décision. A cette fin, ces derniers devront fournir à l'Autorité, au 1er juillet 2016 et au 1er janvier 2017, les justificatifs attestant de l'état de l'avancement des travaux et du respect des engagements budgétaires.
Enfin, dans un souci de non-discrimination, les opérateurs ayant effectué les développements nécessaires pour respecter l'échéance du 1er janvier 2016 pourront, dans les mêmes conditions que les autres opérateurs, bénéficier de cette dérogation.
Décide :