Après en avoir délibéré le 5 mai 2015,
Formule l'avis suivant :
Par lettre en date du 1er avril 2015, la secrétaire d'Etat chargée du numérique a saisi l'Autorité, sur le fondement de l'article L. 36-5 du CPCE, d'une demande d'avis relative à un projet de décret, qui fait suite aux modifications législatives apportées au CPCE par l'ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 relative à l'économie numérique. Le projet de texte vise, d'une part, à clarifier les modalités de déploiement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans les immeubles collectifs et ensembles d'habitations individuelles existants et, d'autre part, à sécuriser les missions des offices d'enregistrement des domaines internet de premier niveau.
I. - Sur les dispositions pris en application de l'article L. 33-6 du CPCE
A. Contexte de la saisine
A la suite notamment des travaux menés par l'ARCEP (1), l'ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 relative à l'économie numérique est venue modifier les dispositions de l'article L. 33-6 du CPCE, afin de lever les principales difficultés d'interprétation suscitées par cet article. Le projet de décret soumis à l'avis de l'Autorité vient donc mettre en cohérence et compléter les dispositions actuelles des articles R. 9-2 à R. 9-4 du CPCE relatives aux lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dans un immeuble avec les dispositions de l'article L. 33-6 du CPCE.
Tout d'abord, les nouvelles dispositions de l'article L. 33-6 du CPCE ont introduit une extension significative du champ d'application des règles prévues à cet article aux ensembles d'habitations individuelles (désignés dans le langage courant sous le terme de « lotissements »), afin de prendre en compte ce type d'habitat. Sont désormais visés par l'article L. 33-6 du CPCE tant les ensembles soumis à l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires que ceux soumis à la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis. Les nouvelles dispositions sont par ailleurs venues confirmer le fait que l'article L. 33-6 du CPCE est applicable tant aux parties bâties qu'aux parties non bâties des propriétés et que l'article L.33-6 du CPCE n'est en revanche pas applicable dans le cas des immeubles individuels.
Ensuite, les nouvelles dispositions de l'article L. 33-6 du CPCE issues de l'ordonnance n° 2014-329 du 12 mars 2014 restreignent le principe selon lequel l'installation de la fibre se fait aux frais de l'opérateur d'immeuble signataire de la convention prévues par cet article.
D'une part, les travaux qui sont obligatoirement à la charge de l'opérateur d'immeuble sont désormais circonscrits aux seules opérations réalisées dans les parties affectées à l'usage commun. Ainsi, s'agissant des travaux réalisés dans les parties privatives d'un logement ou local à usage professionnel pour permettre le raccordement de celui-ci au réseau déployé dans l'immeuble, et qui bénéficient par conséquent au seul occupant du logement ou local à usage professionnel concerné, il est désormais possible pour l'opérateur, sans que cela soit obligatoire, de mettre à la charge de cet occupant tout ou partie du coût de ces travaux.
D'autre part, et s'agissant des refus éventuels de la part d'un propriétaire, l'article L. 33-6 du CPCE prévoit que le principe selon lequel l'installation de la fibre se fait aux frais de l'opérateur signataire ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où deux propositions consécutives de fibrage d'un même opérateur ont été refusées par le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale de propriétaires « dans les deux ans qui précèdent ».
Enfin, l'article L. 33-6 du CPCE modifié a permis de clarifier la question de la réalisation et du financement de nouvelles infrastructures d'accueil des lignes FttH lorsque l'immeuble ne comprend pas d'infrastructures adaptées ou que celles-ci sont déjà totalement occupées. De tels travaux reviennent désormais au propriétaire, au syndicat de copropriétaires ou à l'association syndicale de propriétaires, qui les mettent ensuite à la disposition de l'opérateur signataire de la convention avant le début des travaux réalisés par cet opérateur. En pratique, il est possible que l'opérateur prenne en charge l'ensemble ou certains coûts relatifs à ces opérations ainsi que tout ou partie de leur réalisation. L'opérateur d'immeuble signataire de la convention doit ensuite réaliser les opérations d'installation de la fibre optique, à compter de la mise à disposition effective des infrastructures d'accueil par le propriétaire, dans un délai de six mois.
Le projet de décret s'inscrit donc dans le prolongement de l'ordonnance susvisée qui impose une mise à jour de la partie réglementaire du CPCE, afin de prendre en compte les évolutions des dispositions l'article L. 33-6 du CPCE qui viennent d'être présentées.
B. Les évolutions apportées par le projet de décret
1. Mise en cohérence de la partie réglementaire avec les habitations visées à l'article L. 33-6 du CPCE
Les modifications apportées aux articles R. 9-2 à R. 9-4 du CPCE visent à mettre en cohérence les dispositions de ces articles avec l'article L. 33-6 du CPCE dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-329, qui s'appliquent désormais également aux ensembles d'habitations individuelles.
2. Dispositions relatives au refus du propriétaire de deux offres consécutives
Le projet de décret soumis à l'Autorité détermine les modalités d'application des dispositions de l'article L. 33-6 du CPCE qui prévoient que l'opérateur d'immeuble ne prend pas en charge la réalisation des opérations d'installation, de gestion, d'entretien et de remplacement des lignes de communications électroniques à très haut débit en fibre optique dès lors que « le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale de propriétaires a refusé deux offres consécutives de cet opérateur dans les deux ans qui précèdent », en modifiant les dispositions de l'article R. 9-2 du CPCE.
Comme l'Autorité l'avait relevé dans son avis à propos du projet d'ordonnance (2), « [il] est probable qu'en pratique, cette disposition ne trouvera que très rarement à s'appliquer, d'autant que, même si une copropriété refuse deux fois le fibrage avec gratuité, l'opérateur aura généralement intérêt à continuer à proposer un déploiement à ses frais pour essayer d'obtenir une décision favorable de la copropriété. Néanmoins, cette disposition peut renforcer l'incitation des propriétaires à accepter rapidement le fibrage de leur immeuble et ainsi favoriser dans certaines situations l'accélération du déploiement des réseaux FttH ».
Le projet de décret précise les modalités de computation des délais. Il fixe notamment le point de départ du délai de deux ans prévu à l'article L. 33-6 du CPCE comme étant la date de notification de la décision de refus (par lettre recommandée avec avis de réception ou tout autre moyen attestant de la date de réception du refus) du propriétaire, du syndicat de copropriétaires ou de l'association syndicale de propriétaires d'un immeuble ou d'un lotissement. Il est également prévu, en ce qui concerne les situations dans lesquelles l'offre de l'opérateur serait laissée sans réponse, que le silence gardé par le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale de propriétaires auquel un opérateur a fait une offre fait courir le délai de deux ans prévu à l'article L. 33-6 du CPCE. Ce délai court au terme d'un délai de deux mois à compter de la réception de l'offre ou, lorsque la décision d'accepter ou de refuser cette offre d'installation doit être prise par l'assemblée générale des copropriétaires ou de l'association syndicale de propriétaires, à compter de la date de la tenue de la première assemblée générale suivant la remise de l'offre de l'opérateur, sous réserve du respect des délais nécessaires à son inscription à l'ordre du jour.
3. Dispositions relatives aux infrastructures d'accueil
Ainsi que cela a été rappelé, l'article L. 33-6 du CPCE prévoit désormais que lorsque les infrastructures (gaines, goulottes) présentes dans l'immeuble sont insuffisantes pour accueillir les lignes en fibre optique, il revient en principe aux propriétaires, au syndicat de copropriétaires ou à l'association syndicale de propriétaires de les mettre à disposition de l'opérateur - qui reste toutefois libre de proposer aux propriétaires de prendre ces travaux à sa charge.
Le projet de décret vient préciser les modalités relatives à la mise à disposition de ces infrastructures d'accueil.
En particulier, trois constats contradictoires sont désormais prévus entre l'opérateur et le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale de propriétaires : le premier, introduit par le projet de décret, porte sur l'état technique des parties communes et concerne les infrastructures d'accueil (3), tandis que les deux autres, déjà prévus par les dispositions en vigueur, doivent intervenir au début et à la fin des travaux (4) qui doivent être entrepris par l'opérateur pour l'installation de la fibre.
Le constat contradictoire entre l'opérateur et le propriétaire, le syndicat de copropriétaires ou l'association syndicale relatif à l'état technique des parties communes de l'immeuble ou des voies, équipements ou espaces communs du lotissement prévu par l'article R. 9-2 du CPCE permet de déterminer si les infrastructures d'accueil disponibles sont suffisantes pour l'installation des lignes.
Le projet de décret prévoit que le constat contradictoire relatif à l'état des parties communes peut être établi préalablement à la conclusion de la convention ou dans un délai de deux mois à compter de celle-ci. La possibilité de réaliser le constat contradictoire postérieurement à la conclusion de la convention permet de ne pas retarder la conclusion de la convention dans les cas où les infrastructures d'accueil présentes sont insuffisantes. Elle permet également à l'opérateur et au propriétaire de réaliser ce constat en même temps que celui devant être réalisé avant le début des travaux conformément au 4° de l'article R. 9-4, ce qui peut représenter pour les parties un gain de temps et d'efficacité. Ce dernier point pourrait d'ailleurs être prévu de manière explicite par le décret pour plus de clarté.
Si la souplesse apportée par cette rédaction apparaît donc bienvenue, il serait toutefois utile de prévoir que l'opérateur, lorsqu'il formule une offre d'installation, d'entretien et de remplacement des lignes (5), est tenu de rappeler au propriétaire, au syndicat de copropriétaires ou à l'association syndicale que des travaux de réalisation ou de modernisation des infrastructures d'accueil pourraient leur incomber le cas échéant.
4. Dispositions relatives aux informations devant être transmises par l'opérateur signataire de la convention aux autres opérateurs
Le projet de décret adapte également la liste des informations partagées avec les autres opérateurs prévue à l'article R. 9-2 du CPCE, en ajoutant « les coordonnées géographiques » de l'immeuble ou du lotissement concerné et « l'identifiant du point au niveau duquel est fourni l'accès aux lignes prévu en application de l'article L. 34-8-3 ».
L'Autorité accueille favorablement l'ajout de ces éléments. En effet, les coordonnées géographiques sont nécessaires, notamment dans le cas de déploiements de réseaux en dehors des zones les plus denses où il n'existe pas toujours d'adresse permettant de localiser un immeuble. L'ajout de « l'identifiant du point au niveau duquel est fourni l'accès aux lignes » permet une mise en cohérence des informations prévues à l'article R. 9-3 du CPCE avec celles prévues par les décisions de l'Autorité prises en application de l'article L. 34-8-3 du CPCE, notamment avec la décision n° 2009-1106. De plus, l'identifiant du point au niveau duquel est fourni l'accès aux lignes en application de l'article L. 34-8-3 du CPCE, c'est-à-dire le point de mutualisation au sens des décisions de l'Autorité, est un élément essentiel à la lecture des dispositions de l'article L. 34-8-3 du CPCE qui prévoit que « L'accès est fourni dans des conditions transparentes et non discriminatoires en un point […] ».
Au vu de ce qui précède, l'Autorité accueille favorablement les évolutions et précisions apportées par le projet de décret au droit existant en matière de déploiement de la fibre optique dans les immeubles, contribuant à rendre le cadre réglementaire plus clair et cohérent.
II. - Sur les dispositions relatives à la gestion des noms de domaines prises en application de l'article L. 45-7 du CPCE
Dans le prolongement de l'ordonnance n° 2014-329 qui a réintroduit les articles L. 45 à L. 45-8 du CPCE après les avoir notifiés à la Commission européenne conformément à la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, le projet de décret propose de réintroduire les dispositions des articles R. 20-44-38 à R. 20-44-47 du CPCE relatives à la gestion des domaines de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'internet, pris en application de l'article L. 45-7 du CPCE et qui ont également fait l'objet d'une notification à la Commission européenne conformément à la directive 98/34/CE.
Le présent avis sera transmis à la secrétaire d'Etat chargée du numérique et sera publié au Journal officiel de la République française.