Après avoir entendu lors de l'audience publique du 10 juin 2015, où étaient présents M. Pierre CARDO, président ; Mme Anne YVRANDE-BILLON, vice-présidente ; Mmes Anne BOLLIET et Marie PICARD ainsi que messieurs Jean-François BENARD, Nicolas MACHTOU et Michel SAVY, membres du collège de l'Autorité :
- l'exposé des conclusions du rapport d'instruction par le rapporteur adjoint ;
- les observations de Maître Sylvain JUSTIER et des représentants de la Région Pays de la Loire ;
- les observations de Maître Philippe HANSEN et des représentants de SNCF Réseau.
Le collège en ayant délibéré le 15 juillet 2015, hors la présence du rapporteur, du secrétaire général et des agents de l'Autorité ;
SOMMAIRE
1. Le contexte
1.1. Les parties au différend
1.1.1. La région Pays de la Loire
1.1.2. SNCF Réseau
1.2. Le cadre juridique applicable
1.2.1. L'accès aux quais en gares de voyageurs et aux services qui y sont fournis
1.2.2. La tarification des prestations régulées en gares de voyageurs
1.2.3. Evolution du cadre juridique
2. Procédure
2.1. Echanges préalables
2.2. Procédure devant l'Autorité
3. Analyse de l'Autorité
3.1. Sur la recevabilité de la saisine et la compétence de l'Autorité
3.1.1. La qualité de la partie saisissante
3.1.2. L'objet des demandes
3.2. Analyse des demandes
3.2.1. Sur la demande n° 1 visant le respect des obligations de transparence
3.2.2. Sur la demande n° 2 visant la fixation du taux de rémunération du capital
a) Sur le niveau du taux sans risque
b) Sur la prime de risque
c) Sur la structure financière
d) Sur le taux d'impôt sur les sociétés
e) Conclusion
3.2.3. Sur la demande n° 3 visant la modification de la méthode de calcul des redevances
a) Sur la procédure de valorisation des amortissements de certains investissements en « coût courant »
b) Sur le mode de répartition des charges entre transporteurs
3.2.4. Sur la demande n° 4 visant l'application d'engagements de productivité
3.2.5. Sur la demande n° 5 relative aux horaires de service auxquels appliquer les demandes de la région
Décide
Annexe 1
Annexe 2
1. Le contexte
1.1. Les parties au différend
1.1.1. La région Pays de la Loire
1. La région Pays de la Loire (ci-après « la Région ») est l'autorité organisatrice des transports dans la région Pays de la Loire au sens des articles L.1221-1 et L. 2121-3 du code des transports. Elle est, à ce titre, en charge de l'organisation des services de transport ferroviaire régional de personnes.
2. La Région fait appel à la SNCF via sa branche SNCF Proximités pour exploiter le service public de transport régional ferroviaire de voyageurs. Ladite branche a développé une marque spécifique pour le transport conventionné au niveau régional : Train Express Régional (ci-après « TER »). Par souci de simplicité, SNCF Mobilités, en tant qu'elle assure ce service, est désignée dans la présente décision par la dénomination « TER ».
3. En tant qu'entreprise ferroviaire en charge de services de transport de personnes, et, comme telle, bénéficiaire des prestations régulées fournies par Gares & Connexions et SNCF Réseau en gares de voyageurs sur leurs patrimoines, TER acquitte des redevances auprès de ces derniers.
4. La Région a conclu avec SNCF Mobilités pour la période 2008-2014 une convention qui définit les conditions de réalisation du service public de transport collectif de voyageurs dans la région Pays de la Loire (convention pour l'exploitation et le financement du service public régional de transport de voyageurs 2008-2014). Le périmètre de cette convention comprend l'exploitation des gares de voyageurs de la région et des services en gares (1). Cette convention a été prorogée par avenant, jusqu'au 30 avril 2015 (2), des discussions étant en cours pour une prorogation jusque fin 2016.
1.1.2. SNCF Réseau
5. SNCF Réseau (anciennement Réseau ferré de France) est le gestionnaire du réseau ferré national. Au titre de l'article L. 2111-9 du code des transports, il a notamment pour mission d'assurer l'accès à l'infrastructure ferroviaire, la gestion opérationnelle des circulations, la maintenance de l'infrastructure, son développement, son aménagement et la gestion des installations de service dont il est propriétaire.
6. S'agissant des gares de voyageurs, la loi du 4 août 2014 a laissé inchangé le partage patrimonial entre SNCF Mobilités, chargé au titre de l'article L. 2141-1 du code des transports de gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs et SNCF Réseau qui conserve son patrimoine en gare tel qu'il résulte du partage de 1997 (3).
7. La gestion des quais appartenant à SNCF Réseau est confiée à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités. Cette gestion des quais de voyageurs est encadrée par une convention de service en gares (ci-après « CSG ») prévue à l'article 16-1 du décret du 7 mars 2003 du 7 mars 2003 (ci-après le « décret du 7 mars 2003 »). Cet article dispose qu'une « convention précisant les conditions, notamment financières, dans lesquelles la direction autonome des gares assure les missions de gestion et d'entretien des biens en gare de Réseau ferré de France prévues à l'article L. 2111-9 du code des transports est conclue entre Réseau ferré de France et la Société nationale des chemins de fer français ».
8. La convention actuellement en vigueur a été conclue le 2 octobre 2012 et a été prorogée par avenant pour couvrir la période 2012-2016. Elle contient des clauses précisant la manière dont Gares & Connexions administre les biens de SNCF Réseau en gares de voyageurs et les biens concernés (article 2.2), la nature des missions confiées (nettoyage, déneigement, surveillances, etc. - article 4), les audits des missions couvertes par la convention pouvant être menés par SNCF Réseau (article 20), un système de bonus-malus pour l'atteinte d'objectifs de rénovations (16.4.c), des montants prévisionnels des postes d'entretien des quais et un objectif de productivité applicable de 0,9% pour les trois ans de la convention (article 16.2). Au même article, un objectif de rénovation des biens et d'amélioration de leur disponibilité est défini en annexe 1.
1.2. Le cadre juridique applicable
1.2.1. L'accès aux quais en gares de voyageurs et aux services qui y sont fournis
9. Le paragraphe 2 de l'article 13 de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012, dont l'échéance de transposition est fixée au 16 juin 2015, dispose que « les exploitants d'installations de service fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, un accès, y compris aux voies d'accès, aux infrastructures visées à l'annexe II, point 2 (4), et aux services offerts dans ces infrastructures ».
10. L'article L. 2122-9 du code des transports, qui transpose cette mesure, dispose que : « Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, y compris pour l'accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir. »
11. Le paragraphe I de l'article 1er du décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 (précise, en ce qui concerne le droit d'accès aux gares de voyageurs, que « les entreprises ferroviaires et les candidats autorisés au sens de l'article 19 du décret du 7 mars 2003 susvisé se voient proposer de manière transparente et non discriminatoire l'accès par le réseau aux infrastructures de services mentionnées à l'article L. 2122-9 du code des transports, qui comprennent :
a) Les gares de voyageurs ouvertes au public, y compris les quais et les haltes, et leurs bâtiments ; (…) »
12. S'agissant du service de base proposé aux entreprises ferroviaires en gares de voyageurs, l'article 2 du décret du 20 janvier 2012 prévoit que : « I. - Les entreprises ferroviaires et les candidats autorisés (…) se voient proposer de manière transparente et non discriminatoire, lorsqu'il n'existe pas d'autre option économiquement raisonnable, un service de base, comprenant les prestations mentionnées au I des articles 4 à 8 et à l'article 9 du présent décret (5), fourni sur les infrastructures de services définies au I de l'article 1er du présent décret. »
13. S'agissant des prestations complémentaires proposées en gares de voyageurs, il est prévu par ce même article que : « II. - Dès lors que le gestionnaire de l'une des infrastructures de services mentionnées à l'article 1er fournit à une entreprise ferroviaire ou à un candidat autorisé l'une des prestations complémentaires mentionnées aux articles 4 à 8, il la fournit dans des conditions transparentes et non discriminatoires sur cette même infrastructure de services à toute entreprise ferroviaire ou à tout candidat autorisé qui en fait la demande. »
14. Le service de base et les prestations complémentaires lorsqu'elles ne sont proposées que par un seul fournisseur sont qualifiés de prestations régulées.
15. Le service de base qui doit être proposé en gare est défini au paragraphe I de l'article 4 du décret du 20 janvier 2012 et comprend :
- l'usage, par les passagers, personnels et prestataires, des installations aménagées pour la réception des passagers et du public jusqu'au train, comprenant l'accès aux services communs, aux commerces et aux bâtiments publics ;
- les services d'accueil, d'information et d'orientation des passagers et du public concernant les horaires et l'accès aux trains ;
- toute prestation particulière en gare résultant d'une exigence législative ou règlementaire ou d'un accord international, notamment en matière de sûreté, propre à certains services de transports ;
- dans les gares disposant de personnels, l'assistance nécessaire à l'embarquement dans le train ou au débarquement de celui-ci des passagers handicapés ou à mobilité réduite, lorsque celle-ci n'est pas fournie par l'entreprise ferroviaire ou prise en charge par l'autorité organisatrice de transports, cette prestation donnant alors lieu à une tarification distincte de celle du service de base.
16. Les prestations complémentaires comprennent, le cas échéant, les prestations suivantes :
- le préchauffage des voitures et des locomotives ;
- la mise à disposition d'espaces ou de locaux adaptés à la réalisation des opérations de vente de titres pour les services de transport ferroviaire ;
- la mise à disposition de locaux de service pour les personnels d'accompagnement ou de conduite de l'entreprise ferroviaire ;
- la mise à disposition des locaux et installations nécessaires aux prestataires des entreprises ferroviaires pour la réalisation des services techniques incluant l'avitaillement et le nettoyage ; la prestation comprend, le cas échéant, l'accès depuis la voie publique pour les livraisons nécessaires.
17. Le document de référence des gares de voyageurs (ci-après, « DRG »), établi annuellement par le directeur des gares et annexé au document de référence du réseau (ci-après, « DRR ») établi par SNCF Réseau précise, pour chaque gare de voyageurs du réseau ferré national, les prestations régulées qui y sont rendues, les conditions dans lesquelles elles sont rendues, notamment les horaires et périodes pendant lesquels elles sont fournies, et les tarifs des redevances associées ainsi que, en annexe, les conditions générales du contrat, mentionné à l'article L. 2123-2 du code des transports, conclu avec les entreprises ferroviaires pour l'utilisation des gares et de toutes infrastructures de service. Il concerne aussi bien les prestations régulées offertes par Gares & Connexions que celles relevant de SNCF Réseau.
18. Le DRG (6) précise que le service de base proposé par SNCF Réseau consiste en la mise à disposition de ses biens en vue de permettre :
- la montée et la descente des voitures à voyageurs ;
- la traversée des voies, à niveau ou en ouvrage dénivelé (y compris les équipements associés ascenseurs, escaliers mécaniques) ;
- le cheminement des voyageurs et du personnel de l'entreprise ferroviaire (ou de ses prestataires), y compris l'accessibilité PMR quand l'infrastructure le permet ;
- l'information des voyageurs vis-à-vis des risques liés aux circulations ferroviaires (signalisation horizontale et verticale, dispositifs lumineux, …) ;
- les accès routiers et piétons aux gares voyageurs, y compris les aires de dépose ou de stationnements gérés sous la responsabilité de SNCF Réseau.
19. L'article L. 2123-2 du code des transports dispose que l'utilisation par une entreprise ferroviaire des gares et de toutes autres infrastructures de service donne lieu à la passation d'un contrat avec le gestionnaire de la gare.
1.2.2. La tarification des prestations régulées en gares de voyageurs
20. Le décret du 7 mars 2003 prévoit que pour la détermination des redevances en gares de voyageurs, celles-ci sont réparties en trois catégories en fonction des seuils fixés par l'arrêté du 9 juillet 2012 :
- les gares de voyageurs d'intérêt national (catégorie A) ;
- les gares de voyageurs d'intérêt régional (catégorie B) ;
- les gares de voyageurs d'intérêt local (catégorie C).
21. L'arrêté du 9 juillet 2012 portant application du paragraphe I de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 prévoit que les usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs sont ceux qui effectuent un trajet dont l'origine et la destination sont situées dans deux régions distinctes. La liste des gares relevant de chaque catégorie est établie par Gares & Connexions, pour une durée de trois ans, après consultation de SNCF Réseau. Cette liste constitue l'annexe 2 de la CSG.
22. En vertu du paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003, les redevances liées aux prestations régulées mentionnées à l'article 4 du décret du 20 janvier 2012 sont établies annuellement par SNCF Mobilités, sur proposition du directeur des gares, et par SNCF Réseau, chacun pour les biens et services qu'il gère, aux fins de couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations pour chacun des périmètres de gestion des gares.
23. La notion de « périmètre de gestion » correspond :
- pour les gares de catégorie A, à une gare donnée ou un ensemble fonctionnel de gares ;
- pour les gares de catégorie B & C, à l'ensemble des gares de cette catégorie pour une région donnée ;
24. Selon le même article, pour chaque périmètre de gestion, les charges prises en compte pour l'établissement des redevances relatives aux prestations régulées comprennent, pour les biens et services en gare de voyageurs :
- l'ensemble des charges courantes d'entretien et d'exploitation ;
- le financement de la dotation aux amortissements des investissements, y compris les investissements de renouvellement et de mise aux normes, nets des subventions reçues ;
- le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements.
25. Les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité pour l'exercice le plus récent et des objectifs de performance et de productivité pour la gestion des gares de voyageurs. Pour la détermination des redevances, il est également tenu compte de l'utilisation réelle de l'infrastructure sur les trois dernières années et des perspectives de développement du trafic.
26. Des prestations non régulées peuvent être rendues dans certaines gares (activités commerciales ou locatives). Lorsque des charges occasionnées par la réalisation de prestations non régulées rendues dans une gare sont communes avec les charges correspondant à la réalisation de prestations régulées, il est prévu que seule la quote-part liée à la réalisation de celles-ci est prise en compte pour la détermination des redevances.
27. SNCF Réseau et SNCF Mobilités, chacun pour ce qui le concerne, apprécient les charges à prendre en compte pour l'établissement des redevances sur l'ensemble des bâtiments et installations d'une gare, incluant les quais, les accès routiers voyageurs, les ouvrages destinés aux usagers des trains et, quand elles dépendent de la gare ou qu'elles sont mises à disposition de ses usagers, les cours de gares de voyageurs, y compris leurs accès routiers, et les infrastructures de stationnement.
28. Selon l'article 3 du décret du 20 janvier 2012, la fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel. En outre, le montant de chaque redevance peut être modulé, en tenant compte de la situation de la concurrence et dans des conditions transparentes et non discriminatoires, pour tenir compte, selon la prestation régulée :
- du type de convoi, notamment de sa capacité d'emport ou de sa longueur ;
- du type de service de transport qu'assure le convoi ;
- du nombre de voyageurs susceptibles de bénéficier de la prestation ;
- de la période horaire d'utilisation ;
- du délai entre la demande et la date prévue de fourniture de la prestation ;
- de la quantité de marchandises exprimée en unités de transport intermodal ou en tonnes.
29. Conformément au IV de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003, pour chacun des périmètres de gestion, Gares & Connexions doit tenir une comptabilité analytique distinguant :
- les charges liées aux prestations régulées ;
- les charges liées aux prestations non régulées ;
- et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées.
30. Le résultat courant positif provenant des activités liées aux prestations non régulées, déterminé pour chaque périmètre de gestion, vient en déduction, à hauteur de 50 %, des charges prises en compte, pour ce même périmètre de gestion, dans la fixation des redevances liées aux prestations régulées. Ce résultat est net de l'ensemble des charges d'exploitation directement liées aux activités non régulées et intègre une rémunération des capitaux mobilisés ainsi que le financement de la dotation aux amortissements.
1.2.3. Evolution du cadre juridique
31. Le paragraphe 7 de l'article 31 de la directive du 21 novembre 2012 dispose que « la redevance imposée pour l'accès aux voies dans le cadre des installations de service visées à l'annexe II, point 2, et la fourniture de services dans ces installations, ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d'un bénéfice raisonnable ».
32. L'article L. 2122-13 du code des transports, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2014, transpose cette mesure en disposant que « Les redevances pour les prestations offertes sur les infrastructures de service ne peuvent être supérieures au coût de la prestation, majoré d'un bénéfice raisonnable » et ajoute que « Ces redevances incitent les gestionnaires d'infrastructure à utiliser de manière optimale leurs ressources et les technologies disponibles. »
33. La question se pose de savoir si les éléments aujourd'hui compris dans l'assiette de facturation de la redevance quais et, en particulier, les quais peuvent être regardés en tant qu'installations de service au regard de la directive 2012/34/UE du 21 novembre 2012, dont l'échéance de transposition était fixée au 16 juin 2015. Cette dernière modifie, en effet, l'annexe II de la directive 2001/14/CE listant les services à fournir aux entreprises ferroviaires pour prévoir que les prestations minimales comprennent l'utilisation de l'infrastructure principale :
« 1. L'ensemble des prestations minimales comprend :
a) Le traitement des demandes de capacités de l'infrastructure ferroviaire ;
b) Le droit d'utiliser les capacités accordées ;
c) L'utilisation de l'infrastructure ferroviaire, y compris les branchements et aiguilles du réseau ; (…) » (7).
34. L'infrastructure ferroviaire est définie à l'article 3 de la directive comme « l'ensemble des éléments visés à l'annexe I » et cette dernière annexe vise, en particulier, les « quais à voyageurs et à marchandises, y compris dans les gares de voyageurs et les terminaux de marchandises ».
35. A la lecture de ces deux annexes et compte tenu de la répartition du patrimoine en gare effectuée en 1997, une interprétation de la directive peut conduire à considérer qu'il faut intégrer la redevance quais dans les prestations minimales.
36. Pour autant, une autre interprétation peut être faite du texte, en considérant que l'annexe I ne fait que recenser, aux fins d'une définition extensive de l'infrastructure ferroviaire, l'ensemble des composantes qui la constituent, et que l'annexe II détermine, sans référence directe à l'annexe I, les différentes catégories de redevance pour l'utilisation de ce réseau, organisées autour des services qui y sont définis. Dès lors, il n'y aurait pas lieu d'établir, dans la lecture du 1 de l'annexe II, de lien avec la définition de l'infrastructure que donne l'annexe I.
37. Les dispositions de la directive ne sont donc pas suffisamment claires, précises et inconditionnelles pour justifier que l'Autorité écarte, pour l'examen du présent règlement de différend, le cadre juridique ressortant du décret du 20 janvier 2012 susvisé, conforme à l'interprétation alternative de la directive privilégiée par le Gouvernement dans son projet de transposition.
2. Procédure
2.1. Echanges préalables
38. La Région a rendu des avis défavorables sur les DRG des horaires de service 2014, 2015 et 2016, où étaient formulées différentes critiques. Le défaut de transparence sur la comptabilité relative aux gares de voyageurs était ainsi dénoncé, notamment en raison de l'impossibilité de contrôler la manière dont était calculée la rétrocession correspondant à 50% du chiffre d'affaires des prestations non-régulées. Par ailleurs, le principe même de la prise en compte d'une prime de risque dans l'établissement du taux de rémunération des capitaux était rejeté, ainsi qu'en tout état de cause le caractère trop élevé de celui-ci. De même, selon la Région, certaines procédures d'allocation des charges des redevances applicables aux quais perçue par SNCF Réseau devaient être modifiées. Enfin, la Région constatait une forte augmentation des coûts de la convention relative aux services en gares de voyageurs, appelant des justifications sur la prise en compte d'objectifs de productivité dans le calcul des redevances.
2.2. Procédure devant l'Autorité
39. La Région, constatant l'absence de prise en compte par SNCF Réseau de ses critiques répétées, a saisi l'Autorité en règlement de différend le 12 décembre 2014. Dans sa saisine, la Région demande à l'Autorité :
1. d'enjoindre à SNCF Réseau la communication annuelle, au moins deux mois avant le début de chaque horaire de service, de la comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées en Pays de la Loire, ainsi que la communication d'informations détaillées sur (i) l'ensemble des surfaces sur lesquelles s'appuie la constitution du tarif des redevances : surface de la prestation de base, surfaces mises à disposition des entreprises ferroviaires et surfaces mises à disposition des services commerciaux et (ii) les hypothèses de leur projection à l'horizon de l'horaire de service considéré (demande dite n° 1) ;
2. d'enjoindre à SNCF Réseau de fixer le taux de rémunération des capitaux investis à 3.6 % au maximum (demande dite n° 2) ;
3. d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier les procédures (i) de valorisation des amortissements de certains investissements en « coût courant » et (ii) de répartition des charges entre transporteurs pour la détermination des redevances (demande dite n° 3) ;
4. d'enjoindre à SNCF Réseau d'appliquer les engagements de productivité et les mécanismes d'incitation financière y afférents (demande dite n° 4) ;
5. d'enjoindre à SNCF Réseau de mettre en œuvre les demandes n° 1 à 4 ci-dessus exposées dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir, en (i) mettant à jour en conséquence les DRG 2014 révisé et 2015, (ii) faisant application de ces demandes dès le début de l'horaire de service 2014, (iii) en procédant aux régularisations qui s'imposent et (iv) en appliquant ces principes pour l'avenir (demande dite n° 5).
3. Analyse de l'Autorité
3.1. Sur la recevabilité de la saisine et la compétence de l'Autorité
3.1.1. La qualité de la partie saisissante
40. L'article L. 2134-2 du code des transports prévoit que « toute personne autorisée à demander des capacités d'infrastructure ferroviaire ou tout gestionnaire d'infrastructure peut saisir l'Autorité ».
41. Le demandeur doit donc être une personne autorisée à demander des capacités, ce qui est le cas de la Région au sens de l'article 19 du décret du 7 mars 2003 qui prévoit :
« Peuvent également présenter des demandes d'attribution de sillons en vue de les mettre à disposition d'entreprises ferroviaires pour assurer les services de transports qu'ils organisent : (…) les personnes publiques organisant un service public de transport de voyageurs sur le réseau ferré national à compter du 14 décembre 2008 ».
42. Selon l'Autorité, l'article L. 2134-2 du code des transports n'impose pas la conclusion d'un contrat d'utilisation de l'infrastructure ni celle d'un contrat d'attribution de sillons avec le gestionnaire d'infrastructure comme condition de recevabilité d'une saisine (8). Ainsi, toute personne autorisée à demander des capacités d'infrastructure qui s'estime victime d'un préjudice lié à l'accès au réseau est par principe recevable à saisir l'Autorité.
3.1.2. L'objet des demandes
Moyens des parties
43. La Région demande à l'Autorité de se reconnaître compétente pour enjoindre à SNCF Réseau de respecter son obligation de transparence, réduire le taux de rémunération du capital, modifier la méthode de calcul des redevances et appliquer des engagements de performance et de productivité en incluant des incitations financières. Ces demandes impliquent une modification du document de référence du réseau - principalement son annexe portant sur les gares.
44. SNCF Réseau soutient quant à lui que l'Autorité ne peut lui enjoindre de modifier le DRG, compte tenu du caractère réglementaire de ce document. D'après SNCF Réseau, les pouvoirs de l'Autorité définis à l'article L. 2134-2 du code des transports se limiteraient à la précision des conditions techniques et financières nécessaires au règlement du différend, et excluraient toute modification d'un acte réglementaire.
45. En outre, SNCF Réseau indique que si l'Autorité dispose bien du pouvoir d'adopter des décisions réglementaires, elle ne peut l'utiliser que dans le cadre défini à l'article L. 2131-7 du code des transports, qui prévoit que les décisions de l'Autorité sont homologuées par le ministre chargé des transports. Or, une décision entraînant la modification du DRG, nécessairement applicable aux tiers, revêtirait un caractère réglementaire et ne pourrait, dès lors, pas être prise dans le cadre de l'article L. 2134-2 du code des transports.
46. Enfin, SNCF Réseau estime que l'Autorité ne pourrait statuer sur la légalité du DRG, qui relève de la compétence exclusive de la juridiction administrative. Seul le pouvoir d'avis conforme de l'Autorité prévu à l'article L. 2133-5 du code des transports lui permettrait de se prononcer sur le contenu du DRG, notamment l'examen des redevances relatives à l'accès aux gares de voyageurs.
47. En réplique, la Région fait valoir que priver l'Autorité de sa faculté de modifier le DRG dans le cadre d'un règlement de différend porterait atteinte à l'effectivité de la régulation et ajoute que l'existence du pouvoir d'avis conforme de l'Autorité ne remet pas en cause sa capacité à apprécier la légalité du DRG à l'occasion du règlement d'un différend.
Appréciation de l'Autorité
48. Le paragraphe 1 de l'article 56 de la directive du 21 novembre 2012 prévoit que les organismes de contrôle peuvent être saisis par un candidat autorisé « dès lors qu'il estime être victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice, notamment pour introduire un recours contre les décisions [du gestionnaire d'infrastructure] en ce qui concerne :
a) Le document de référence du réseau dans ses versions provisoire et définitive ;
b) Les critères exposés dans ce document ;
c) La procédure de répartition et ses résultats ;
d) Le système de tarification ;
e) Le niveau ou la structure des redevances d'utilisation de l'infrastructure qu'il est ou pourrait être tenu d'acquitter ;
f) Les dispositions en matière d'accès […] ;
g) L'accès aux services et leur tarification […]
49. L'article L. 2134-2 du code des transports, qui reprend en droit français ces dispositions, dispose que l'Autorité peut être saisie par une personne autorisée dès lors qu'elle s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire et « en particulier :
1° Au contenu du document de référence du réseau ; (…)
3° Aux conditions particulières qui lui sont faites ; (…)
6° A l'exercice du droit d'accès aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de service, ainsi qu'à la fourniture et à la tarification des prestations minimales, complémentaires ou connexes offertes sur ces gares de voyageurs et ces autres infrastructures de service ; (…) ».
50. L'Autorité constate que les demandes formulées par la Région entrent dans le champ du pouvoir de règlement des différends qui lui est ainsi conféré, en tant qu'elles portent directement sur le contenu du DRG, partie intégrante du DRR (annexe 9.1), notamment en ce qui concerne la tarification des prestations régulées évoquée à travers les demandes n° 2 et 3, ou lui sont indissociablement liées (demande n° 3 de communication d'informations liées au DRG). Au stade de la recevabilité, l'Autorité n'a pas à qualifier les pratiques contestées. Par suite, la Région est recevable à saisir l'Autorité du différend qui l'oppose à SNCF Réseau, dont l'objet entre dans le champ d'application de l'article L. 2134-2 du code des transports.
51. S'agissant de l'étendue et de la portée de son pouvoir de règlement des différends, l'Autorité rappelle que le paragraphe 2 de l'article 56 de la directive du 21 novembre 2012 lui permet, sans préjudice des compétences des autorités nationales de concurrence, d'assurer « le suivi de la situation de la concurrence sur les marchés des services ferroviaires et, en particulier, [de] contrôler le paragraphe 1, points a) à g), de sa propre initiative en vue de prévenir toute discrimination à l'égard des candidats ». En particulier, l'Autorité peut notamment vérifier « si le document de référence du réseau contient des clauses discriminatoires ou octroie au gestionnaire de l'infrastructure des pouvoirs discrétionnaires pouvant être utilisés à des fins de discrimination à l'égard des candidats ». En outre, le paragraphe 9 du même article permet à l'Autorité d'adopter, de sa propre initiative, « les mesures appropriées pour corriger toute discrimination à l'égard des candidats, toute distorsion du marché et toute autre évolution indésirable sur ces marchés, notamment eu égard aux points a) à g) du paragraphe 1 ». Il résulte de ces dispositions que dans le cadre du règlement d'un litige, la directive reconnaît à l'Autorité un large pouvoir dont elle peut faire usage pour mettre fin à une situation qui n'irait pas dans le sens des objectifs rappelés ci-dessus. Par conséquent, l'Autorité est nécessairement investie, à l'occasion du règlement d'un différend, du pouvoir d'enjoindre au gestionnaire d'infrastructure de modifier le document de référence du réseau.
52. En outre, le paragraphe 9 de l'article 56 de la directive du 21 novembre 2012 susvisée précise que les décisions de règlement d'un différend « sont contraignantes pour toutes les parties concernées et ne sont soumises au contrôle d'aucune instance administrative ». Dès lors, si les décisions prises par l'Autorité à l'occasion du règlement d'un différend peuvent avoir un impact sur les tiers, leur adoption n'implique pas, pour autant, que l'Autorité fasse usage du pouvoir réglementaire supplétif prévu par l'article L. 2131-7 du code des transports, qui est sans lien avec cette procédure. Contraindre l'Autorité à soumettre à l'homologation du ministre, condition posée à l'exercice du pouvoir réglementaire supplétif, toute décision de règlement d'un différend tendant à modifier le document de référence du réseau serait manifestement contraire à la directive.
53. Par ailleurs, la procédure d'avis conforme instituée sur la tarification des prestations rendues dans les installations de service, applicable depuis le 1er janvier 2015, et dont le contentieux relève de la juridiction administrative, ne saurait remettre en cause la compétence que l'Autorité tire de l'article L. 2134-2 du code des transports dès lors que celle-ci n'est pas exclusive de toute autre procédure devant l'Autorité et n'a, en tout état de cause, pas le même objet qu'une procédure de règlement des différends.
54. Admettre le contraire conduirait l'Autorité à ne pas remplir son office en se déclarant systématiquement incompétente pour traiter des demandes relatives au contenu du document de référence du réseau ou encore à la tarification des prestations offertes sur les installations de service alors que la directive et la loi l'investissent expressément, sur ces sujets, de la compétence de régler des différends.
55. La compétence du juge administratif pour connaître des recours contre l'avis conforme de l'Autorité sur la tarification des prestations rendues dans les installations de service ne saurait limiter la compétence du juge judiciaire sur les recours contre les décisions de règlement des différends de l'Autorité, compte tenu de la nature distincte des procédures.
56. Au vu de ce qui précède, l'Autorité est compétente pour enjoindre, le cas échéant, au gestionnaire d'infrastructure de modifier le DRG.
3.2. Analyse des demandes
3.2.1. Sur la demande n° 1 visant le respect des obligations de transparence
57. La Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau la communication annuelle, au moins deux mois avant le début de chaque horaire de service, de la comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées en région Pays de la Loire, dans les conditions suivantes :
- la comptabilité devra être détaillée pour chaque ligne de charges d'exploitation et d'investissements (tel que le détail de la nature et du montant de la charge ou de l'investissement, la clé de répartition, etc.). Ce détail devra notamment être fourni pour les charges liées à la rémunération de Gares & Connexions au titre des activités qui lui sont déléguées dans le cadre de la CSG (comme la maintenance des ascenseurs et des escaliers mécaniques par exemple).
- elle devra détailler l'ensemble des bases comptables de chacune des gares considérées afin de vérifier la pertinence de l'imputation des actifs soumis à amortissements et des futurs investissements envisagés entre les différentes activités de transports utilisatrices de la gare.
58. De plus, la Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau la communication des informations détaillées relatives aux plans de surface.
Moyens des parties
59. Au soutien de sa demande, la Région fait valoir que SNCF Réseau aurait l'obligation de lui fournir ses éléments en vertu du IV de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 et d'une obligation générale de transparence fondant la directive du 21 novembre 2012 et la loi du 4 août 2014. Or, selon lui, les informations fournies par SNCF Réseau ne lui permettraient pas de contrôler les prestations offertes ainsi que le calcul de la redevance. De plus, la méconnaissance des programmes prévisionnels d'investissements ne lui permettrait pas de prévoir à moyen terme les redevances qu'il serait conduit à verser.
60. La transmission de la comptabilité analytique serait nécessaire pour permettre à la Région d'apprécier si les redevances qu'il supporte sont justifiées au regard notamment des obligations de SNCF Réseau de non-discrimination et de facturation en lien avec les coûts. Les plans de surface lui permettraient quant à eux de comprendre les investissements qui lui sont imputés.
61. En défense, SNCF Réseau fait valoir que la comptabilité règlementaire qui peut être transmise sur demande aux autorités organisatrices de transport pour chacun des périmètres de gestion se limiterait à la comptabilité analytique, à l'exclusion du compte de résultat de la gare et des informations relatives aux capacités d'autofinancement dégagées par SNCF Réseau. De même, si la comptabilité règlementaire doit porter tant sur les prestations régulées que sur les prestations non régulées, ce n'est qu'à propos des prestations régulées que cette comptabilité devrait retracer les produits et les charges. Il précise en outre qu'il fournit à chaque instance régionale de concertation un grand nombre d'informations.
Appréciation de l'Autorité
Sur la transmission de la comptabilité analytique par périmètre de gestion :
62. Le paragraphe IV de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 dispose qu'une comptabilité analytique distingue sur chaque périmètre de gestion :
- les charges liées aux prestations régulées ;
- les charges liées aux prestations non régulées ;
- et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées.
63. Selon ce même article, cette comptabilité analytique permet de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Elle est en outre communiquée sur demande à l'Autorité ainsi qu'aux autorités organisatrices et aux entreprises ferroviaires concernées.
64. Il ressort ainsi de ces dispositions que la Région est en droit d'obtenir, sur demande, une comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées en région Pays de la Loire, détaillée par postes de charges.
65. Par ailleurs, le paragraphe II de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 prévoit que le DRG « justifie, pour chaque périmètre de gestion défini au I de l'article 13-1, par référence aux principes de détermination des redevances prévues au II de ce même article :
a) La méthodologie utilisée pour déterminer ces redevances et leurs modulations, y compris les principes comptables retenus ;
b) La définition de la clé de répartition entre les charges affectées au transport régional et celles relatives aux autres types de transport ;
c) La prévision des coûts liés aux installations et aux services en distinguant les charges directement liées aux prestations régulées et les charges communes ;
d) Les hypothèses relatives à la demande de prestations régulées ;
e) Les hypothèses ayant permis de déterminer la clé de répartition utilisée pour la prévision des quotes-parts de charges communes affectées respectivement aux prestations régulées et non régulées ;
f) Les programmes d'investissements ainsi que la structure des financements correspondants justifiant les amortissements et le calcul du coût des capitaux engagés prévus à l'article 13-1 ;
g) Le détail des produits de cession prévus à l'article 22 du décret n° 83-816 du 13 septembre 1983 susvisé. »
66. En application du même article, le document de référence des gares de voyageurs s'inscrit dans une perspective pluriannuelle et permet une comparaison des coûts affectés aux gares sur les deux années antérieures. Il est également précisé que les charges prises en compte par SNCF Réseau pour la détermination de la redevance, au titre des prestations régulées, relative à son patrimoine en gare distinguent les charges de gestion relevant de la convention de services en gare et les charges d'investissement.
67. A l'appui de l'analyse des DRG des exercices 2014 à 2016, l'Autorité constate que SNCF Réseau n'a pas satisfait pleinement aux exigences de transparence issues de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003.
68. Dans la mesure où le document présenté ne s'inscrit pas dans une perspective pluriannuelle et ne permet pas une comparaison des coûts affectés aux gares sur les deux années antérieures, l'Autorité estime que le projet de DRG n'apporte pas l'ensemble des justifications prévues au II de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 modifié. En outre, elle souligne que les programmes d'investissements de SNCF Réseau et Gares & Connexions tels que présentés dans les projets de DRG sont insuffisamment décrits au regard des dispositions du paragraphe II de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 et qu'il convient de détailler les investissements considérés dans la construction des tarifs par périmètre de gestion des gares, par exemple en annexe du DRG (9).
69. Parallèlement, dans le cadre des comités d'investissements des instances régionales de concertation pour les gares de segment A, SNCF Réseau produit des informations relatives aux travaux et projets d'investissement et déclare, sans toutefois en rapporter la preuve, fournir un grand nombre d'informations comptables. Contrairement aux gares de catégorie A, il n'existe pas d'instances régionales de concertation pour les gares de catégories B et C. Il existe donc, pour ces périmètres de gestion, un défaut de transparence.
70. Il ressort par conséquent des éléments demandés aux points a) à f) au II. de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 que la Région est en droit d'obtenir, dans le cadre du DRG, la communication des justifications relatives aux charges d'amortissement imputées à chaque périmètre de gestion ainsi qu'aux programmes d'investissement envisagés.
71. Pour éviter la communication dispersée et hétérogène des informations exigées, comme elle le constate à travers l'envoi par SNCF Réseau de multiples tableaux, de formats variables selon les dates, qui nuit au principe de transparence, l'Autorité a proposé un modèle de mise à disposition des données demandées par la Région.
72. L'Autorité relève l'accord des deux parties, qui ont déclaré lors de l'audience ne pas s'opposer à l'établissement des tableaux selon le modèle annexé à la présente décision. En conséquence, SNCF Réseau devra se mettre en mesure de transmettre à la Région, pour chacun des périmètres de gestion en Pays de la Loire, deux mois avant chaque horaire de service, le fichier de données renseigné sur le modèle de l'annexe 1 de la présente décision, à compter de l'horaire de service 2016.
Sur la transmission d'informations détaillées sur les plans de surfaces :
73. La Région demande également la transmission des plans de l'ensemble des surfaces sur lesquelles s'appuie la constitution du tarif des redevances, demande sur laquelle SNCF Réseau ne s'est pas exprimé.
74. Le e, paragraphe II, de l'article 14-1 du décret du 7 mars 2003 précité mentionne, dans les justificatifs devant être fournis au sein du DRG quant à la construction des redevances, « les hypothèses ayant permis de déterminer la clé de répartition utilisée pour la prévision des quotes-parts de charges communes affectées respectivement aux prestations régulées et non régulées ». L'objectif poursuivi par une telle transmission est gouverné par un principe de transparence des surfaces prises en compte, de leur répartition et de leurs évolutions pour la détermination des clés de répartition des charges communes entre les comptes régulés et non régulés.
75. Cependant, contrairement à l'affaire ayant donné lieu à la décision de l'Autorité n° 2015-002, où les surfaces étaient effectivement prises en compte pour la détermination des redevances en cause, aucune surface n'est prise en compte actuellement dans la construction de la redevance. Dès lors, il apparaît que ces informations, dont l'instruction a fait apparaître qu'elles étaient, par ailleurs, transmises dans le cadre des instances régionales de concertation, ne peuvent faire l'objet d'une obligation de transmission.
3.2.2. Sur la demande n° 2 visant la fixation du taux de rémunération du capital
76. Le paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié précise que les redevances liées aux prestations régulées doivent permettre de « couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations ». Il précise que « Ces charges comprennent pour les biens et services en gare de voyageurs : (…) c) Le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements ».
77. Ainsi, le décret du 7 mars 2003 modifié prévoit la prise en compte d'une rémunération des capitaux, correspondant aux charges liées à la dette et aux fonds propres du gestionnaire de gare.
78. Le DRG 2015 modifié - version du 5 décembre 2014, dans son chapitre 4.E (partie B), précise la formule de calcul du coût des capitaux engagés pour le patrimoine de SNCF Réseau dans les gares de voyageurs :
CMPC (AV ISmin) = KCP / (1 - ISmin) x CP / (CP+D) + KD x (1 - ISdéductible) / (1 - ISmin) x D / (CP+D)
Avec : coût des capitaux propres = KCP = taux sans risque + βCP x prime du marché
coût de la dette = KD = taux sans risque + βD x prime du marché
βe = βCP x CP / (CP+D) + βD x D / (CP+D)
79. SNCF Réseau précise en outre que l'évaluation du coût du capital fait intervenir les paramètres financiers suivants :
- le taux sans risque découlant des anticipations d'inflation et de croissance ;
- la prime de risque du marché fondée sur un consensus d'analystes financiers ;
- le coefficient βe de sensibilité de l'actif économique à l'évolution du marché, évalué sur la base d'analyses de risque comparative et intrinsèque ;
- la structure de capital cible : part de la dette dans le financement de l'actif D / (CP+D) et part des capitaux propres CP / (CP+D), estimées de façon normative sur la base d'une structure bilancielle crédible pour un gestionnaire d'infrastructure régulé ;
- le spread [= βD x prime du marché] de financement exigé par les créanciers en contrepartie de l'achat d'obligations.
80. Le montant de rémunération du capital pris en compte dans les redevances s'élève pour 2015 à 13,8 millions d'euros, dont environ 0,3 million d'euros pour les gares de la région Pays de la Loire.
81. La Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau de fixer un taux de rémunération des capitaux investis à 3,6 % au maximum. Les écritures échangées lors de l'instruction semblent opposer l'utilisation de la méthode dite MEDAF (méthode d'évaluation des actifs financiers), soutenue par SNCF Réseau, et des recommandations issues du rapport Gollier, mentionnées par la Région. L'Autorité constate cependant que la demande de la Région consiste in fine à prendre un niveau de prime de risque égal à zéro, ou au maximum à 1%, en prenant en compte un bêta à 0,5 et une prime de marché à 2%, et à n'appliquer aucun impôt sur les sociétés. Le différend porte donc sur les valeurs numériques à retenir pour les différents paramètres intervenant dans la formule de calcul.
82. L'Autorité s'attachera donc à examiner les niveaux retenus pour chacun des paramètres intervenant dans le calcul du coût moyen pondéré du capital : taux sans risque, prime de risque, structure financière et impôt sur les sociétés.
83. L'Autorité constate, en particulier, que SNCF Réseau et la Région retiennent la même valeur pour le coût de la dette (3,8%). Ce taux ne diffère pas significativement du taux de 3,9% constaté dans les comptes annuels de 2014 de SNCF Réseau.
84. Le périmètre d'analyse de l'Autorité se limite à l'activité de gestion du patrimoine de SNCF Réseau dans les gares de voyageurs. En particulier, l'appréciation du risque fondant l'estimation du coût des fonds propres dans la présente décision prend en compte les spécificités de la mission de gestionnaire de gares notamment en matière de principes règlementaires de tarification. Par conséquent, l'Autorité n'a pas effectué une analyse des risques associés à l'ensemble des missions de SNCF Réseau et le taux de rémunération des capitaux estimé ci-après ne saurait être étendu à ce périmètre plus large.
a) Sur le niveau du taux sans risque :
85. En cohérence avec les hypothèses de son plan d'affaires, SNCF Réseau retient une valeur du taux sans risque de 3,4% correspondant à une anticipation d'inflation et de croissance de l'ordre de 1,7% à long terme chacune.
86. Afin d'éviter les effets de cycle trop importants, l'Autorité retient un taux sans risque correspondant au « rendement moyen des obligations d'Etat Français à dix ans, émis au cours des dix dernières années connues » (10).
87. L'Autorité constate que la moyenne sur les dix dernières années des obligations d'Etat à 10 ans s'établit à :
3,7% avant la publication du DRR 2014 (moyenne entre octobre 2002 et septembre 2012) ;
3,5% avant la publication du DRR 2015 (moyenne entre octobre 2003 et septembre 2013) ;
3,3% avant la publication du DRR 2016 (moyenne entre octobre 2004 et septembre 2014).
b) Sur la prime de risque :
Moyens des parties
88. La Région conteste le taux de 10,9% avant impôt retenu pour la rémunération des fonds propres de SNCF Réseau et estime que ce taux devrait in fine correspondre au taux sans risque arrêté par SNCF Réseau à 3,4%.
89. Selon la Région, il n'y aurait pas lieu de tenir compte d'une prime de risque spécifique car la nature des activités du gestionnaire de gares serait caractérisée par un niveau de risque en réalité inexistant pour les raisons suivantes :
- SNCF Réseau n'encourt aucun risque d'insolvabilité ;
- l'essentiel de l'activité de gestionnaire de gares de SNCF Réseau s'inscrit dans le cadre de la fourniture de prestations monopolistiques ;
- le trafic dans les gares de la région Pays de la Loire est en augmentation constante depuis des années. Le nombre de départs-trains sur l'ensemble du territoire national connaît la même tendance ;
- les modalités mêmes de calcul des redevances garantissent la couverture des coûts des investissements réalisés par SNCF Réseau.
90. S'agissant du calcul de la prime de risque, la Région estime que la valeur du coefficient bêta (0,52) est surestimée. A titre d'illustration, une valeur de 0,33 est retenue pour ce paramètre par la Commission de régulation d'énergie (CRE) pour le calcul du CMPC des sociétés ERDF et RTE, gestionnaires des réseaux de distribution et de transport d'électricité. De plus, le fait que la CRE retienne un bêta plus élevé pour les réseaux de transport de gaz naturel s'explique selon la Région par le risque accru de substituabilité du gaz par rapport à l'électricité. Or, il n'y aurait pas, d'après la Région de prestations substituables à celles fournies en gares de voyageurs pour les entreprises ferroviaires exerçant une activité de transport de voyageurs. Par ailleurs, la Région souligne que les gestionnaires des réseaux de transport de gaz GRTGaz et TIGF sont des filiales de sociétés cotées, GDF et Total.
91. En outre, d'après la Région, l'article 3.17 de la directive 2012/34/UE interdirait d'utiliser comme référence du coefficient bêta une valeur issue d'un autre secteur que le secteur ferroviaire, comme le fait SNCF Réseau, dont l'estimation repose sur un échantillon de gestionnaires européens d'infrastructures notamment routières.
92. Le taux de la prime de marché de 6 % serait également surévalué selon la Région, dans la mesure où il ne tient pas compte du caractère public de SNCF Réseau et de ses actifs, comme l'Autorité l'a relevé pour Gares & Connexions. La Région indique que la mission présidée par Emile Quinet recommande dans son rapport dédié à l'évaluation socioéconomique des investissements publics de retenir une valeur de 2% pour le taux de risque macroéconomique de tels investissements publics.
93. Ainsi, pour la Région, si une prime était considérée justifiée, son estimation haute appliquée au secteur du transport ferroviaire régional de voyageurs ne pourrait excéder 1 %, en prenant en compte un bêta à 0,5 et une prime de marché à 2 %.
94. En défense, SNCF Réseau indique qu'au plan organique, il est un établissement public à caractère industriel et commercial et constitue, au sens du droit communautaire, un opérateur économique. Il supporterait, malgré sa position de monopole, un risque économique lié aux coûts et aux trafics. Le risque de l'activité des gares résulterait ainsi de facteurs exogènes variés qui présentent des impacts sur la demande de transport (grèves, travaux et incidents sur le réseau) et/ou sur les coûts de maintenance et d'exploitation (évolution du prix des matières premières).
95. S'agissant de l'approche purement socio-économique d'évaluation des risques, SNCF Réseau estime qu'elle n'est utilisée que dans le cadre de l'évaluation de la pertinence d'un investissement et non pour en déterminer le coût purement économique. Or, ce que recherche SNCF Réseau au travers de la détermination de sa prime de risque n'est pas de déterminer la stratégie de sa politique d'investissement mais de tirer les conséquences de la mise en œuvre de cette politique sur le montant des redevances dues par les usagers.
Appréciation de l'Autorité
96. La prise en compte, pour l'établissement des redevances, d'une rémunération des capitaux engagés n'est pas contestable, en tant qu'elle est prévue dans le décret du 7 mars 2003, si elle est corrélée au risque supporté par l'exploitant de l'installation de service.
97. Pour l'estimation du niveau de risque, SNCF Réseau retient un niveau de prime du marché de 6% et un bêta de 0,52 issu d'une comparaison avec un échantillon de gestionnaires d'infrastructures régulées opérant dans les secteurs notamment routier et de la gestion de l'eau (11). Or, comme elle l'a déjà indiqué dans son avis n° 2013-024 relatif au coût d'immobilisation du capital pour les horaires de service 2014 et 2015, l'Autorité considère ce choix inadéquat pour SNCF Réseau en sa qualité de gestionnaire des quais.
98. En effet, la prime de risque doit tenir compte de la nature des activités régulées de gestionnaire de quais, de la sensibilité de ses résultats aux aléas économiques, de son modèle tarifaire et de son statut d'établissement public. Pour l'Autorité, ces facteurs conduisent à considérer que la prime de risque devrait être inférieure à celle considérée par SNCF Réseau pour les raisons suivantes :
- le caractère d'infrastructures de long terme et le poids des activités conventionnées dans le trafic en gares de voyageurs font de la gestion de ces dernières une activité à flux de trésorerie prévisible ;
- le système de tarification, qui s'apparente à un mécanisme de type « Cost plus » permet, par construction, au gestionnaire de couvrir l'essentiel de ses coûts en réajustant annuellement sa trajectoire financière. Ce mode de tarification permet de limiter le risque de dérive des coûts d'entretien du patrimoine de SNCF Réseau dans les gares, qui découle, selon SNCF Réseau, de sa faible maîtrise des charges relatives à cette mission qu'il est légalement contraint légalement de déléguer à SNCF Mobilités (12). De la même manière, comme les redevances sont établies annuellement, si les trafics réalisés sont en dessous des prévisions, ces dernières peuvent être corrigées sur les horaires de service suivants. Par conséquent, la comparaison ne saurait se faire à d'autres gestionnaires d'infrastructures qui ne sont pas soumis aux mêmes principes de tarification et dont le risque sur les recettes est vraisemblablement plus élevé.
99. En revanche, la Région n'est pas fondée à soutenir qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte une prime de risque. En effet, on ne peut tirer de conclusion du seul monopole de la gestion des quais attribué à SNCF Réseau sans avoir parallèlement examiné les conditions économiques, techniques et juridiques dans lesquelles cette activité est exercée et encadrée. Pour la même raison, le seul statut d'établissement public de SNCF Réseau ne saurait valoir démonstration de l'absence de risque. En revanche, en ce que ce statut offre des conditions de financement à SNCF Réseau plus favorables qu'à une société de droit privé, il constitue un facteur d'atténuation du risque, qui se traduit directement dans le coût du crédit, lui-même pris en compte dans le calcul du CMPC.
100. Or, l'Autorité constate que les dispositions de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 précité, qui prévoient le principe d'une couverture de l'ensemble des charges prévisionnelles par les redevances, tout comme les modalités de mise en œuvre prévues dans les DRG successifs n'annihilent pas tout risque, quand bien même celui-ci se trouve fortement limité par les mécanismes prévus. Il demeure en effet un aléa sur la réalisation des prévisions, en particulier sur les charges d'exploitation et sur le trafic.
101. SNCF Réseau supporte ainsi, pour l'exercice concerné, les conséquences d'une dérive des charges d'exploitation par rapport aux prévisions ayant fondé le calcul des redevances. En revanche, il n'est pas exposé au risque d'écarts de coûts sur les dépenses d'investissement, qui font l'objet d'une régularisation systématique.
102. SNCF Réseau doit également assumer le manque à gagner qui pèserait sur lui en cas d'erreur de prévision en faveur des utilisateurs, à savoir une surestimation du trafic prévisionnel conduisant à une sous-estimation du tarif unitaire nécessaire au recouvrement de ses coûts. En revanche, il restituera aux entreprises ferroviaires un éventuel trop perçu dans le cas inverse d'erreur de prévision en défaveur des utilisateurs (13), même si ce risque, comme indiqué plus haut, est réduit par le caractère annuel de la tarification.
103. S'agissant de la prime de marché associée aux activités relatives aux gares de voyageurs, comme elle a déjà eu l'occasion de l'indiquer, l'Autorité considère que celle-ci doit être comprise entre 2 et 3%, par référence aux méthodologies développées en matière d'analyse des risques liés aux investissements publics (14).
104. S'agissant du coefficient bêta, l'Autorité a, dans ses précédents avis, contesté l'échantillon retenu par SNCF Réseau qui conduisait à fixer ce coefficient par comparaison aux coefficients bêtas utilisés pour d'autres gestionnaires d'infrastructure. Elle a considéré que le profil de risque des gestionnaires de gares diffère de façon importante de celui des activités choisies comme comparables (15). Ainsi, consultée pour avis sur le CMPC des horaires de service 2014 et 2015, l'Autorité a proposé de retenir un bêta d'une valeur de 0,42, par analogie aux moyennes observées dans le secteur de l'électricité. Cette valeur a été revue à 0,33 dans les derniers tarifs (16). En tout état de cause, l'Autorité a précisé que le bêta retenu ne saurait excéder 0,5, correspondant à l'évaluation par la mission présidée par Emile Quinet de la sensibilité moyenne du secteur des transports aux aléas économiques.
105. Au vu de ce qui précède, l'Autorité retient une valeur du bêta comprise entre 0,33 et 0,5 et une valeur de la prime du marché comprise entre 2 et 3 %.
c) Sur la structure financière :
Moyens des parties
106. SNCF Réseau fonde son calcul du CMPC sur une structure financière « cible » correspondant à une structure financière théorique calculée en référence à un échantillon de gestionnaires d'infrastructure. Cela conduit SNCF Réseau à retenir un taux moyen d'endettement de 58,8 % correspondant au taux constaté pour les entreprises prises en comparaison et qui traduit selon lui « une structure bilancielle crédible pour une entreprise régulée gestionnaire d'infrastructure » (17).
107. La Région privilégie, pour sa part, l'approche adoptée par l'Autorité dans ses précédents avis relatifs au CMPC pour les gares de voyageurs, où elle avait pris en compte le taux réel d'endettement des gestionnaires de gares, soit un niveau de 74 % pour SNCF Réseau. Pour autant, la Région retient in fine pour le calcul du CMPC qu'elle propose l'hypothèse de SNCF Réseau de 58,8 %.
Appréciation de l'Autorité
108. Il n'y a pas lieu de s'écarter de l'objet de la rémunération du capital qui vise à couvrir « le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée ». Ainsi, la structure financière prise en compte n'a pas lieu de s'écarter des valeurs réelles d'endettement et de capitaux propres de SNCF Réseau constatées dans le bilan de l'entreprise, faute de bilan propre à l'activité de gestion des quais ou même à toute autre activité l'englobant.
109. Or, il ressort de la lecture des comptes de SNCF Réseau que les derniers taux d'endettement connus s'établissent à :
73,3 % lors de la publication du DRG 2014 (taux constaté pour l'exercice comptable 2011) ;
72,4 % lors de la publication du DRG 2015 (taux constaté pour l'exercice comptable 2012) ;
71,5 % lors de la publication du DRG 2016 (taux constaté pour l'exercice comptable 2013).
MONTANT EN M € |
2013 |
2012 |
2011 |
---|---|---|---|
Dette financière |
38 881,5 |
35 577,5 |
33 669,0 |
Capitaux propres |
15 480,3 |
13 547,2 |
12 289,6 |
Taux d'endettement |
71,5% |
72,4% |
73,3% |
d) Sur le taux d'impôt sur les sociétés :
Moyens des parties
110. La Région considère que la prise en compte d'un impôt sur les sociétés est injustifiée dans la mesure où :
- il est appliqué au calcul des redevances d'accès en gare acquittées par une activité de service public conventionnée telle que TER : il constituerait donc un prélèvement sur les contributions d'un établissement public local au profit de l'Etat ;
- l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié prévoit que « les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité ». Or, les montants d'impôt sur les sociétés acquittés par SNCF Réseau seraient limités et en décroissance ;
- dans le cadre de la réforme, l'impôt sur les sociétés dû par SNCF Réseau à partir de 2015 serait acquitté au niveau du groupe SNCF, ce qui permettra une mutualisation des bénéfices de SNCF Mobilités et des déficits de SNCF Réseau et devrait conduire à une réduction de l'impôt sur les sociétés dû par le groupe, ainsi que l'explique l'avis n° 652 présenté au nom de la Commission des finances sur le projet de loi. De même, si l'activité de SNCF Réseau en gares de voyageurs ne dégageait pas de résultat, il ne devrait pas acquitter d'impôt sur les sociétés du seul fait de son intégration au groupe SNCF.
111. En défense, SNCF Réseau fait valoir qu'il est assujetti à cet impôt et le décaisse effectivement. Le taux d'impôt sur les sociétés qu'il retient est le taux de droit commun de 34,43 % diminué de 60 % au titre des déficits reportables, soit 13,77 %. Ce taux ne tient compte ni de la réintégration de 15 % (en 2014) puis 25 % (en 2015) des charges financières ni de la contribution exceptionnelle de 10,7 % (pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2013).
Appréciation de l'Autorité
112. Le coût du capital est, conformément aux pratiques couramment utilisées dans d'autres secteurs régulés, calculé avant impôt dans la mesure où les revenus issus de la rémunération du capital sont soumis à cet impôt (18). Les autres entreprises régulées (énergie, télécommunication) évaluent ainsi une rémunération du capital fondé sur un CMPC avant impôt permettant de financer la future charge d'impôt sur les sociétés due sur leur résultat net annuel.
113. Le calcul des redevances s'effectue sur la base de coûts prévisionnels. La prise en compte de l'impôt sur les sociétés reflète bien les normes fiscales en vigueur, la rémunération du capital générant bien un surplus d'impôt sur les sociétés. L'Autorité constate à cet égard que RFF a payé respectivement 48, 12 et 22 millions d'euros d'impôt sur les sociétés pour les exercices 2012, 2013 et 2014.
114. Il est cependant constaté que SNCF Réseau est régulièrement assujetti à une imposition réduite et que cette situation devrait perdurer compte tenu à la fois de l'ampleur des déficits reportables et d'une perspective de retour à l'équilibre repoussée de plusieurs années (19).
115. L'Autorité constate que le report en avant des déficits est limité depuis les exercices clos à compter du 31 décembre 2012 à hauteur de 50 % du bénéfice de l'exercice (20). Cela conduit à un taux d'impôt minimal de 17,22 % au lieu de 34,43 %, qui ne peut être ignoré dans la détermination des redevances facturées aux utilisateurs.
116. L'Autorité note enfin que SNCF Réseau est intégré fiscalement à l'EPIC SNCF depuis le 1er janvier 2015 et que la convention d'intégration fiscale serait bâtie, selon SNCF Réseau, sur le modèle de la neutralité fiscale (21). Dans ce cadre, SNCF Réseau s'acquittera d'un impôt sur les sociétés de la même manière que s'il n'était pas intégré fiscalement.
117. Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2015, compte tenu de la réunification du gestionnaire d'infrastructure, la charge d'impôt sur les sociétés ne portera plus uniquement sur les résultats d'activité du gestionnaire d'infrastructure historique RFF mais aussi sur les résultats d'activités correspondant aux anciens périmètres de la direction de la circulation ferroviaire et de SNCF Infra. Or, au vu du déficit reportable historique de RFF et des résultats passés de SNCF Infra, les prévisions d'impôt sur les sociétés à payer par SNCF Réseau ne devraient pas être fondamentalement modifiées. Ce point pourra être vérifié dans le contrat liant l'Etat et SNCF Réseau qui précisera la trajectoire financière du gestionnaire d'infrastructure et permettra de bénéficier d'une meilleure visibilité sur les montants d'impôt sur les sociétés à décaisser.
118. En conséquence, l'Autorité estime qu'il convient de tenir compte de la charge d'impôt sur les sociétés générée par la rémunération des capitaux en retenant un taux d'impôt de 17,22 %.
e) Conclusion :
119. L'Autorité estime le coût moyen pondéré du capital à l'intérieur des fourchettes suivantes, selon les paramètres indiqués dans les tableaux figurant en annexe 2 :
- entre 4,7 % et 5,6 % pour l'horaire de service 2014 ;
- entre 4,6 % et 5,5 % pour l'horaire de service 2015 ;
- entre 4,6 % et 5,4 % pour l'horaire de service 2016.
3.2.3. Sur la demande n° 3 visant la modification de la méthode de calcul des redevances
a) Sur la procédure de valorisation des amortissements de certains investissements en « coût courant » :
120. La Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau de modifier les procédures de valorisation des amortissements de certains investissements en « coût courant » afin d'amortir l'ensemble de ses investissements en coût historique et d'appliquer des durées d'amortissement pour les investissements liés aux grandes halles de voyageurs et aux ascenseurs et escaliers mécaniques qui soient conformes aux règles de comptabilité générale tenant compte de la durée d'utilité des actifs.
Moyens des parties
121. La Région fait valoir que, selon le DRG 2015, sont désormais amortis en coût courant les grandes halles de voyageurs, sur une durée de 35 ans, durée prévue à 50 ans pour le DRG 2014, et les ascenseurs et escaliers mécaniques sur une durée de 15 ans. Ce faisant, SNCF Réseau méconnaitrait le principe de tarification en considération des coûts réels supportés et enregistrés en comptabilité en réévaluant à la hausse le prix historique des investissements considérés et en adoptant des durées d'amortissements courtes.
122. Selon la Région, le décret du 7 mars 2003 modifié ne permet pas d'amortir le renouvellement des équipements puisque les prévisions de charges doivent tenir compte des coûts constatés en comptabilité.
123. S'agissant de la durée d'amortissement à appliquer aux grandes halles de voyageurs, rien n'attesterait, selon la Région, de la véracité des informations de SNCF Réseau sur la catégorisation des ouvrages pour le calcul de la durée d'amortissement.
124. De plus, s'agissant de la durée d'amortissement à appliquer aux ascenseurs et escaliers mécaniques, SNCF Réseau ne prouverait pas que les contraintes d'usure prématurée qu'il évoque ne sont pas subies par d'autres exploitants d'équipements du même type. Il ne fournirait en outre aucune information précise sur les durées de vie réelles moyennes et médianes de ces équipements et les exemples qu'il donne conduiraient à calculer des durées moyennes de 22,5 ans et 20,5 ans.
125. S'agissant de l'amortissement en coût courant, SNCF Réseau répond que la notion d'amortissement prévu par le paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 modifié ne peut être réduite aux seuls amortissements comptables. Le décret du 7 mars 2003 modifié ne préconisant aucun mode de calcul de l'amortissement, SNCF Réseau a choisi de retenir un amortissement au coût courant ou amortissement économique pour certains types d'actifs afin de tenir compte des besoins de renouvellement futurs et ainsi de mieux répartir dans le temps les coûts subséquents. Ce mode d'amortissement a pour objet principal de garantir la possibilité pour SNCF Réseau de procéder aux lourds travaux de renouvellement des infrastructures concernées, par l'autofinancement, sans pour autant que la réalisation de ces investissements n'entraîne une augmentation substantielle de la redevance.
126. D'après SNCF Réseau, les actifs concernés ayant une durée de vie très longue, il lui serait impossible de financer le renouvellement de l'actif en retenant un amortissement strictement comptable. Faute de pouvoir amortir en coût courant, il devrait alors soit renoncer à des investissements pourtant nécessaires, soit revoir l'intégralité du calcul des redevances pour compenser les pertes subies, notamment en augmentant substantiellement la rémunération du capital investi.
127. S'agissant des durées d'amortissement retenues pour les grandes halles de voyageurs, SNCF Réseau fait valoir que le choix de la durée d'amortissement repose sur des données objectives, techniques et incontestables. Les 96 grandes halles de voyageurs qu'il possède ont été classées en trois catégories en termes de fréquence de renouvellement (30 ans, 35 ans et 40 ans). Ces catégories ont été définies en fonction de leur matériau de construction principal (90 % en fer, 10 % en béton et une en bois). Sur cette base, SNCF Réseau a décidé de retenir une durée d'amortissement moyenne de 35 ans.
128. S'agissant des durées d'immobilisation retenues pour les ascenseurs et escaliers mécaniques, SNCF Réseau indique que la durée de 15 ans retenue pour la tarification repose sur des considérations objectives. Ces types d'appareils ont une durée de vie théorique de 25 à 35 ans, selon le type de matériel, son usage et son exposition aux évènements externes (intempéries, vandalisme, etc.) dans des conditions normales d'utilisation, moyennant des opérations de grosse réparation à prévoir à mi-vie. Cependant les équipements de SNCF Réseau sont situés en dehors des bâtiments ou espaces clos et dans des espaces souvent non surveillés ; ils sont particulièrement exposés aux intempéries et sujets à des actes de vandalisme bien plus nombreux et en croissance constante.
Appréciation de l'Autorité
129. Les dispositions du paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003 prévoient que le calcul des redevances prenne en compte les charges suivantes :
« a) L'ensemble des charges courantes d'entretien et d'exploitation ;
b) Le financement de la dotation aux amortissements des investissements, y compris les investissements de renouvellement et de mise aux normes, nets des subventions reçues ;
c) Le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements. Les projets de décisions relatives à la fixation du coût d'immobilisation du capital sont préalablement transmis à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires pour avis. »
130. Le DRG 2014 dans sa version 5 du 6 décembre 2013 prévoit en son titre B.4.A.2 Valorisation des amortissements économiques que :
« Les amortissements économiques correspondent au besoin de renouvellement de long terme de l'infrastructure. A l'inverse des amortissements comptables, leur recouvrement par le biais de la logique du coût complet garantit le maintien du patrimoine de RFF en gares dans son périmètre actuel.
Dans le calcul des amortissements économiques, la valorisation des actifs est ainsi adaptée à la politique de renouvellement des différents types d'actifs.
Les actifs pour lesquels le renouvellement n'est pas nécessaire pour maintenir l'infrastructure dans son état actuel de fonctionnement font l'objet d'un amortissement en coût historique, ce qui correspond aux amortissements utilisés en comptabilité d'entreprise.
Les actifs pour lesquels le renouvellement est une nécessité pour maintenir l'infrastructure dans son état de fonctionnement actuel font l'objet d'un amortissement en coût courant économique (grandes halles voyageurs, accès mécanisés). Ce mode d'amortissement consiste à revaloriser la valeur brute de l'actif à amortir en coût courant correspondant au coût actuel de la remise à neuf de cet actif.
Cette méthode permet d'obtenir un amortissement annuel traduisant le besoin de renouvellement lissé sur le long terme.
Le tableau ci-dessous détaille par type d'actifs du patrimoine de RFF en gares la méthode de valorisation choisie et la durée d'amortissement retenue ».
Vous pouvez consulter l'image dans le fac-similé du
JOnº 0210 du 11/09/2015, texte nº 83131. Le DRG 2015 dans sa version du 5 décembre 2014 prévoit en ce qui concerne les dotations aux amortissements que :
« Les dotations aux amortissements sont recalculées par rapport à celles issues de la comptabilité de RFF, afin d'assurer le financement du renouvellement de l'infrastructure existante et de garantir le maintien du patrimoine de RFF en gares dans son périmètre actuel.
Dans l'évaluation des amortissements, la valeur brute comptable des actifs est ainsi recalculée selon la politique de renouvellement des différents types d'actifs :
- les actifs pour lesquels le renouvellement n'est pas nécessaire pour maintenir l'infrastructure dans son état actuel de fonctionnement font l'objet d'un amortissement en coût historique, conformément à la comptabilité de RFF ;
- les actifs pour lesquels le renouvellement est une nécessité pour maintenir l'infrastructure dans son état de fonctionnement actuel font l'objet d'un amortissement en coût courant (grandes halles voyageurs, accès mécanisés). Ce mode d'amortissement consiste à recalculer la valeur brute de l'actif à amortir aux conditions économiques actuelles de remise à neuf de cet actif. Cette méthode permet d'obtenir un amortissement annuel traduisant le besoin moyen de renouvellement.
Les durées retenues pour le calcul des amortissements sont les suivantes :
- aménagements de terrains (stationnement) : 30 ans
- grandes halles voyageurs : 35 ans
- constructions (abris voyageurs et autres équipements physiques des quais) :
- gros œuvre et constructions mono composant (marquises) : 50 ans
- clos et couvert : 30 ans
- lots techniques (électricité, sécurité…) : 20 ans
- autres : 10 à 15 ans ».
Sur le calcul de l'amortissement en coût courant d'un point de vue général :
132. La réglementation fait mention explicite d'une assise comptable pour l'établissement de la tarification. Ainsi le décret du 7 mars 2003, au paragraphe II de son article 13-1, indique que « les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité », les charges étant définies comme comprenant « le financement de la dotation aux amortissements des investissements. ». L'Autorité s'est d'ailleurs prononcée sur ce point à plusieurs reprises, en invitant SNCF Réseau à procéder aux corrections nécessaires (22).
Sur la méthode d'amortissement des grandes halles de voyageurs :
133. Il est à noter que, dans les comptes de SNCF Réseau, la valeur nette comptable des grandes halles de voyageurs, nette de subventions d'investissements, est négative aussi bien au 31 décembre 2010 qu'au 31 décembre 2011. Il existe donc une insuffisance de la comptabilité pour établir la tarification des redevances, puisque faute de comptabilisation des actifs, leur financement ne peut être couvert.
134. Pour remédier aux lacunes des données fournies par la comptabilité de SNCF Réseau, l'Autorité estime justifié que SNCF Réseau procède à une évaluation du coût des actifs manquants, réalisée à dire d'experts. Elle s'est notamment prononcée en ce sens dans son avis n° 2013-026.
135. L'Autorité tient néanmoins à préciser que SNCF Réseau ne saurait, pour ce faire, se fonder sur le seul coût de la valeur à neuf des actifs, sans prise en considération de leur état et, en particulier, de leur âge ou de la date de leur dernier renouvellement.
136. Compte tenu de son caractère extracomptable, la correction de la valeur des grandes halles de voyageurs en Pays de la Loire peut s'appliquer, sur la base d'une analyse technique à conduire d'ici la fin de l'année 2015, à compter de l'horaire de service 2014.
Sur la méthode d'amortissement des ascenseurs et des escaliers mécaniques :
137. S'agissant des ascenseurs et des escaliers mécaniques, la comptabilité fournit une base de calcul satisfaisante. Pour autant, pour l'établissement de ses tarifs, SNCF Réseau remplace une valeur comptable par une valeur revalorisée, afin de traduire le besoin futur d'investissement sur ces actifs. Dès lors, il ne respecte pas les dispositions du décret du 7 mars 2003 rappelées ci-dessus. Par conséquent, SNCF Réseau devrait reprendre la valeur comptable de ces actifs pour le calcul des redevances avec effet à compter de l'horaire de service 2014.
Sur les durées d'amortissement des grandes halles voyageurs, des ascenseurs et des escaliers mécaniques :
138. Les durées d'amortissement par composant retenues par SNCF Réseau diffèrent selon qu'elles sont utilisées dans le cadre de la comptabilité générale ou pour la construction de la tarification. La durée comptable d'amortissement est de 50 ans pour les grandes halles de voyageurs et de 10 ans pour les ascenseurs et escaliers mécaniques, alors que la durée retenue pour l'établissement des redevances est respectivement de 35 ans et 15 ans.
139. Pour l'Autorité, le gestionnaire d'infrastructure doit tenir compte des durées d'utilité comme énoncé dans le référentiel comptable utilisé par SNCF Réseau (norme IAS 16) que ce soit pour la comptabilité générale ou le calcul des tarifs.
140. En première analyse, la durée d'amortissement retenue par SNCF Réseau pour la tarification des grandes halles de voyageurs n'apparaît pas suffisamment longue et devrait être en lien avec la durée comptable, qui est de 50 ans. En effet, la durée de 35 ans entre deux renouvellements qui est citée par SNCF Réseau dans ses écritures ne donne pas suffisamment d'informations sur la nature de ces renouvellements et ne prouve pas qu'une remise à neuf complète de ces structures soit nécessaire tous les 35 ans. La durée d'amortissement utilisée pour la construction des tarifs devrait plutôt s'approcher de celle des « construction - gros œuvre » qui est de 50 ans en comptabilité.
141. En ce qui concerne les escaliers et ascenseurs mécaniques, ceux-ci sont désormais amortis pour la tarification sur une durée de 15 ans tandis que l'amortissement comptable retenu est resté de 10 ans. La durée de vie économique retenue est davantage en lien avec l'utilisation effective de ces actifs. Les éléments transmis par SNCF Réseau lors de l'instruction ne permettent toutefois pas à l'Autorité de valider que cette durée de 15 ans correspond bien à la durée d'utilité réelle.
142. Comme indiqué ci-dessus, s'agissant de l'horaire de service 2014, l'Autorité constate que l'arrêté des comptes de l'année 2014 fait obstacle à la modification a posteriori des durées d'amortissement prises en compte et qu'il ne peut être créé de discordance par rapport à l'information comptable, base de la construction tarifaire prévue par le paragraphe II de l'article 13-1 du décret du 7 mars 2003.
143. Dès lors, il appartient à SNCF Réseau de réaliser, sous le contrôle de ses commissaires aux comptes, une étude technique avant la fin de l'année 2015, dernier exercice comptable non clos, pour définir des durées d'amortissement qui correspondent à la durée d'utilisation réelle des grandes halles de voyageurs et des ascenseurs et escaliers mécaniques et d'en tirer les conséquences, pour les gares de voyageurs de Pays de la Loire, à compter de l'horaire de service 2015.
b) Sur le mode de répartition des charges entre transporteurs :
144. La Région demande à l'Autorité d'enjoindre à SNCF Réseau :
- d'affecter les charges relatives aux projets d'investissements couvrant des prestations à usage exclusif aux seuls transporteurs en bénéficiant ;
- et de répartir les charges communes aux différentes entreprises ferroviaires sur la base du nombre de départs-trains modulés en fonction de la capacité d'emport de chaque train.
145. La demande de la Région portant sur les modalités de répartition des charges entre les transporteurs pour les gares de voyageurs en Pays de la Loire, il convient d'en définir préalablement le périmètre pertinent. Les redevances perçues annuellement s'élèvent à environ 1 million d'euros sur le périmètre des sept gares d'intérêt national (Angers, La Baule, La Roche sur Yon, Laval, Le Mans, Nantes, Saint-Nazaire). S'agissant des gares d'intérêt régional ou local, elles sont quasi-exclusivement desservies par le transporteur TER Pays de la Loire, ce qui justifie en conséquence l'imputation de l'essentiel des charges à cette activité.
146. L'article L. 2122-13 du code des transports, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et applicable à compter du 1er janvier 2015, transpose le paragraphe 7 de l'article 31 de la directive du 21 novembre 2012 en disposant que « Les redevances pour les prestations offertes sur les infrastructures de service ne peuvent être supérieures au coût de la prestation, majoré d'un bénéfice raisonnable ».
147. Au niveau règlementaire, le décret du 20 janvier 2012 précise au travers de son article 3 que la fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel. Le montant de chaque redevance peut être modulé, en fonction de la situation de la concurrence et dans des conditions transparentes et non discriminatoires, pour tenir compte, selon la prestation régulée notamment de la capacité d'emport ou de la longueur du convoi, du type de service de transport qu'il assure, du nombre de voyageurs susceptibles de bénéficier de la prestation et de la période horaire d'utilisation.
148. SNCF Réseau a mis en place dans le DRG (23) un seul tarif par périmètre de gestion qui correspond au service de base sans distinction entre les charges affectables à l'ensemble des transporteurs et celles qui concerneraient exclusivement certains transporteurs. Cette redevance est facturée selon l'unité « départ-train » et fait l'objet d'un mécanisme de régularisation pour tenir compte du trafic réel (24).
Sur l'affectation directe des charges d'investissements aux transporteurs qui en bénéficient :
Moyens des parties
149. La Région considère que l'imputation directe des charges doit être privilégiée et, à défaut seulement, que l'usage de clés de répartition doit être envisagé pour refléter le degré d'utilisation réel des services par les entreprises ferroviaires. Aussi demande-t-elle d'affecter les charges d'investissement bénéficiant uniquement à certaines activités exclusivement à ces dernières.
150. A titre d'exemple, la Région estime que les investissements de rehaussement de quais peuvent être directement affectés en partie à l'activité TGV utilisant les rames les plus longues (240 mètres). En effet, le service TER utilise des rames ne dépassant pas 162 mètres (sauf le matériel Interloire mesurant 230 mètres).
Appréciation de l'Autorité
151. Les échanges entre les parties font ressortir un débat sur la possibilité d'identifier les investissements ne profitant qu'à un transporteur.
152. En premier lieu, l'Autorité estime, de manière générale, que l'imputation directe d'investissements telle que proposée par la Région imposerait un certain nombre de précautions à satisfaire pour s'assurer de l'usage exclusif de certains investissements ou parties d'investissements par un utilisateur : d'une part, cette démarche gagnerait à s'appuyer sur une procédure contradictoire associant l'ensemble des acteurs afin d'en assurer la sécurité juridique ; d'autre part, une telle identification devrait se traduire par une traçabilité des investissements correspondants dans la comptabilité générale de l'entreprise et dans l'information donnée dans le DRG sur le calcul des tarifs.
153. Or, il ressort de l'instruction que l'information comptable historique sur les actifs n'est pas disponible selon une affectation par type d'activités ou par quai (25), alors qu'une telle connaissance serait nécessaire pour envisager la mise en œuvre de la demande de la Région.
154. En deuxième lieu, l'Autorité observe que SNCF Réseau n'a pas fait le choix dans la gestion de son patrimoine d'une affectation des investissements par activité ou par quai. SNCF Réseau prend en effet le parti de fournir une prestation unique qui consiste à mettre à disposition l'infrastructure dans son ensemble aux fins de son utilisation par les entreprises ferroviaires, sans aucune répartition a priori des quais. En particulier, il ne s'engage pas dans l'allocation fixe des voies dans la gare. Le gestionnaire d'infrastructure privilégie ainsi une logique de mutualisation et non une réponse ponctuelle à des besoins particuliers.
155. L'Autorité note, par ailleurs, que les travaux de mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite répondent à une obligation d'intérêt général qui s'impose à SNCF Réseau et qui, en tout état de cause, ne saurait se rattacher à un transporteur ou à une catégorie d'utilisateurs en particulier.
156. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'Autorité considère qu'il ne peut être donné suite à la demande de la Région d'affecter, par principe, directement certaines charges d'investissement à certains utilisateurs, sans que cela préjuge des modalités de répartition annuelle des coûts étudiées ci-après.
Sur la répartition des charges communes à l'ensemble des transporteurs :
Moyens des parties
157. La Région fait valoir que la clé d'affectation actuelle du départ-train, sans modulation des redevances en fonction du type de train, notamment sa longueur et sa capacité d'emport, ne reflèterait pas le degré d'utilisation réel que font les entreprises ferroviaires des services fournis par SNCF Réseau en gares de voyageurs. Ainsi, l'activité TER est caractérisée par un nombre de départ-trains important, ce qu'illustre le tableau suivant :
GARES A PAYS DE LA LOIRE |
PART ESTIMÉE DU TRAFIC TER DANS LE TRAFIC TOTAL |
---|---|
Angers |
51 % |
La Baule-Escoublac |
66 % |
Laval |
41 % |
Le Mans |
45 % |
Nantes |
71 % |
Saint-Nazaire |
72 % |
La Roche-sur-Yon |
69 % |