TRAITÉ D'EXTRADITION
ENTRE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, SIGNÉ À PARIS LE 20 MARS 2007 (ENSEMBLE UN ÉCHANGE DE LETTRES INTERPRÉTATIVES SIGNÉES À PÉKIN LE 27 JUILLET 2010 ET LE 5 AOÛT 2010)
La République française et la République populaire de Chine, dénommées ci-après les Parties,
Désireuses de promouvoir, sur la base du respect mutuel de la souveraineté, de l'égalité et des avantages réciproques, une coopération efficace entre les deux États dans la lutte contre la criminalité,
Souhaitant à cette fin régler d'un commun accord leurs relations en matière d'extradition, dans le respect de leurs principes constitutionnels respectifs,
sont convenues des dispositions suivantes :
Article 1er
Obligation d'extrader
Les Parties s'engagent à se livrer réciproquement, sur demande de l'une d'entre elles et conformément aux dispositions du présent Traité, toute personne qui, se trouvant sur le territoire d'une Partie, est recherchée par l'autre Partie aux fins de poursuites pénales ou d'exécution d'une peine pour une infraction donnant lieu à extradition.
Article 2
Infractions donnant lieu à extradition
1. Donnent lieu à extradition les infractions pénales punies, selon les lois des deux Parties, d'une peine privative de liberté d'au moins un an ou d'une peine plus sévère. Pour déterminer si un fait constitue une infraction dans la législation de chacune des Parties, il n'est pas tenu compte de ce que les législations des Parties classent ou non ce fait dans la même catégorie d'infractions et le décrivent ou non en des termes identiques.
2. En outre, si l'extradition est demandée aux fins d'exécution d'une peine prononcée par un tribunal de la Partie requérante, la durée de la peine restant à exécuter doit être d'au moins six mois au moment de la demande d'extradition.
3. Si la demande d'extradition vise plusieurs infractions pénales distinctes punies chacune par la législation des deux Parties dont l'une au moins remplit les conditions prévues par le paragraphe 1, la Partie requise peut également accorder l'extradition pour les autres infractions.
4. Lorsque l'extradition est demandée pour une infraction à la législation en matière de fiscalité, de droits de douane ou de contrôle des changes, ou d'autres questions fiscales, l'extradition ne peut être refusée au motif que la législation de la Partie requise n'impose pas le même type de taxes, de droits ou de droits de douane, ou ne prévoit pas des règles similaires à celles de la législation de la Partie requérante en matière de taxes, droits, droits de douane ou contrôle des changes.
Article 3
Motifs obligatoires de refus d'extradition
L'extradition n'est pas accordée :
a) Pour les infractions considérées par la Partie requise comme des infractions politiques ;
b) Lorsque la Partie requise a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de sexe, de religion, de nationalité, d'origine ethnique ou d'opinions politiques ou lorsque donner suite à cette demande causerait un préjudice à la situation de cette personne pour l'une quelconque de ces raisons ;
c) Lorsque la personne réclamée a fait l'objet dans la Partie requise d'un jugement définitif de condamnation ou d'acquittement, d'une amnistie ou d'une mesure de grâce pour l'infraction ou les infractions à raison desquelles l'extradition est demandée ;
d) Lorsque l'action publique ou la peine est prescrite conformément à la législation de l'une ou de l'autre des Parties ;
e) Lorsque l'infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction exclusivement militaire ;
f) Si la demande d'extradition se rapporte à l'exécution d'une peine résultant d'un jugement rendu en l'absence de la personne réclamée et que la Partie requérante ne donne pas la garantie de juger à nouveau l'affaire après l'extradition ;
g) Si l'infraction à raison de laquelle l'extradition est demandée est punie de la peine capitale par la législation de la Partie requérante, à moins que celle-ci ne donne des assurances, jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine capitale ne sera pas prononcée ou, si elle est prononcée, qu'elle ne sera pas exécutée.
Article 4
Nationalité
1. L'extradition n'est pas accordée si la personne réclamée a la nationalité de la Partie requise. La nationalité est déterminée à la date de la commission de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée.
2. Si la Partie requise ne remet pas la personne réclamée pour la seule raison de sa nationalité, celle-ci doit, conformément à sa propre loi, sur dénonciation des faits par la Partie requérante, soumettre l'affaire à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, s'il y a lieu. A cette fin, les dossiers, documents et pièces à conviction ayant trait à l'infraction sont transmis à la Partie requise. La Partie requise informe la Partie requérante de la suite réservée à sa demande.
Article 5
Motifs facultatifs de refus d'extradition
1. L'extradition peut être refusée lorsque, conformément à la législation de la Partie requise, les autorités judiciaires de cette Partie ont compétence pour connaître de l'infraction pour laquelle l'extradition est demandée et que l'une des conditions suivantes est remplie :
a) La personne réclamée fait l'objet de poursuites pour cette infraction ;
b) Les autorités judiciaires de cette Partie ont décidé de mettre fin aux poursuites qu'elles ont exercées ;
c) La Partie requise s'engage à soumettre l'affaire, conformément à sa propre loi et sur dénonciation des faits par la Partie requérante, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale, s'il y a lieu. A cette fin, les dossiers, documents et pièces à conviction ayant trait à l'infraction sont transmis à la Partie requise.
2. L'extradition peut également être refusée :
a) Si la personne réclamée a fait l'objet, dans un État tiers, pour l'infraction ou les infractions à raison desquelles l'extradition est demandée, d'un jugement définitif d'acquittement ou de condamnation et que, dans ce dernier cas, la peine a été purgée ;
b) Si, pour des considérations humanitaires, la Partie requise estime, en tenant compte de la gravité de l'infraction et des intérêts de la Partie requérante, que la remise de la personne réclamée est susceptible d'avoir pour cette dernière des conséquences d'une gravité exceptionnelle, notamment en raison de son âge ou de son état de santé.
Article 6
Procédure
Sauf disposition contraire du présent Traité, la Partie requise traite les demandes d'arrestation provisoire, d'extradition et de transit conformément aux procédures prévues par sa législation.
Article 7
Voies de communication
Aux fins du présent Traité, sauf dispositions contraires de celui-ci, les Parties communiquent entre elles par la voie diplomatique.
Article 8
Transmission des demandes et pièces à produire
1. La demande d'extradition est formulée par écrit et contient :
a) Dans tous les cas :
i) le nom de l'autorité requérante ;
ii) un exposé des faits pour lesquels l'extradition est demandée mentionnant la date et le lieu de leur commission, leurs conséquences, leur qualification juridique et l'indication des dispositions légales qui leur sont applicables, y compris celles relatives à la prescription ;
iii) le texte des dispositions légales applicables à l'infraction et relatives à la compétence matérielle, à la qualification légale, à la détermination de la peine encourue pour cette infraction et à la prescription ;
iv) tous les renseignements en possession de la Partie requérante susceptibles de déterminer l'identité et la localisation de la personne réclamée, tels que les nom et prénoms, l'âge, le sexe, la nationalité, les documents d'identité, la profession, le domicile ou la résidence et, si possible, le signalement, la photographie et les empreintes digitales de cette personne ;
b) Dans le cas d'une demande d'extradition aux fins de poursuites pénales, l'original ou l'expédition authentique du mandat d'arrêt délivré par l'autorité compétente de la Partie requérante, accompagné d'une copie authentique de l'autorisation d'un tribunal, d'un juge ou d'un procureur lorsque ledit mandat d'arrêt n'émane pas de l'une de ces autorités ;
c) Dans le cas d'une demande d'extradition aux fins d'exécution d'une peine :
i) l'original ou l'expédition authentique du jugement de condamnation exécutoire ;
ii) une déclaration relative au quantum de la peine prononcée et au reliquat de la peine qu'il reste à exécuter.
2. Les demandes d'extradition et les pièces les accompagnant doivent être revêtues de la signature et du sceau de l'autorité requérante.
Article 9
Compléments d'informations
Si les informations communiquées par la Partie requérante se révèlent insuffisantes pour permettre à la Partie requise de prendre une décision en application du présent Traité, la Partie requise demande le complément d'informations nécessaire ou porte à la connaissance de la Partie requérante les omissions à réparer. La Partie requise peut fixer un délai pour l'obtention des informations complémentaires. Si la Partie requérante n'a pas fourni le complément d'informations dans le délai, elle est présumée renoncer à sa demande. La Partie requérante conserve néanmoins la possibilité de présenter une nouvelle demande d'extradition pour la même infraction.
Article 10
Langues à employer
Les demandes d'extradition et les pièces à produire sont rédigées dans la langue officielle de la Partie requérante et accompagnées d'une traduction dans la langue officielle de la Partie requise.
Article 11
Règle de la spécialité et ré-extradition
1. La personne extradée en vertu du présent Traité ne sera ni poursuivie, ni jugée, ni détenue dans la Partie requérante, ni soumise à aucune restriction de sa liberté individuelle pour un fait antérieur à la remise, autre que celui ayant motivé l'extradition, ni ré-extradée vers un État tiers, sauf dans les cas suivants :
a) Lorsque la Partie requise y consent. Une demande est présentée à cet effet par la Partie requérante, accompagnée des pièces prévues à l'article 8 et d'un procès-verbal judiciaire consignant les déclarations de l'extradé, notamment en ce qui concerne son consentement ou son opposition à l'extension de l'extradition ou à la ré-extradition ;
b) Lorsque, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la Partie requérante, la personne extradée ne l'a pas quitté dans les trente (30) jours qui suivent sa libération définitive ou si elle y est retournée de son plein gré après l'avoir quitté.
2. Lorsque la qualification légale d'une infraction pour laquelle une personne a été extradée est modifiée, cette personne n'est poursuivie ou jugée que si l'infraction nouvellement qualifiée :
a) Peut donner lieu à extradition dans les conditions du présent Traité ;
b) Vise les mêmes faits que l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée ;
c) Est punie d'une peine d'un maximum identique ou inférieur à celui prévu pour l'infraction pour laquelle l'extradition a été accordée.
Article 12
Arrestation provisoire
1. En cas d'urgence, les autorités compétentes de la Partie requérante peuvent demander l'arrestation provisoire de la personne réclamée. La demande d'arrestation provisoire est formulée par écrit. Elle contient les éléments prévus au paragraphe 1 a) de l'article 8, une déclaration attestant l'existence des pièces visées, soit au paragraphe 1 b), soit au paragraphe 1 c) de l'article 8, et fait part de l'intention d'envoyer une demande d'extradition.
2. La demande d'arrestation provisoire est transmise aux autorités compétentes de la Partie requise soit par la voie diplomatique, soit par l'Organisation internationale de police criminelle (Interpol), soit par tout autre moyen agréé entre les Parties.
3. Dès réception de la demande visée au paragraphe 1, les autorités compétentes de la Partie requise y donnent suite conformément à leur législation. La Partie requérante est informée de la suite donnée à sa demande.
4. L'arrestation provisoire prend fin si, dans un délai de soixante (60) jours à compter de l'arrestation de la personne, la Partie requise n'a pas été saisie de la demande d'extradition.
5. Les dispositions du paragraphe 4 ne s'opposent pas à une nouvelle arrestation et à l'extradition de la personne réclamée si la demande d'extradition parvient ultérieurement.
Article 13
Concours de demandes
Si l'extradition d'une personne est demandée concurremment par l'une des Parties et par d'autres États, que ce soit pour la même infraction ou pour des infractions différentes, la Partie requise prend sa décision sur ces demandes et la notifie à la Partie requérante. En prenant sa décision, la Partie requise tient compte de toutes circonstances et notamment de l'existence d'un traité ou d'une convention à l'appui de la demande, de la gravité relative et du lieu des infractions, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d'une extradition ultérieure vers un autre État.
Article 14
Décision et remise
1. La Partie requise fait connaître à la Partie requérante sa décision sur l'extradition dans les meilleurs délais.
2. Tout refus, complet ou partiel, est motivé.
3. En cas d'accord de la Partie requise pour l'extradition de la personne réclamée, les Parties décident en commun de la date, du lieu et des modalités de la remise. La Partie requise informe la Partie requérante de la durée pendant laquelle la personne extradée a été détenue avant sa remise.
4. Sous réserve du cas prévu au paragraphe 5, si la personne réclamée n'est pas reçue dans un délai de vingt (20) jours à compter de la date fixée pour sa remise, elle doit être mise en liberté et la Partie requise peut, par la suite, refuser son extradition pour les mêmes infractions.
5. En cas de force majeure empêchant la remise ou la réception de la personne à extrader, la Partie affectée en informe l'autre Partie ; les Parties conviennent d'une nouvelle date pour la remise et les dispositions du paragraphe 4 sont applicables.
Article 15
Remise ajournée ou provisoire
1. La Partie requise peut, après avoir accepté l'extradition, ajourner la remise de la personne réclamée lorsqu'il existe des procédures en cours à son encontre ou lorsqu'elle purge sur le territoire de la Partie requise une peine pour une infraction autre, jusqu'à la conclusion de la procédure ou l'exécution de la peine qui lui a été infligée.
2. Au lieu d'ajourner la remise, la Partie requise peut, lorsque des circonstances le justifient, remettre temporairement la personne dont l'extradition a été accordée à la Partie requérante dans des conditions à déterminer entre les Parties et sous la condition expresse qu'elle sera maintenue en détention et renvoyée.
3. La remise peut également être différée lorsque, en raison de l'état de santé de la personne réclamée, le transfert est susceptible de mettre sa vie en danger ou d'aggraver son état.
4. Si la Partie requise décide d'ajourner la remise, elle en informe la Partie requérante et prend toutes les mesures nécessaires pour que l'ajournement n'empêche pas la remise de la personne réclamée à la Partie requérante.
Article 16
Notification des résultats
A la demande de la Partie requise, la Partie requérante communique rapidement à la Partie requise les informations sur la procédure engagée contre la personne extradée, la décision rendue, l'exécution de la peine ou sa ré-extradition vers un État tiers.
Article 17
Remise d'objets
1. A la demande de la Partie requérante, la Partie requise saisit et, si l'extradition est accordée, remet, dans la mesure permise par sa législation, les objets et documents :
a) Qui peuvent servir de pièces à conviction ;
b) Qui proviennent de l'infraction ou en constituent les instruments.
2. La remise des objets visés au paragraphe 1 est effectuée même dans le cas où l'extradition accordée ne peut avoir lieu par la suite de la mort, de la disparition ou de l'évasion de la personne réclamée.
3. La Partie requise peut, aux fins d'une procédure pénale en cours, ajourner la remise desdits objets ou les remettre sous condition de restitution.
4. Sont toutefois réservés les droits que la Partie requise ou des tiers ont acquis sur ces objets. En pareil cas, ces objets sont restitués à la Partie requise, sur sa demande, dès l'achèvement de la procédure et sans frais.
Article 18
Transit
1. Le transit à travers le territoire de l'une des Parties d'une personne qui n'est pas ressortissante de cette Partie, remise à l'autre Partie par un État tiers, est accordé sur présentation d'une demande de l'autre Partie. Cette demande comporte l'identité, le signalement et la nationalité de la personne concernée, un exposé des faits ainsi que la peine encourue ou prononcée.
2. Le transit peut être refusé dans les cas où l'extradition pourrait être refusée en application du présent Traité.
3. La garde de la personne en transit incombe aux autorités de la Partie de transit tant qu'elle se trouve sur son territoire.
4. Dans les cas où la voie aérienne est utilisée, il est fait application des dispositions suivantes :
a) Lorsqu'aucun atterrissage n'est prévu sur le territoire de la Partie de transit, aucune autorisation de transit n'est nécessaire. Dans le cas d'un atterrissage fortuit sur le territoire de cette Partie, cette dernière peut demander à l'autre Partie de présenter la demande de transit prévue au paragraphe 1 du présent article. La Partie de transit maintient en détention la personne jusqu'à ce que ce transit soit effectué, à condition que la demande soit reçue dans les quatre-vingt-seize (96) heures suivant l'atterrissage fortuit ;
b) Lorsqu'un atterrissage est prévu, la Partie requérante adresse une demande régulière de transit.
Article 19
Frais
1. Les frais occasionnés par l'extradition sur le territoire de la Partie requise sont à la charge de cette Partie jusqu'au moment de la remise.
2. Les frais occasionnés par le transit sur le territoire de la Partie requise du transit sont à la charge de la Partie requérante.
3. Si au cours de l'exécution d'une demande d'extradition, il apparaît que des frais de nature extraordinaire sont requis pour satisfaire à la demande, les Parties se consultent pour fixer les termes et conditions selon lesquels l'exécution de la demande peut se poursuivre.
Article 20
Relations avec d'autres accords
Le présent Traité ne porte pas atteinte aux droits et engagements des Parties résultant de tout autre traité, convention ou accord.
Article 21
Règlement des différends
Tout différend résultant de l'exécution ou de l'interprétation du présent Traité est réglé au moyen de consultations par la voie diplomatique.
Article 22
Application dans le temps
Le présent Traité s'applique à toute demande d'extradition présentée après son entrée en vigueur, même si les infractions auxquelles elle se rapporte ont été commises antérieurement.
Article 23
Entrée en vigueur et dénonciation
1. Chacune des deux Parties notifiera à l'autre Partie par note diplomatique l'accomplissement des procédures requises par son droit interne pour l'entrée en vigueur du présent Traité.
Le présent Traité entrera en vigueur le trentième jour suivant la date d'envoi de la dernière de ces notifications.
2. Chacune des Parties peut dénoncer le présent Traité à tout moment par notification à l'autre Partie. Dans ce cas, la dénonciation prendra effet un an après la date de la réception de cette notification. Les demandes d'extradition qui auront été reçues avant la date d'effet de la dénonciation du Traité seront néanmoins traitées conformément aux termes du Traité.
Fait à Paris, en double exemplaire, ce 20 mars 2007, en langues française et chinoise, les deux textes faisant également foi.
Pour la République française : Pascal Clément
Garde des sceaux, Ministre de la justice
Pour la République populaire de Chine : Dai Bingguo
Premier Vice-Ministre des affaires étrangères