CONVENTION D'EXTRADITION
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE BOLIVARIENNE DU VENEZUELA, SIGNÉE À CARACAS LE 24 NOVEMBRE 2012
Le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela, ci-après dénommés « les Parties »,
S'inspirant des principes du droit international et dans le but de resserrer les liens de coopération pénale, pour prévenir et lutter contre les infractions sous toutes leurs formes,
Sont convenus de ce qui suit :
Article Ier
Objet
Les Parties s'engagent à se remettre réciproquement, sur demande effectuée selon les règles et conditions déterminées par la présente Convention et conformément à leurs dispositions constitutionnelles, les personnes qui se trouvent sur leur territoire, réclamées par les autorités judiciaires pour purger une peine privative de liberté ou contre lesquelles une procédure pénale doit être instruite, en raison de la commission ou de la présomption d'une infraction. Dans les cas non prévus par la présente Convention, la loi interne des Parties s'applique.
Article II
Faits donnant lieu à extradition
1. Aux fins de la présente Convention, l'extradition peut être accordée pour les faits qui constituent des infractions selon les législations des deux Parties et qui sont punis d'une peine privative de liberté égale ou supérieure à deux (2) ans. Pour déterminer si le fait punissable constitue une infraction qui donne lieu à extradition, il ne sera pas tenu compte de la catégorie de l'infraction, ni de sa qualification.
2. Lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une condamnation, il faut en outre que la partie de la peine qui n'a pas été accomplie ne soit pas inférieure à six (6) mois.
3. Si la demande d'extradition vise plusieurs infractions pénales distinctes punies chacune par la législation des deux Parties d'une peine privative de liberté, mais dont certaines ne remplissent pas les conditions prévues par les paragraphes précédents, la Partie requise peut également accorder l'extradition pour ces dernières.
4. Lorsque l'extradition d'une personne est demandée à raison de la commission d'une infraction fiscale ou en relation avec les impôts, les droits de douane, le contrôle des changes, l'extradition ne peut pas être refusée au motif que la législation de la Partie requise n'impose pas le même type d'impôts, de taxes, de droits de douane ou de contrôle des changes, ou n'observe pas la même réglementation que celle qui est appliquée par la législation de la Partie requérante.
Article III
Refus de l'extradition
L'extradition n'est pas accordée :
1. Pour des infractions considérées par la Partie requise comme politiques ou connexes à des infractions politiques. Aux fins d'application de la présente Convention, l'homicide volontaire d'un Chef d'Etat ou de Gouvernement de l'une des Parties ou d'un membre de sa famille n'est pas considéré comme une infraction politique.
2. Lorsque la Partie requise a des motifs sérieux de considérer que la demande d'extradition est présentée afin de poursuivre ou de punir une personne pour des raisons de race, de sexe, de religion, de nationalité, d'opinions politiques ou qu'elle sera soumise à un traitement cruel, inhumain ou dégradant.
3. Lorsque, conformément à sa législation, il incombe aux tribunaux de la Partie requise de connaître de l'infraction qui a motivé la demande.
4. Lorsque l'extradition est demandée pour une infraction pour laquelle la personne a été définitivement jugée sur le territoire de la Partie requise ou dans un Etat tiers ou a bénéficié d'une amnistie ou d'une mesure de grâce dans la Partie requise.
5. Lorsque l'action publique ou la peine sont prescrites selon la législation de l'une quelconque des Parties.
6. Lorsque l'extradition se réfère à des infractions exclusivement militaires.
7. Lorsque la personne est réclamée pour être jugée ou pour purger une condamnation prononcée par un tribunal d'exception ad hoc ou qui a ce caractère dans la Partie requérante.
Article IV
Motif facultatif de refus
L'extradition peut être refusée lorsque l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée a été commise hors du territoire de la Partie requérante et que la législation de la Partie requise ne prévoit pas la poursuite de la même infraction commise hors de son territoire.
Article V
Nationalité
1. Les Parties ont la faculté de refuser l'extradition de leurs ressortissants. La condition de ressortissant est appréciée au moment de la commission des faits.
2. Si la Partie requise ne remet pas une personne à raison de sa seule nationalité, elle doit porter l'infraction à la connaissance de ses autorités judiciaires compétentes, pour qu'elle engage, le cas échéant, l'action publique correspondante conformément à sa législation. A cette fin, les documents, les procès-verbaux et les objets liés à l'infraction sont envoyés par la Partie requérante par la voie prévue à l'Article VII et la Partie requise doit l'informer de la décision prise.
Article VI
Des peines
1. L'extradition n'est pas accordée lorsque les faits qui la motivent sont sanctionnés par la peine capitale, des peines infamantes, à perpétuité ou supérieures à trente (30) ans.
2. La Partie requise peut accorder l'extradition lorsque la Partie requérante offre des garanties suffisantes de réexaminer les peines à perpétuité ou supérieure à trente (30) ans afin de ne pas les appliquer ou de ne pas les exécuter si elles ont été infligées.
Article VII
Transmission des demandes
La demande d'extradition est formulée par écrit et transmise par la voie diplomatique. La demande et les documents qui l'accompagnent sont dispensés de légalisation.
Article VIII
Langue
Les demandes d'extradition et les documents présentés sont rédigés dans la langue officielle de la Partie requérante et accompagnés d'une traduction dans la langue officielle de la Partie requise.
Article IX
Documents demandés
Les demandes d'extradition doivent inclure pour les personnes poursuivies comme pour les personnes condamnées :
a) L'original ou la copie conforme de la décision d'arrestation, du mandat d'arrêt ou du jugement devenu définitif, ou bien toute décision adoptée par l'autorité judiciaire compétente, ayant la même force pour la Partie requérante ;
b) Les renseignements concernant la personne poursuivie ou condamnée, sa filiation, ses caractéristiques physiques et tout autre moyen permettant, sans doute possible, son identification et sa localisation ;
c) Une liste détaillée du ou des faits qui motivent la demande d'extradition, et plus particulièrement le lieu, l'heure, la date et les circonstances de leur perpétration et la qualification juridique correspondante ;
d) La qualification de l'infraction mentionnée et les dispositions juridiques définissant et réprimant l'infraction ;
e) Les règles qui régissent le calcul de la prescription de l'action pénale, dans le cas des personnes poursuivies, ou de la peine, dans le cas des personnes condamnées, prévues par la législation de la Partie requérante, ainsi que les actes qui ont pu l'interrompre conformément à la législation de la Partie requérante.
Article X
Informations complémentaires
Si les informations, pièces ou documents à l'appui de la demande se révèlent insuffisants ou incomplets, la Partie requise en informe la Partie requérante, afin que celle-ci les complète ou remédie à cette situation, de telle sorte que la demande puisse être traitée.
La Partie requise peut fixer un délai pour l'obtention des informations complémentaires ou pour remédier aux irrégularités relevées.
Ce délai pourra être prorogé, pour la même durée en cas de nécessité.
La Partie requise peut demander les documents, informations et pièces qu'elle juge pertinents et nécessaires pour accorder l'extradition demandée.
La Partie requérante peut désigner une personne pour expliquer et soutenir sa demande dans cette procédure, sans y être partie.
Article XI
Règle de la spécialité
1. La personne remise conformément à la présente Convention ne peut être ni arrêtée, ni jugée, ni soumise à aucune autre restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de la Partie requérante pour des infractions commises antérieurement à la demande d'extradition et qui n'y sont pas incluses, à moins que :
a) La personne remise quitte le territoire de la Partie requérante après l'extradition et y retourne ensuite volontairement ;
b) Ayant la possibilité de le faire, la personne remise ne quitte pas le territoire de la Partie requérante dans les soixante (60) jours ;
c) L'Autorité compétente de la Partie requise, après demande de la Partie requérante, y donne son consentement.
Dans ce cas :
i) La Partie requise peut exiger de la Partie requérante la présentation des documents visés à l'Article IX ; et
ii) Pendant l'examen de la demande, la personne extradée peut être détenue par la Partie requérante pendant soixante (60) jours ou pour une plus longue période à condition que la Partie requise l'autorise.
2. Sans préjudice des dispositions de l'alinéa c) du paragraphe ci-dessus, la Partie requérante peut adopter les mesures nécessaires, selon sa législation, pour interrompre la prescription.
3. Lorsque la qualification du fait incriminé est modifiée au cours de la procédure, la personne qui fait l'objet de l'extradition ne peut être poursuivie ou jugée pour une nouvelle infraction pénale que si celle-ci vise les mêmes faits que ceux pour lesquels la demande d'extradition a été présentée à la Partie requise et qu'elle remplit les conditions prévues par la présente Convention.
Article XII
Réextradition à un Etat tiers
Sauf dans les cas prévus aux alinéas a) et b) de l'article ci-dessus, la réextradition vers un Etat tiers n'est accordée qu'après accord de la Partie qui a accepté l'extradition. Dans ce cas, la Partie requise peut alors exiger la production des documents visés à l'Article IX, ainsi qu'un acte contenant un exposé des motifs qui justifient la réextradition et un procès-verbal par lequel la personne réclamée déclare si elle accepte la réextradition ou si elle s'y oppose.
Article XIII
Arrestation provisoire aux fins d'extradition
1. En cas d'urgence, l'Autorité compétente de la Partie requérante peut demander l'arrestation provisoire aux fins d'extradition de la personne réclamée. Cette demande peut être transmise aux autorités compétentes de la Partie requise soit par la voie diplomatique, soit par l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen laissant une trace écrite, convenu entre les Parties.
2. La demande d'arrestation provisoire aux fins d'extradition contient une description de la personne réclamée, son adresse supposée, sa filiation, ses empreintes digitales si elles sont disponibles ainsi qu'une déclaration dans laquelle figure l'engagement de présenter une demande formelle d'extradition avec les documents qui la soutiennent, un mandat d'arrêt ou un jugement prononcé par l'Autorité compétente de la Partie requérante et la peine qui reste à purger, le cas échéant.
3. Après réception des pièces mentionnées au paragraphe 2, la Partie requise prend les mesures nécessaires pour assurer l'arrestation provisoire de la personne réclamée et informe dès que possible la Partie requérante du cours de la procédure.
4. Au terme d'un délai de soixante (60) jours, si la Partie requise n'a pas été saisie de la demande d'extradition conformément aux dispositions du paragraphe 2 du présent Article, il est mis fin à l'arrestation provisoire.
5. La mise en liberté de la personne qui fait l'objet de l'arrestation provisoire n'affecte pas le cours de la procédure d'extradition, conformément aux dispositions de la présente Convention. La personne réclamée peut être à nouveau arrêtée si la Partie requise reçoit la demande d'extradition accompagnée des documents visés à l'Article IX.
Article XIV
Concours de demandes
Si l'extradition d'une personne a été demandée par plusieurs Etats, la Partie requise statue en tenant compte des considérations suivantes :
a) L'Etat sur le territoire duquel l'infraction a été commise ;
b) La gravité de l'infraction, si les Etats requérants demandent l'extradition pour des infractions différentes ;
c) Les dates et heures auxquelles les demandes ont été reçues ; et
d) La possibilité d'une réextradition entre les Etats requérants.
Article XV
Décision
La Partie requise notifie à la Partie requérante, par la voie diplomatique, sa décision en ce qui concerne la demande d'extradition. Tout rejet doit être motivé.
Article XVI
Conditions pour la remise
Les Parties se mettent d'accord pour la remise de la personne réclamée, laquelle doit avoir lieu dans les soixante (60) jours qui suivent la date à laquelle la Partie requérante a reçu la notification de la décision d'extradition.
Si la personne réclamée n'a pas été transférée dans le délai prescrit, elle est remise en liberté et la Partie requise peut refuser ensuite l'extradition pour les mêmes faits, sauf si le transfert n'a pas été effectué pour des raisons de force majeure. Dans ce cas, un nouveau délai d'une durée inférieure au précédent est fixé par les Parties.
Article XVII
Remise différée
1. La Partie requise peut, après avoir statué sur la demande d'extradition, différer la remise de la personne réclamée afin qu'elle puisse être jugée ou, si elle a déjà été condamnée, pour qu'elle puisse purger sur son territoire une peine infligée pour un fait différent de celui pour lequel l'extradition a été accordée.
2. La remise peut également être différée lorsque, en raison de l'état de santé de la personne réclamée, le transfert peut mettre en péril sa vie ou aggraver son état. A cet effet, il est nécessaire que la Partie requise présente à la Partie requérante un rapport médical détaillé, délivré par une autorité compétente en la matière de la Partie requise.
3. Au lieu d'ajourner la remise, la Partie requise peut remettre temporairement à la Partie requérante, aux fins d'y être jugée, la personne condamnée dont l'extradition a été accordée à la Partie requérante, si la législation de la Partie requise le permet, dans des conditions à déterminer entre les Parties et, en tout cas, sous la condition expresse qu'elle sera maintenue en détention et renvoyée à la Partie requise.
Article XVIII
Saisie, demande et remise d'objets
1. Dans la mesure où la législation de la Partie requise le permet, les objets de la personne extradée sont saisis pour leur remise, après demande de la Partie requérante, à condition que cette mesure ne cause un préjudice à des tiers de bonne foi. Ces objets doivent présenter les caractéristiques suivantes :
a) Ils peuvent servir de moyens de preuve ;
b) Ils proviennent de l'infraction et ont été trouvés en possession de la personne qui fait l'objet de l'extradition ou ils ont été découverts postérieurement à l'extradition.
2. La remise des objets cités au paragraphe ci-dessus est effectuée, même si l'extradition déjà accordée ne peut pas être effectuée en raison du décès, de la disparition ou de la fuite de la personne réclamée.
3. La Partie requise peut retenir, temporairement ou remettre sous condition de restitution, les objets visés au paragraphe 1, lorsqu'ils peuvent être saisis sur le territoire de ladite Partie, dans le cadre d'une procédure pénale en cours.
4. Lorsqu'il existe des droits de la Partie requise ou de tiers sur des objets qui ont été remis à la Partie requérante aux fins d'une procédure pénale, conformément aux dispositions du présent Article, ces objets sont restitués à la Partie requise le plus rapidement possible et sans frais.
Article XIX
Information sur les résultats des poursuites pénales
A la demande de la Partie requise, la Partie requérante l'informe des résultats des poursuites pénales engagées contre la personne extradée et lui adresse une copie de la décision finale et définitive.
Article XX
Transit
1. Les Parties peuvent autoriser le transit, à travers leur territoire, d'une personne remise à l'autre Partie par un Etat tiers, à condition que des raisons d'ordre public ne s'y opposent pas et que les dispositions de la présente Convention soient respectées. A cette fin, la demande est transmise par la voie diplomatique, accompagnée de la copie de la décision, du jugement ou de la décision judiciaire qui a accordé l'extradition, ainsi que de la copie de la demande initiale d'extradition.
2. En cas d'urgence, la demande mentionnée au paragraphe ci-dessus peut être transmise par l'intermédiaire des Bureaux de l'Organisation internationale de la police criminelle (INTERPOL) ou tout autre moyen laissant une trace écrite accepté par les deux Parties.
3. La garde de la personne pendant son séjour sur leur territoire incombe aux autorités de l'Etat de transit. La Partie requérante rembourse à l'Etat de transit les frais occasionnés.
4. Lorsque des moyens de transport aérien sont utilisés et qu'aucun atterrissage n'est prévu, la Partie requérante avertit l'Etat dont le territoire doit être survolé et atteste l'existence des documents prévus à l'Article IX. En cas d'atterrissage fortuit, cette notification produit les effets de la demande d'arrestation provisoire prévue à l'Article XIII et l'autre Etat peut solliciter la présentation d'une demande de transit selon les dispositions du paragraphe 1.
Article XXI
Frais
1. La Partie requise prend en charge les frais occasionnés sur son territoire par l'arrestation de la personne dont l'extradition est demandée et par le maintien en détention de cette personne jusqu'au moment de sa remise.
2. Les frais occasionnés par le transport et le transit de la personne réclamée depuis le territoire de la Partie requise sont assumés par la Partie requérante.
Article XXII
Règlement des différends
Tout différend ou controverse qui pourrait survenir entre les Parties en ce qui concerne l'interprétation, la mise en œuvre ou l'application de l'une quelconque des dispositions de la présente Convention devra être résolu à l'amiable au moyen de consultations réciproques et/ou de négociations entre les Parties, par la voie diplomatique.
Article XXIII
Amendements
La présente Convention peut être amendée d'un commun accord entre les Parties. Les amendements entreront en vigueur conformément à la procédure établie pour l'entrée en vigueur de la présente Convention.
Article XXIV
Entrée en vigueur
1. Chacune des deux Parties notifiera à l'autre Partie l'accomplissement des procédures requises par son droit interne pour l'entrée en vigueur de la présente Convention. La présente Convention entrera en vigueur trente (30) jours après la date de la réception de la dernière notification par la voie diplomatique et par écrit.
2. Chacune des Parties peut dénoncer la présente Convention à tout moment par une notification écrite adressée à l'autre Partie par la voie diplomatique. Dans ce cas, la dénonciation prendra effet le premier jour du troisième mois suivant la date de la réception de cette notification. Néanmoins, les demandes d'extradition qui auront été reçues avant la date d'effet de la dénonciation de la Convention seront traitées conformément aux termes de celle-ci à moins que les deux Parties n'en décident autrement.
3. La Convention aura une durée de cinq (5) ans, prorogeable pour des périodes égales, à moins que l'une des Parties ne notifie à l'autre, par écrit et par la voie diplomatique, son intention de ne pas le proroger, au moins six (6) mois avant la date de son expiration.
EN FOI DE QUOI, les soussignés, dûment autorisés par leur Gouvernement respectif, ont signé la présente Convention.
Fait à Caracas, le 24 novembre 2012, en double exemplaire, en langues française et espagnole, les deux textes faisant également foi.
Benoît Hamon,
Ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation
Temir Porras,
Vice-ministre des relations extérieures pour l'Europe