Articles

Article AUTONOME (Avis n° 2015-AC-4 du 25 novembre 2015 relatif au transfert de Nexter Systems au secteur privé)

Article AUTONOME (Avis n° 2015-AC-4 du 25 novembre 2015 relatif au transfert de Nexter Systems au secteur privé)


Après avoir entendu :
Le 26 février 2015 conjointement :


- le ministre chargé de l'économie représenté par MM. Jean-Séverin DECKERS, directeur de participations adjoint à l'Agence des participations de l'Etat, et Sébastien MASSART, assisté de son conseil, le cabinet Duff&Phelps représenté par MM. Marc MELOU, Managing Director, Amaury WERNERT et Laurent FISZER ;
- la direction générale de l'armement (DGA) représentée par MM. Reynold PREVOST de la BOUTETIERE, sous-directeur à la direction de la stratégie, et Damien LOUISE ;
- les sociétés GIAT Industries SA et Nexter Systems SA représentées par M. Philippe BURTIN, leur président-directeur général, et assistées de leur banque-conseil la Société générale représentée par M. Guillaume MARTIN, directeur adjoint M&A ;


Le 4 juin 2015 conjointement :


- le ministre chargé de l'économie représenté par MM. Aymeric DUCROCQ, directeur de participations « Industrie » à l'Agence des participations de l'Etat (APE), Jean-Séverin DECKERS et Sébastien MASSART, assisté de ses conseils ;
- le cabinet Duff&Phelps représenté par MM. Marc MELOU, Managing Director, Amaury WERNERT et Laurent FISZER ;
- et le cabinet Weil, Gotshal & Manges représenté par Me Emmanuelle HENRY, avocate à la cour ;
- la direction générale de l'armement (DGA) représentée par M. Reynold PREVOST de la BOUTETIERE, sous-directeur des affaires industrielles « Electronique, mécanique, naval » ;
- la société Nexter Systems SA représentée par MM. Nicolas MILLION, directeur financier, et Josserand BILLAUD, assistée de sa banque-conseil la Société générale représentée par M. Marc DUNOYER, directeur associé ;


Le 9 juillet 2015 conjointement :


- le ministre chargé de l'économie représenté par MM. Aymeric DUCROCQ, directeur de participations « Industrie » à l'Agence des participations de l'Etat, et Sébastien MASSART, assisté de son conseil juridique le cabinet Weil, Gotshal et Manges, représenté par Me Emmanuelle HENRY, avocate à la cour ;
- la direction générale de l'armement (DGA) représentée par M. Reynold PREVOST de la BOUTETIERE, sous-directeur des affaires industrielles « Electronique, mécanique, naval » ;
- le cabinet Paul Hastings (Europe) LLP, conseil juridique de GIAT Industries SA et de Nexter Systems SA, représenté par Me Alexis TERRAY, avocat à la cour ;


Le 18 novembre 2015 conjointement :


- le ministre chargé de l'économie représenté par MM. Aymeric DUCROCQ, directeur de participations « Industrie » à l'Agence des participations de l'Etat (APE), Jean-Séverin DECKERS et Sébastien MASSART, assisté de son conseil le cabinet Duff&Phelps représenté par M. Marc MELOU, Managing Director ;
- la direction générale de l'armement (DGA) représentée par M. Reynold PREVOST de la BOUTETIERE, sous-directeur des affaires industrielles « Electronique, mécanique, naval » ;
- la société Nexter Systems SA représentée par MM. Nicolas MILLION, directeur financier, et Olivier du RIEVA, assistée de sa banque-conseil la Société générale représentée par M. Guillaume MARTIN, directeur adjoint M&A,


Emet l'avis suivant :
I. - Par lettre en date du 17 novembre 2015, le ministre chargé de l'économie a saisi la Commission, en application de l'article 26-II de l'ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014, en vue de la mise en œuvre du rapprochement des entreprises Nexter Systems et KMW qui entraînera le transfert au secteur privé de Nexter Systems.
La société Nexter Systems SA est la filiale à 100 % (moins une action détenue par l'Etat) de la société Groupement industriel des armements terrestres (GIAT) constituée en application de la loi du 23 décembre 1989 et enregistrée au registre du commerce sous le nom GIAT Industries SA (ci-après dénommée GIAT). Le transfert au secteur privé de GIAT et de ses filiales a été autorisé par l'article 189 de la loi du 6 août 2015. Le transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Nexter Systems SA a été décidé par le décret du 16 novembre 2015.
L'opération présentée à la Commission étant réalisée en dehors des procédures des marchés financiers, celle-ci est saisie sur la base de l'article 26-II de l'ordonnance du 6 août 2015. La participation de GIAT dans Nexter Systems SA est assimilée à une participation détenue directement par l'Etat en application de l'article 22-V b de l'ordonnance.
La cession étant réalisée en dehors des procédures des marchés financiers, la Commission, en application de l'article 27-I et II de l'ordonnance :


- évalue la parité de l'opération ;
- émet un avis sur les modalités de la procédure, qui doit respecter les intérêts du secteur public ;
- émet un avis sur le choix du ou des acquéreurs et les conditions de la cession proposés par le ministre chargé de l'économie.


A l'issue de l'opération, GIAT détiendra 50 % du capital d'une société de droit néerlandais à laquelle auront été apportés par leurs actionnaires respectifs l'intégralité du capital de Nexter Systems SA (moins l'action détenue par l'Etat) et de celui de KMW. L'action détenue par l'Etat français dans le capital de Nexter Systems SA sera transformée par décret en une action spécifique, en application de l'article 31-1 de l'ordonnance du 20 août 2014, en vue de la protection des intérêts essentiels du pays en matière de défense.
L'opération doit par ailleurs recueillir l'autorisation des autorités compétentes dans plusieurs pays. La Commission a été informée que les dernières autorisations nécessaires sont attendues incessamment, ce qui permettra la réalisation (closing) de la transaction.
II. - Nexter Systems SA (ci-après dénommé « Nexter ») :
GIAT Industries SA a été créé en application de la loi du 23 décembre 1989 et l'Etat lui a apporté ses industries d'armement terrestre (actifs, passifs et personnels). Les années qui ont suivi ont été marquées, dans le nouveau contexte international, par une forte baisse des commandes militaires, notamment du produit principal du groupe qui était alors le char Leclerc. Un programme de reconfiguration industrielle et économique a dû être mis en œuvre conduisant à une réduction de plus de 80 % des effectifs et s'accompagnant d'une recapitalisation à hauteur au total de près de 4,5 milliards d'euros.
En novembre 2006, Nexter a été créé à partir des sociétés existantes dans le groupe GIAT en regroupant les activités par couples produits/marchés homogènes, Nexter conservant les fonctions communes (finances en particulier).
Le groupe est organisé en trois pôles :


- le « pôle systèmes » représente 66 % du chiffre d'affaires et 82 % du résultat net en 2014. Il assure la conception, l'intégration et le maintien en condition opérationnelle de systèmes de défense terrestre (chars lourds, véhicules et engins blindés, artillerie surtout mobile, tourelles pour chars, navires, avions et hélicoptères). Les produits les plus connus, existants ou en cours de développement, sont les chars Leclerc (qui ne sont plus vendus en première main), les véhicules VBCI, Aravis et Titus, les engins blindés multi-rôles Jaguar et Griffon, les canons auto-moteurs Caesar. Ce pôle s'oriente vers la robotique et la numérisation. Son but est l'optimisation des systèmes de combat ;
- le « pôle munitions » (Nexter Munitions SA) représente 26 % du chiffre d'affaires et 15 % du résultat net. Il développe et produit des munitions et des composants pyrotechniques dans les gammes gros calibre (artillerie, char) et moyen calibre, la production d'armes et munitions de petit calibre ayant été abandonnée ;
- le « pôle équipements » représente 8 % du chiffre d'affaires et 3 % du résultat net. Il propose une série d'équipements embarqués (principalement optique et détection).


En 2014, le chiffre d'affaires consolidé de 1,05 milliard d'euros a été réalisé pour 47 % en France et pour 53 % à l'exportation.
En France, Nexter exploite trois sites principaux : Versailles-Satory (pour les systèmes d'armes), Bourges (artillerie et munitions) et Roanne (blindés). A cela s'ajoutent deux sites munitionnaires à l'étranger acquis par croissance externe, en Belgique (société Mecar) et en Italie (société Simmel Difesa). Le groupe a en outre des implantations commerciales en Arabie saoudite, au Canada, aux Emirats arabes unis, en Espagne et en Inde. Au 31 décembre 2014, le groupe Nexter comptait 3 323 employés.
Le groupe consent un très important effort de recherche et développement pour créer une gamme de produits lui permettant d'être présent sur les marchés. La R&D a représenté 15 à 18 % du chiffre d'affaires ces deux dernières années, pour moitié par autofinancement. Nexter travaille notamment en partenariat étroit avec le CEA et des grandes écoles (Ecole des mines en particulier).
En 2014, Nexter a réalisé un chiffre d'affaires de 1,05 milliard d'euros (en hausse de 33 % par rapport à 2013), le chiffre d'affaires du pôle systèmes connaissant une croissance de 29 %, le pôle équipements étant stable et le pôle munitions enregistrant une forte progression due en partie à la croissance externe (qui représente environ 66 millions de chiffre d'affaires pro rata temporis). Le résultat opérationnel s'est élevé à 125 millions (+ 25 %) et le résultat net à 118 millions (+ 60 %) dans ce périmètre élargi.
Au 31 décembre 2014, les capitaux propres du groupe s'élèvent à 490 millions d'euros (en hausse de 17 % sur un an grâce au résultat de l'exercice). Le groupe reste en forte position d'excédent de trésorerie (plus de 560 millions d'euros) en raison du système des avances et acomptes reçus sur commandes et de l'absence d'endettement financier. L'excédent de trésorerie s'était toutefois réduit en 2014 avec les opérations de croissance externe précédemment mentionnées. A l'actif du bilan consolidé est comptabilisé un montant significatif d'impôts différés (68 millions).
III. - Krauss-Maffei Wegmann GmbH & Co KG (ci-après dénommé « KMW ») :
Le groupe KMW résulte de la fusion en 1999, à l'occasion de la réorganisation du groupe Mannesmann, des activités militaires de Krauss-Maffei AG avec Wegmann & Co. Contrôlé majoritairement par la famille Bode-Wegmann, KMW l'est intégralement depuis 2011 à la suite du retrait complet de Mannesmann.
KMW est un systémier intégrateur dont l'offre couvre quatre segments :


- les systèmes de combat : il s'agit principalement des chars de combat de la gamme Leopard (vendus dans le monde à plus de 8 000 exemplaires), de véhicules de combat d'infanterie (Puma), des systèmes anti-aériens Gepard, d'artillerie auto-propulsée, des tourelles terrestres et des moyens de franchissement (Leguan et HSTB) ;
- les véhicules militaires terrestres à roue : les produits les plus connus sont Boxer, Fennek et Dingo ;
- les systèmes notamment d'entraînement : simulateurs, réseaux de véhicules intelligents ;
- les services : gestion logistique de pièces détachées, opération de maintenance et d'assistance technique, formation.


Les deux principales implantations industrielles du groupe sont situées à Munich (qui assemble notamment les chars de combat Leopard) et à Cassel. Le groupe dispose de sites de production complémentaires tant en Allemagne que dans cinq autres pays (Brésil, Etats-Unis, Grèce, Pays-Bas, Royaume-Uni). Il a en outre des implantations commerciales dans trois autres pays (Qatar, Turquie, Singapour).
Le groupe KMW emploie environ 3 200 personnes. Il a indiqué publiquement avoir réalisé en 2014 un chiffre d'affaires consolidé d'environ 750 millions d'euros et atteint plus d'un milliard d'euros de prises de commandes.
Le groupe KMW n'est pas tenu légalement de publier ses comptes. Ceux-ci ont été mis à la disposition du conseil de l'Etat qui les a intégrés dans le rapport remis à la Commission pour la conduite de ses travaux.
IV. - Constatant que l'industrie de l'armement terrestre, jusqu'alors très fragmentée, doit faire face à un environnement difficile qui impose le développement à l'export, dans un marché très compétitif, Nexter a conduit une réflexion visant à participer à la consolidation nécessaire du secteur en Europe.
Cette réflexion l'a conduit à privilégier la recherche d'une alliance horizontale qui présente pour lui les meilleures perspectives tant dans le domaine commercial (élargissement des bases de clientèle domestique, accroissement de la dimension et de la visibilité sur le marché mondial, mise en commun des moyens commerciaux) que dans le domaine industriel (renforcement de l'assise financière pour financer la R&D, économies d'échelle, standardisation des matériels militaires). Nexter concourant à la défense nationale, le rapprochement ne pouvait se faire qu'en respectant certaines exigences, l'intégrité de l'entreprise et sur une base d'égalité.
Les travaux pour chercher un partenaire ont débuté en 2008 conduisant Nexter à approcher plus particulièrement huit groupes européens pendant les années 2008 à 2012. Une analyse de ces contacts a été présentée à la Commission. Nexter, avec l'aide d'un consultant en stratégie, a conclu fin 2013 que KMW représentait le meilleur choix stratégique en termes de complémentarité : KMW est un acteur de référence à l'échelle mondiale, son modèle économique est comme Nexter celui de systémier intégrateur et son positionnement tant en termes de produits que de marchés est complémentaire de celui de Nexter.
Les discussions de Nexter avec KMW se sont poursuivies avec le soutien de l'Etat conduisant à la signature le 1er juillet 2014 par les actionnaires des deux entreprises d'un accord préalable dénommé « Heads of Agreement For Project Kant ». Dans un communiqué commun du même jour, les ministres des finances et des comptes publics, de l'économie, du redressement productif et du numérique ainsi que de la défense se sont félicités de la conclusion de cet accord qui conduit à la constitution du leader européen de l'armement terrestre.
Les travaux, en particulier sur les modalités financières détaillées du rapprochement, ont été menés durant les derniers mois de l'année 2014 et le premier semestre 2015.
Les dirigeants de KMW et de Nexter ont été auditionnés le 14 janvier 2015 par la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale.
La Commission des participations et des transferts, qui ne pouvait être juridiquement saisie par le ministre chargé de l'économie avant l'autorisation législative nécessaire à l'opération, a cependant disposé d'une information approfondie sur l'ensemble du projet à partir de février 2015. Elle a ainsi conduit en particulier une analyse des conditions financières envisagées. Sur ces bases, la Commission a indiqué le 9 juillet 2015 qu'elle estimait ne pas devoir émettre d'objection à la poursuite de l'opération.
Les parties concernées ont signé le 29 juillet 2015 le texte des accords juridiques formalisant le rapprochement, la réalisation de l'opération (closing) étant soumise à l'obtention des autorisations nécessaires. Cette signature a été aussitôt rendue publique par un communiqué commun de Nexter et KMW.
Un communiqué conjoint des ministres français des finances et des comptes publics, de la défense ainsi que de l'économie, de l'industrie et du numérique souligne que cette alliance « donne naissance à un leader franco-allemand des technologies de l'armement terrestre et des munitions (…). Il sera contrôlé à stricte parité par les actionnaires français et allemands et reposera sur une gouvernance équilibrée dans une logique industrielle de long terme. L'Etat conservera ses prérogatives régaliennes par la mise en place d'une action spécifique au capital de Nexter Systems, lui permettant de préserver les intérêts stratégiques nationaux dans le domaine des systèmes d'armes et des munitions de moyen et gros calibre (…). Ce rapprochement franco-allemand répond à l'objectif de consolidation européenne défini à la fois dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale (2013) et dans le document stratégique relatif à l'industrie de défense récemment adopté par le gouvernement fédéral allemand. ».
V. - Les conditions de l'opération sont définies par les accords juridiques signés le 29 juillet 2015. Ceux-ci ont été présentés à la Commission des participations et des transferts et se composent de quatre documents :
a) Le « Joint Venture Agreement » signé entre GIAT Industries SA et Wegmann & Co GmbH fixe les conditions juridiques et financières du rapprochement.
Il est convenu de réaliser l'opération de la manière que l'on peut résumer comme suit :


- une société de droit néerlandais (ci-après « Honosthor ») ayant la forme d'une « naamloze vennootschap » (société à responsabilité limitée) au capital libéré comprenant 45 000 actions est établie et chacune des parties, pour un prix de 22 500 euros, y acquiert une part égale ;
- GIAT Industries SA apporte à Honosthor la totalité des actions de Nexter (hors l'action spécifique détenue par l'Etat) et Wegmann & Co GmbH apporte simultanément la totalité des actions de Wegmann KMW Holding GmbH (qui détient à l'instant précédant l'opération 100 % du capital de KMW) ;
- ces apports sont rémunérés par une augmentation de capital de Honosthor dont la moitié est attribuée à chacune des parties.


Les annexes à l'accord comprennent notamment :


- les engagements à prendre par les actionnaires des parties de maintenir pendant cinq ans une participation de contrôle ;
- une convention à souscrire entre l'Etat français et Honosthor (en présence de Nexter et de KMW) précisant les modalités de protection des actifs stratégiques ;
- le projet des statuts de Honosthor ainsi que des règlements intérieurs du conseil de surveillance et du directoire.


b) Le « Custody Agreement » signé entre GIAT Industries SA et Wegmann & Co GmbH fixe les conditions de conservation des « Due Diligence Information ».
c) Le « Shareholders Agreement » signé entre GIAT Industries SA et Wegmann & Co GmbH, et ses annexes, précise les modalités de gouvernance de Honosthor et les conditions dans lesquelles les parties pourront céder des actions de la société.
Gouvernance de Honosthor :
L'accord prévoit que les deux actionnaires de Honosthor disposeront de 50 % des voix à l'assemblée générale de la société. Chacun d'entre eux sera représenté par deux membres au conseil de surveillance qui comprendra de plus trois membres indépendants ; les décisions importantes seront soumises à une majorité qualifiée requérant l'accord des deux actionnaires.
Des mécanismes usuels de résolution des conflits sont prévus. Le directoire comprendra initialement les deux dirigeants de Nexter et KMW avec la possibilité de passer ultérieurement à un seul directeur général (CEO). En cas d'évolution ultérieure du capital, l'actionnaire devenu minoritaire conservera des droits significatifs notamment sur certaines décisions importantes.
Cession d'actions de Honosthor par les parties :
Après la période d'incessibilité de cinq ans, les transferts de titres seront soumis à un droit de préemption de la partie non initiatrice ou à la possibilité pour cette dernière de demander le lancement d'une introduction en bourse de Honosthor sous certaines conditions de valorisation et de liquidité. Des droits de sortie conjointe sont également établis.
d) Le « Contribution Agreement » signé entre Honosthor, GIAT Industries SA et Wegmann & Co GmbH, et ses annexes, précise les garanties accordées à Honosthor et leurs conditions d'exercice.
En dehors des garanties juridiques usuelles, GIAT Industries SA et Wegmann & Co GmbH accordent des garanties organisées en deux périodes :


- pendant une première période sont accordées des garanties générales ainsi que des garanties permettant de couvrir des risques spécifiques (notamment fiscaux) et des garanties relatives aux risques environnementaux, dans la limite d'un montant maximal ;
- pendant une seconde période est couvert un périmètre de risques spécifiques et environnementaux plus restreint dans la limite d'un montant maximal moindre.


Des seuils et des franchises sont également fixés.
Par ailleur,s il est prévu un dispositif de suivi par le ministère de la défense allemand en ce qui concerne les technologies clefs de l'industrie de défense.
VI. - La Commission a disposé d'un rapport d'évaluation établi par le cabinet Duff&Phelps, conseil de l'Etat.
Le conseil a évalué successivement Nexter et KMW suivant une méthodologie identique. Il a retenu comme approche préférentielle la méthode de l'actualisation des flux de trésorerie (DCF) compte tenu du caractère cyclique de l'activité des deux sociétés qui ne se situent pas au même point de leurs cycles respectifs. A titre indicatif, le conseil a également présenté une approche DCF alternative ainsi que des évaluations extrinsèques par les multiples de comparables boursiers et les multiples implicites de transactions récentes. Le conseil a écarté d'autres méthodes qu'il a considérées comme non pertinentes dans le cas d'espèce : actif net réévalué, actualisation des flux de dividendes.
L'actualisation des flux de trésorerie a été conduite sur la base de plans d'affaires de Nexter et de KMW couvrant les exercices 2015 à 2018 que les deux sociétés elles-mêmes ont établis sur des bases homogènes définies préalablement entre elles. Ces plans d'affaires ont été construits sur la base de l'écoulement du carnet de commandes à fin décembre 2014 (y compris, pour Nexter, les tranches conditionnelles des contrats existants) et ils n'incluent les prises de commandes de la période 2015-2018 que lorsque leur probabilité de gain est jugée suffisante. Compte tenu du caractère cyclique de l'activité des deux sociétés, celles-ci ont convenu de déterminer l'année normative pour le calcul de la valeur terminale en fonction d'une moyenne sur les exercices 2012 à 2018 et en appliquant un taux de croissance annuelle à l'infini de 1 %. Divers ajustements sont opérés (en particulier normalisation du besoin en fonds de roulement impacté par les versements d'acomptes des clients). Le conseil a examiné l'ensemble de ces hypothèses et considère qu'elles sont justifiées. Le conseil retient un taux d'actualisation des flux de 8,75 % représentatif du coût moyen pondéré du capital, cohérent avec les conditions de marché et les autres sociétés du secteur de profil comparable. Les valeurs d'entreprise de Nexter et de KMW sont ainsi déterminées.
Le conseil intègre ensuite dans les valeurs d'entreprise des deux sociétés les ajustements visant à prendre en compte des éléments identifiés lors des travaux de vérification préalable (due diligence) et qui sont de nature à dégrader l'homogénéité des plans d'affaires des deux sociétés.
Le conseil étudie la sensibilité des évaluations à des variations du taux d'actualisation, du taux de croissance à l'infini, du chiffre d'affaires et de la marge de résultat d'exploitation (EBIT) normatifs.
A titre indicatif, le conseil développe trois autres approches d'évaluation :


- une actualisation des flux intégrant une construction différente des flux de trésorerie au-delà de l'horizon des plans d'affaires en procédant notamment à une extension de ceux-ci aux exercices 2019-2023 sur la base de lissage linéaire des principaux agrégats entre leur niveau de 2018 et le niveau normatif ;
- la méthode des comparables boursiers : le conseil retient comme pertinent le multiple valeur d'entreprise sur résultat d'exploitation (EBIT), celui sur l'excédent brut d'exploitation (EBITDA) étant notamment affecté par les niveaux de sous-traitance différents des deux sociétés. Les multiples sont étudiés sur les exercices 2015 à 2017. Six sociétés cotées sont retenues comme comparables : Rheinmetall, General Dynamics, BAE Systems, Thales, Orbital ATK et Finmeccanica. Le conseil souligne toutefois que le degré de comparabilité de ces sociétés avec Nexter et KMW est limité du fait notamment de leur taille sensiblement supérieure (qui peut conduire à une surestimation), de leur mix d'activités différent et de l'importante cyclicité de l'activité de Nexter et KMW ;
- la méthode des transactions comparables : le conseil étudie six transactions intervenues depuis 2011 mais souligne que l'absence de données publiques fiables sur ces transactions ne permet pas d'aboutir à une conclusion.


Le passage de la valeur d'entreprise à la valeur des fonds propres est réalisé par la prise en compte des trésoreries nettes, des participations minoritaires, de divers ajustements et des versements de dividendes dont les parties ont convenu qu'il serait procédé par Nexter et KMW avant la conclusion de l'opération.
Ces évaluations permettent au conseil de présenter la parité de la transaction sous forme de fourchettes en fonction des différentes méthodes et de la sensibilité à la variation de divers paramètres (taux d'actualisation, taux de croissance à l'infini, chiffre d'affaires et marge de résultat d'exploitation normatifs).
Au total, le conseil conclut que les évaluations qu'il présente mettent en évidence une parité équilibrée entre les parties en termes de valeur des fonds propres.
Le conseil procède enfin à une identification des synergies, tant commerciales que fonctionnelles, que l'opération devrait permettre de dégager. Il procède à leur évaluation en appliquant un taux d'actualisation plus élevé que celui retenu pour l'actualisation des flux.
Le conseil a mis à jour en novembre 2015 ses travaux d'évaluation en intégrant les éléments nouveaux survenus depuis son rapport de juin 2015, en particulier les informations sur l'évolution des prises de commandes présentées au conseil d'administration de Nexter fin septembre 2015 et celles reçues par Nexter de KMW sur l'évolution des prises de commandes de ce dernier. L'impact de ces éléments est sensiblement identique sur la valeur des deux sociétés et n'est donc pas significatif sur la parité du rapprochement. Le conseil conclut en conséquence ne pas avoir eu connaissance d'éléments nouveaux qui seraient de nature à modifier les conclusions de son rapport du 4 juin 2015.
VII. - Conformément à la loi, la Commission a examiné les conditions financières de l'accord en recourant à une analyse multicritères qui prend en compte les conditions de marché à la date de l'opération, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir. Sur la base des méthodes usuelles, elle a conclu que Nexter et KMW, tels qu'apportés à la nouvelle société par leurs deux actionnaires respectifs, présentent une valeur sensiblement égale.
Il est utile d'observer que ce résultat se comprend, au-delà du détail des calculs d'évaluation, en intégrant différents éléments :
a) En ce qui concerne les flux à venir, les deux entreprises, comme il a déjà été relevé, ont des cycles économiques marqués et ne se situent pas au même stade du cycle, les perspectives des prochaines années de KMW étant plus favorables, au vu notamment du carnet de commandes, que celles de Nexter, contrairement aux années précédentes ;
b) En ce qui concerne la structure financière, trois éléments décidés par les parties ont participé à l'établissement de l'équilibre des valeurs :


- des dividendes sont préalablement distribués à leurs actionnaires par les deux sociétés au titre des résultats 2014, ceux de Nexter étant plus importants que ceux de KMW ;
- les importants déficits fiscaux reportables dont est titulaire Nexter, et les autres économies d'impôts potentielles des deux sociétés, seront reversés directement lors de leur concrétisation à leurs actionnaires respectifs par un mécanisme de distribution de dividendes différentiés ;
- certains risques sont l'objet de garanties octroyées par les actionnaires plutôt que par réduction des évaluations.


La Commission a examiné attentivement les garanties que s'accordent les parties. En dehors des garanties de caractère usuel et de celles couvrant des risques spécifiques, qui ont paru appropriées, la Commission a observé qu'un montant significatif des garanties concerne les risques environnementaux avec la difficulté supplémentaire d'une connaissance des risques et d'un état de la réglementation et de la jurisprudence différents entre les deux pays. La Commission a jugé équilibré le mécanisme retenu, notamment les cantonnements de garanties octroyées par l'actionnaire français.
Les synergies attendues, qui ne sont pas incluses dans le calcul d'évaluation, doivent aussi être prises en considération pour apprécier l'intérêt de l'opération pour les actionnaires. Des auditions auxquelles elle a procédé, la Commission a retenu que les synergies seraient de divers ordres, fonctionnelles (achats, économies d'échelle) et commerciales. Il a notamment été noté que les deux sociétés s'attendent à des économies sur les frais de prospection qui sont élevés. L'examen des offres commerciales des deux sociétés fait par ailleurs ressortir que les gammes de produits sont complémentaires et peu redondantes. La question des procédures d'autorisation des exportations par les autorités compétentes a été évoquée : il a été expliqué à la Commission que les exportations des deux sociétés Nexter et KMW continueront à relever des réglementations imposées par leurs autorités nationales respectives.
Conformément au principe retenu par les parties dès le début des travaux concernant le rapprochement de Nexter et de KMW, la gouvernance mise en place pour la nouvelle structure vise à assurer l'équilibre entre les actionnaires. Les mécanismes prévus à cette fin sont : participations égales aux organes de direction (deux CEO) et de surveillance, majorité qualifiée pour les décisions importantes, procédures de résolution des éventuels conflits. Le succès ne dépendra pas bien sûr uniquement de la pertinence de ces mécanismes.
Par ailleurs, les conditions de cession par un actionnaire de tout ou partie de sa participation, après la période d'indisponibilité de cinq ans, paraissent équilibrées et protéger les droits de l'autre actionnaire. La perspective d'une introduction en bourse du nouveau groupe est une option de sortie mentionnée dans les accords.
Au total, les conditions du rapprochement préservent les intérêts du secteur public ainsi que les intérêts nationaux, étant de plus rappelé qu'une action de Nexter détenue par l'Etat français sera transformée en une action spécifique lui donnant des droits sur les activités stratégiques de Nexter au regard de la défense nationale.
Comme il a été dit, le choix du partenaire dans le rapprochement a résulté d'une analyse approfondie et objective par Nexter, et son actionnaire l'Etat, des rapprochements envisageables en fonction des objectifs poursuivis.
Le rapprochement entre Nexter et KMW, sociétés complémentaires sur leurs marchés géographiques et leurs gammes de produits, permet de constituer un nouveau groupe européen d'armement terrestre de taille critique dans un environnement de forte concurrence sur les marchés à l'exportation appelant une plus grande compétitivité et une innovation fondée sur des efforts intenses de recherche et de développement. Il assure la pérennisation d'activités importantes pour la défense nationale des deux pays concernés.
VIII. - Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été présentés, la Commission est d'avis que :
a) La part que représente Nexter dans le nouvel ensemble peut être évaluée à 50 % de celui-ci ;
b) Les modalités de la procédure, ainsi que l'action spécifique, assurent le respect des intérêts du secteur public ;
c) Le choix du partenaire du rapprochement a été effectué selon des critères objectifs ;
d) Les conditions de l'opération, qui retiennent notamment l'attribution à GIAT, pour son apport de Nexter, de 50 % du nouvel ensemble, conforme à l'évaluation de la parité fixée au point a, respectent les intérêts patrimoniaux du secteur public.
La Commission émet en conséquence un avis favorable au projet d'arrêté dont le texte est annexé au présent avis et fixant la parité d'échange applicable au transfert au secteur privé de la majorité du capital de la société Nexter Systems SA.
Adopté dans la séance du 25 novembre 2015 où siégeaient M. Bertrand SCHNEITER, président, M. Pierre ACHARD, Mme Dominique DEMANGEL, M. Marc-André FEFFER, Mme Daniele LAJOUMARD, M. Philippe MARTIN et Mme Inès-Claire MERCEREAU, membres de la Commission.