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Article AUTONOME (Décision du 13 mai 2015 portant autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique)

Article AUTONOME (Décision du 13 mai 2015 portant autorisation de protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines en application des dispositions de l'article L. 2151-5 du code de la santé publique)


Considérant qu'une première autorisation a été accordée en 2005 pour une durée de cinq ans et a fait l'objet d'un renouvellement en 2010 pour cinq années supplémentaires ; que la demande s'inscrit dans la continuité du protocole précédent ; que le projet de l'équipe d'Olivier Bernard consiste, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, à modéliser des maladies hématologiques afin d'en comprendre les mécanismes moléculaires ; que les maladies explorées sont des maladies malignes, en particulier des syndromes myéloprolifératifs, des leucémies (souvent du jeune enfant) et touchant la différenciation mégacaryocytaire ; que l'analyse de ces pathologies est indissociable de celle des processus normaux de différenciation, les résultats obtenus chez les malades pouvant aider à comprendre le développement de ces leucémies et inversement ; que cet élément est essentiel du succès des chercheurs de cette unité, dont beaucoup sont médecins et ont des responsabilités cliniques ;
Considérant que plusieurs approches, complémentaires et cohérentes, sont envisagées :
- mettre au point les conditions de différenciation normale des cellules souches embryonnaires humaines (CSEH) en précurseurs érythroïdes (globules rouges) et surtout en précurseurs mégacaryocytaires (MK, à l'origine des plaquettes) ; que l'hématopoïèse chez l'homme est un processus très complexe qui se met en place chez l'embryon en plusieurs vagues et dans différents organes ; qu'il est maintenant acquis que l'hématopoïèse embryonnaire et l'hématopoïèse fœtale sont très différentes de l'hématopoïèse adulte, et ce en particulier pour la production de globules rouges et de plaquettes ; que l'équipe a procédé à une analyse très précise de ces différences pour les mégacaryocytes et qu'un des objectifs à terme, pourrait être la production de plaquettes dans un objectif transfusionnel, ce qui se révèle particulièrement complexe dans la mesure où le processus de production d'un MK en plaquettes est extrêmement subtil ; que les experts scientifiques soulignent que l'équipe est probablement la seule à pouvoir mener ce projet ;
- qu'outre la différenciation mégacaryocytaire, l'équipe explorera deux autres questions : l'obtention, à partir de CSEh, de cellules souches hématopoïétiques capables de reconstituer toutes les lignées hématopoïétiques d'une part, et l'obtention de progéniteurs érythroïdes de type adulte, synthétisant de l'hémoglobine adulte (et non pas embryonnaire) d'autre part ; que cette modélisation de l'hématopoïèse est particulièrement délicate, et les CSEh sont un outil cellulaire privilégié pour l'analyser ; que le dossier décrit de façon précise et très documentée les détails des conditions mises au point pour mimer ces différentes étapes à partir de ces cellules, et que les publications récentes de l'unité attestent de leur maîtrise ;
Considérant que trois types de pathologies (toutes leucémiques et donc malignes) sont étudiés dans ce projet :
- des syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie, thrombocythémie, myélofibrose), maladies chroniques rencontrées chez l'adulte aux tableaux cliniques très divers et souvent liées à des mutations acquises, non constitutionnelles, de plusieurs gènes dont deux au moins ont été découverts grâce aux travaux du laboratoire : le gène TET2 (de prédisposition, précédant la leucémie) et le gène JAK2 ;
- des leucémies résultant d'anomalies génétiques constitutionnelles, de transmission germinale autosomique dominante, en particulier les FDP-AML (thrombopénies familiales avec prédisposition aux leucémies) ; que ces mutations touchent le gène AML1/Runx1, crucial pour l'émergence de l'hématopoïèse chez l'embryon et qu'il est donc important dans ces cas d'utiliser initialement des CSEh pour faire la modélisation, ce d'autant que la différenciation mégacaryocytaire n'est pas gouvernée par les mêmes mécanismes dans l'embryon, le fœtus et l'adulte ; que ces données sont comparées à celles qui sont obtenues avec des iPS dérivées des patients, et c'est cette comparaison qui affirmera le mécanisme en cause ;
- des leucémies mégacaryocytaires, particulières par leur développement très précoce chez l'enfant ce qui suggère un début in utero dans un contexte cellulaire fœtal ;
Considérant que l'objectif est de modéliser ces maladies, c'est-à-dire de reproduire in vitro les étapes successives conduisant aux anomalies hématologiques telles qu'elles s'expriment cliniquement ; que cette modélisation sera étudiée en comparant des CSEh dans lesquelles seront créées artificiellement les différentes mutations, et des cellules provenant des patients, donc porteuses des mutations ; que beaucoup des maladies étudiées par l'équipe sont à début précoce (enfance, nouveau-né) et l'élément déclenchant se produit vraisemblablement in utero, donc dans un contexte cellulaire fœtal ; que la différenciation hématopoïétique embryonnaire/fœtale est très différente de la différenciation adulte, et dans ce cadre les CSEh sont préférables ; que dans toutes ces modélisations cependant, on ne dispose pas de CSEh issues de DPI (en l'absence d'indication au DPI) et il faut donc créer de novo l'effet de la mutation pathologique en surexprimant, ou au contraire en éteignant, l'expression des gènes en cause (ce qui est maintenant possible techniquement avec une grande précision) ;
Qu'il s'agit en conséquence d'un protocole de recherche s'inscrivant dans une finalité médicale ;
Considérant qu'en l'état des connaissances scientifiques, elle ne peut être menée sans recourir à des cellules souches embryonnaires humaines ; que le résultat escompté ne peut être obtenu par d'autres moyens, notamment par le recours exclusif à d'autres cellules souches ; que l'ensemble de ces projets concernent des maladies très graves, souvent chez des enfants, et visent à terme, une fois les mécanismes décryptés, à proposer des stratégies thérapeutiques ; qu'il est donc essentiel de choisir d'emblée des outils performants et validés, afin de réaliser les études avec la plus grande rigueur scientifique pour offrir des résultats incontestables dans un temps raisonnable ; que pour chacune des maladies, une réflexion approfondie et documentée de l'équipe justifie le choix d'utiliser des CSEh ou des cellules souches pluripotentes induites (iPS), associé ou non à d'autres modèles (modélisation chez la souris ou culture de cellules primaires issues des patients) ; que c'est la combinaison systématique de ces approches et la validation des résultats dans des systèmes complémentaires qui permettra in fine l'émergence d'une compréhension des mécanismes à l'œuvre, et donc, la possibilité de proposer des stratégies thérapeutiques efficaces ;
Considérant que le caractère unique et la complexité du développement de l'hématopoïèse au cours de l'embryologie, qui impliquent des réseaux moléculaires complexes se succédant dans le temps, seront décryptés au mieux par des cellules souches embryonnaires humaines, puisque ces cellules sont destinées à assumer cette complexité in vivo ; qu'aucun élément ne permet d'affirmer, en l'état actuel des connaissances, que la différenciation hématopoïétique analysée à partir des iPS récapitule fidèlement ces séquences du développement embryonnaire de l'hématopoïèse ;
Considérant que l'étude des leucémies et des syndromes myéloprolifératifs requiert plusieurs impératifs pour lesquels l'utilisation complémentaire de CSEh et d'iPS est indispensable ; qu'une leucémie nécessite l'installation successive de plusieurs anomalies génétiques, d'abord celles dites de prédisposition, puis celles qui vont déclencher la leucémie, dites causales ; que décrypter le rôle respectif de ces mutations impose de les créer individuellement et d'en analyser les conséquences individuelles, puis de les associer ; que cette approche ne peut que très difficilement être fait avec les iPS du patient, car la plupart des cellules leucémiques comportent d'emblée la somme de ces anomalies et que seule l'analyse des CSEh portant chaque mutation, puis leur association, fera avancer la compréhension du processus leucémique ;
Considérant que les lignées dans lesquelles sont créées une mutation ne doivent pas être atteintes par d'autres anomalies génétiques ou épigénétiques susceptibles d'interférer avec le comportement que l'on étudie ; que la reprogrammation de cellules en iPS induit inévitablement des altérations génétiques et épigénétiques qui s'ajouteront à celles inhérentes à la maladie et introduiront des biais importants dans le comportement des cellules lors de la différenciation ; que l'équipe a mis en évidence une interférence entre certaines des mutations prédisposant aux leucémies et le processus de reprogrammation lui-même ; qu'en particulier certaines de ces prédispositions empêchent la reprogrammation en iPS, ou induisent une instabilité génétique source de multiples anomalies rendant ces lignées iPS inexploitables ;
Considérant que plusieurs des leucémies étudiées surviennent en outre chez l'enfant, et les altérations génétiques sont constitutionnelles (germinales) et donc présentes dans toutes les cellules de l'organisme ; qu'il n'est donc pas possible de dériver des cellules iPS non mutées à partir de ces patients ; que la référence à des cellules souches embryonnaires humaines dont la différenciation hématopoïétique est validée et standardisée dans le laboratoire et dans des études internationales est donc essentielle ; que les lignées H1 et H9, étudiées depuis 1998 dans le monde entier sont des lignées de référence, et que la différenciation hématopoïétique de ces lignées a été largement validée et publiée ; qu'il n'existe à l'heure actuelle, aucune lignée iPS de référence dans ce contexte ; que dans les leucémies du jeune enfant, il est enfin probable que le remaniement génétique causal survient in utero, donc pendant la phase embryonnaire du développement hématopoïétique et que comprendre les conséquences de ces évènements se fera mieux avec des CSEh, pour lesquelles on dispose de modèles de la complexité du développement hématopoïétique embryonnaire ;
Considérant en conséquence que le demandeur apporte les éléments suffisants concernant la pertinence scientifique du projet de recherche d'une part, et ses conditions de mise en œuvre au regard des principes éthiques d'autre part ; qu'il justifie en particulier que le projet sera mené dans le respect des principes éthiques relatifs à la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines et que ces cellules ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus aux articles 16 à 16-8 du code civil, et avec le consentement préalable du couple géniteur, et sans qu'aucun paiement, quelle qu'en soit la forme, ne leur ait été alloué ; que les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques fournis à l'appui de la demande permettent de s'assurer des compétences du responsable de la recherche et des membres de l'équipe en la matière ;
Considérant que l'unité INSERM 1170 créée en janvier 2015 résulte de la fusion de deux unités : l'unité 1009 (anciennement 362 puis 790, dirigées par les précédents responsables du protocole de recherche faisant l'objet de la demande de renouvellement, William Vainchenker et Eric Solary, aujourd'hui directeur scientifique général de l'Institut Gustave Roussy) et l'unité 985 dirigée par Olivier Bernard ; que ces trois chercheurs travaillent en étroite collaboration depuis plusieurs années au développement de ces recherches et assurent la continuité d'une thématique vouée à l'étude de l'hématopoïèse normale et pathologique, et dont l'objectif poursuit une même finalité médicale (comprendre et traiter les pathologies leucémiques) ; que l''étude de ces pathologies constitue depuis plus de vingt ans les domaines de recherche de William Vainchenker, Eric Solary et Olivier Bernard, auxquels ils ont fait des contributions majeures reconnues internationalement ; que l'unité INSERM, dont l'excellence dans le domaine de l'hématologie n‘est plus à démontrer, est une très grosse unité (quatre équipes regroupant plus d'une centaine de personnes) ; qu'elle a fait des découvertes majeures dans le domaine et peut être considérée comme leader international de la question ; que la cohérence thématique du programme, dont les divers aspects s'intriquent étroitement, permet d'impliquer toutes les équipes ;
Considérant que les locaux, matériels, équipements, procédés et techniques sont adaptés à l'activité de recherche envisagée ; que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l'environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires,
Décide :