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Article AUTONOME (Décision n° 2015-030 du 15 juillet 2015 portant sur la demande formée par la Région Pays de la Loire dans le cadre d'un différend l'opposant à SNCF Réseau relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs)

Article AUTONOME (Décision n° 2015-030 du 15 juillet 2015 portant sur la demande formée par la Région Pays de la Loire dans le cadre d'un différend l'opposant à SNCF Réseau relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs)


158. En réponse à la demande de modulation formulée par la Région, SNCF Réseau a indiqué que : « Au niveau des charges d'exploitation, l'analyse de RFF est que les écarts liés aux différentes activités ne sont pas significatifs en l'état par rapport au service fourni par le gestionnaire de gares » (26). Selon la Région, cette prise de position confirme que :


- les charges prises en compte pour le calcul des redevances diffèrent selon les activités de transport ;
- SNCF Réseau est en mesure de distinguer les charges d'exploitation affectées à chaque activité puisque seule une connaissance précise de ces charges par activité peut lui permettre de savoir que les écarts sont non « significatifs ».


159. Selon la Région, la capacité d'emport de chaque train rendrait compte tant de la longueur du train que du nombre de passagers susceptibles d'être transportés et, partant, de l'utilisation réelle faite par chaque transporteur du patrimoine en gares de SNCF Réseau. En outre, il s'agirait d'un critère explicitement mentionné par l'article 3 du décret du 20 janvier 2012 dans la liste des modulations possibles.
160. Cette méthode de répartition des charges apparaît à la Région d'autant plus pertinente dans les gares multi-transporteurs où les quais ne sont pas dédiés à une seule activité (à l'exception de deux quais dédiés aux trams-trains en gare de Nantes). La Région rappelle enfin que cette clé d'allocation est proche de celle utilisée par Gares & Connexions pour répartir la part variable de la prestation de base en gares, ce qui en montre la pertinence et la faisabilité.
161. Cette modulation, selon la Région, ne serait pas complexe à mettre en œuvre et ne susciterait pas davantage une multiplication des critères de modulations susceptible de conduire à un manque de transparence. En revanche, elle permettrait de prendre en compte la fréquence d'utilisation des quais, critère que SNCF Réseau lui-même juge pertinent.
162. En défense, SNCF Réseau rappelle en préambule que la demande n'aura aucune conséquence financière sur la Région. En effet, la baisse des redevances dont elle s'acquitte en raison de la modification de la répartition des charges serait neutralisée par la baisse de la dotation générale de décentralisation prévue à l'article L. 1614-4 du code général des collectivités territoriales.
163. SNCF Réseau fait valoir que l'article 3 du décret du 20 janvier 2012 poserait le principe d'une tarification de l'usage de l'infrastructure et de la fourniture des prestations régulées plafonnée au coût complet, tout en permettant, sans l'imposer, la modulation des redevances selon différents critères. En outre, dans son avis n° 2011-014 du 15 juin 2011 sur le projet de décret relatif aux gares de voyageurs, l'Autorité a indiqué que la multiplication des modulations risquait d'induire une complexité excessive, un manque de transparence et des risques de distorsion de concurrence. De même, elle n'a jamais, dans le cadre de son examen des documents de référence des gares, émis d'avis négatif sur le mode de répartition choisi.
164. Sur la clef de répartition en fonction des départs trains qu'il utilise, SNCF Réseau fait valoir que ce dispositif serait, en l'état, le seul à traduire réellement, d'une part, le degré réel d'usage de l'infrastructure et, d'autre part et corrélativement, la part revenant à chaque utilisateur, aux motifs que :


- les prestations fournies par SNCF Réseau consisteraient essentiellement en la mise à disposition d'une infrastructure. Cette infrastructure constitue un ensemble homogène qu'il est difficilement envisageable de découper pour en répartir les charges en fonction de l'utilisation de chaque entreprise ferroviaire ;
- les quais et les autres infrastructures ne seraient pas modulables en fonction de l'usage qui en est fait par chaque entreprise ferroviaire, les charges y afférentes ne peuvent l'être davantage. A titre d'exemple, si un train d'une longueur de 150 mètres stationne sur un quai de 400 m, rien n'interdit aux voyageurs de cheminer sur la totalité du quai. Bien au contraire, ce cas de figure se présenterait fréquemment lorsque le quai comporte plusieurs sorties différentes : les voyageurs utilisent alors la sortie la plus pertinente au regard de leur plan de déplacement, sans aucune considération de la longueur du train. Ainsi, le rapport entre la longueur du train et celle du quai serait sans incidence sur l'utilisation de ce dernier et sur les charges que supporte SNCF Réseau ;
- les infrastructures mises à disposition dans un même lieu présenteraient des caractéristiques et un niveau de qualité délivrés de façon identique à toutes les entreprises ferroviaires. Par exemple, s'agissant du nettoyage des quais, le coût pris en compte serait le coût global du nettoyage de la partie de la gare gérée par SNCF Réseau, sans que ce dernier n'opère une répartition de ce coût par quai ou par surface. SNCF Réseau considère que le niveau de nettoyage de chaque quai d'une même gare doit être identique, peu importe le niveau d'utilisation réelle de ces quais ;
- la redevance, par son objet et sa nature, viserait essentiellement à faire payer des charges qui sont supportées au titre des prestations fournies, in fine, aux clients des entreprises ferroviaires. Une répartition par entreprise ferroviaire serait donc dépourvue de toute pertinence si l'on ne tient pas compte de la fréquence d'utilisation des quais.


Appréciation de l'Autorité


165. L'article 3 du décret du 20 janvier 2012 prévoit que le niveau des redevances acquitté par un utilisateur doit être lié au degré d'utilisation réel. A cette fin, ce même article précise que les redevances peuvent être modulées, notamment en fonction du type de service de transport assuré par le convoi.
166. A titre de comparaison, la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités, autre gestionnaire des gares, propose une seule prestation aux entreprises ferroviaires, dite « la prestation de base », au titre du service de base (27). Une partie du tarif de la prestation de base de Gares & Connexions est modulée dans le but de refléter le degré d'utilisation réel des services en gare par les différents types de train, ce que ne permet pas l'unité d'œuvre « départ-train ». Le DRG 2016 (28) indique à cet égard que : « la distinction d'une part variable permet de moduler la redevance exigible par départ-train, dans des conditions transparentes et non discriminatoires. Certaines charges sont proportionnelles au temps d'accueil des voyageurs en gare, ce que l'unité d'œuvre départ-train ne reflète qu'imparfaitement ».
167. Ainsi, la possibilité de moduler le tarif de la prestation vise justement à tenir compte des différences d'utilisation entre les transporteurs, en intégrant, entre autres, les éventuelles différences de coûts d'investissement imputables à chaque transporteur à travers le choix des coefficients de modulation.
168. L'Autorité considère en conséquence qu'un système approprié de modulation des redevances est l'outil juridique et économique adapté pour garantir une tarification de la prestation de SNCF Réseau liée au degré d'utilisation réel et non discriminatoire.
169. Cependant, comme le souligne la jurisprudence de l'Autorité sur la modulation des tarifs, il importe de vérifier, sur la base d'études précises, la pertinence des charges à moduler et du choix des coefficients à appliquer, ainsi que leur impact tarifaire. A titre d'illustration, l'Autorité a jugé inopportun de modifier isolément un des coefficients de la modulation appliquée par Gares & Connexions sans avoir une vision d'ensemble du système global de modulation et des améliorations à y apporter (29).
170. Les informations obtenues au cours de l'instruction indiquent que les charges de la CSG sont principalement ventilées selon la surface des quais. Ces données n'établissent pas pour autant la relation entre le nombre de voyageurs et le niveau d'équipement ou le niveau du service (par exemple, les conditions du nettoyage) qui concourent aux charges. La ventilation des charges de nettoyage entre gares par SNCF Réseau fait ressortir une segmentation des gares selon cinq catégories en fonction de l'organisation du nettoyage (quotidien ou hebdomadaire, avec ou sans permanence,…). Cette segmentation prend en compte le nombre de « pics » journaliers de flux de voyageurs dans la gare et non directement le nombre de voyageurs. En l'espèce, dans les gares d'intérêt national en Pays de la Loire, l'organisation du nettoyage semble nécessiter une permanence afin de réaliser des actions ponctuelles en journée, en plus de la remise à niveau quotidienne.
171. En conséquence, l'Autorité conclut au rejet de la demande de la Région de moduler les redevances selon la capacité d'emport. En revanche, il apparaît nécessaire que SNCF Réseau étudie, en dehors du cadre de cette procédure, les limites de la clé de répartition aux « départs-trains » et propose le cas échéant des pistes d'amélioration que l'Autorité pourra réexaminer dans le cadre de l'avis conforme qu'elle rend sur la tarification des prestations régulées qu'il propose.


3.2.4. Sur la demande n° 4 visant l'application d'engagements de productivité


172. Dans sa saisine, la Région a demandé à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau d'appliquer les engagements de productivité et les mécanismes d'incitation financière y afférents.
173. S'agissant de la productivité, la Région propose une méthode de plafonnement des tarifs mobilisant des coefficients de productivité, non quantifiés par ses soins faute de visibilité sur les coûts de SNCF Réseau et laissés à l'appréciation de l'Autorité dans sa décision.
174. La CSG ainsi que ses avenants n° 1 et n° 2 contiennent des clauses précisant les modalités financières d'évolution des montants de la convention ainsi que de suivi d'exécution des missions qu'elle couvre.
175. D'une part, les remboursements forfaitaires et non forfaitaires intègrent un effort de productivité de 0,9 % de la part de Gares & Connexions (articles 16.2.a, b et c). D'autre part, la convention prévoit la mise en place d'un mécanisme de bonus-malus relatif à l'atteinte de certains objectifs pour la réalisation de certaines missions (article 16.4.c). Cependant, le mécanisme n'a pas été arrêté faute d'accord entre les parties.


Moyens des parties


176. La Région rappelle l'obligation pour SNCF Réseau, aux termes des dispositions de la directive du 21 novembre 2012 et du décret du 7 mars 2003 modifié, d'appliquer des objectifs de productivité pour arrêter les charges prévisionnelles. Ces objectifs de productivité doivent être transparents afin de donner de la visibilité aux entreprises ferroviaires sur les redevances à venir, ainsi que sur les conditions de leur détermination et les conséquences du non-respect desdits objectifs. De tels objectifs ne sont pas évoqués dans le DRG 2015.
177. La Région précise que, ne disposant pas, à l'heure actuelle, de visibilité de la part de SNCF Réseau sur ses coûts, elle laisse le soin à l'Autorité de définir la méthode de plafonnement et le coefficient de productivité appropriés, étant souligné que ce coefficient et cette méthode devront nécessairement venir corriger la dérive des charges constatée ces dernières années. La Région estime que l'inexistence à ce jour d'un mécanisme incitatif conduit à une dérive des redevances, comme l'illustre d'après elle la hausse de près de 30 millions d'euros des redevances entre 2012 et 2015. Cette hausse de 40 %, qui vient remettre en cause le coefficient de productivité de 0,9 % annoncé dans la CSG, serait due pour l'essentiel à la dérive des charges d'entretien de la CSG (+ 37 %), la hausse des amortissements (4,6 millions d'euros, notamment sous l'effet des amortissements économiques) et la croissance de la rémunération du capital (+ 71 %).
178. La Région souligne enfin qu'il est d'autant plus important que des engagements de productivité soient appliqués que l'analyse sur trois ans (2014 à 2016) des différents postes couverts par la CSG dans la région Pays de la Loire fait apparaître une surestimation de nombreuses charges en 2014 et 2015. Cette situation serait démontrée par la baisse très sensible de ces charges en 2016, qui, selon la Région, tendrait à prouver qu'elles auraient été surestimées pour les années 2014 et 2015.
179. En défense, SNCF Réseau fait valoir que le paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié se borne à imposer la prise en compte, dans le calcul de la redevance, des objectifs de performance et de productivité, sans imposer la mise en place d'engagements dans le DRG. L'application pour certains postes de coûts de gains de productivité de 0,9 % par an dans le DRG démontre en outre que les dispositions réglementaires précitées sont respectées par SNCF Réseau.
180. Ce dernier explique également les raisons de l'augmentation des charges. Ainsi, sur la période considérée 2014-2015, et plus encore sur 2016, le coût de la CSG passe de 68,3 millions d'euros en 2014 à 69,8 millions d'euros en 2015 et à 71,0 millions d'euros en 2016 (30). Ces hausses prennent en compte l'évolution des indices INSEE de référence, l'application de 0,9% de productivité sur les postes à montant forfaitaire et la réalité des dépenses pour les postes facturés au réel, dont les charges de gros entretiens programmées, en augmentation vu la dégradation progressive de l'état du patrimoine et les nouveaux équipements mis en service (accessibilité pour les personnes à mobilité réduite). Sur les autres postes, notamment les charges internes de SNCF Réseau, l'augmentation résulte du renforcement des équipes afin de répondre au mieux aux exigences découlant des nouvelles dispositions réglementaires.


Appréciation de l'Autorité


181. Il ressort du paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 que les charges prévisionnelles prises en compte pour le calcul des redevances relatives aux quais doivent tenir compte d'objectifs de productivité. Afin de justifier le niveau des redevances, il est nécessaire que soient affichés explicitement les niveaux de productivité pris en compte pour le calcul des charges prévisionnelles. La demande de la Région sur ces points est donc justifiée et conforme aux obligations règlementaires applicables à SNCF Réseau sur le calcul des redevances et son obligation de transparence.
182. La prise en compte par SNCF Réseau d'objectifs de productivité n'est actuellement pas suffisamment étayée dans le DRG, ainsi que l'Autorité l'a relevé depuis 2012 dans ses avis sur les projets de DRG et les DRR. Dans son avis n° 2012-025 relatif au projet de DRG 2014 (31), l'Autorité demandait en effet à SNCF Réseau d'afficher de façon claire les objectifs de productivité intégrés dans les prévisions de charges et de rendre compte de l'évolution des coûts lors des années antérieures. Elle a réitéré ses demandes dans les avis suivants, constatant qu'aucune évolution significative n'était intervenue sur ce point.
183. Les échanges entre les parties révèlent un désaccord sur l'appréciation des chiffres d'évolution des coûts. L'Autorité note que dans le projet d'avenant n° 2 de la CSG qui vise à proroger celle-ci pour deux ans, il est indiqué que les montants prévisionnels de la CSG pour 2015 et 2016 tiennent compte des valeurs constatées pour les exercices 2012 et 2013 et des hypothèses de calcul par SNCF Réseau des redevances au titre des horaires de service 2015 et 2016. Ainsi, on peut noter un écart de 6% entre les projections pour 2015 figurant dans l'avenant n° 2 et les montants pour 2014 prévus dans le cadre de la CSG signée en 2012. Ces réajustements, non étayés par SNCF Réseau dans l'avenant précité, doivent être justifiés dans le DRG pour expliquer aux utilisateurs l'évolution des redevances. En revanche, s'agissant de l'évolution de la CSG entre 2015 et 2016, il est constaté à la lecture de l'avenant n° 2 que les postes forfaitaires évoluent uniquement du fait des indexations et du facteur de productivité de 0,9%, les postes non forfaitaires augmentant pour leur part d'environ 1% hors indexation.
184. L'Autorité estime que, pour répondre aux exigences réglementaires (32), les objectifs en matière d'évolution des charges (indexation, productivité, évolutions de périmètre et objectifs de performance en matière de qualité de service) ayant servi pour l'établissement des redevances doivent être publiés dans le DRG pour les gares de voyageurs en région Pays de la Loire avec, lorsque cela est pertinent, une vision par poste de coûts.


3.2.5. Sur la demande n° 5 relative aux horaires de service auxquels appliquer les demandes de la Région


185. La Région demande à l'Autorité de rendre sa décision avec effet à compter du début de l'horaire de service 2014 pour l'ensemble de ses demandes.


Moyens des parties


186. La Région invoque l'applicabilité à ses demandes devant l'Autorité de la portée de l'arrêt du 14 décembre 2010 de la chambre commerciale de la Cour de cassation concernant une décision rendue par l'ARCEP.
187. Dans cette affaire dite « câbles de renvoi » relative à l'accès par Neuf Cegetel à la boucle locale appartenant à France Télécom, la Cour de cassation a jugé que :
« Attendu que le pouvoir conféré à l'ARCEP de préciser, au titre de la procédure de règlement des différends, les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés, s'étend à l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, peu important la date de son émergence entre les parties ; qu'il s'ensuit que cette autorité peut remettre en cause l'application, pendant cette période, des tarifs fixés dans la convention d'accès à la boucle locale » (33)
188. La Région cite également le rapport annuel 2010 de la Cour de cassation, lequel invite expressément l'Autorité, en ce qu'elle connaît une procédure comparable de règlement des différends à celle de l'ARCEP, à s'intéresser à cette jurisprudence (34).
189. La Région fait valoir que l'Autorité peut adopter une décision rétroactive lorsqu'elle répond à un intérêt général suffisant et est sous-tendue par un motif d'ordre public. Le pouvoir de l'Autorité en règlement des différends relève de l'ordre public économique, qui doit user de ses prérogatives pour le défendre, tel que cela a été jugé par le Conseil d'Etat dans la décision TDF et autres (35).
190. La Région s'appuie donc, à l'instar de la décision précitée, sur l'importance de la mission de l'Autorité en matière de règlements de différends, sans laquelle elle ne pourrait plus veiller à l'accès au réseau des concurrents de SNCF Mobilités. Lui refuser la possibilité de donner une portée rétroactive à ses décisions la priverait d'un de ses pouvoirs conséquents, puisque cela permettrait à l'opérateur historique de ne courir aucun risque en ne respectant pas les avis de l'Autorité.
191. En réponse aux observations de SNCF Réseau, la Région soutient qu'aucune mesure de modulation dans le temps de l'effet de la décision de l'Autorité ne saurait être justifiée. Il fait valoir à cet effet que les injonctions qui pourraient être imposées par l'Autorité seraient, d'une part, prévisibles, en témoignent les avis sur le DRR publiés par l'Autorité des trois dernières années et, d'autre part, ne constitueraient pas une atteinte excessive à la liberté contractuelle et à la sécurité juridique, dans la mesure où les demandes ne visent que la situation du STIF.
192. La Région estime que, quand bien même les redevances revêtiraient un caractère réglementaire, cela n'aurait pas d'impact sur sa demande. Cette dernière concernerait en effet non pas les redevances précitées, mais une révision des principes et méthodes qui la sous-tendent. La demande de rétroactivité ne serait ainsi qu'une régularisation des sommes réellement dues par TER au titre des redevances pour l'horaire de service 2014. Dès lors, il ne s'agirait pas d'une « situation juridiquement constituée », seule circonstance de nature à rendre illégale la rétroactivité d'un acte administratif (36), mais d'une situation anormale à laquelle un remède doit être trouvé.
193. En défense, SNCF Réseau rappelle la possibilité de saisir le juge administratif pour annuler des actes administratifs. Il rappelle également que l'arrêt de la Cour de cassation dans l'affaire Towercast (37) ne peut s'appliquer au cas d'espèce, dans la mesure où les tarifs d'utilisation du réseau ferroviaire présentent un caractère réglementaire puisque contenus dans le DRR, alors que les tarifs en cause dans l'affaire précitée sont fixés conventionnellement. La modification d'un texte réglementaire serait ainsi contraire aux principes généraux de sécurité juridique et de non-rétroactivité.
194. En outre, l'ARCEP bénéficierait, contrairement à l'Autorité, d'une habilitation implicite permettant de déroger au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. De plus, il s'agissait pour l'ARCEP d'assurer une régulation effective pour éviter que l'opérateur historique ne tire prétexte de l'existence de contrats en cours pour échapper à l'application des nouvelles règles. SNCF Réseau insiste par ailleurs sur la spécificité de l'analyse de marché dans le secteur des communications électroniques : là où l'ARCEP détermine le cadre tarifaire par voie réglementaire pour trois ans, SNCF Réseau et Gares & Connexions accomplissent cette mission en ce qui concerne les gares et les quais pour un an seulement, ce qui permettrait de modifier le cadre réglementaire plus régulièrement, sans avoir besoin d'appliquer immédiatement les modifications réglementaires aux situations contractuelles existantes.
195. Enfin, SNCF Réseau estime que la Région confond, dans son analyse de l'affaire Towercast (38), l'applicabilité immédiate de la décision et sa rétroactivité. SNCF Réseau fait valoir, après avoir repris les arguments développés dans ses observations antérieures, appuyant son analyse sur l'arrêt d'Assemblée du Conseil d'Etat Société KPMG (39), qu'un décret modifié ne pourrait s'appliquer aux situations contractuelles en cours que s'il y avait été autorisé par la loi. Dès lors, pour que la rétroactivité soit admise, il faudrait que le législateur l'ait prévue - ce qui ne serait pas le cas du DRG - et qu'elle soit accompagnée de mesures transitoires.
196. A titre subsidiaire, SNCF Réseau estime qu'une mesure s'appliquant à des contrats ne peut être conçue que pour avoir un effet immédiat, et en aucun cas comme s'appliquant à des situations passées, sauf à avoir un effet rétroactif illégal (40). Si une mesure disposait comme tel, elle porterait nécessairement une atteinte excessive à la sécurité juridique et à la liberté contractuelle. Enfin, si l'Autorité décidait de lui enjoindre de modifier le DRG avec application immédiate, SNCF Réseau demande à disposer de six mois pour procéder aux modifications des contrats conclus avec les entreprises ferroviaires.


Appréciation de l'Autorité


197. Comme indiqué plus haut, le paragraphe 1 de l'article 56 de la directive du 21 novembre 2012 prévoit que les organismes de contrôle peuvent être saisis par un candidat autorisé « dès lors qu'il estime être victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions [du gestionnaire d'infrastructure] ». Le paragraphe 9 en complète les dispositions en prévoyant que : « L'organisme de contrôle examine chaque plainte […]. Il se prononce sur toutes les plaintes, adopte les mesures nécessaires afin de remédier à la situation et communique sa décision motivée aux parties concernées […] ».
198. Il résulte de ces dispositions, qui éclairent l'article L. 2134-2 du code des transports, que l'Autorité a compétence, dans le cadre du règlement d'un différend, pour adopter les mesures nécessaires afin de remédier à la situation. Dès lors, l'Autorité est tenue d'exercer son office sur l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle est saisie.
199. En l'espèce, l'Autorité constate que les échanges de courriers produits par le STIF, notamment ses avis défavorables sur les DRG 2014, 2015 et 2016, permettent de fixer l'émergence du différend à la date d'entrée en vigueur de l'horaire de service 2014 et par conséquent, l'application de la décision à compter de cette même date, sauf motivations contraires précédemment développées.
200. L'Autorité constate, à cette fin, que le décret du 20 janvier 2012, dont la Région invoque les dispositions à l'appui de ses demandes, est effectivement applicable à compter de l'horaire de service 2014.
Décide :