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Article AUTONOME (Décision n° 2015-002 du 3 février 2015 portant sur la demande formée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France dans le cadre d'un différend l'opposant à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par Gares & Connexions)

Article AUTONOME (Décision n° 2015-002 du 3 février 2015 portant sur la demande formée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France dans le cadre d'un différend l'opposant à la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités relatif aux prestations rendues dans les gares de voyageurs par Gares & Connexions)


- des moyens et conclusions des parties par M. Mounib Saqi, rapporteur ;
- des observations de Maître Sylvain Justier et des représentants du STIF ;
- des observations de Maître Marc Sénac de Monsembernard et des représentants de la branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités.


Le collège en ayant délibéré le 3 février 2015, hors la présence du rapporteur, du secrétaire général et des agents de l'Autorité (hors ceux désignés conformément au règlement intérieur pour assurer le secrétariat du délibéré), adopte, concernant la demande de règlement de différend, la décision sur les motifs de fait et de droit ci-après exposés.
Sommaire
I. Présentation du contexte
1. La branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités
2. Le Syndicat des transports d'Ile-de-France
3. Le cadre réglementaire de l'accès aux gares de voyageurs et aux services en gares
4. Les règles de tarification des prestations régulées en gares de voyageurs
5. Les modalités de gouvernance des gares
II. Exposé des faits et de la procédure
III. Analyse de l'Autorité
1. Sur la recevabilité des demandes du STIF
2. Sur le fond
Sur la demande n° 1 visant le respect des obligations de transparence
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur la transmission de la comptabilité analytique par périmètre de gestion
Sur la transmission des plans de surface des gares
Sur la transmission du compte de résultat de chaque périmètre de gestion et du décompte de la capacité d'autofinancement dégagée par Gares & Connexions en Ile-de-France
Sur la demande n° 2 visant la fixation du taux de rémunération du capital
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur l'objet du CMPC
Sur le périmètre du CMPC
Sur l'application de la formule de calcul
Sur le niveau du taux sans risque
Sur la valeur de la prime de risque spécifique
Sur la prise en compte de l'impôt sur les sociétés
Sur la structure financière et du coût de la dette
Sur la demande n° 3 visant la modification de l'allocation des charges
Sur la répartition des charges entre les comptes « transporteurs » et « occupants de la gare »
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur la répartition des charges au sein du compte « transporteurs »
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur l'affectation directe de certaines charges à chaque transporteur
Sur l'affectation de certaines charges à la part variable des redevances
Sur l'utilisation d'une nouvelle clé de répartition pour certaines charges
Sur la demande n° 4 visant l'application d'engagements de performance et de productivité
Sur les engagements de performance
Présentation de la demande et des arguments des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur les engagements de productivité
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur la demande n° 5 visant le rattachement de gares à la catégorie B
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
S'agissant des gares souterraines de Paris Austerlitz, Paris gare du Nord et Paris gare de Lyon
S'agissant de la gare de l'Aéroport Charles de Gaulle 2
Sur la demande n° 6 visant l'affectation de la capacité d'autofinancement (CAF) dégagée au titre des gares franciliennes
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur la demande portant sur l'application ratione temporis de la décision de l'Autorité
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
Pour Gares & Connexions
Analyse de l'Autorité
Sur la détermination de la période couverte par le différend
S'agissant de la demande n° 2 visant la modification du taux de rémunération du capital
S'agissant des autres demandes


I. Présentation du contexte
1. La branche Gares & Connexions de SNCF Mobilités


I.1. L'article L. 2141-1 du code des transports prévoit que l'établissement public national industriel et commercial SNCF Mobilités, est chargé « de gérer, de façon transparente et non discriminatoire, les gares de voyageurs qui lui sont confiées par I'Etat ou d'autres personnes publiques et de percevoir à ce titre auprès des entreprises ferroviaires toute redevance ».
I.2. L'article 11-2 du décret n° 83-109 relatif aux statuts de la SNCF prévoit que « les missions de gestion des gares (…) sont assurées au sein de la SNCF par une direction autonome, dotée de comptes distincts des autres activités de l'établissement ».
I.3. Sur le plan organisationnel, la branche Gares & Connexions, chargée de la gestion et du développement des gares ferroviaires de voyageurs, a été créée au sein de la SNCF, par une décision datant d'avril 2009. Gares & Connexions est opérationnelle depuis le 1er janvier 2010.
I.4. Sur le plan comptable, l'article L. 2123-1 prévoit que la gestion des gares de voyageurs, lorsqu'elle est effectuée par SNCF Mobilités, fait l'objet d'une comptabilité séparée de celle de l'exploitation des services de transport et qu'aucune aide publique versée à l'une de ces activités ne peut être affectée à l'autre.


2. Le Syndicat des transports d'Ile-de-France


I.5. Le Syndicat des transports d'Ile-de-France (ci-après « STIF ») est l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France au sens de l'article L. 1241-1 du code des transports. Le STIF a pour mission, selon l'article L. 1241-2 du même code, de fixer les relations à desservir, désigner les exploitants des services de transport, définir les modalités techniques d'exécution ainsi que les conditions générales d'exploitation et de financement des services, veiller à la cohérence des programmes d'investissement, arrêter la politique tarifaire, assurer la sécurité des usagers et favoriser le transport des personnes à mobilité réduite.
I.6. Le STIF, en sa qualité d'autorité organisatrice de transport de la région Ile-de-France, fait appel à SNCF Mobilités - seule entité actuellement autorisée en application de l'article L. 2141-1 du code des transports à exploiter les services de transport ferroviaire de personnes sur le réseau ferré national - via sa branche SNCF Proximités. Ladite branche a développé une marque spécifique pour le transport conventionné en Ile-de-France : Transilien. Par souci de simplicité, SNCF Mobilités, en tant qu'elle assure ce service, est désignée dans le présent rapport « Transilien ».
I.7. En tant qu'entreprise ferroviaire (ci-après « EF ») en charge de services de transport de personnes, et, comme telle, bénéficiaire des prestations régulées fournies par Gares & Connexions et SNCF Réseau (1) en gares de voyageurs sur leur patrimoine, Transilien acquitte des redevances auprès de ces derniers.
I.8. Le STIF a conclu avec SNCF Mobilités pour la période 2012-2015 un contrat qui définit les conditions de réalisation du service public de transport collectif de voyageurs en Ile-de-France. Le périmètre de ce contrat comprend l'exploitation des gares de voyageurs.
I.9. En application des dispositions de l'article 19 du décret n° 2003-194, une autorité organisatrice de transport comme le STIF dispose de la qualité de candidat autorisé à effectuer des demandes de capacités sur le réseau ferré national.


3. Le cadre réglementaire de l'accès aux gares de voyageurs et aux services en gares


I.10. L'article 13 § 2 de la directive n° 2012/34/UE du 21 novembre 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen prévoit que « les exploitants d'installations de service fournissent à toutes les entreprises ferroviaires, de manière non discriminatoire, un accès, y compris aux voies d'accès, aux infrastructures visées à l'annexe II, point 2 (2), et aux services offerts dans ces infrastructures ».
I.11. L'article L. 2122-9 du code des transports prévoit que : « Les entreprises ferroviaires autorisées à exploiter des services de transport ont, dans des conditions équitables et sans discrimination, un droit d'accès à l'ensemble du réseau ferroviaire, y compris pour l'accès par le réseau aux infrastructures de services, ainsi que, lorsqu'il n'existe pas d'autre possibilité d'accès dans des conditions économiques raisonnables, aux services que ces infrastructures permettent de leur fournir. »
I.12. Sur le droit d'accès aux gares de voyageurs, l'article 1er § I du décret n° 2012-70 prévoit que : « I. ― Les entreprises ferroviaires et les candidats autorisés au sens de l'article 19 du décret du 7 mars 2003 susvisé se voient proposer de manière transparente et non discriminatoire l'accès par le réseau aux infrastructures de services mentionnées à l'article L. 2122-9 du code des transports, qui comprennent :
a) Les gares de voyageurs ouvertes au public, y compris les quais et les haltes, et leurs bâtiments ; (…) »
I.13. S'agissant du service de base proposé aux entreprises ferroviaires en gares de voyageurs, l'article 2 du décret n° 2012-70 prévoit que : « I. ― Les entreprises ferroviaires et les candidats autorisés (…) se voient proposer de manière transparente et non discriminatoire, lorsqu'il n'existe pas d'autre option économiquement raisonnable, un service de base, comprenant les prestations mentionnées au I des articles 4 à 8 et à l'article 9 du présent décret, fourni sur les infrastructures de services définies au I de l'article 1er du présent décret. Le gestionnaire de l'infrastructure de services doit motiver toute décision de refus de fournir une prestation et indiquer dans ce cas les alternatives économiquement raisonnables disponibles sur d'autres infrastructures de services. »
I.14. S'agissant des prestations complémentaires proposées en gares de voyageurs, il est prévu par ce même article que : « II. ― Dès lors que le gestionnaire de l'une des infrastructures de services mentionnées à l'article 1er fournit à une entreprise ferroviaire ou à un candidat autorisé l'une des prestations complémentaires mentionnées aux articles 4 à 8, il la fournit dans des conditions transparentes et non discriminatoires sur cette même infrastructure de services à toute entreprise ferroviaire ou à tout candidat autorisé qui en fait la demande. »
I.15. Le service de base et les prestations complémentaires lorsqu'elles ne sont proposées que par un seul fournisseur sont qualifiés de prestations régulées.
I.16. Il est prévu aux termes de l'article 3 du décret n° 2012-70 que : « La fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel ».
I.17. Le service de base qui doit être proposé par Gares & Connexions est défini par l'article 4 § I du décret n° 2012-70 et comprend :


- l'usage, par les passagers, personnels et prestataires, des installations aménagées pour la réception des passagers et du public jusqu'au train, comprenant l'accès aux services communs, aux commerces et aux bâtiments publics ;
- les services d'accueil, d'information et d'orientation des passagers et du public concernant les horaires et l'accès aux trains ;
- toute prestation particulière en gare résultant d'une exigence législative ou règlementaire ou d'un accord international, notamment en matière de sûreté, propre à certains services de transports ;
- dans les gares disposant de personnels, l'assistance nécessaire à l'embarquement dans le train ou au débarquement de celui-ci des passagers handicapés ou à mobilité réduite, lorsqu'elle n'est pas fournie par l'entreprise ferroviaire ou prise en charge par l'autorité organisatrice de transports, cette prestation donnant alors lieu à une tarification distincte de celle du service de base.


I.18. Les prestations complémentaires comprennent, le cas échéant, les prestations suivantes :


- le préchauffage des voitures et des locomotives ;
- la mise à disposition d'espaces ou de locaux adaptés à la réalisation des opérations de vente de titres pour les services de transport ferroviaire ;
- la mise à disposition de locaux de service pour les personnels d'accompagnement ou de conduite de l'entreprise ferroviaire ;
- la mise à disposition des locaux et installations nécessaires aux prestataires des entreprises ferroviaires pour la réalisation des services techniques incluant l'avitaillement et le nettoyage ; la prestation comprend, le cas échéant, l'accès depuis la voie publique pour les livraisons nécessaires.


I.19. Le document de références des gares de voyageurs (ci-après, « DRG »), établi annuellement par le directeur des gares et annexé au document de référence du réseau (ci-après, « DRR ») établi par SNCF Réseau précise, pour chaque gare de voyageurs du réseau ferré national, les prestations régulées qui y sont rendues, les conditions dans lesquelles elles sont rendues, notamment les horaires et périodes pendant lesquels elles sont fournies, et les tarifs des redevances associées ainsi que, en annexe, les conditions générales du contrat, mentionné à l'article L. 2123-2, conclu avec les entreprises ferroviaires pour l'utilisation des gares et de toutes infrastructures de service.
I.20. Le DRG précise que le service de base se compose (3) de :


- la prestation de base ; socle de services indissociables pour l'accès en gare de voyageurs ;
- l'assistance à l'embarquement et au débarquement des personnes à mobilité réduite (PMR) à bord des trains ;
- la prestation Transmanche (4) pour les entreprises ferroviaires dont les circulations empruntent le tunnel sous la Manche.


I.21. L'article L. 2123-2 du code des transports dispose que l'utilisation par une entreprise ferroviaire des gares et de toutes autres infrastructures de service donne lieu à la passation d'un contrat avec le gestionnaire de la gare.


4. Les règles de tarification des prestations régulées en gares de voyageurs


I.22. Le décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national prévoit que pour la détermination des redevances en gares de voyageurs, celles-ci sont réparties en trois catégories en fonction des seuils fixés par l'arrêté du 9 juillet 2012 :


- les gares de voyageurs d'intérêt national (catégorie A) sont celles dont la fréquentation annuelle par les usagers des services nationaux et internationaux est au moins égale à 250 000 voyageurs ou dont la fréquentation par ces mêmes usagers est égale à 100 % des voyageurs ;
- les gares de voyageurs d'intérêt régional (catégorie B) sont celles ne répondant pas aux critères mentionnés ci-dessus et dont la fréquentation totale est au moins égale à 100 000 voyageurs ;
- les gares de voyageurs d'intérêt local (catégorie C) sont celles qui ne relèvent d'aucune des deux catégories précédentes.


I.23. L'arrêté du 9 juillet 2012 portant application de l'article 13-1 § I du décret n° 2003-194 prévoit que les usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs sont ceux qui effectuent un trajet dont l'origine et la destination sont situées dans deux régions distinctes.
I.24. L'arrêté précise que la fréquentation des gares, déterminante de leur classification, est calculée sur une base annuelle, laquelle est évaluée lors des deux dernières années civiles dans la gare concernée. La fréquentation totale d'une gare donnée est évaluée par comptage de ses usagers. Enfin, la fréquentation par les usagers des services nationaux et internationaux dans une gare donnée est évaluée à partir du nombre de billets ayant pour origine ou destination ladite gare sur la base des informations fournies par les entreprises ferroviaires.
I.25. La liste des gares relevant de chaque catégorie est établie par Gares & Connexions, pour une durée de trois ans, après consultation de SNCF Réseau.
I.26. En vertu de l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194, les redevances liées aux prestations régulées mentionnées à l'article 4 du décret n° 2012-70 sont établies annuellement par SNCF Mobilités, sur proposition du directeur des gares, et par SNCF Réseau, chacun pour les biens et services qu'il gère, aux fins de couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations pour chacun des « périmètres de gestion des gares ».
I.27. La notion de « périmètre de gestion » correspond :


- pour les gares de catégorie A, à une gare donnée ou un ensemble fonctionnel de gares ;
- pour les gares de catégorie B, à l'ensemble des gares de cette catégorie pour une région donnée ;
- pour les gares de catégorie C, à l'ensemble des gares de cette catégorie pour une région donnée.


I.28. Selon l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194, pour chaque périmètre de gestion, les charges prises en compte pour l'établissement des redevances relatives aux prestations régulées comprennent, pour les biens et services en gare de voyageurs :


- l'ensemble des charges courantes d'entretien et d'exploitation ;
- le financement de la dotation aux amortissements des investissements, y compris les investissements de renouvellement et de mise aux normes, nets des subventions reçues ;
- le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements.


I.29. Les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité pour l'exercice le plus récent et des objectifs de performance et de productivité pour la gestion des gares de voyageurs.
I.30. Pour la détermination des redevances, il est également tenu compte de l'utilisation réelle de l'infrastructure sur les trois dernières années et des perspectives de développement du trafic.
I.31. Des prestations non régulées peuvent être rendues dans certaines gares (activités commerciales ou locatives). Lorsque des charges occasionnées par la réalisation de prestations non régulées rendues dans une gare sont communes avec les charges correspondant à la réalisation de prestations régulées, il est prévu que seule la quote-part liée à la réalisation de celles-ci est prise en compte pour la détermination des redevances.
I.32. SNCF Mobilités apprécie les charges à prendre en compte pour l'établissement des redevances sur l'ensemble des bâtiments et installations d'une gare qui relèvent de son patrimoine.
I.33. Selon l'article 3 du décret n° 2012-70, la fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel. En outre, le montant de chaque redevance peut être modulé, en tenant compte de la situation de la concurrence et dans des conditions transparentes et non discriminatoires, pour tenir compte, selon la prestation régulée :


- du type de convoi, notamment de sa capacité d'emport ou de sa longueur ;
- du type de service de transport qu'assure le convoi ;
- du nombre de voyageurs susceptibles de bénéficier de la prestation ;
- de la période horaire d'utilisation ;
- du délai entre la demande et la date prévue de fourniture de la prestation ;
- de la quantité de marchandises exprimée en unités de transport intermodal ou en tonnes.


I.34. Selon l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194, pour chacun des périmètres de gestion, Gares & Connexions doit tenir une comptabilité analytique distinguant :


- les charges liées aux prestations régulées ;
- les charges liées aux prestations non régulées ;
- et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées.


I.35. Le résultat courant positif provenant des activités liées aux prestations non régulées, déterminé pour chaque périmètre de gestion, vient en déduction, à hauteur de 50 %, des charges prises en compte, pour ce même périmètre de gestion, dans la fixation des redevances liées aux prestations régulées. Ce résultat est net de l'ensemble des charges d'exploitation directement liées aux activités non régulées et intègre une rémunération des capitaux mobilisés ainsi que le financement de la dotation aux amortissements.
I.36. Enfin, il est à noter que l'article 31 § 7 de la directive n° 2012/34/UE du 21 novembre 2012 a fait évoluer les principes tarifaires pour la fourniture de services dans les installations de service. Ainsi « la redevance imposée pour l'accès aux voies dans le cadre des installations de service visées à l'annexe II, point 2, et la fourniture de services dans ces installations, ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d'un bénéfice raisonnable. »
I.37. A ce titre, la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire modifiant l'article L. 2122-13 du code des transports, applicable à compter du 1er janvier 2015, transpose en partie cette exigence. Il est en effet prévu que « Les redevances pour les prestations offertes sur les infrastructures de service ne peuvent être supérieures au coût de la prestation, majoré d'un bénéfice raisonnable. Ces redevances incitent les gestionnaires d'infrastructure à utiliser de manière optimale leurs ressources et les technologies disponibles. »


5. Les modalités de gouvernance des gares


I.38. L'article 14 du décret n° 2003-194 prévoit, pour chaque gare de voyageurs d'intérêt national (gare de la catégorie A), la mise en place d'une instance régionale de concertation (ci-après, « IRC »). Cette instance examine toute question relative aux prestations rendues dans chacune des gares de son périmètre de gestion et doit prendre position sur le financement des programmes d'investissements prévus ainsi que sur la partie qui la concerne du document de référence des gares de voyageurs dans le cadre de la consultation prévue par l'article 14-1 § II du décret.
I.39. Chaque IRC est composée, de droit, d'un représentant de Gares & Connexions, d'un représentant de SNCF Réseau, d'un représentant de chaque autorité organisatrice de transport concernée, d'un représentant de chaque entreprise ferroviaire utilisatrice et d'un représentant de chacune de leurs organisations professionnelles. L'instance peut prévoir d'associer à ses travaux toute collectivité ou personne morale directement concernée par la gestion ou l'utilisation des gares de voyageurs correspondantes. Dans chaque région, le représentant de l'Etat fixe par arrêté sa composition.
I.40. Enfin, l'article 15 du décret n° 2003-194 prévoit que SNCF Mobilités, représentée par le directeur des gares, propose au STIF ou à une région, à leur demande, une « convention pluriannuelle afin de déterminer les conditions d'utilisation et de gestion des gares de voyageurs » d'intérêt régional ou local (catégories B et C).


II. Exposé des faits et de la procédure


II.1. Dans un avis défavorable du 5 octobre 2011 sur le projet de décret relatif aux gares de voyageurs, le STIF a fait valoir notamment que :


- le dispositif n'offre aucune garantie réelle aux autorités organisatrices de transport de maîtrise de l'évolution des coûts d'exploitation et d'investissements dans les gares. Le STIF estimait donc que le projet de décret devait être modifié pour renforcer les obligations en matière de transparence et de maîtrise de l'évolution des coûts d'exploitation et d'investissement des gares ;
- les critères de segmentation des gares applicables en région Ile-de-France doivent être arrêtés de manière cohérente avec la classification des gares retenue dans le Plan de déplacement urbain de l'Ile-de-France ;
- il était opposé à la prise en compte, dans la tarification des prestations régulées, d'une rémunération des capitaux investis par la SNCF ;
- la totalité des moyens financiers alloués par le STIF à la SNCF doit être dédiée à ses activités en Ile-de-France et que la capacité d'autofinancement dégagée par les activités non régulées dans les gares franciliennes doit majoritairement être affectée au financement du développement en Ile-de-France.


II.2. Dans sa contribution en date du 5 juillet 2012 à la consultation publique lancée par l'Autorité sur le taux de rémunération des capitaux engagés pour les gares de voyageurs, le STIF a critiqué le principe d'une rémunération des capitaux dans la tarification de l'accès aux gares de voyageurs, ainsi que les éléments retenus par la SNCF. Le STIF a notamment contesté :


- le bêta, qui lui paraît surévalué par rapport à d'autres activités régulées ;
- l'intégration dans l'évaluation du coût des capitaux des hypothèses d'impôt sur les sociétés alors que le transport régional de voyageurs est une activité déficitaire et largement subventionnée ;
- l'absence de volet « maîtrise des charges d'exploitation » dans le modèle de régulation ;
- et la base d'actifs régulés, qui doit comprendre la part des actifs immobilisés imputés à l'activité concernée, nets des subventions versées, à l'exclusion des immobilisations en cours.


II.3. Le 25 septembre 2012, Gares & Connexions a transmis au STIF le premier projet de DRG, correspondant à l'horaire de service 2014.
II.4. Dans son avis défavorable sur le projet de DRG 2014 en date du 7 décembre 2012, le STIF a critiqué :


- le manque général de transparence du modèle économique proposé par Gares & Connexions, et notamment l'impossibilité de vérifier les hypothèses de trafic retenues ainsi que l'absence d'explication de la hausse des redevances des gares franciliennes entre 2012 et 2014 ;
- l'absence d'objectifs de productivité de Gares & Connexions sur ses activités de service en gare de voyageurs ;
- le taux de rémunération du capital de 9,3 %, pour les mêmes motifs que développés dans son avis sur le projet de décret relatif aux gares de voyageurs et sa contribution à la consultation publique de l'Autorité ;
- les règles d'affectation des charges entre activités régulées (activités de transport de voyageurs) et non régulées (activités commerciales et locatives), dans la mesure où certains programmes d'investissement, relatifs notamment à l'accessibilité et à la vidéosurveillance, et certaines charges (charges de nettoyage et de gardiennage des sanitaires par exemple) sont imputés exclusivement aux prestations régulées alors qu'ils bénéficient à l'ensemble de la gare ;
- les règles d'affectation des charges au sein du compte régulé entre les différentes activités de transport de voyageurs, au motif que certaines charges des services de gares (le service « bagages et chariots » ou les prestations destinées aux personnes à mobilité réduite) sont imputées aux entreprises ferroviaires, non pas selon leur usage réel, mais dans la part fixe du tarif de la prestation de base. Or ces services bénéficieraient très majoritairement aux voyageurs longue distance ;
- l'absence de référentiel qualité mis en place par Gares & Connexions pour évaluer la performance de l'ensemble des services compris dans la prestation de base qu'elle fournit en gares de voyageurs (en termes de propreté, confort, information des voyageurs, accueil, équipement), dont découle une absence de mécanisme de réfaction des redevances en cas d'exécution de services non conformes à de tels critères ou de défaut d'exécution de ces services.


II.5. Par un courrier en date du 15 mars 2013, Gares & Connexions a répondu au STIF en faisant valoir que :


- le principe de bénéfice raisonnable est prévu par la directive n° 2012/34/UE, qui le définit comme « un taux de rémunération du capital propre qui prend en compte le risque, y compris celui pesant sur les recettes, ou l'absence de risque, encouru par l'exploitant de l'installation de service et qui est conforme au taux moyen constaté dans le secteur concerné au cours des dernières années » ; or, le coût moyen pondéré du capital de Gares & Connexions a été déterminé en référence aux taux appliqués par d'autres gestionnaires de réseau ou d'infrastructure devant maintenir et renouveler leur capital sur un cycle long. L'emploi de la méthode MEDAF est très répandu auprès de ces autres gestionnaires ;
- le modèle des gares comprend des dispositions très favorables aux transporteurs : le taux de rémunération du capital est appliqué sur les actifs affectés aux prestations régulées (moins de 50% des actifs en 2014) et, s'agissant des activités non régulées, Gares & Connexions rétrocède 50 % des résultats des segments bénéficiaires mais conserve les pertes des segments déficitaires ;
- la rémunération du capital contribue à hauteur de 20 % au financement de ses investissements en fonds propres et représente 10 % de la prestation acquittée par les transporteurs, avant rétrocession du résultat des activités non régulées ;
- l'affectation des charges répond à des principes juridiques ou économiques et a été avalisée par l'Autorité ;
- le décret n° 2012-70 ne prévoit pas la mise en place d'un système d'incitation à la performance mais un tel système constitue une voie de progrès dans laquelle Gares & Connexions, ses clients et les autorités organisatrices pourraient s'engager à moyen terme.


II.6. Le 17 juillet 2013, Gares & Connexions a transmis au STIF le projet de DRG, correspondant à l'horaire de service 2015.
II.7. Dans un avis défavorable en date du 7 novembre 2013 sur le projet de DRG 2015, le STIF a réitéré les critiques formulées dans son avis sur le projet de DRG 2014 selon lesquelles :


- un référentiel de qualité doit être appliqué, comprenant des objectifs annuels en termes de propreté, information des voyageurs, confort, accueil et équipements pour les gares A. Les enquêtes qualité réalisées constituent une évolution positive mais le panel des voyageurs interrogés intègre trop peu de voyageurs Transilien, pourtant majoritaires ;
- l'imputation des coûts de prise en charge des PMR ne doit pas être effectuée dans la part fixe de la tarification ;
- la double modulation des redevances par type de train et par capacité de train ne reflète ni l'usage effectif des services en gares par les usagers ni le nombre de voyageurs effectivement transportés, ce mécanisme n'étant appliqué qu'à une part limitée du tarif total du départ-train, voire mineure pour les gares franciliennes A ;
- un coût moyen pondéré du capital (CMPC) intégrant une prime de risque de 6% excède le cadre d'un « bénéfice raisonnable » au sens de la directive n° 2012/34/UE : le mécanisme de régularisation prévu supprime tout risque sur les recettes liées au volume de départs-trains ; il n'existe aucun engagement en termes de délai ou de montants pour les investissements ; Gares & Connexions ne supporte pas de risque lié au marché des actions ; l'échantillon de sociétés cotées retenu par Gares & Connexions n'est pas pertinent dans la mesure où elles sont plus exposées à des variations de trafic ; la réduction par la SNCF du coût de sa dette aurait dû diminuer la rémunération des capitaux nécessaire à sa couverture ; en intégrant le taux d'imposition sur les sociétés, Gares & Connexions ne tient pas compte du Crédit d'Impôt Compétitivité Emploi ;
- Gares & Connexions refuse de réaliser des investissements spécifiques à l'Ile-de-France, notamment dans les parties souterraines des gares de catégorie A, si ces investissements ne sont pas financés par des tiers (les commerces en gare ou le STIF).


II.8. Le 4 décembre 2013, à la suite de la tenue des Instances Régionales de Concertation (IRC) des gares franciliennes de catégorie A, le STIF a transmis à Gares & Connexions une note récapitulant les principaux désaccords exprimés quant à la gouvernance et à la priorisation des investissements dans ces gares.
II.9. Par un courrier en date du 19 décembre 2013, Gares & Connexions a répondu au STIF sur son avis défavorable sur le projet de DRG 2015 que :


- Gares & Connexions allait présenter, en février 2014, son « projet de service » et ses méthodes de mesure de la qualité aux membres des IRC parisiennes ;
- la prestation du transporteur qui consiste en une assistance à l'embarquement/débarquement (entre le pied du train et la place prévue dans le train) vient en complément de la prestation de base qui consiste à accompagner la PMR d'un point de rendez-vous convenu en gare jusqu'au pied du train ;
- la modification éventuelle du système de pondération des redevances fait l'objet de discussions avec le régulateur, l'Autorité ayant demandé le maintien des coefficients de pondération pour le DRG 2015. Toute évolution fera l'objet d'une concertation préalable avec les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport ;
- le « modèle « cost plus » est issu du décret n° 2012-70. Gares & Connexions ne I'a pas choisi. Le décret s'est contenté d'une simple transposition de règles de gestion internes. Ce modèle est adapté à un gestionnaire d'installations de service, produisant essentiellement pour lui-même, et mettant à disposition d'autrui une quantité marginale des services produits. Dans cette configuration, la pression interne est suffisamment forte pour que le gestionnaire améliore sans cesse le rapport qualité/prix de sa prestation. Ce modèle présente l'inconvénient de rendre difficile la visibilité pour les clients (pas de perspective pluriannuelle) et d'être peu compatible avec un régime d'incitation à la performance » ;
- la question du taux de rémunération du capital de Gares & Connexions est intrinsèquement liée à l'ensemble du modèle économique de financement des gares et des mécanismes de péréquation entre les grandes gares et les gares régionales. Il ne peut être analysé indépendamment des spécificités du modèle auquel il se rattache. S'il était diminué de 9,2 % à 6,5 %, niveau recommandé par l'Autorité, cela amputerait les ressources de Gares & Connexions de plus de 20 millions d'euros par an, ce qui réduirait les investissements en gare. En 2014, sur 329 millions d'euros d'investissements prévus dans les gares, 182 millions d'euros proviennent des fonds propres de Gares & Connexions, dont 49 millions d'euros au titre de la rémunération du capital après impôt conservée par Gares & Connexions ;
- s'agissant de la méthodologie d'affectation des charges, le modèle de simple caisse pratiqué par SNCF Réseau et la plupart des aéroports répondrait aux objections du STIF. Ce n'est toutefois pas le modèle retenu par le législateur et approuvé par l'Autorité (décision n° 2012-023), qui est un modèle dit de double caisse ;
- s'agissant de la comptabilisation des charges par surface, un modèle de simple caisse ne faisant appel à aucune clef de répartition serait plus adapté. Toutefois, ce n'est pas le modèle retenu par le législateur et les clefs de répartition ont fait l'objet d'un avis positif de l'Autorité (décision n° 2012-023) ;
- Gares & Connexions est tenue de se conformer à la répartition, au sein de la prestation de base, des charges fixes et variables qui ont fait l'objet d'une approbation de la part de l'Autorité (5).


II.10. Par un courrier en date du 15 avril 2014, le STIF a indiqué à Gares & Connexions que des points de désaccord de fond persistent concernant :


- le CMPC ;
- les modalités de répartition des charges entre activités régulées et non-régulées, d'une part, et au sein du compte régulé, d'autre part ;
- l'affectation de la capacité d'autofinancement dégagée sur les gares franciliennes pour les investissements du seul périmètre d'Ile-de-France ;
- l'appartenance des gares souterraines et les parties de gares identifiables dédiées à Transilien à la catégorie B.


II.11. En application de l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194, le STIF a également demandé la communication d'une copie de la comptabilité analytique propre à chacune des gares de catégorie A de la région Ile-de-France, accompagnée notamment des inducteurs de charges et de leur valeurs, ainsi que du détail des surfaces utilisées pour les différentes activités qui y sont exercées. Il a aussi informé Gares & Connexions qu'il se verrait contraint de saisir l'Autorité en règlement de différend, faute d'une confirmation de la mise en œuvre des évolutions réclamées dans un délai de dix jours à compter de la réception de son courrier.
II.12. Par un courrier en date du 28 avril 2014, Gares & Connexions a répondu au STIF en faisant valoir que :


- elle a multiplié les efforts pour permettre au STIF de maîtriser l'ensemble du modèle de gares et faire droit à ses demandes sur le mécanisme de régularisation sur les investissements et l'information communiquée en IRC ;
- elle a détaillé la construction du tarif en soulignant les effets majeurs pesant sur l'évolution tarifaire ;
- le niveau de rémunération des actifs ne s'applique qu'à un tiers des actifs pris en valeurs historiques, sans tenir compte de l'inflation. Dans de très nombreux cas, ce modèle est insuffisant pour faire face aux investissements ;
- ainsi que le montrent les données transmises par Gares & Connexions au STIF, les tarifs spécifiques pour les gares souterraines et la mise en place d'une modulation a été favorable au STIF : alors que les trains Transilien représentent 81% des départs-trains des gares A d'Ile-de-France (hors Massy TGV et Marne-la-Vallée Chessy TGV), ils n'acquittent que 51% des redevances d'accès. Transilien réalise une économie de 40%, dont 24% tient à l'introduction des pondérations. Hors gares souterraines, le poids des trains Transilien est de 65% dans le nombre de départs-trains mais seulement de 36% dans le nombre de départs-trains pondérés ;
- l'avis n° 2013-026 de l'Autorité ayant souligné la fragilité des modulations utilisées et demandé l'organisation d'une consultation pour la mise à jour des redevances d'accès pour l'horaire de service 2017, Gares & Connexions ne peut acter aucune modification avant ce délai ;
- concernant la modification des critères de modulation, Gares & Connexions se conformera aux recommandations de l'Autorité, une généralisation de la modulation des redevances n'étant pas nécessairement favorable à Transilien ;
- malgré la contribution très significative du STIF, les gares régionales d'Ile-de-France n'assurent pas leur autofinancement. Réserver la capacité de financement des grandes gares parisiennes à l'ensemble de la région Ile-de-France permettrait au STIF de réduire sa contribution et devrait conduire les autres régions à augmenter la leur, malgré leur participation au financement dans les mêmes gares. Gares & Connexions estime que le décret n° 2012-70 n'a prévu aucun cantonnement dans la répartition des capacités de financement dégagées par chacune des régions. La mission de Gares & Connexions est de veiller au développement de l'ensemble du réseau, les choix d'investissements étant largement partagés dans les IRC pour les gares A et les contrats régionaux d'exploitation pour les gares B et C ;
- la partie souterraine des gares de Paris Lyon, Paris Austerlitz et Paris Nord n'est pas séparable de la zone de surface du fait d'une même assiette foncière, de l'utilisation des mêmes bâtiments et d'une gestion unique de l'établissement recevant du public. Gares & Connexions a reconduit le découpage historique pour limiter la facture Transilien. Par ailleurs, le rattachement de la gare est arrêté pour trois ans par SNCF Réseau et SNCF Mobilités.


II.13. Par un courrier en date du 5 juin 2014, le STIF a renouvelé sa demande de communication, en indiquant qu'elle n'avait reçu des informations que pour deux gares. Il a également indiqué qu'à sa connaissance aucune concertation sur le mécanisme de régularisation sur les investissements n'avait été organisée et pris acte du refus de Gares & Connexions de faire droit à ses autres demandes.
II.14. Le 22 juillet 2014, l'Autorité a reçu le mémoire de saisine du STIF. La clôture de l'instruction au 4 décembre 2014 a été notifiée aux parties le 24 novembre 2014.
II.15. Dans sa saisine, le STIF demande à l'Autorité de :
1. enjoindre à Gares & Connexions de respecter son obligation de transparence en communiquant la comptabilité analytique, les plans de surface, le compte de résultat de chaque périmètre de gestion d'Ile-de-France et le décompte de la CAF deux mois avant chaque horaire de service (demande n° 1) ;
2. enjoindre à Gares & Connexions de fixer le taux de rémunération des capitaux investis à 3,7 % au maximum ou, à supposer même que la prise en compte d'une prime de risque apparaisse justifiée à l'Autorité (quod non), à 4,4 % au maximum (demande n° 2) ;
3. enjoindre à Gares & Connexions, d'une part, de modifier la procédure d'allocation des charges entre le compte des activités régulées et celui des activités non régulées en faisant supporter aux activités non régulées une partie des charges aujourd'hui intégralement supportées par les activités régulées et, d'autre part, de modifier l'affectation des charges au sein du compte régulé en procédant à l'affectation directe de certaines charges à chaque transporteur, à la modification de l'allocation des charges entre parts fixe et variable des redevances et en appliquant une nouvelle clé de répartition (demande n° 3) ;
4. enjoindre à Gares & Connexions d'appliquer les engagements de performance et de productivité ainsi que les mécanismes d'incitation financière y afférents définis aux points 249 à 258 de la saisine du STIF et dans son annexe I (demande n° 4) ;
5. enjoindre à Gares & Connexions de classer les gares souterraines de Paris Austerlitz, Paris gare de Lyon et Paris gare du Nord ainsi que la gare de Paris-CDG 2 en tant que gares de catégorie B au sens du décret du 7 mars 2003 (demande n° 5) ;
6. enjoindre à Gares & Connexions d'affecter l'intégralité de la capacité d'autofinancement (CAF) dégagée au titre des gares franciliennes investissements à réaliser dans les gares d'Ile-de-France (demande n° 6) ;
7. enjoindre à Gares & Connexions de mettre en œuvre les demandes figurant aux points 2 à 6 ci-dessus dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à venir, en (i) mettant à jour, en conséquence, les DRG 2014 révisé et 2015, (ii) faisant application de ces demandes dès le début de l'horaire de service 2012 (pour la demande n° 2) et de l'horaire de service 2014 (pour les demandes n° 1 et n° 3 à 6) et (iii) en procédant aux régularisations qui s'imposent et (iv) en appliquant ces principes pour l'avenir (demande n° 7).
II.16. Gares & Connexions conclut à ce qu'il plaise à l'Autorité de rejeter la saisine du STIF :


- à titre principal, en ce qu'elle n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 2134-2 du code des transports ;
- à titre subsidiaire, en ce qu'elle est infondée.


III. Analyse de l'Autorité
1. Sur la recevabilité des demandes du STIF


III.1. L'article L. 2134-2 du code des transports dispose que :
« Toute personne autorisée à demander des capacités d'infrastructure ferroviaire ou tout gestionnaire d'infrastructure peut saisir l'Autorité de régulation des activités ferroviaires dès lors qu'il s'estime victime d'un traitement inéquitable, d'une discrimination ou de tout autre préjudice liés à l'accès au réseau ferroviaire, et en particulier :
1° Au contenu du document de référence du réseau ;
(…)
6° A l'exercice du droit d'accès aux gares de voyageurs et aux autres infrastructures de service, ainsi qu'à la fourniture et à la tarification des prestations minimales, complémentaires ou connexes offertes sur ces gares de voyageurs et ces autres infrastructures de service ; (…) »
III.2. Aux termes de l'article 19 du décret n° 2003-194 relatif à l'utilisation du réseau ferré national, « Peuvent également présenter des demandes d'attribution de sillons en vue de les mettre à disposition d'entreprises ferroviaires pour assurer les services de transports qu'ils organisent :
(…) le Syndicat des transports d'Ile-de-France et les personnes publiques organisant un service public de transport de voyageurs sur le réseau ferré national à compter du 14 décembre 2008 ».
III.3. Gares & Connexions soutient que la saisine du STIF n'est pas recevable dès lors que ce dernier, bien qu'ayant la qualité de demandeur de capacités, n'exerce pas son droit d'accès au réseau mais présente des demandes de capacités pour les mettre à disposition d'un transporteur, en l'espèce, Transilien, et ne justifie donc pas d'un intérêt à agir. Dans le cadre de la présente procédure, le STIF n'agirait pas en qualité de candidat autorisé au sens de l'article 19 du décret n° 2003-194 mais en tant qu'autorité organisatrice de transport au sens de l'article L. 1241-1 du code des transports. Gares & Connexions conclut à une absence de lien entre la qualité de candidat autorisé du STIF et ses demandes.
III.4. Gares & Connexions soutient en outre que l'article 30 de la directive 2012/34/UE opère une distinction entre les « candidats » et les « candidats potentiels », ces derniers n'étant pas concernés par l'article 56 de ladite directive, qui pose les conditions de recevabilité en règlement des différends devant l'organisme de contrôle national.
III.5. Enfin, Gares & Connexions fait valoir que la compétence de l'Autorité statuant en règlement des différends sur le contenu du document de référence des gares, acte règlementaire, méconnaît le principe fondamental reconnu par les lois de la République de séparation des juridictions judiciaires et administratives, en ce que l'Autorité a un pouvoir d'avis conforme sur la fixation des redevances relatives à l'accès en gares de voyageurs et autres infrastructures de service depuis le 1er janvier 2015 - ces deux procédures distinctes susceptibles d'avoir le même objet relevant respectivement de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif.
III.6. L'Autorité constate que l'article L. 2134-2 du code des transports se réfère à la seule qualité de personne autorisée à demander des capacités d'infrastructure ferroviaire pour pouvoir saisir l'Autorité d'une demande de règlement des différends. En soutenant que la qualité de demandeur autorisé ne suffit pas pour saisir l'Autorité, Gares & Connexions ajoute donc une condition de recevabilité à celles prévues par la loi.
III.7. L'Autorité a déjà statué (6) que l'article L. 2134-2 du code des transports n'impose pas la conclusion d'un contrat d'utilisation de l'infrastructure ni d'un contrat d'attribution de sillons avec le gestionnaire d'infrastructure comme condition préalable à une saisine. Ainsi, toute personne autorisée à demander des capacités d'infrastructure qui s'estime victime d'un préjudice lié à l'accès au réseau est par principe recevable à saisir l'Autorité.
III.8. L'Autorité rappelle également qu'elle n'a pas à s'assurer de la réalité du préjudice allégué au stade de la recevabilité, dès lors que le saisissant s'estime victime d'un préjudice lié à l'accès au réseau, ce préjudice pouvant être direct ou indirect.
III.9. Enfin, l'Autorité constate qu'aux termes mêmes de la décision 86-224 DC du Conseil constitutionnel du 23 janvier 1987 invoquée par Gares & Connexions, « (…) lorsque l'application d'une législation ou d'une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire, il est loisible au législateur, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, d'unifier les règles de compétence juridictionnelle au sein de l'ordre juridictionnel principalement intéressé ».
III.10. Dès lors, comme la loi l'a prévu pour l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, la Commission de régulation de l'énergie ou encore l'Autorité de la concurrence, l'Autorité constate que l'article L. 2134-2 du code des transports la rend compétente pour être saisie de demandes relatives à l'accès au réseau ferré national et notamment au contenu du document de référence du réseau dont le contentieux relève de la cour d'appel de Paris et qu'il ne lui appartient pas d'examiner la conformité d'une loi aux dispositions et principes de valeur constitutionnelle.
III.11. L'Autorité considère donc que le STIF est recevable, tant en sa qualité de candidat autorisé que sur l'objet de ses demandes, à la saisir du différend qui l'oppose à Gares & Connexions.
III.12. L'Autorité estime en outre que les échanges produits par le STIF montrent que ce dernier a utilement échangé, à de nombreuses reprises, au sujet du différend avec Gares & Connexions porté devant l'Autorité préalablement à sa saisine.


2. Sur le fond


Sur la demande n° 1 visant le respect des obligations de transparence
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
III.13. Le STIF demande à l'Autorité d'enjoindre à Gares & Connexions de lui communiquer la comptabilité analytique pour chaque périmètre de gestion des gares situées en Ile-de-France, dans les conditions suivantes :


- la comptabilité devra être détaillée pour chaque ligne de charges d'exploitation et d'investissements (de telle sorte que figurent la nature et le montant de la charge ou de l'investissement, la clé de répartition, etc.) ;
- elle devra détailler l'ensemble des bases comptables de chacune des gares considérées afin de vérifier la pertinence de l'imputation des actifs soumis à amortissements et des futurs investissements envisagés.


III.14. De plus, le STIF demande à l'Autorité d'enjoindre à Gares & Connexions de lui communiquer :


- des informations détaillées sur les surfaces prises en compte en gare (surface totale et surface « cœur de gare » [7] ), leur répartition, leurs éventuelles évolutions et les raisons de ces évolutions par rapport aux années précédentes ;
- le compte de résultat de chaque gare située en Ile-de-France, comprenant le compte régulé et le compte non régulé ;
- un décompte clair de la capacité d'autofinancement (CAF) dégagée par Gares & Connexions annuellement dans les gares situées en région Ile-de-France, détaillant pour chacune de ces gares, les investissements que Gares & Connexions prévoit de réaliser.


III.15. Au soutien de sa demande, le STIF estime que Gares & Connexions ne respecte pas l'obligation générale de transparence prévue par le décret n° 2003-194 et la directive n° 2012/34/UE dès lors que les éléments communiqués actuellement sont trop agrégés pour constituer une véritable comptabilité analytique permettant au STIF d'apprécier les charges imputées à Transilien. Ces éléments ne feraient pas apparaître :


- le détail des produits et des charges, d'exploitation ou d'investissements, liés aux prestations régulées et aux prestations non régulées alors que le principe d'une comptabilité analytique est d'être détaillée et non présentée par grandes catégories de charges agrégées telles que « service de gares » ou « gestion de site » ;
- le montant total et la quote-part des charges communes liées aux prestations régulées ;
- le détail des modalités de calcul du résultat courant des activités non régulées et de rétrocession de 50% de ce résultat au compte régulé n'ont pas été détaillées de la part du résultat du compte non régulé devant être affectée au compte régulé ;
- le détail des investissements « poids du passé » ;
- les méthodes et données prises en compte pour l'établissement des affectations de charges réalisées sur la base de clés de surface.


III.16. Le STIF estime également que le niveau de détail des informations transmises dans le cadre du rapport annuel relatif au contrat entre le STIF et la SNCF est insuffisant et n'apporte pas d'information supplémentaire par rapport aux informations fournies lors des IRC.
III.17. Le STIF précise que ses demandes sont justifiées et nécessaires et ne dépassent pas les exigences de l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194. En effet, selon le STIF, faire droit à ses demandes ne conduirait pas l'Autorité à prendre une décision à effet réglementaire car :


- le STIF estime que la communication des informations qu'il sollicite s'inscrit à la fois dans le cadre des dispositions de l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 mais également, et plus largement, dans le cadre de l'obligation de transparence à laquelle est soumise Gares & Connexions en vertu de la réglementation ferroviaire européenne et nationale, laquelle doit permettre aux utilisateurs du réseau de vérifier le montant des redevances demandées. L'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 ne rend pas sans objet l'obligation générale de transparence mais explicite uniquement la nécessité de mettre en place une comptabilité analytique afin d'y contribuer, et ce, dans le but de contrôler le respect des principes de tarification applicables et l'absence de subventions croisées ;
- la fourniture par Gares & Connexions des informations demandées par le STIF au titre de son obligation de transparence se rattache aux conditions tarifaires de fourniture de la prestation de base, objet du différend, que l'Autorité peut préciser au titre de son office de règlement des différends.
- tous les éléments sollicités par le STIF lui sont nécessaires pour apprécier si les redevances qu'il supporte in fine sont justifiées au regard, notamment, des autres obligations qui pèsent sur Gares & Connexions (principes de non-discrimination et de facturation en lien avec les coûts supportés et au regard de l'utilisation réelle notamment) ;
- la pratique décisionnelle de l'Autorité en matière de règlement de différends démontre qu'elle fait un usage large de ce pouvoir, c'est-à-dire que le fait de détenir un pouvoir réglementaire supplétif ne fait pas obstacle à l'exercice de sa compétence en matière de règlement de différend.


III.18. S'agissant de la transmission des plans détaillés des gares, le STIF indique que la doctrine de la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) en la matière est que le rattachement d'un document à une activité de sécurité publique ne suffit pas à le rendre non communicable. Pour que la divulgation de tels documents porte atteinte à la sécurité publique, il faut notamment que cela mette en danger des personnes physiques. Ainsi, le caractère communicable du document est déterminé par son contenu et par le contexte de la demande d'accès, à savoir la nature du demandeur et les circonstances de sa demande. Le STIF rappelle avoir déjà formulé une demande précise en ce sens en date du 15 avril 2014, demande renouvelée dans la saisine. Enfin, le STIF précise que Gares & Connexions lui a déjà communiqué par le passé des informations relatives aux plans des gares franciliennes sans jamais évoquer un risque d'atteinte à la sécurité publique et indique que cette transmission pourrait se faire le cas échéant dans le cadre d'un accord de confidentialité. Gares & Connexions serait alors, en tout état de cause, libre d'occulter dans les documents sollicités les éléments qui lui semblent porter atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes.
Pour Gares & Connexions
III.19. Gares & Connexions indique transmettre, conformément aux obligations issues du décret n° 2003-194 et du contrat liant la SNCF au STIF, les éléments détaillés demandés par le STIF à trois occasions :


- lors de la réunion des instances régionales de concertation (IRC), elle remet des informations détaillées sur les programmes d'investissement et les comptes de résultat, à savoir une représentation graphique des investissements, une présentation chiffrée de l'impact des investissements sur les transporteurs et le compte de gare sur trois ans, informations reprises dans l'annexe A5 du DRG. En outre, elle s'est engagée à produire une note de synthèse sur les évolutions de la base tarifaire, qui sera adressée aux membres de l'IRC et précise que des comités d'investissement préalables aux IRC ont été constitués ;
- lors de l'élaboration du rapport annuel remis au STIF dans le cadre du contrat STIF - SNCF ;
- lors de réunions bilatérales entre le STIF et Gares & Connexions où cette dernière lui a communiqué des éléments détaillés sur les modèles de tarification des gares parisiennes (voir production n° 12 du STIF).


III.20. En outre, Gares & Connexions estime que les demandes du STIF vont au-delà des exigences prévues par l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 dans la mesure où elles tendent à ce que :


- d'une part, l'Autorité précise, par une décision réglementaire dans l'exercice de son pouvoir de règlement de différends, le contenu de la comptabilité analytique que Gares & Connexions est tenue d'établir. Or, l'Autorité ne dispose pas, contrairement à l'ARCEP, d'une compétence réglementaire lui permettant de préciser et de compléter la liste des informations et documents comptables devant être transmis par les gestionnaires d'infrastructure aux autorités organisatrices de transport et ne pourrait en tout état de cause pas fixer une telle obligation dans son office de règlement des différends. Les exigences de transmission d'information de l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 traduisent directement l'obligation générale de transparence de telle sorte qu'il s'agit en réalité d'une seule et même obligation ;
- d'autre part, l'Autorité crée une obligation de transmission d'informations supplémentaires portant sur trois types de données (information sur les surfaces, compte de résultat de la gare et décompte de la CAF).


III.21. Concernant la transmission des plans détaillés des gares, Gares & Connexions indique qu'elle n'est pas compatible avec les impératifs de sécurité qui régissent la prévention des actions terroristes. Au soutien de cet argument, Gares & Connexions indique que cette transmission doit respecter l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 tel qu'interprété par la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), lequel prévoit que la communication des documents dont la diffusion pourrait porter atteinte à la sûreté de l'Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes n'est prévue que sur demande et après examen circonstancié de la nature et l'étendue des éléments dont la communication est demandée.
III.22. Gares & Connexions considère que le STIF aurait pu conclure une convention pluriannuelle avec le directeur des gares, possibilité prévue à l'article 15 du décret n° 2003-194, afin de déterminer les conditions d'utilisation et de gestion des gares de voyageurs de catégories B et C. Cette possibilité a été proposée par Gares & Connexions au STIF lors de la négociation du contrat d'exploitation ferroviaire conclu entre le STIF et la SNCF. Dans ce cadre, le STIF aurait pu faire toute demande de communication d'informations relatives aux gares de catégories B et C. Gares & Connexions indique que le STIF n'a pas souhaité faire usage de cette faculté et que ce dernier a défini les obligations relatives aux gares de catégorie B et C dans le cadre de la convention d'exploitation conclue avec Transilien. Gares & Connexions précise avoir transmis à Transilien les informations demandées par le STIF au titre des exercices 2012 et 2013 sans que le STIF n'argue du caractère incomplet de ces informations. Enfin, Gares & Connexions mentionne la production d'une annexe financière dans le cadre des IRC, à la demande de ses membres, détaillant les informations demandées par le STIF.
III.23. Gares & Connexions indique être conforme aux obligations de transparence issues de la directive n° 2012/34/UE et estime que le STIF y donne une portée plus large :


- l'annexe VIII de la directive prévoit une obligation de transmission d'une liste exhaustive d'informations comptables à l'organisme de contrôle et non aux candidats et aux candidats potentiels ;
- l'article 31 § 2 de la directive impose aux gestionnaires d'infrastructure et aux exploitants d'installations de service d'être en mesure de prouver aux entreprises ferroviaires que les redevances facturées sont conformes à la méthodologie, aux règles et aux barèmes fixés dans le document de référence du réseau. La demande du STIF se rapporterait en revanche, en amont, au choix de la méthodologie, des règles et des barèmes en résultant faits par le gestionnaire de gares.


Analyse de l'Autorité
Sur la transmission de la comptabilité analytique par périmètre de gestion
III.24. Gares & Connexions propose aux entreprises ferroviaires une prestation de base dans les gares de voyageurs, qualifiée de prestation régulée au sens de l'article 2 du décret n° 2012-70 et dont la consistance est définie dans le DRG.
III.25. L'article 3 dudit décret précise que : « La fourniture des prestations régulées donne lieu à la perception d'une redevance liée au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel ».
III.26. L'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 dispose qu'une comptabilité analytique distingue, pour chaque périmètre de gestion :


- les charges liées aux prestations régulées ;
- les charges liées aux prestations non régulées ;
- et la quote-part des charges communes liées à des prestations régulées.


III.27. Selon ce même article, cette comptabilité analytique permet de retracer les produits et les charges liés aux prestations régulées sur chacun de ces périmètres. Elle est en outre communiquée sur demande à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires ainsi qu'aux autorités organisatrices et aux entreprises ferroviaires concernées.
III.28. L'article 14-1 § II dudit décret prévoit que le DRG « justifie, pour chaque périmètre de gestion défini au I de l'article 13-1, par référence aux principes de détermination des redevances prévues au II de ce même article :
a) La méthodologie utilisée pour déterminer ces redevances et leurs modulations, y compris les principes comptables retenus ;
b) La définition de la clé de répartition entre les charges affectées au transport régional et celles relatives aux autres types de transport ;
c) La prévision des coûts liés aux installations et aux services en distinguant les charges directement liées aux prestations régulées et les charges communes ;
d) Les hypothèses relatives à la demande de prestations régulées ;
e) Les hypothèses ayant permis de déterminer la clé de répartition utilisée pour la prévision des quotes-parts de charges communes affectées respectivement aux prestations régulées et non régulées ;
f) les programmes d'investissements ainsi que la structure des financements correspondants justifiant les amortissements et le calcul du coût des capitaux engagés prévus à l'article 13-1 ;
g) Le détail des produits de cession prévus à l'article 22 du décret n° 83-816 du 13 septembre 1983 susvisé. »
III.29. Selon le même article, « le document de référence des gares de voyageurs s'inscrit dans une perspective pluriannuelle et permet une comparaison des coûts affectés aux gares sur les deux années antérieures ».
III.30. Or, dans son avis n° 2012-025 relatif au projet de DRG 2014 (8), l'Autorité a indiqué que le projet de DRG n'apportait pas l'ensemble des justifications prévues au II de l'article 14-1 du décret n° 2003-194 modifié. Ainsi le programme d'investissement pour chaque périmètre de gestion n'apparaît pas dans le DRG (point f de l'article 14-1 § II). De même, l'Autorité a considéré que le document présenté ne s'inscrivait pas dans une perspective pluriannuelle et ne permettait pas une comparaison des coûts affectés aux gares sur les deux années antérieures. L'Autorité recommandait donc, dans cet avis, que l'annexe A5, qui présente un modèle de compte de gare par segment tarifaire, fasse l'objet d'une mise au point entre les gestionnaires de gares et les parties prenantes, afin d'assurer la transparence exigée par le IV de l'article 13-1 du décret n° 2003-194.
III.31 L'annexe A5 du DRG fournit en effet des informations agrégées et insuffisantes du point de vue de l'article 14-1 § II, notamment concernant ses points de c à f.
III.32. Cette annexe est également lacunaire en ce qu'elle présente les charges de façon agrégée par grandes catégories telles que : service de gares, gestion de site, dotation aux amortissements correspondant aux investissements prévisionnels, etc. A titre d'exemple, l'absence de détail sur les programmes d'investissements ne permet pas d'évaluer l'impact de chaque projet d'investissement sur les redevances. Quant aux charges relevant de la gestion de site, l'annexe A5 n'explicite pas leurs clés d'affectation, qui diffèrent pourtant d'une charge à l'autre. La présentation agrégée de ce poste de charges est contraire à l'exigence prévue au c de l'article 14-1 § II. A titre d'exemple, le poste de charges « nettoyage et gardiennage des sanitaires » est « directement [lié] aux prestations régulées » à la différence d'autres postes de charges relevant de la gestion de site.
III.33. Dans son avis n° 2013-026 relatif aux projets de DRG 2014 révisé et de DRG 2015 (9) ainsi que son avis n° 2014-021 relatif aux projets de DRG 2015 révisé et de DRG 2016 (10), l'Autorité a souligné que les programmes d'investissements de SNCF Réseau et de Gares & Connexions tels que présentés dans les projets de DRG restaient insuffisamment décrits au regard des dispositions de l'article 14-1 § II du décret n° 2003-194 et qu'il convenait de détailler les investissements considérés dans la construction des tarifs par périmètre de gestion des gares, par exemple en annexe du DRG.
III.34. Dans le cadre des IRC, Gares & Connexions produit certes des informations beaucoup plus riches que l'annexe A5 afin d'expliquer l'élaboration des redevances. La présentation de ces données dans le cadre de ces instances tend à prouver leur caractère nécessaire pour la compréhension des tarifs. Mais, contrairement aux gares de catégorie A, il n'existe pas d'instances régionales de concertation pour les gares de catégories B et C. Il existe donc, pour ces périmètres de gestion, un défaut de transparence en raison de l'absence de transmission des informations dans le cadre des IRC. Si Gares & Connexions fournit des éléments en vue de l'élaboration du rapport annuel remis au STIF en application de son contrat avec la SNCF pour la période 2012-2015, elle n'est pas dispensée de respecter ses obligations au titre des articles 13-1§ IV et 14-1§ II du décret n° 2003-194. Ces derniers prévoient respectivement la communication de la comptabilité analytique aux autorités organisatrices à leur demande et la justification dans le DRG des hypothèses et prévisions de coûts pris en compte pour l'établissement des redevances.
III.35. La mise à disposition des informations sur une multitude de tableaux, incomplets et de formats variables, et à des dates différentes est génératrice d'une insuffisance de transparence. Le modèle de tableaux de données proposé dans le cadre de l'instruction vise à regrouper, dans un nombre limité de tableaux fournis en une seule fois, des informations que Gares & Connexions a présentées à l'occasion des IRC ou des échanges successifs avec le STIF.
III.36. Ce modèle final de tableaux proposé sous format « excel » (voir l'annexe 1 de la présente décision) a été élaboré en tenant compte des observations des parties ; il comporte pour un périmètre de gestion donné :


- les prévisions, par catégorie tarifaire, de trafic total et du trafic Transilien pour l'horaire de service en cause ;
- le détail des programmes d'investissements prévisionnels, pris en compte pour l'établissement des redevances pour cet horaire de service, et leur impact sur les redevances ;
- le détail des actifs immobilisés et leur affectation au périmètre des prestations régulées ;
- le détail des charges prises en compte pour l'établissement des redevances pour l'horaire de service ainsi que sur les deux années antérieures.


III.37. La liste détaillée des charges prises en compte dans ce modèle est inspirée de l'annexe A5 et de la présentation de Gares & Connexions faite au STIF et reprise dans sa production n° 12 bis. Le modèle propose des compléments d'informations pour que le STIF puisse accéder à des données intermédiaires lui permettant de faire des prévisions. A titre d'exemple, la description des charges précise celles qui sont affectées au périmètre « locataires régulés » pour permettre le calcul de la rétrocession de 50 % du résultat positif des activités non régulées prévue par l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194.
III.38. De même, le modèle renseigne les charges réalisées pour l'année N-3 sur lesquelles Gares & Connexions se fonde pour l'établissement des redevances pour l'année N.
III.39. Lors de l'audience, l'Autorité observe que Gares & Connexions a indiqué ne pas s'opposer à la communication des informations sur le modèle proposé par l'Autorité.
III.40. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de transmettre au STIF, pour chacun des périmètres de gestion des gares en Ile-de-France, dans le délai de deux mois avant le début de chaque horaire de service tel que demandé par le STIF, le fichier de données renseigné conformément au modèle annexé à la présente décision.
III.41. Du fait de son obligation de non-discrimination, Gares & Connexions devra compléter le même fichier pour toute autre autorité organisatrice de transport ou entreprise ferroviaire qui en ferait la demande. L'Autorité recommande au gestionnaire de gares de faire évoluer en conséquence l'annexe A5 du DRG vers le modèle suggéré.
Sur la transmission des plans de surface des gares
III.42. Le STIF demande également la transmission des plans de surface des gares. Il s'agit du seul élément explicatif des clés de répartition des charges communes entre les comptes régulés et non régulés.
III.43. Dans ses observations, Gares & Connexions a indiqué refuser la transmission des informations détaillées sur les surfaces des gares au motif qu'une telle transmission ne serait pas compatible avec les impératifs de sécurité que Gares & Connexions doit assurer dans la cadre de la prévention des activités terroristes. Cette transmission devrait selon elle respecter l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978 (11) tel qu'interprété par la Commission d'accès aux documents administratifs.
III.44. Sur ce point, les circonstances de la demande du STIF de transmission des plans de surface des gares ne caractérisent pas une divulgation portant atteinte à la sécurité publique et mettant en danger des personnes physiques (12). L'objectif poursuivi par une telle transmission est gouverné pas un principe de transparence des surfaces prises en compte, de leur répartition et de leurs évolutions pour la détermination des clés de répartition des charges communes entre les comptes régulés et non régulés.
III.45. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de transmettre au STIF, pour chacun des périmètres de gestion des gares en Ile-de-France, deux mois avant le début de chaque horaire de service, les plans de surface des gares de catégorie A, dans leur version arrêtée au moment de l'établissement des redevances, ainsi que les hypothèses de leur projection à l'horizon de l'horaire de service.
Sur la transmission du compte de résultat de chaque périmètre de gestion et du décompte de la capacité d'autofinancement dégagée par Gares & Connexions en Ile-de-France
III.46. L'Autorité constate que le compte de résultat n'apporte pas de complément d'explication concernant le calcul des redevances par rapport aux autres données visées par la demande et que le décret n° 2003-194 ne prévoit pas le décompte de la CAF dans le cadre de la comptabilité analytique de Gares & Connexions prévu par l'article 13-1 § IV ou dans le DRG conformément à l'article 14-1 § II.
III.47. L'Autorité conclut au rejet de la demande de fournir le compte de résultat de chaque périmètre de gestion et le décompte de la capacité d'autofinancement dégagée par Gares & Connexions en Ile-de-France.
Sur la demande n° 2 visant la fixation du taux de rémunération du capital
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.48. Le document de référence des gares (DRG) présente la méthode de calcul des redevances liées aux prestations de services régulés en gare aux fins de couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles nécessaires à la réalisation de ces prestations par les gestionnaires de gares. A ce titre, le calcul intègre une rémunération des capitaux investis. Cette rémunération comprend, d'une part, les charges d'intérêt sur la dette du gestionnaire de gare et, d'autre part, le coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée.
III.49. La méthode retenue dans le DRG pour estimer le coût du capital est le Coût moyen pondéré du capital (CMPC), fondé sur une moyenne pondérée du coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée (aussi appelé « coût des fonds propres ») et des charges d'intérêt sur sa dette (aussi appelé « coût de la dette »).
III.50. Pour la formation des redevances, les charges de capital sont calculées en appliquant le CMPC à la base d'actifs (prévisionnelle) correspondant à la réalisation des prestations régulées par le gestionnaire de gare. Les actifs sont valorisés à leur valeur nette comptable prévisionnelle.
III.51. Le DRG précise que le niveau de CMPC, avant impôt, est de 9,2 % pour les horaires de service 2014 et 2015 (13). Le niveau de la base d'actifs correspondant à la prestation de base au titre des horaires de service 2014 et 2015 est respectivement de 784 et 805 millions d'euros (14). Par conséquent, les coûts du capital sont respectivement de 72 et 74 millions d'euros, soit près de 9 % des redevances liées au service de base (15).
III.52. Le STIF demande à l'Autorité de fixer le taux de rémunération des capitaux investis à 3,7 % au maximum ou, à supposer même que la prise en compte d'une prime de risque apparaissent justifiée (quod non), à 4,4 %.
Pour le STIF
III.53. Le STIF considère que le taux de 9,2 %, avant impôt, retenu par Gares & Connexions pour la rémunération du capital est excessif, ce qui a pour effet d'augmenter le niveau des charges à couvrir et donc le niveau des redevances.
III.54. Le STIF estime que le caractère excessif du taux de rémunération des capitaux investis conduit à un surcoût de près de 6 millions d'euros par an sur le périmètre Transilien.
III.55. Il conteste le taux de 11,9 % avant impôt retenu par Gares & Connexions pour la rémunération de ses fonds propres. Il estime que ce taux devrait in fine correspondre au taux sans risque, c'est à dire au « rendement moyen des obligations de l'Etat français à 10 ans, soit 3,5 % ».
III.56. Il estime que Gares & Connexions « reconnaît détourner de sa finalité la rémunération des capitaux investis pour en faire une source de financement additionnelle qu'elle indique affecter à des investissements réalisés, notamment, hors Ile-de-France ».
III.57. Le STIF indique que la rémunération du capital n'a pas vocation à maximiser la capacité d'autofinancement mais doit seulement permettre de rémunérer les investissements qu'elle a déjà réalisés et qui en sont l'assiette, et non à dégager des ressources visant à financer de futurs investissements.
III.58. S'agissant de la structure financière retenue par Gares & Connexions pour le calcul du CMPC, le STIF s'interroge sur la pertinence du ratio entre financement sur fonds propres et financement par endettement (le ratio étant de 65 % autofinancé et 35 % emprunté), ratio que Gares & Connexions cherche à maintenir en appliquant un taux de rémunération des fonds propres investis bien plus élevé que le coût de la dette. Le STIF ajoute que Gares & Connexions a reconnu qu'il s'agissait d'une « structure financière cible ». Le STIF souhaiterait que ce ratio soit rééquilibré en faveur de la dette.
III.59. Le STIF souhaiterait que le calcul du coût de la dette s'appuie sur la notation du groupe SNCF qui bénéficie d'une notation plus favorable AA plutôt que de prendre comme référence le taux facturé par « Fonctions transverses », soit le taux d'une structure de notation BBB.
III.60. S'agissant de la prime de risque, le STIF estime qu'il n'y a pas lieu de tenir compte d'une prime de risque spécifique car la nature des activités du gestionnaire de gare se caractérise, d'après lui, par un niveau de risque en réalité inexistant.
III.61. S'agissant de la valeur du bêta des fonds propres, intervenant dans la formule de calcul du CMPC, le STIF considère qu'elle doit être nulle. Il conteste la méthode d'évaluation par Gares & Connexions qui le conduit à évaluer un bêta désendetté à 0,55 par comparaison avec des sociétés cotées gestionnaires d'aéroports. D'une part, il estime que cette comparaison est contraire aux exigences de l'article 3 de la directive n° 2012/34/UE qui énonce que la part de risque prise en compte dans l'estimation du taux de rémunération des capitaux doit être « conforme au taux moyen constaté dans le secteur concerné au cours des dernières années ». D'autre part, il considère que la valeur du bêta n'est « pas représentative de la nature régulée du gestionnaire et de son modèle économique tarifaire et, devrait, en conséquence, être revu à la baisse ». En tout état de cause, compte tenu de la faible « élasticité du trafic du transport ferroviaire régional de voyageurs aux aléas économiques », il ne saurait excéder 0,5.
III.62. Le STIF estime par ailleurs qu'il ne faudrait tenir compte d'aucune prime de risque de marché. Il estime que le niveau de prime de risque de 6 % retenu par Gares & Connexions est surévalué et souligne que l'Autorité, dans son avis n° 2013-024 avait contesté ce niveau qui « correspond à des valeurs employées sur les marchés des actions pour les sociétés cotées et s'écarte ainsi très nettement des standards de prime de risque utilisés en matière de financement d'investissements publics ». Le STIF ajoute que l'article 3 de la directive n° 2012/34/UE autorise à ne pas prendre en compte de prime de risque dans le calcul du coût du capital puisqu'elle énonce que le « taux de rémunération du capital propre […] prend en compte le risque, y compris celui pesant sur les recettes, ou l'absence de risque, encouru par l'exploitant de l'installation de service et qui est conforme au taux moyen constaté dans le secteur concerné au cours des dernières années » (16).
III.63. Le STIF estime que Gares & Connexions se trouve dans ce cas de figure pour les raisons suivantes :


- Gares & Connexions n'encourt aucun risque d'insolvabilité ;
- l'essentiel de l'activité de Gares & Connexions s'inscrit dans le cadre de la fourniture de prestations monopolistiques ;
- le trafic dans les gares franciliennes est en augmentation constante depuis des années ;
- les modalités mêmes de calcul des redevances, qui couvrent les investissements réalisés par Gares & Connexions, lui en garantissent donc le financement, serait-ce au travers d'une hausse des redevances.


III.64. Le STIF conteste l'appréciation de Gares & Connexions quant au risque encouru et, par conséquent, la prise en compte d'une prime de risque pour le financement de ses actifs en gare sur la base des arguments suivants :


- les subventions versées par le STIF sont en constante augmentation. Le STIF estime que le niveau élevé de CMPC serait une manière d'inciter les régions à verser plus de subventions pour ne pas avoir à supporter une rémunération du capital trop forte. Par ailleurs, selon le STIF, quand bien même les subventions diminueraient, Gares & Connexions augmenterait ses redevances à due-concurrence afin de couvrir ses charges prévisionnelles ;
- s'agissant de la stratégie financière de Gares & Connexions relative aux activités non régulées, le STIF précise qu'il ne lui appartient pas d'en assumer les conséquences financières. La quote-part des actifs financés par les activités commerciales ne représente in fine que 25 % du total des actifs. En outre, les chiffres d'affaires régulés sont en constante augmentation ces dernières années. Or, la croissance de la fréquentation des gares bénéficie aux activités non régulées. Enfin, certains contrats entre Gares & Connexions et les exploitants d'activités commerciales sont de long terme (notamment des conventions de cinq à sept ans, voire une concession de dix ans pour RELAY).


III.65. En tout état de cause le STIF estime que le niveau de la prime de risque ne saurait excéder 2 %, correspondant au taux retenu par la mission présidée par Emile Quinet pour l'évaluation du risque systémique des investissements publics (17).
III.66. Enfin, le STIF estime qu'il n'y a pas lieu de tenir compte, dans la détermination du taux de rémunération du capital, d'un impôt sur les sociétés aux motifs suivants :


- la prise en compte d'un taux d'impôt sur les sociétés pour le calcul des redevances d'accès en gare constituerait un prélèvement sur les contributions d'un établissement public local au profit de l'Etat ;
- le décret du 7 mars 2003 prévoit que les prévisions de charges pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité ;
- l'application du régime d'intégration fiscale à Gares & Connexions conduit à faire supporter à la branche un impôt sur les sociétés théorique et à faire bénéficier l'EPIC du gain fiscal, la SNCF n'ayant pas acquitté d'impôt sur les sociétés en 2013. Le STIF considère que ce mécanisme peut engendrer une subvention croisée ;
- l'application même d'un impôt sur les sociétés sur un système financé majoritairement par les régions et le STIF apparaît plus que discutable.


III.67. Le STIF ajoute enfin que :


- Gares & Connexions n'a pas respecté l'engagement du référentiel de séparation comptable visant à arrêter un taux de CMPC « hors activités commerciales » ;
- le mécanisme de régularisation des redevances ne fait qu'ajuster leur montant à la réalité des départs-trains et des investissements par rapport aux prévisions. Ce mécanisme ne pourrait ainsi constituer une source de risque pour Gares & Connexions. Or, en raison d'un seuil de 5 millions d'euros, défini dans le DRG, ce mécanisme ne s'applique pas dans tous les cas de sous-investissement. De plus, aucun mécanisme de régularisation n'existe sur les charges d'exploitation ;
- les niveaux de rentabilité des capitaux investis produits par Gares & Connexions font apparaître une rentabilité attestant du caractère excessif des redevances.


Pour Gares & Connexions
III.68. Gares & Connexions indique, s'agissant de la méthodologie, que le coût d'immobilisation des capitaux propres après impôt serait de 7,67 % par application d'une formule conforme à celle imposée par l'Autorité dans sa décision n° 2012-016 du 11 juillet 2012.
III.69. Elle souligne que l'utilisation du modèle d'évaluation des actifs financiers (MEDAF) pour l'évaluation du coût des fonds propres est une pratique couramment répandue par les opérateurs de réseaux français (énergie, télécommunication, aéroports) et par les opérateurs ferroviaires européens. Gares & Connexions indique que le modèle « Gollier (18) » ne permettrait pas de calculer le montant du coût des capitaux engagés par un opérateur économique pour le financement d'un projet, mais concernerait la prise en compte du risque socio-économique dans l'évaluation des grands projets d'investissements publics décidés par les pouvoirs publics. Gares & Connexions ajoute que cette méthode ne serait pas pertinente pour permettre de garantir une rentabilité des projets qui maintienne la valeur comptable des actifs.
III.70. Concernant le périmètre d'évaluation du CMPC, Gares & Connexions indique avoir utilisé un taux identique pour les activités régulées et non régulées en se basant sur les conclusions d'un rapport Deloitte réalisé à sa demande qui estimait des taux très proches pour le périmètre régulé (de 6,3 % à 7,3 % après impôt) et pour le périmètre non régulé (de 5,7 % à 6,7 % après impôt).
III.71. S'agissant du taux retenu, Gares & Connexions estime qu'il correspond au niveau nécessaire pour lui permettre de financer ses investissements et qu'une diminution du taux de rémunération serait de nature à affecter durablement la capacité d'autofinancement de la branche dès lors que la perte de ressource qu'elle implique ne pourra être compensée par la marge des activités non régulées.
III.72. Pour le calcul du bêta, Gares & Connexions indique fonder sa détermination sur une étude réalisée par le cabinet Deloitte à sa demande. La valeur retenue fait référence à un échantillon de sociétés cotées du secteur aéroportuaire. Gares & Connexions souligne la pertinence de cette comparaison en précisant que les prestations d'escale s'élèvent à 55% du chiffres d'affaires 2013, taux comparable aux 60 % du chiffre d'affaires que représentent les prestations aéronautiques pour Aéroport de Paris. Gares & Connexions conteste ainsi le fait qu'elle serait moins exposée au risque conjoncturel que les grands aéroports qui sont des « hubs » internationaux de correspondance.
III.73. Pour le calcul de la prime de risque, Gares & Connexions conteste l'argument du STIF selon lequel l'essentiel de l'activité de Gares & Connexions serait constitué de prestations régulées. L'activité régulée ne permet de couvrir que 60 % des amortissements dans les gares parisiennes. De plus, cette activité régulée n'apporte que 51 % (19) de la capacité de financement des gares. Gares & Connexions conteste l'assertion du STIF qui indique que la CAF proviendrait à 83 % des activités régulées car le STIF intègre dans ses calculs la rétrocession des activités non régulées.
III.74. Gares & Connexions souligne que les performances des activités non régulées sont hétérogènes et soumises aux aléas conjoncturels. La rémunération de Gares & Connexions repose en partie sur le chiffre d'affaires réalisé par les commerçants, ce qui se traduit par un risque sur les revenus du gestionnaire de gares dont Gares & Connexions doit tenir compte du fait du besoin de financement nécessaire à la couverture des actifs affectés à l'activité non régulée.
III.75. En outre, Gares & Connexions indique que les subventions couvrent 38 % des investissements pour l'année 2013 et ajoute que ce niveau de subvention n'est pas acquis pour les années à venir. Elle conteste la lecture du STIF quant à l'augmentation de ses subventions. Si elle convient que le volume de subventions a pu augmenter entre 2012 et 2013, elle souligne que son taux de subvention, au regard du niveau d'investissement, est resté constant. Elle ajoute que le volume important de subventions hors bilan au 31 décembre 2012 et au 31 décembre 2013 ne renforce pas l'idée que Gares & Connexions peut compter sur un niveau globalement élevé de subventions mais plutôt qu'il est de plus en plus difficile pour elle d'obtenir le versement de ses subventions. Cette difficulté tend par ailleurs à s'accroître puisqu'en 2013 le montant des subventions en attente de règlement se serait accru de 35 %.
III.76. Gares & Connexions anticipe un risque de dégradation des finances locales qui devrait contraindre les autorités organisatrices à des révisions à la baisse de leurs dépenses. Gares & Connexions observe ainsi que les gares ne sont plus éligibles aux prochains contrats de projets Etat - Régions. Dès lors, elle estime devoir tenir compte du risque de retrait des subventions lors de la construction de ses programmes d'investissement.
III.77. Selon Gares & Connexions, le principal risque qui pèse sur elle est de ne pas être en mesure d'assurer de façon pérenne les investissements en disposant de rémunération issue de l'application du CMPC, qui représente une capacité d'investissement d'environ 50 millions d'euros par an.
III.78. Pour Gares & Connexions, l'introduction de mécanismes de régularisation affecte le niveau de risque de ses activités de la façon suivante :


- s'agissant des dispositions visant à régulariser les erreurs de prévisions de trafic, Gares & Connexions estime qu'il introduit un aléa sur le niveau définitif de la redevance d'accès gares ; Gares & Connexions n'aurait donc pas d'objection à y renoncer ;
- s'agissant du mécanisme visant à régulariser les erreurs de prévisions sur la programmation pluriannuelle des investissements, lorsqu'il y a lieu de restituer aux utilisateurs un trop perçu, Gares & Connexions estime qu'il fait peser un risque supplémentaire sur le gestionnaire de gares.


III.79. S'agissant de l'impôt sur les sociétés, Gares & Connexions rappelle que cette charge figure bien dans les comptes de Gares & Connexions, sa prise en compte est donc, selon elle, conforme aux exigences du décret du 7 mars 2003 et aux décisions de l'Autorité relatives à la séparation comptable.
III.80. Enfin, Gares & Connexions estime que :


- afin de garantir le droit à un procès équitable et respecter le principe du contradictoire, l'Autorité ne pourrait s'estimer liée par ses avis relatifs au taux de CMPC et notamment sa référence au rapport « Gollier » ;
- la non prise en compte d'un impôt sur les sociétés conduirait, conformément à la formule de calcul du coût des fonds propres issue du référentiel de séparation comptable, à un niveau de bêta réendetté de 0,89 au lieu de 0,74 ;
- il convient de replacer l'enjeu du différend à l'intérieur d'une fourchette entre 8,8 % et 9,2 %, la borne inférieure étant donnée par une part de dette à 38 %, un coût de la dette à 3,5 % et un taux d'impôt sur les sociétés de 38 %.


Analyse de l'Autorité
III.81. L'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 précise que les redevances liées aux prestations régulées doivent permettre de « couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations ». « Ces charges comprennent pour les biens et services en gare de voyageurs : […] c) Le coût des capitaux engagés correspondant aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation du capital pour la partie autofinancée, nécessaire au financement pérenne des investissements ».
III.82. Ainsi, le décret prévoit la prise en compte d'une rémunération des capitaux, correspondant aux charges liées à la dette et aux fonds propres du gestionnaire de gare.
III.83. Le débat entre les parties porte sur le niveau de rémunération des capitaux. L'analyse de l'Autorité s'attachera donc à examiner successivement :


- la méthode de calcul (objet, périmètre et formule de calcul du CMPC) ;
- les niveaux retenus pour chacun des paramètres intervenant dans la méthode (taux sans risque, prime de risque, impôt sur les sociétés, structure financière et coût de la dette).


Sur l'objet du CMPC
III.84. La rémunération du capital vise à couvrir les coûts de la ressource financière nécessaire au financement des investissements, qu'il s'agisse du recours à la dette ou à des fonds propres.
III.85. Le coût du capital doit assurer une rentabilité minimale aux apporteurs de fonds (créanciers ou actionnaires) en tenant compte, par anticipation, des risques encourus. Dans une entreprise, il apparaît donc comme le seuil minimal de rentabilité permettant de justifier l'engagement d'un investissement.
III.86. La prise en compte, dans les redevances, d'une rémunération du capital relève donc d'une démarche de vérité des prix. Pour la même raison, le niveau de CMPC retenu par Gares & Connexions ne devrait pas excéder le coût de la ressource financière. Comme l'a souligné l'Autorité dans son avis n° 2012-016 sur le CMPC (20), le niveau de CMPC doit en effet concilier les intérêts des utilisateurs des infrastructures et ceux de l'entreprise régulée. Un niveau trop élevé de CMPC est susceptible de nuire au développement de l'activité des utilisateurs d'infrastructures ; inversement, un niveau trop faible limite la capacité du gestionnaire d'infrastructures à recueillir suffisamment de capitaux pour financer les investissements nécessaires.
III.87. Dans ses écritures, Gares & Connexions défend une vision plus large du CMPC en s'appuyant sur une lecture du II de l'article 13-1 du décret n° 2003-194 qui évoque le « financement pérenne des investissements ». La SNCF estime ainsi que le principal risque qui pèse sur Gares & Connexions est « de ne pas être en mesure d'assurer de façon pérenne les investissements en disposant de rémunération issue de l'application du CMPC, qui représente une capacité d'investissement d'environ 50 millions d'Euros par an ». Pour Gares & Connexions, le CMPC doit ainsi lui permettre non seulement de couvrir les coûts liés à ses capitaux mais aussi d'assurer une partie du financement de ses investissements futurs.
III.88. L'Autorité considère quant à elle qu'l s'agit d'une interprétation trop extensive du décret et, en conséquence, d'une vision trop large du CMPC. En effet, dès lors que le taux d'endettement de Gares & Connexions est raisonnable, ce qui est le cas (21), la couverture de la ressource financière est, par nature, compatible avec le financement pérenne des investissements et il n'y a pas lieu d'ajouter des contraintes relatives à la capacité d'autofinancement du gestionnaire de gares.
Sur le périmètre du CMPC
III.89. Gares & Connexions intègre dans son analyse le calcul d'un CMPC dont le périmètre recouvre à la fois des actifs régulées et des actifs non régulées (22).
III.90. Gares & Connexions ajoute qu'il n'y aurait de toute façon pas lieu de considérer des taux de CMPC différents. Elle précise en effet : « En mars 2012, SNCF a commandé une étude au cabinet Deloitte pour quantifier les paramètres des activités régulées et non régulées. Cette étude a montré qu'il n'y avait pas de différence significative entre les paramètres de ces deux périmètres ».
III.91. Or l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 précise que « Les redevances liées aux prestations régulées […] sont établies annuellement […] aux fins de couvrir l'ensemble des charges prévisionnelles correspondant à la réalisation de ces prestations pour chacun des périmètres de gestion des gares ».
III.92. Ainsi, le niveau des redevances liées aux prestations régulées doit couvrir les charges permettant de réaliser les prestations régulées, y compris les charges de capital des actifs régulés, et non au-delà.
III.93. L'Autorité constate que Gares & Connexions a évalué un niveau de coût du capital pour l'ensemble de ses actifs, alors qu'elle aurait dû limiter son analyse aux actifs régulés. Le financement d'actifs régulés et d'actifs non régulés comporte des risques différents et peut en conséquence, en toute hypothèse, conduire à des niveaux de rémunération de capital différents.
Sur l'application de la formule de calcul
III.94. La décision n° 2014-009 du 10 juin 2014 relative à la tenue des comptes séparés de l'activité de gestion des gares de voyageurs par la SNCF a approuvé le « Référentiel de séparation comptable de l'activité Gares & Connexions » dans sa version dite V2bis.
III.95. S'agissant du coût relatif aux capitaux engagés, le référentiel de séparation comptable précise :
« Le coût des capitaux engagés correspond aux charges d'emprunt et frais financiers y afférents et au coût d'immobilisation des capitaux propres pour la partie autofinancée.
Le coût d'immobilisation des capitaux propres doit offrir non seulement une rémunération équivalente à un investissement sans risque, mais aussi compenser les risques portés par ces fonds propres, compte tenu des caractéristiques spécifiques à l'activité de monopole public régulé où cet investissement est effectué.
Il s'établit comme la somme d'un taux sans risque et d'une prime de risque spécifique à ce type d'activité selon la formule :
KFP = R0 + β x R x (1 + (1-TIS) x Dette / Capitaux propres)

- KFP est le coût d'immobilisation des capitaux propres après impôts ;
- R0 est le taux de rémunération sans risque, pris par exemple sur la base du rendement moyen des obligations de l'Etat français pour des maturités longues les plus pertinentes ;


- β × R est la prime de risque spécifique aux activités de Gares & Connexions (hors activités commerciales) tenant compte notamment :
- de la nature des activités régulées de Gares & Connexions en matière ferroviaire et notamment la sensibilité de leurs résultats aux aléas économiques ;
- du modèle économique tarifaire de Gares & Connexions et notamment son horizon temporel ;
- du caractère public de Gares & Connexions et de ses actifs ;


- TIS est le taux d'imposition des sociétés ».
III.96. Le projet de DRG 2016 du 10 juillet 2014, dans son chapitre 4.F, reprend cette formule pour le calcul du coût des capitaux engagés.
III.97. Bien que les écritures échangées lors de l'instruction opposent l'utilisation de la méthode dite MEDAF, soutenue par Gares & Connexions, et des recommandations issues du rapport Gollier, mentionnée par le STIF, l'Autorité constate que cette opposition ne concerne pas in fine la formule générale de calcul issue du référentiel de séparation comptable. Le différend porte sur les valeurs numériques à retenir pour les différents paramètres intervenant dans la formule.
Sur le niveau du taux sans risque
III.98. Le référentiel de séparation comptable indique que le taux sans risque correspond, « par exemple, au rendement moyen des obligations de l'Etat français pour des maturités longues les plus pertinentes ».
III.99. Dans son avis n° 2013-024 du 22 octobre 2013 relatif au coût d'immobilisation du capital, l'Autorité recommandait l'utilisation d'une telle référence et précisait avoir fondé son analyse sur le « rendement moyen des obligations d'Etat Français à dix ans, émis au cours des dix dernières années connues ».
III.100. La moyenne sur les dix dernières années des obligations d'Etat à 10 ans s'établit à 3,5 % (moyenne entre octobre 2003 et septembre 2013) (23). Compte tenu de la tendance actuelle de baisse des taux, l'Autorité estime que le niveau de taux sans risque devrait raisonnablement s'établir entre 3,2 % (taux retenu par Gares & Connexions) et 3,5 %.
Sur la valeur de la prime de risque spécifique
III.101. Le référentiel de séparation comptable indique que le calcul de la prime de risque (β × R) doit tenir compte de la nature des activités régulées de Gares & Connexions, de la sensibilité de ses résultats aux aléas économiques, de son modèle tarifaire et de son caractère public.
III.102. Plusieurs facteurs conduisent donc à considérer que cette prime de risque (β × R) devrait être inférieure à celle considérée par Gares & Connexions, qui s'appuie sur des taux constatés sur les marchés boursiers :


- la nature régulée de l'activité de Gares & Connexions apparaît faiblement sensible aux variations de l'ensemble de l'économie ; son caractère d'infrastructures de long terme et le poids des activités conventionnées dans le chiffres d'affaires de Gares & Connexions en font une activité à flux de trésorerie prévisible ;
- le système de tarification, qui s'apparente à un mécanisme de type « Cost plus » permet, par construction, au gestionnaire de gares de couvrir l'ensemble de ses coûts en réajustant annuellement sa trajectoire financière ;
- le système tarifaire établi par Gares & Connexions neutralise le risque sur le volume du trafic des gares de catégorie A par un mécanisme de régularisation tarifaire ex post en cas d'erreurs de prévisions.


III.103. Un autre facteur vient conforter l'idée que la prime de risque ne peut pas non plus être égale à zéro, à savoir que les bénéfices procurés par les investissements ne sont pas indépendants de l'aléa macro-économique dès lors qu'il y a une corrélation, même faible, au PIB ;
III.104. L'Autorité constate que Gares & Connexions n'a pas répondu précisément à la question n° 4 de la mesure d'instruction n° 4 visant à expliciter de manière détaillée et chiffrée l'évaluation des risques que Gares & Connexions considère, et leur impact sur le niveau de la prime de risque qu'elle a retenu. L'étude Deloitte du 2 mai 2014 fournie par Gares & Connexions (24) est par ailleurs insuffisante pour apprécier les risques qui pèseraient éventuellement sur Gares & Connexions.
III.105. S'agissant plus précisément du facteur R de la prime de risque, l'Autorité s'est à plusieurs reprises prononcée sur son niveau. Se référant aux travaux du rapport « Gollier » (25), elle a estimé que « la meilleure façon d'approcher les risques spécifiques aux gares de voyageurs est de se référer aux méthodologies développées en matière de risques liés aux investissements publics. Une telle référence paraît mieux adaptée aux caractéristiques des activités de gestion des gares, assurées par deux établissements publics en situation de monopole. La nature pérenne des deux établissements publics et de leurs activités de gestion d'infrastructures essentielles de long terme se rapproche des propriétés des investissements publics considérés dans ces méthodologies » (26). En effet, les prix de marché résultant des marchés financiers ne sont pas adaptés aux investissements de très longues maturités, lesquels concourent à la stabilisation de l'économie. Dans ses deux avis n° 2012-016 du 11 juillet 2012 et n° 2013-024 du 22 octobre 2013, l'Autorité a donc tenu compte d'une prime sectorielle de 3 %, en référence au rapport « Gollier ». Dans le second avis, l'Autorité précise que « la mission présidée par Emile Quinet suggère plutôt de retenir une valeur de 2 % pour ce risque macroéconomique ».
III.106. S'agissant du coefficient bêta, l'Autorité a, à plusieurs reprises, contesté l'échantillon retenu par Gares & Connexions qui conduisait à fixer ce coefficient par comparaison aux bêtas utilisés dans le secteur aéroportuaire européen.
III.107. Les aéroports pris en comparaison sont pour la plupart des « hubs » internationaux de correspondance. Ils développent leurs activités de gestionnaire d'infrastructure dans un environnement de concurrence entre sites aéroportuaires, ce qui n'est pas le cas des gares de voyageurs. Il existe dès lors un risque réel lié au trafic aéroportuaire dans la mesure où les compagnies aériennes ont la possibilité de changer de site pour l'organisation de leurs liaisons, notamment pour les dessertes de long courrier.
III.108. De plus, les revenus des gestionnaires d'aéroports, directement liés au trafic de passagers, sont beaucoup plus sensibles à la conjoncture économique que l'activité ferroviaire. Cette moindre sensibilité du trafic ferroviaire est renforcée par le fait que le revenu des gares ferroviaires dépend du trafic exprimé en nombre de trains et non en nombre de passagers et provient, pour 75 % de leur chiffre d'affaires régulé, du transport de proximité conventionné (TER et Transilien).
III.109. En outre, la régulation du secteur aérien est généralement fondée sur des contrats pluriannuels assortis de plafonds de prix et d'objectifs de productivité, alors que le cadre tarifaire des gares de voyageurs, fondé sur le recouvrement des coûts, permet aisément au gestionnaire, dans le cadre annuel actuel, de réajuster sa trajectoire financière.
III.110. Ainsi, l'Autorité avait proposé, pour la définition du CMPC des horaires de services 2014 et 2015, de retenir un bêta d'une valeur de 0,42, par analogie aux moyennes observées dans le secteur de l'électricité. Cette valeur a été revue à 0,33 dans les derniers tarifs (27). En tout état de cause l'Autorité avait précisé que le bêta retenu ne saurait excéder 0,5, correspondant à l'évaluation par la mission présidée par Emile Quinet de la sensibilité moyenne du secteur des transports aux aléas économiques.
III.111. Au vu de ce qui précède l'Autorité estime que la valeur du bêta est comprise entre 0,33 et 0,5 et celle de la prime de risque entre 2 et 3 %.
Sur la prise en compte de l'impôt sur les sociétés
III.112. Le référentiel de séparation comptable précise : « L'Activité Gares & Connexions calcule un IS interne sur son résultat. Cette règle s'applique à l'ensemble des Activités de l'EPIC SNCF. L'IS interne est défini dans la règle de gestion […] « impôt sur les sociétés interne ». L'impôt sur les sociétés interne appliqué à Gares & Connexions ne pourra pas excéder l'impôt payé par la SNCF, hors TREF ».
III.113. Ainsi, Gares & Connexions s'acquitte auprès de l'EPIC d'un impôt sur les sociétés d'un montant équivalent à celui qu'elle aurait payé si elle avait été une société indépendante. Cet impôt sur les sociétés interne est toutefois plafonné au niveau de l'impôt payé par l'EPIC.
III.114. Le principe du paiement, par Gares & Connexions, d'un impôt interne sur les sociétés figure dans le référentiel de séparation comptable approuvé par l'Autorité dans sa décision n° 2014-009.
III.115. Le coût du capital est en principe (28) calculé avant impôt dans la mesure où les revenus issus de la rémunération du capital sont soumis à cet impôt. Les autres entreprises régulées (énergie, télécommunication) évaluent ainsi une rémunération du capital fondé sur un CMPC avant impôt permettant de financer la future charge d'IS due sur leur résultat net annuel.
III.116. Le calcul des redevances s'effectue sur la base de coûts prévisionnels. La prise en compte de l'impôt sur les sociétés reflète bien les normes fiscales en vigueur, la rémunération du capital, générant bien un surplus d'impôt sur les sociétés.
III.117. Dans son avis n° 2013-024 du 22 octobre 2013, l'Autorité avait confirmé la prise en compte de l'impôt sur les sociétés dans le calcul du coût du capital de Gares & Connexions. Dans ce même avis, l'Autorité avait privilégié la prise en compte d'un taux normatif pour des raisons de visibilité et de stabilité. Elle avait considéré que « l'utilisation du taux d'impôt normatif de 34,43 % doit être privilégiée. Dans une logique de stabilité des paramètres influant sur les décisions d'investissement, il ne paraît en effet pas pertinent de reprendre les éléments fiscaux temporaires, que ces derniers soient favorables (taux d'imposition minimum, crédit impôt pour la compétitivité et l'emploi,…) ou défavorables (contribution exceptionnelle). »
III.118. L'Autorité considère qu'il y a donc lieu de tenir compte de la charge d'impôt sur les sociétés générée par la rémunération des capitaux et retient un taux d'impôt normatif de 34,43 %.
Sur la structure financière et du coût de la dette
III.119. Le STIF reprend les paramètres retenus par Gares & Connexions pour la structure financière (part de la dette : 35% et part des fonds propres : 65 %) et le coût de la dette (4 %).
III.120. Par ces motifs, en application du référentiel de séparation comptable et des valeurs établies ci-avant pour les paramètres entrant dans la formule de calcul du coût moyen pondéré du capital, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de fixer le coût moyen pondéré du capital servant à l'établissement des redevances pour le service de base dans les gares de voyageurs en Ile-de-France à l'intérieur d'une fourchette allant de 5,5 à 6,9 % avant impôts ou 3,6 à 4,5 % après impôts.
Sur la demande n° 3 visant la modification de l'allocation des charges
Sur la répartition des charges entre les comptes « transporteurs » et « occupants de la gare »
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.121. S'agissant des postes de charges correspondant à la prestation de base mutualisés avec des prestations non régulées, le DRG prévoit leur affectation au périmètre de la prestation de base à l'aide de clés de répartition calculées à partir des surfaces (en m2). Gares & Connexions distingue deux clés de répartition : une clé sur « m2 totaux » correspondant à la totalité des surfaces de la gare et une clé sur « m2 cœur de gare » correspondant aux surfaces accessibles au public.
III.122. Le STIF ne conteste pas ce principe d'affectation des charges mais sa mise en œuvre qu'il considère comme inéquitable et contraire au principe posé par la réglementation de calcul des redevances à partir du coût des prestations d'après le degré d'utilisation réel.
III.123. Il estime, d'une part, que certaines charges, aujourd'hui directement affectées au périmètre de la prestation de base, sont en réalité des charges communes dans la mesure où les services correspondant à ces charges bénéficient à la fois aux transporteurs et aux occupants de la gare (commerces, restaurants,…). Ce serait le cas pour l'accueil général, le mobilier et l'équipement des gares, le nettoyage et le gardiennage des sanitaires et les programmes d'investissement liés à l'accessibilité et à la vidéosurveillance.
III.124. D'autre part, le STIF juge plus pertinente l'utilisation de la clé de répartition en fonction des « m2 totaux » pour certaines charges communes actuellement réparties en fonction des « m2 cœur de gare ». Cela concerne le programme de gardiennage, la surveillance et les missions de solidarité ainsi que les charges de capital.
Pour le STIF
III.125. Au soutien de sa demande, le STIF considère que le mobilier et les équipements des gares, les services d'accueil général et de nettoyage et gardiennage des sanitaires contribuent à l'attractivité globale de la gare. Cela bénéficie aux occupants qui devraient donc en supporter en partie les charges. A titre d'exemple, le site Internet du centre commercial de la gare de Paris Saint Lazare fait référence, dans la rubrique « services pratiques », aux services d'accueil et des sanitaires de la gare.
III.126. Les programmes d'investissement d'accessibilité et de vidéosurveillance participent également, selon le STIF, à l'attractivité commerciale de la gare. S'agissant des charges de gardiennage, de surveillance et aux missions de solidarité, le STIF souligne que ces prestations bénéficient également aux occupants des zones hors cœur de gare, c'est-à-dire aux zones de bureaux.
III.127. Le STIF précise que l'obligation réglementaire de fournir les prestations du service de base n'implique pas la facturation totale des charges communes avec les prestations non régulées. Seule la quote-part régulée est intégrée à la redevance facturée aux transporteurs, conformément à l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194.
III.128. Pour le cas de la gare de Paris Saint Lazare, les services d'accueil, les sanitaires, l'accessibilité et la vidéosurveillance bénéficient aux clients du centre commercial et donc à l'activité non régulée de Gares & Connexions.
III.129. Par ailleurs, pour le STIF, la présentation des investissements en instance régionale de concertation ne remet pas en question le bien-fondé de sa demande, d'autant plus que ces instances ne sont tenues que pour les gares de catégorie A. Le STIF indique que, de plus, le manquement du gestionnaire de gares à son obligation de transparence ne permet pas de vérifier l'affectation correcte des investissements.
III.130. Enfin, le STIF estime que le gestionnaire de gares ne prouve pas le dimensionnement des charges contestées en fonction des seuls besoins des activités régulées. A titre d'exemple, les statistiques produites par Gares & Connexions (29) démontrent que les voyageurs utilisent bien les services d'accueil et d'information pour demander des renseignements sur les activités commerciales en gare.
Pour Gares & Connexions
III.131. Gares & Connexions rappelle à titre liminaire que l'affectation des charges répond à une logique d'ensemble et que toute révision ne peut se faire que dans le cadre d'un nouvel examen de cette logique d'ensemble.
III.132. Le gestionnaire de gares considère que la comptabilisation des charges est conforme à la définition de l'article 4 du décret n° 2012-70 du service de base fournie aux entreprises ferroviaires.
III.133. Ce dernier « comprend notamment les services d'accueil, d'information et d'orientation des passagers et du public, l'usage, par les passagers, personnels et prestataires, des installations aménagées pour la réception des passagers et du public jusqu'au train, comprenant l'accès aux services communs, aux commerces et aux bâtiments publics ainsi que toute prestation particulière en gare résultant d'une exigence législative ou réglementaire ou d'un accord international, notamment en matière de sûreté, propre à certains services de transports » (30).
III.134. En outre, concernant les charges correspondant au mobilier et à l'équipement des gares ainsi que le nettoyage et le gardiennage des sanitaires, Gares & Connexions indique que le niveau et le volume des prestations est soumis à l'instance régionale de concertation.
III.135. La SNCF rappelle que les missions des services de surveillance générale (SUGE) ainsi que la vidéosurveillance concernent l'espace public et non les lieux privés (les bureaux et les commerces) dont les occupants sont chargés d'organiser leur propre service de gardiennage.
III.136. Gares & Connexions explique que les charges dont le STIF critique l'affectation au seul périmètre régulé sont dimensionnées uniquement en fonction des activités régulées. L'absence de coût incrémental engendré par l'utilisation des prestations correspondantes par les activités non régulées écarte l'allégation de subventions croisées.
III.137. Quant à la vérification de l'affectation des investissements à leurs bénéficiaires, Gares & Connexions rappelle que cette mission incombe à l'Autorité, qui l'accomplit effectivement.
Analyse de l'Autorité
III.138. L'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 précise que « lorsque des charges occasionnées par la réalisation de prestations non régulées rendues dans une gare sont communes avec les charges correspondant à la réalisation de prestations régulées […], seule la quote-part liée à la réalisation de celles-ci est prise en compte pour la détermination des redevances ».
III.139. Ces dispositions ne précisent pas la nature des charges qui pourraient être considérées comme communes.
III.140. La demande du STIF porte en l'occurrence sur les postes de charges suivants :


- accueil général ;
- mobilier et équipement des gares ;
- nettoyage et gardiennage des sanitaires ;
- charges de capital liées aux investissements d'accessibilité et de vidéosurveillance ;
- gardiennage, surveillance et missions de solidarité ;
- charges de capital liées aux investissements affectées au périmètre « cœur de gare ».


III.141. La rédaction de l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 suggère de vérifier tout d'abord si ces charges correspondent effectivement à la réalisation de prestations non régulées rendues dans les gares de voyageurs.
III.142. Sur ce point, l'Autorité constate que certaines charges concernées par la demande du STIF relèvent explicitement du service de base fourni aux entreprises ferroviaires tel que décrit dans l'article 4 du décret n° 2012-70. Ce dernier « comprend notamment les services d'accueil, d'information et d'orientation des passagers et du public, l'usage, par les passagers, personnels et prestataires, des installations aménagées pour la réception des passagers et du public jusqu'au train, comprenant l'accès aux services communs, aux commerces et aux bâtiments publics ainsi que toute prestation particulière en gare résultant d'une exigence législative ou réglementaire ou d'un accord international, notamment en matière de sûreté, propre à certains services de transports ». Cette description englobe a minima les charges d'accueil général et celles liées aux investissements d'accessibilité et de vidéosurveillance qui découlent d'obligations réglementaires (31).
III.143. S'agissant du dimensionnement des postes de charges visés par la saisine du STIF, les éléments recueillis au cours de l'instruction tendent à montrer que les services en gare auxquels ils correspondent sont très faiblement utilisés par des clients non voyageurs. Ainsi en effet, les statistiques de fréquentation de la gare de Paris Saint Lazare (32), qui montrent que 95 % des personnes présentes dans cette grande gare sont des voyageurs ou des accompagnants, corroborent l'hypothèse d'un dimensionnement des services communs essentiellement adapté aux prestations régulées. De même, les résultats d'une enquête réalisée en gare de Lyon (33), qui indiquent que moins de 10% des sollicitations de l'Espace Information (34) concernent des renseignements sur les commerces en gare, permettent raisonnablement de considérer que les charges mises en cause sont dimensionnées presque exclusivement en fonction de la réalisation des prestations régulées.
III.144. Le STIF estime que, dès lors qu'une prestation bénéficie aux activités non régulées, la charge correspondante est commune aux activités régulées et non régulées et doit ainsi être partiellement supportée par ces activités.
III.145. Or, une prestation fournie aux seuls voyageurs peut bénéficier aux activités commerciales en raison de l'existence d'externalité positive. A titre d'exemple, le service d'information des voyageurs peut être sollicité par ces derniers pour des renseignements sur les commerces en gare.
III.146. De façon générale, comme l'a indiqué l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 11-A-15, « l'activité régulée des entreprises ferroviaires (le transport de voyageurs) exerce une externalité positive sur les activités non régulées présentes en gare (commerces, restaurants,…) » (35). Autrement dit, le trafic réalisé par les entreprises ferroviaires crée de la demande pour les commerces et permet au gestionnaire de gares de dégager des recettes non régulées.
III.147. L'Autorité estime que l'existence d'externalité positive ne peut constituer une raison suffisante pour considérer qu'un service doit être facturé au compte non régulé si ce service est dimensionné uniquement en fonction des besoins de la prestation régulée.
III.148. En tout état de cause, il convient de souligner que le mécanisme de rétrocession de 50 % du résultat positif des activités non régulées est réputé couvrir cette dimension d'externalité (36).
III.149. Par ces motifs, l'Autorité conclut au rejet de la demande du STIF.
Sur la répartition des charges au sein du compte « transporteurs »
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.150. L'unité de facturation de la prestation de base est le départ-train commercial. Le tarif par départ-train est un tarif composé d'une part fixe et d'une part variable en fonction du type de train. La part variable est pondérée pour tenir compte de la capacité du train et de la nature du trafic (urbain, régional ou longue distance).
III.151. Le DRG 2014 (37) indique que « la part pondérée correspond aux services qui, au sein de la prestation de base, sont plus particulièrement destinés au confort et à l'accueil du voyageur et donc dépendent du nombre de voyageurs accueillis en gare et de la typologie du trafic ».
III.152. Gares & Connexions détermine ainsi la part pondérée du tarif à partir de cinq postes de charges identifiés. Le STIF demande :


- l'affectation directe à chaque transporteur des services d'assistance aux personnes à mobilité réduite (PMR), de bagages et chariots et du service de consigne, considérant que l'usage de ces services par les voyageurs de Transilien est quasi nul ;
- l'affectation des charges suivantes à la part pondérée, en plus de celles déjà considérées par Gares & Connexions comme variables : gestion opérationnelle de la plateforme ; mobilier et équipements des gares ; maintenance du SI Voyageurs ; maintenance des ascenseurs, portes et escaliers mécaniques (APE) ; tour de gare ; gardiennage, surveillance et missions de solidarité. En effet, selon le STIF, l'intensité d'utilisation des services correspondants dépend du nombre de voyageurs ;
- l'utilisation d'une nouvelle clé de répartition, fondée sur le pourcentage des voies utilisées par chaque transporteur, pour les charges d'entretien des installations autres que les ascenseurs, portes et escaliers mécaniques (APE) et de sécurité incendie ainsi que les charges de capital.


III.153. Le STIF fait référence à la décision n° 2011-018 de l'Autorité où elle a précisé que les règles d'imputation comptable doivent privilégier le principe d'imputation directe des coûts aux activités régulées ou, à défaut, l'emploi de clés de répartition justifiées. Le STIF estime que la tarification actuelle est discriminatoire pour Transilien.
III.154. D'une part, le STIF rappelle les critiques émises par l'Autorité concernant le manque de justification et de robustesse du système actuel de modulation (38).
III.155. D'autre part, il considère que le pourcentage de départs-trains de Transilien dans les gares franciliennes de catégorie A est très important mais ne traduit pas le degré d'utilisation réel, du transporteur Transilien, pour certaines charges relevant de la part fixe.
Pour le STIF
III.156. Au soutien de sa demande, le STIF rappelle l'article 4 du décret n° 2012-70 précisant que la prestation d'assistance PMR doit faire l'objet d'une tarification distincte du service de base lorsqu'elle est réalisée par l'entreprise ferroviaire elle-même.
III.157. Il signale qu'il finance déjà le service « Accès Plus Transilien » et ne conçoit pas que lui soit facturé en sus le service d'assistance PMR, qu'il considère redondant avec le premier.
III.158. Par ailleurs, le STIF indique que le gestionnaire de gares dispose, à partir des données de réservations, d'informations sur l'utilisation par les différents transporteurs de la prestation d'assistance PMR.
III.159. A titre d'exemple, des statistiques pour le mois de juin 2013 en gare de Paris Montparnasse montrent que seules 0,54% des prises en charges au titre de cette prestation concernent des voyageurs de Transilien (39).
III.160. Il conteste l'absence de fiabilité, présumée par le gestionnaire de gares, des statistiques initialement fournies par lui-même (40).
III.161. De surcroît, d'après le STIF, le calcul des statistiques d'utilisation des prestations d'assistance PMR à partir des seules prises en charge réservées ne les priverait pas de leur caractère représentatif. Le STIF estime en effet que le pourcentage d'utilisation par les voyageurs des différents transporteurs ne doit pas changer en fonction de la réservation préalable ou non des prises en charge.
III.162. De même, le STIF prétend que les services de bagages et chariots et de consigne ne sont jamais utilisés par les usagers de Transilien effectuant principalement des trajets quotidiens domicile-travail.
III.163. S'agissant des charges dont le STIF demande l'affectation à la part variable, il produit un graphique pour mettre en évidence une corrélation négative entre l'ensemble des charges du service de gares, dont l'assistance PMR fait partie, et le poids de Transilien dans le trafic des gares parisiennes.
III.164. Un graphique similaire réalisé pour les charges de gestion de site fait ressortir une corrélation négative également par rapport au poids du trafic Transilien.
III.165. Ces deux graphiques sont présentés pour soutenir l'utilisation relativement faible, par les voyageurs franciliens, respectivement des charges dont le STIF demande la facturation directe aux transporteurs et celles dont il demande l'affectation à la part modulée du tarif.
III.166. S'agissant de la justification de la nouvelle clé de répartition, le STIF explique que les gares parisiennes sont caractérisées par la présence d'un quai transversal (41) aux quais d'accostage des trains. L'utilisation de ces derniers par les différents transporteurs est stable au cours de l'horaire de service.
III.167. Les circulations et attentes des voyageurs s'effectueraient sur la portion du quai transversal faisant face à leur quai d'accostage. Le STIF propose ainsi de définir une clé de répartition par « surfaces transporteurs » égale, pour chaque transporteur, au nombre de quais qu'il utilise rapporté au nombre total de quais dans la gare.
III.168. Le STIF estime cette clé plus pertinente pour la répartition, entre transporteurs, de certaines charges d'exploitation et de capital liées à l'usage du bâtiment de la gare et de ses équipements.
III.169. Par ailleurs, le STIF estime que la nouvelle clé de répartition « surfaces transporteurs » est conforme au principe de tarification selon le degré réel d'utilisation.
III.170. Le fait que cette méthode d'affectation des charges aux transporteurs ne soit pas évoquée dans la liste des modulations dans l'article 3 du décret n° 2012-70 ne remet pas en cause sa pertinence. Le critère même de facturation de la prestation de base en fonction du nombre de départs-trains n'est pas non plus inclus dans la liste du décret.
III.171. Enfin, le STIF soutient que la nouvelle clé ne peut poser de problème de mise en œuvre, ni être discriminatoire vis-à-vis des nouveaux entrants comme l'indique Gares & Connexions. En effet, lorsqu'un quai fait l'objet d'une utilisation par plusieurs transporteurs, notamment des nouveaux entrants, la clé est calculée au prorata des utilisateurs.
Pour Gares & Connexions
III.172. Gares & Connexions exprime des réserves sur la fiabilité des statistiques présentées par le STIF pour la prestation d'assistance PMR, 60% des prises en charge ne faisant pas l'objet de comptage.
III.173. En outre, elle indique qu'il est impossible de prévoir, au moment de l'élaboration des redevances, le nombre de prises en charge et donc de réaliser une facturation à hauteur de l'utilisation réelle.
III.174. Elle conteste la redondance entre le service d'assistance PMR qu'elle propose et le service « Accès Plus Transilien », ce dernier ne couvrant que la réservation préalable et la communication avec les gares à propos de la prise en charge.
III.175. A ce stade, il n'existe pas de système de comptage organisé pour les prises en charges des PMR. Un nouvel outil de gestion opérationnelle des commandes d'assistance a été mis en place à partir du mois de février 2014. Il sera déployé pour Transilien en 2016 et permettra alors de disposer de données fiables sur l'utilisation du service.
III.176. S'agissant des charges dont le STIF demande l'affectation à la part variable, SNCF Mobilités produit un graphique présentant en abscisses le coût d'assistance PMR par départ-train et en ordonnées le pourcentage de trafic Transilien et en déduit une corrélation positive entre ces deux grandeurs qui démontrerait l'utilisation du service par les voyageurs de Transilien (42).
III.177. La même démarche est effectuée pour démontrer l'absence de corrélation entre le pourcentage de départs-trains Transilien et les charges dont le STIF demande l'affectation à la part variable, ce qui conduit SNCF Mobilités à conclure au rejet de cette demande.
III.178. Gares & Connexions explique que la corrélation négative, présentée par le STIF, du service de gares au pourcentage du trafic Transilien est due à la part prépondérante dans le service de gares de la charge d'accueil général (43), qui est déjà pondérée dans le tarif de la prestation de base. Il en est de même pour les charges de gestion de site dont une partie importante est affectée à la part pondérée.
III.179. En revanche, l'absence de tendance entre le poids de Transilien et les charges, telle qu'illustrée dans les observations écrites de SNCF Mobilités (44), conforte justement, d'après Gares & Connexions, leur affectation à la part fixe du tarif.
III.180. S'agissant de la nouvelle clé de répartition, le gestionnaire de gares rejette cette proposition au motif qu'elle n'est pas énumérée dans la liste des modulations permises par l'article 3 du décret n° 2012-70 d'une part et, d'autre part, qu'elle ne peut être mise en œuvre puisque la notion même de quai alloué à un transporteur n'est pas définie, notamment dans le cas des quais utilisés par plusieurs transporteurs.
III.181. La nouvelle clé « surfaces transporteurs » favoriserait l'opérateur historique au détriment des nouveaux entrants dans la mesure où l'utilisation des voies allouées à ces derniers serait moindre, notamment dans une phase de démarrage.
Analyse de l'Autorité
Sur l'affectation directe de certaines charges à chaque transporteur
III.182. A titre liminaire, il convient de noter que l'assistance PMR constitue le poste de charges le plus important parmi ceux dont le STIF demande l'affectation directe à chaque transporteur. A titre d'exemple, à Paris Montparnasse et Paris gare de Lyon, le poids de ce poste s'élève à environ 90% des charges mises en cause.
III.183. Le STIF considère que l'imputation directe des charges doit être privilégiée et, à défaut seulement, que l'usage de clés de répartition doit être envisagé pour refléter le degré d'utilisation réel des services par les entreprises ferroviaires.
III.184. Le cadre réglementaire défini par l'article 4 du décret n° 2012-70 définit le service de base comme un ensemble de prestations non dissociables. Le décret précise au travers de son article 3 que les redevances doivent être liées au coût de la prestation calculé d'après le degré d'utilisation réel.
III.185. Gares & Connexions a mis en place dans le DRG un seul tarif pour la prestation de base par périmètre de gestion ainsi qu'un tarif pour la prestation transmanche dans les gares concernées.
III.186. La demande du STIF conduirait nécessairement à créer plusieurs redevances pour la facturation du service de base. Or, si la réglementation n'interdit pas explicitement la mise en place de tarifs distincts pour la facturation du service de base, elle semble privilégier le recours à des critères de modulation, dans les conditions prévues par l'article 3 du décret n° 2012-70, plutôt que le recours à des redevances distinctes.
III.187. L'Autorité a pris position à de nombreuses reprises dans ses avis successifs sur les projets de DRG et les DRR pour demander au gestionnaire de gares de clarifier en priorité le système de modulation des redevances. Cela porte par exemple sur la justification de l'affectation des charges à la part fixe ou à la part modulée ainsi que sur le choix des coefficients de modulation.
III.188. Gares & Connexions devrait tenir compte des interrogations du STIF concernant les charges dont il demande l'affectation directe dans la mise au point d'un nouveau système de modulation.
III.189. Ce système devrait en effet viser à refléter les degrés d'utilisation réels des infrastructures par les différentes entreprises ferroviaires.
III.190. Par ailleurs, l'instruction a mis en évidence que :


- Gares & Connexions n'avait pas encore mis en place de système de mesure de l'utilisation du service d'assistance PMR qui aurait permis une objectivation de l'utilisation par Transilien de ce service (45) ;
- les indicateurs de mesure fournis, bien que partiels, tendent à montrer une utilisation faible par Transilien du service d'assistance PMR ;
- il existe une certaine confusion entre les services d'assistance rendus par Gares & Connexions en tant que gestionnaire de gares, ceux sous la responsabilité de Transilien (« Accès Plus Transilien ») et la prestation d'assistance à l'embarquement et au débarquement pour laquelle Gares & Connexions agit en tant que prestataire de Transilien.


III.191. Cette confusion révèle la difficulté de mise en œuvre des dispositions spécifiques à la prise en charge des PMR permises par l'article 4 du décret n° 2012-70. En effet, cet article prévoit la possibilité d'une prise en charge de l'embarquement dans le train et du débarquement de celui-ci par l'entreprise ferroviaire. Or, l'articulation de cette possibilité avec les exigences d'une prise en charge des PMR de bout en bout reste délicate du point de vue opérationnel.
III.192. En dernier lieu, l'Autorité note que l'absence de mise en œuvre d'une facturation distincte correspondant à l'embarquement dans le train et au débarquement de celui-ci ne permet pas aux entreprises ferroviaires de faire un arbitrage entre le choix de réaliser cette prestation par leur soin ou de la confier au gestionnaire de gare.
III.193. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à SNCF Mobilités de mettre en place dès le début de l'horaire de service 2016 un système de mesure de l'utilisation du service d'assistance aux personnes à mobilité réduite par les usagers de Transilien et d'en transmettre les résultats au STIF.
Sur l'affectation de certaines charges à la part variable des redevances
III.194. La modulation actuelle du tarif de la prestation de base manque de robustesse et de justification comme l'a indiqué l'Autorité à l'occasion de ses différents avis (46). Celle-ci a en outre jugé inopportun de modifier isolément un des coefficients de la modulation sans avoir une vision d'ensemble du système global de modulation et des améliorations à y apporter (47). Il lui apparaît donc nécessaire que l'affectation des charges à la part fixe ou modulée du tarif ne soit révisée que dans une logique d'ensemble.
III.195. Les graphiques fournis par le STIF et par Gares & Connexions ne constituent pas des preuves robustes permettant de justifier d'ores et déjà une affectation de certaines des charges à la part fixe ou à la part modulée.
III.196. Dans son avis n° 2014-021 sur le projet de DRG 2016, l'Autorité a réitéré sa demande d'ouvrir sans délai une concertation sur un nouveau système de modulation applicable pour l'horaire de service 2017 (48).
Sur l'utilisation d'une nouvelle clé de répartition pour certaines charges
III.197. Les éléments apportés par le STIF lors de l'instruction sont insuffisants pour justifier que le recours à une clé de répartition par « surfaces transporteurs » reflète le degré d'utilisation réel des charges mises en cause. En effet, si les circulations et attentes des voyageurs s'effectuent sur la portion du quai transversal faisant face à leur quai d'accostage, l'Autorité estime que le lien entre le nombre de quais et les charges en cause n'est pas évident.
III.198. En l'état, cette clé risque de créer une redondance avec le mécanisme de modulation (49) déjà mis en place, que le STIF n'a pas pris en compte dans sa demande. Or, comme l'a indiqué l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 11-A-15, il convient de veiller à ce « que la multiplication des paramètres de variation des redevances ne conduise pas à une tarification complexe génératrice d'une insuffisance de transparence » (50).
III.199. Par ces motifs, l'Autorité estime nécessaire pour le règlement du différend d'enjoindre à Gares & Connexions de mettre en œuvre, après concertation avec les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport, un nouveau système de modulation des redevances pour le service de base dans les gares de voyageurs en Ile-de-France, au plus tard au début de l'horaire de service 2017, qui tienne compte d'une allocation des charges en lien avec l'utilisation des services par chaque transporteur.
Sur la demande n° 4 visant l'application d'engagements de performance et de productivité
Sur les engagements de performance
Présentation de la demande et des arguments des parties
III.200. Concernant la demande afférente aux engagements de performance, le STIF propose le suivi de 23 indicateurs relatifs à 10 critères de performance différents et, pour chacun de ses indicateurs, la définition d'un niveau de qualité de service annuel attendu. La saisine ne précise pas si cela doit s'appliquer seulement aux gares de catégorie A d'Ile-de-France.
III.201. Il propose des modalités de calcul des pénalités dues en cas de non-respect de chaque indicateur de qualité : 1% du coût réel constaté pour les charges sous-jacentes encourues par Gares & Connexions au titre de l'horaire de service considéré par palier de non-conformité de 1% par rapport à l'objectif.
III.202. Le STIF propose ensuite que cette pénalité soit calculée sans prorata, tout palier de non-conformité entamé donnant lieu à l'application d'une pénalité de 1%, et dans la limite de 10% du coût précité pour chaque indicateur.
III.203. L'objectif de ces mesures, selon le STIF, est de contraindre Gares & Connexions à être plus transparent pour chacune de ses charges, conformément à ses obligations et de l'inciter parallèlement à l'efficacité puisque, plus elle sera efficace, plus l'assiette sur laquelle la pénalité trouvera à s'appliquer sera faible.
III.204. En annexe de la saisine sont produites les précisions relatives aux modalités de calcul de chacun des indicateurs.
Pour le STIF
III.205. Au soutien de sa demande, le STIF fait valoir qu'aux termes de l'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 :


- les charges à prendre en compte pour la détermination des redevances sont des charges prévisionnelles ;
- ces charges prévisionnelles sont déterminées sur la base de coûts réels passés constatés en comptabilité ;
- ces coûts réels passés, dont la méthode d'évaluation n'est pas fixée, doivent être corrigés pour que les charges prévisionnelles tiennent compte des objectifs de performance et de productivité que Gares & Connexions doit appliquer ;
- ces charges prévisionnelles, tenant compte des objectifs de performance et productivité précités, doivent être réparties entre les entreprises ferroviaires en considération de l'usage réel que chacune d'elles fait des services considérés.


III.206. Le STIF demande ainsi la mise en place d'un mécanisme d'incitation à la performance reposant sur la comparaison entre les coûts prévisionnels et les coûts réels.
III.207. Le STIF cite plusieurs avis de l'Autorité portant sur les objectifs de performance dans le cadre de la tarification des installations de service, indiquant que :


- la construction des redevances des infrastructures de services doit non seulement respecter les exigences de prévisibilité et de transparence mais aussi incorporer des objectifs de productivité et de performance (51) ;
- Gares & Connexions doit afficher de façon claire les objectifs de performance et productivité intégrés dans les prévisions de charges 2014. Le projet de DRG 2014 ne comprend aucun engagement en termes de qualité, tant que pour la disponibilité des installations que pour la fourniture des services qui s'y rattachent. Or, la qualité de service fait partie intégrante des conditions dans lesquelles les prestations régulées sont fournies. L'Autorité a invité Gares & Connexions à compléter le DRG sur ce point (52) ;
- le projet de DRG 2015 ne répond pas non plus à l'exigence relative aux objectifs de performance et de productivité, les nouveaux chapitres ne précisant ni les indicateurs ni les engagements pris en termes de qualité, sur la disponibilité de l'infrastructure et la fourniture des services. Par ailleurs, les gestionnaires de gare doivent dès à présent expliciter dans le DRG des objectifs pluriannuels de performance (53).


III.208. Le STIF fait valoir que, aux termes des dispositions de la directive n° 2012/34/UE et du décret n° 2003-194, le modèle de tarification du service de base dans les gares de voyageurs n'est pas un pur modèle « cost plus » : les redevances, certes liées aux coûts, sont en effet arrêtées sur la base de charges prévisionnelles calculées en considération d'objectifs de performance et de productivité. Les données historiques de coûts doivent ainsi être corrigées dans le modèle de tarification mis en œuvre par le gestionnaire des gares au travers des objectifs précités.
III.209. En outre, le STIF indique que l'application d'un mécanisme de pénalité aux objectifs de performance est nécessaire et mis en place dans le cadre d'autres secteurs régulés. Il indique que l'Autorité l'a également prévu pour les restitutions tardives de sillons.
III.210. Par ailleurs, le STIF indique que, dans le cadre du contrat STIF-SNCF pour la période 2012-2015, toutes les gares utilisées par l'activité Transilien font l'objet de mesures de la qualité de service et d'incitations financières associées. Toutefois, la qualité de service n'est mesurée que sur les espaces utilisés par les voyageurs Transilien, définis à partir des cheminements de ces voyageurs. Les mesures ne sont donc pas effectuées sur les espaces dédiés spécifiquement aux voyageurs Grandes Lignes.
III.211. Il précise également que la conformité des situations est mesurée par gare. En revanche, le taux de conformité global à partir duquel est calculée l'incitation financière associée est agrégé par réseau afin de refléter la qualité de service constatée pour l'ensemble du service. Les résultats enregistrés dans les gares parisiennes de bouts de ligne (de catégorie A) ne font donc pas l'objet d'incitations financières en tant que telles, mais sont traités au même titre que les gares franciliennes de catégories B et C.
III.212. Concernant l'articulation entre ce mécanisme existant et celui demandé dans le règlement de différend (54), le STIF fait valoir que :


- il s'agit de deux périmètres différents : celui dont le STIF sollicite l'application de la part de Gares & Connexions contribuera à améliorer la qualité du service fourni notamment dans le cadre du service Transilien, sachant que les pénalités viendront en déduction de la redevance facturée par Gares & Connexions, alors que le mécanisme prévu au contrat STIF-SNCF porte, sur les relations entre le STIF et la SNCF « transporteur » au titre de l'activité Transilien ;
- ce sont deux mécanismes complémentaires, étant souligné d'ailleurs que les indicateurs ne sont pas identiques (le contrat STIF-SNCF ne prévoit pas par exemple d'indicateurs de qualité sur la propreté des sanitaires) ; à cet égard, les attentes en termes de qualité de service du STIF peuvent évoluer à chaque renégociation du contrat avec la SNCF (« transporteur ») au regard des priorités politiques et des moyens alloués à certains objectifs, et ce indépendamment des engagements auxquels le gestionnaire des gares doit être tenu de se conformer ;
- les deux mécanismes ne suscitent pas une « double peine » pour SNCF Mobilités puisqu'ils recouvrent des périmètres distincts et que les engagements de Gares & Connexions profiteront a la SNCF « transporteur » dans le cadre du service Transilien (meilleure qualité de service, baisse le cas échéant des redevances).


Pour Gares & Connexions
III.213. Gares & Connexions conclut au rejet de la demande du STIF d'engagements de performance assortis de mécanismes de sanction au motif qu'elle ne correspond pas au mécanisme de tarification prévu par les dispositions tarifaires applicables.
III.214. Gares & Connexions fait valoir que le II de l'article 13-1 du décret n° 2003-194 prévoit expressément que le montant des redevances est établi de manière à ce que soit couvert l'ensemble des charges prévisionnelles supportées par Gares & Connexions au titre des prestations régulées.
III.215. Selon Gares & Connexions, c'est au niveau de la détermination du montant des charges prévisionnelles devant être couvert par les redevances que les objectifs de performance et de productivité sont intégrés. Ce montant est en effet déterminé par la prise en compte des coûts constatés pour l'exercice le plus récent et d'objectifs de productivité et de performance.
III.216. Gares & Connexions indique qu'en revanche, le décret ne prévoit pas l'application de mécanismes de pénalité dont seraient assortis les engagements de productivité et de performance. Les demandes du STIF exigeraient donc une modification du décret du 7 mars 2003 et ne peuvent, compte tenu de la réglementation en vigueur, qu'être rejetées.
III.217. Gares & Connexions fait valoir que, dans la mesure où le montant de la redevance doit prendre en compte les objectifs de productivité et de performance, le fait de ne pas atteindre les objectifs retenus implique une moindre couverture des charges par la redevance effectivement perçue : le fait de ne pas atteindre les objectifs n'est donc pas sans conséquence.
III.218. Concernant les questionnaires utilisés pour l'élaboration des indices de satisfaction clients (ISC) et les indicateurs de performance éventuellement suivis en interne en plus des ISC, Gares & Connexions a indiqué que :


- les directeurs de gare ont des objectifs de « satisfaction client ». L'objectif est d'obtenir la note de 7 sur chacune des cinq promesses de services de Gares & Connexions à l'issue des deux vagues d'enquêtes du « Baromètre client » de mars et septembre :
- promesse n° 1 : Information, les clients ont accès à l'information relative aux trains et à la gare ;
- promesse n° 2 : Déplacement, les déplacements des clients en gare et entre leurs modes de transports sont fluides ;
- promesse n° 3 : Propreté et sureté, l'espace de la gare est propre et sûr ;
- promesse n° 4 : Confort, les clients passent un moment agréable en gare ;
- promesse n° 5 : Services et commerces, les clients disposent de services et de commerces facilitateurs (wifi, objets trouves, consignes, …) ;
- dans le cadre du développement de l'écoute « client » et pour avoir une meilleure appréciation de leur satisfaction, des dispositifs sont déployés, prioritairement sur les grandes gares de Paris (113 bornes « j'aime », depuis juillet 2014). Cette borne permet aux voyageurs d'exprimer leur satisfaction sur un sujet donné (exemple : « ce piano dans la gare, vous aimez ? »).


Analyse de l'Autorité
III.219. L'article 13-1 § II du décret n° 2003-194 prévoit que « les prévisions de charges prises en compte pour la détermination des redevances tiennent compte des coûts constatés en comptabilité pour l'exercice le plus récent et des objectifs de performance et de productivité pour la gestion des gares de voyageurs (…) ».
III.220. Il en ressort que les charges prévisionnelles prises en compte pour le calcul des redevances sont celles attendues pour un certain niveau de performance. Ainsi, lors du calcul des futures redevances, il est pris en compte un niveau de performance, qui justifie une partie des charges identifiées. Il s'agit par exemple d'un coût de maintenance correspondant à un taux donné de disponibilité des infrastructures.
III.221. Afin de justifier le niveau des redevances, il est donc nécessaire que soient affichés les niveaux de performance pris en compte pour le calcul des charges prévisionnelles.
III.222. Le corollaire est que le respect de ces niveaux de performance soit contrôlé par le suivi d'indicateurs relatifs aux objectifs de performance. La demande du STIF sur ces points est donc justifiée et conforme aux obligations règlementaires applicables à Gares & Connexions sur le calcul des redevances et son obligation de transparence.
III.223. Concernant la mise en place d'un mécanisme de pénalité en cas de non-respect des indicateurs, ainsi que l'a démontré le STIF, elle est également nécessaire pour que le gestionnaire de la gare soit incité à respecter les niveaux de performance qu'il s'est engagé à tenir.
III.224. Concernant le choix des indicateurs à suivre et les taux à respecter pour chaque indicateur, l'Autorité estime que ces éléments ne peuvent être définis dans le cadre bilatéral d'un règlement de différend et qu'ils doivent être définis par Gares & Connexions, en concertation avec l'ensemble des entreprises ferroviaires et autorités organisatrices de transport. En effet, dans un premier temps, seul Gares & Connexions connaît les niveaux de performance qu'il prend déjà en compte pour le niveau de ses redevances : il s'agit de ne pas lui imposer le respect de niveaux de performance dont il n'a pas tenu compte dans ses charges prévisionnelles.
III.225. De même, la conception, d'un mécanisme de pénalités, voire un mécanisme d'incitation comprenant des mesures de bonus et de malus, nécessite que soit effectuée une concertation des clients de Gares & Connexions.
III.226. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de publier dans le document de référence des gares les objectifs de performance qu'il prend en compte pour les gares d'Ile-de-France, avec effet à compter de l'horaire de service 2015.
III.227. De plus, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de préciser pour les gares de voyageurs en Ile-de-France, en concertation avec les entreprises ferroviaires et les autorités organisatrices de transport, des indicateurs de performance, et de définir, en concertation avec ces mêmes acteurs, les mécanismes d'incitation financière y afférents, leur mise en œuvre devant intervenir au plus tard pour l'horaire de service 2017.
Sur les engagements de productivité
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.228. Concernant la demande relative à la productivité, le STIF considère pertinent que les engagements de productivité devant être appliqués par Gares & Connexions conduisent à la mise en œuvre d'un dispositif inspiré d'un mécanisme de « price cap », afin que l'évolution des charges prévisionnelles tende vers des charges efficaces.
III.229. Il lui paraît de ce fait approprié que ce mécanisme conduise à la fixation d'objectifs d'évolution globale des charges maîtrisables (charges de personnel, achats et prestations de service, etc.) par Gares & Connexions afin d'apprécier l'évolution normative de ces charges pour chaque horaire de service. Ce mécanisme serait appliqué sur une période a minima de quatre années glissantes.
III.230. Après avoir rappelé les formes de plafonnement utilisées dans la tarification d'activités régulées et dans les délégations de service public, le STIF indique que, ne disposant pas à l'heure actuelle de visibilité de la part de Gares & Connexions sur ses coûts, il laisse le soin à l'Autorité de définir la méthode de plafonnement et le coefficient de productivité appropriés, qui devront corriger la dérive des charges constatée au regard de l'inflation.
Pour le STIF
III.231. Au soutien de sa demande, le STIF indique que Gares & Connexions n'applique pas d'engagement de productivité et que l'absence d'un tel mécanisme conduit à une dérive inexpliquée des redevances, comme l'illustre le tableau au § 244 de la saisine.


EN K€

RÉALISÉ

PRÉVISIONNEL

ÉVOLUTION ANNUELLE

ÉVOLUTION
moyenne

2011

2012

2013

2014

2015

2012/ 2011

2013/ 2012

2014/
2013

2015/ 2014

2011/2015

Charges totales

205 755

225 265

233 848

232 303

231 634

9,5 %

3,8 %

- 0,7 %

- 0,3 %

3,0 %

Dont OPEX maitrisables

151 313

167 246

177 381

173 742

173 130

10,5 %

6,1 %

- 2,1 %

- 0,4 %

3,4 %

Service de gare

38 603

36 866

44 012

40 383

39 146

- 4,5 %

19,4 %

- 8,2 %

- 3,1 %

0,3 %

Gestion de site

89 307

102 338

86 721

92 958

94 486

14,6 %

- 15,3 %

7,2 %

1,6 %

1,4 %

Divers

23 403

28 042

46 648

40 402

39 499

19,8 %

66,4 %

- 13,4 %

- 2,2 %

14,0 %

Dont Autres charges

54 442

58 019

56 467

58 561

58 503

6,6 %

- 2,7 %

3,7 %

- 0,1 %

1,8 %

Impôts et taxes

10 473

11101

11316

9 976

9 764

6,0 %

1,9 %

- 11,8 %

- 2,1 %

- 1,7 %

Amortissements

34 498

41 408

38 048

37 755

37 916

20,0 %

- 8,1 %

- 0,8 %

0,4 %

2,4 %

Résultat financier

9 471

5 511

7 104

10 829

10 823

- 41,8 %

28,9 %

52,4 %

- 0,1 %

3,4 %

Inflation

2,0 %

0,9 %

0,8 %

1,1 %

1,2 %


Source : saisine du STIF
III.232. Ainsi, la progression annuelle moyenne des charges maîtrisables sur la période retenue est supérieure de 2,2 points à l'inflation.
III.233. Le STIF critique le fait que Gares & Connexions prenne l'année 2012 comme année de référence pour calculer l'évolution des coûts. Ce point de départ ne rendrait pas compte de la hausse considérable des charges observée en 2011 et 2012.
III.234. En outre, le STIF estime les valeurs d'évolution des indices retenues par Gares & Connexions dans ses notes d'orientation générale trop importantes par rapport aux évolutions constatées par l'INSEE (55). Cette situation serait peu incitative à la productivité et entérinerait au contraire une hausse des charges du gestionnaire de gares.
III.235. Le STIF fait valoir que :


- le décret n° 2012-70 impose que le montant des redevances fixées par Gares & Connexions en contrepartie de la fourniture de prestations régulées en gare de voyageurs soit lié au coût de la prestation, calculé d'après le degré d'utilisation réel ;
- l'article 3 du décret n° 2003-194 prévoyait que l'accès par le réseau aux gares de voyageurs donne lieu au versement d'une rémunération égale au coût directement imputable à l'exploitation du service considéré ;
- l'article 31 § 7 de la directive n° 2012/34/UE prévoit que la redevance due pour les services relevant de la prestation de base ne dépasse pas le coût de leur prestation majoré d'un bénéfice raisonnable.


III.236. Pour le STIF, il s'agit d'une borne haute, aucun modèle de détermination des coûts à prendre en compte n'étant prévu par la directive, ce que confirmerait l'affaire C-512/10 (56) de la Cour de justice de l'Union européenne et l'avis de l'Autorité sur le projet de décret gare (57).
III.237. Le STIF conclut que ce mécanisme peut donc in fine conduire à ce que les redevances fixées pour un horaire de service, déterminées avant cet horaire de service, soient inférieures aux coûts réels encourus par Gares & Connexions, laquelle, dans ce cas, aura fait preuve d'inefficacité dont les entreprises ferroviaires n'ont pas à pâtir, ou supérieures à ces coûts réels, à l'unique condition que Gares & Connexions aura été plus efficace que prévu et sera récompensé de ce surcroit d'efficacité.
III.238. Le STIF cite plusieurs avis de l'Autorité portant sur les objectifs de productivité dans le cadre de la tarification des installations de service au même titre que sur les objectifs de performance exposés plus haut. En particulier, l'Autorité recommande d'évoluer vers un système d'incitation réelle à la maîtrise des coûts fondé sur une régulation pluriannuelle.
III.239. Le STIF fait valoir que, aux termes des dispositions de la directive n° 2012/34/UE et du décret n° 2003-194, le modèle de tarification du service de base dans les gares de voyageurs n'est pas un pur modèle « cost plus » : les redevances, certes liées aux coûts, sont arrêtées sur la base de charges prévisionnelles calculées en considération d'objectifs de performance et de productivité. Les données historiques de coûts doivent ainsi être corrigées dans le modèle de tarification mis en œuvre par le gestionnaire des gares au travers des objectifs précités.
III.240. Il cite l'avis n° 11-A-15 de l'Autorité de la concurrence indiquant qu'une tarification de type « cost plus » est peu incitative à la minimisation des coûts alors qu'une règle de tarification de type « price cap » incite davantage à optimiser les coûts et faire des choix d'investissements rationnels. Cet outil de régulation est, selon le même avis de l'Autorité de la concurrence, d'autant plus nécessaire qu'il s'agit du tarif d'accès à une infrastructure sous monopole.
III.241. En référence aux avis de l'Autorité, le STIF rappelle qu'il existe un impératif que le gestionnaire de l'infrastructure soit incité à réduire ses coûts, afin d'optimiser l'utilisation de l'infrastructure et le fonctionnement des trafics et de la concurrence (58).
III.242. Le STIF considère donc pertinent que les engagements de productivité devant être appliqués par Gares & Connexions conduisent à la mise en œuvre d'un dispositif inspiré d'un mécanisme de « price cap », afin que l'évolution des charges prévisionnelles tende vers des charges efficaces.
III.243. Selon le STIF, ce mécanisme :


- renforce la transparence dont doit faire preuve le gestionnaire des gares en l'incitant à justifier les effets prix et les effets volume (trafic…) qui affectent les redevances ;
- permet de ne pas faire supporter aux entreprises ferroviaires une dérive des charges liées à l'éventuelle inefficacité de Gares & Connexions et de faire profiter Gares & Connexions des éventuels gains d'efficacité ;
- inscrit la tarification du DRG dans une dynamique pluriannuelle, indispensable au regard de l'obligation de transparence et conforme aux dispositions de l'article 14-1 § II du décret n° 2003-194.


III.244. Le fait de ne pas imposer d'objectif de productivité sur les investissements permettrait, quand bien même ces derniers doivent être arrêtés avec le même souci d'efficacité que les charges maîtrisables, d'éviter le risque d'inciter Gares & Connexions à sous-investir. Enfin, l'application du mécanisme sur une période de quatre années glissantes répondrait à l'objectif de pluri-annualité que fixe le décret n° 2003-194 en offrant une visibilité suffisante aux entreprises ferroviaires.
III.245. S'agissant des charges maîtrisables, le STIF a indiqué qu'elles correspondent à l'ensemble des postes de charges relatifs aux prestations assurées directement par :


- Gares & Connexions (centre opérationnel de l'escale (COE), Accueil général, Tour de gare, etc.) ;
- le transporteur intégrateur ou toute autre entité interne (SUGE, etc.) ;
- sous-traitées par contrat à un prestataire extérieur (nettoyage des zones accessibles au public, nettoyage et gardiennage des toilettes, maintenance des APE, gardiennage, surveillance et missions solidarité effectuées par des sociétés privées…).


III.246. Pour le STIF, il s'agit de toutes les prestations pour lesquelles SNCF Mobilités dispose de leviers d'action, en termes de coût et de qualité de service, pour le responsabiliser financièrement, ce qui est classique dans les industries régulées (voir production n° 21 du STIF, p. 16).
III.247. Par opposition, les charges non maîtrisables seraient :


- les impôts et taxes, dont le taux ne dépend pas de Gares & Connexions et sous réserve de la juste répartition de cette charge entre périmètres régulé et non régulé ;
- les frais financiers, sous réserve que le taux ne comporte pas de marge interne facturée par l'EPIC à la branche Gares & Connexions ;
- les amortissements valorisés conformément aux principes de la comptabilité générale et sous réserve de la juste affectation des actifs auxquels ils se rapportent entre périmètres régulé et non régulé.


III.248. Le STIF a également indiqué que la contribution d'exploitation du STIF prévue dans le cadre du contrat STIF-SNCF intègre une hypothèse de base de productivité de 0,5 % par an :


- cette productivité est appliquée à l'ensemble des charges maîtrisables de SNCF Mobilités et se double, afin d'éviter toute dérive des coûts, d'un mécanisme de plafonnement global de l'évolution des contributions acquittées par le STIF ;
- en euros courants, les contributions du STIF ne peuvent augmenter de plus de 2,5 % en 2013, 2,2 % en 2014 et 2,1 % en 2015 ;
- ces taux d'évolution sont à rapprocher de l'évolution (effet prix) du montant des redevances d'utilisation du réseau ferré national connues lors de la négociation du contrat (soit en 2011) : 4,3 % en 2013 et 4,8 % en 2014.


Pour Gares & Connexions
III.249. Gares & Connexions conclut au rejet des demandes du STIF d'engagements de productivité par la mise en place de mécanisme de « price cap ». Au même titre que les engagements de performance, les engagements de productivité demandés par le STIF ne correspondent pas, selon Gares & Connexion, au mécanisme de tarification prévu par les dispositions tarifaires applicables.
III.250. Gares & Connexions précise que dans le DRG 2015, deux indicateurs de productivité ont été proposés sur le périmètre de l'ensemble des gares A :


- le montant du service de gares par départ-train comme indicateur de la productivité réalisée sur les services d'accueil du voyageur ;
- le montant des frais de gestion de site par m2 transporteur et par an comme indicateur de la performance dans les missions d'entretien courant du bâtiment et des installations.


III.251. Les ratios suivants ont été proposés :


EN €

2014

2015

Montant du service de gare par départ-train

36,7

36,3

Montant des frais de gestion de site par m2 et par an

443,2

451,5


III.252. Gares & Connexions indique qu'en revanche, le décret ne prévoit pas l'application de mécanismes de pénalité dont seraient assortis les engagements de productivité et de performance. Les demandes du STIF exigeraient donc une modification du décret du 7 mars 2003 et ne peuvent, compte tenu de la réglementation en vigueur, qu'être rejetées.
III.253. Le gestionnaire de gares indique que les engagements de productivité existent, puisque le II de l'article 13-1 du décret n° 2003-194 « prévoit que c'est en fonction d'un montant des charges prévisionnelles supportées par Gares & Connexions au titre des prestations régulées que le montant de la redevance est fixé, ce montant étant fixé par la prise en compte de coûts constatés et d'objectifs de productivité et de performance ».
III.254. Si le décret ne prévoit en effet pas de mécanisme de pénalités spécifiques, Gares & Connexions est tenue d'atteindre les objectifs retenus pour les charges dont la couverture est assurée par les redevances : « Le fait de ne pas atteindre les objectifs n'est donc pas sans conséquence ».
III.255. Enfin, Gares & Connexions indique (59) que :


- pour les six gares parisiennes et CDG 2, le tarif moyen a affiché une baisse continue de près de 12 % de 2013 à 2016 (voir tableau) ;
- au niveau national, le tarif moyen d'accès aux gares A est resté stable autour de 96 euros, malgré une évolution du « coût moyen agent » supérieure à 2 % (voir tableau) ;
- l'accueil a pu faire l'objet d'une approche nationale sous forme de schémas directeurs. Pour les autres postes de charges, les démarches sont davantage locales, avec l'appui des experts nationaux.


Analyse de l'Autorité
III.256. Il ressort du II de l'article 13-1 du décret n° 2003-194 que les charges prévisionnelles prises en compte pour le calcul de la redevance gare doivent tenir compte d'objectifs de productivité, ce qui n'est pas suffisamment étayé dans le DRG ainsi que l'Autorité l'a déjà relevé.
III.257. Dans son avis n° 2012-025 relatif au projet de DRG 2014 (60), l'Autorité a en effet demandé à Gares & Connexions d'afficher de façon claire les objectifs de productivité intégrés dans les prévisions de charges et de rendre compte de l'évolution des coûts lors des années antérieures.
III.258. Afin de justifier le niveau des redevances, il est nécessaire que soient affichés explicitement les niveaux de productivité pris en compte pour le calcul des charges prévisionnelles. La demande du STIF sur ces points est donc justifiée et conforme aux obligations réglementaires applicables à Gares & Connexions sur le calcul des redevances et son obligation de transparence.
III.259. Les échanges entre les parties révèlent un désaccord sur l'appréciation des chiffres d'évolution des coûts. D'un côté, Gares & Connexions indique (61) que le tarif moyen des six gares parisiennes et de la gare d'Aéroport Charles de Gaulle 2 a baissé de près de 12 % entre 2013 et 2016 alors que celui des gares de catégorie A est resté stable à l'échelle nationale sur cette période. De l'autre côté, le STIF considère (62) que les objectifs internes donnés par Gares & Connexions en matière d'évolution des coûts ne sont pas suffisamment ambitieux et témoignent d'une dérive supérieure aux indices généraux de l'économie.
III.260. L'Autorité note qu'à partir de l'horaire de service 2014, l'évolution des coûts correspondant aux prestations régulées ne semble pas connaître de dérive. Le tableau présenté par le STIF au § 244 de la saisine montre en effet une baisse des charges dites « maîtrisables » en 2014 et 2015, respectivement de - 2,1 % et - 0,4 % alors même que les niveaux d'inflation s'élèvent à 0,8 % et 1,1 %. Gares & Connexions indique en effet prêter une attention à la maîtrise des charges prises en compte dans l'établissement des redevances. En témoignent ses productions n° 27 à 36 expliquant les objectifs en matière d'évolution des coûts. A titre d'exemple, la production n° 36 de Gares & Connexions indique des objectifs de baisse de la charge « accueil plateforme » en 2015 et 2016 respectivement de - 3,41 % et - 5 %. Pour autant, ces informations sont insuffisantes pour qualifier des niveaux de productivité et considérer que ceux-ci seraient suffisants.
III.261. L'Autorité a considéré dans son avis n° 2014-021 sur le projet de DRG 2016 (63) que les deux indicateurs publiés dans le DRG ne sauraient suffire pour répondre aux enjeux de productivité de la gestion des gares de voyageurs. En particulier, ils ne représentent que des indicateurs de suivi, qui ne sont pas assortis d'objectifs de court ou moyen terme.
III.262. L'Autorité estime que les objectifs en matière d'évolution des charges ayant servi pour l'établissement des redevances doivent être publiés par Gares & Connexions en suivant le modèle des productions n° 27 à 36 qu'elle a versées à la procédure.
III.263. S'agissant de l'évolution pluriannuelle des redevances, l'Autorité a noté dans son avis n° 2013-026 relatif au projet de DRG 2015 (64) qu'il convient d'évoluer vers un système d'incitation réel à la maîtrise des coûts fondé sur une régulation pluriannuelle, par le biais de contrats de performance incitant véritablement les gestionnaires d'infrastructures de services à des efforts de productivité.
III.264. Concernant la demande de mise en œuvre d'un « price cap », l'Autorité estime qu'une telle mesure ne peut être traitée dans le cadre d'un règlement de différend, faute de base législative ou réglementaire.
III.265. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de publier dans le document de référence des gares les objectifs de productivité qu'il prend en compte pour les gares de voyageurs en Ile-de-France, en incluant une vision pluriannuelle de ces derniers.
Sur la demande n° 5 visant le rattachement de gares à la catégorie B
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.266. Les redevances relatives aux prestations fournies en gares de voyageurs sont établies par périmètre de gestion. Chaque gare de catégorie A constitue un périmètre de gestion. Dans le cas des gares de catégorie B ou C, pour une région donnée, ce périmètre correspond à l'ensemble des gares régionales de cette catégorie. Le rattachement d'une gare à une catégorie, qui est opéré compte tenu de sa fréquentation, affecte donc le niveau des redevances et la gouvernance de la gare. Le STIF s'estime privé de son pouvoir décisionnel concernant la définition de la politique d'investissement et de service dans les gares susvisées dont il demande le rattachement à la catégorie B.
Pour le STIF
III.267. Au soutien de sa demande, le STIF indique que, contrairement aux gares de catégorie A, les investissements et leurs modalités de financement dans les gares de catégorie B sont définis conjointement par le STIF et la SNCF en application du contrat qui les lie.
III.268. Le STIF signale que la fréquentation par les voyageurs nationaux et internationaux est nulle dans les gares souterraines en cause. Celles-ci ne relèveraient donc pas de la catégorie des gares d'intérêt national conformément à l'arrêté du 9 juillet 2012.
III.269. Ces gares, desservies exclusivement par les trains de Transilien, sont géographiquement identifiables et délimitées par des lignes de « contrôle automatique de banlieue » (CAB). Du point de vue de la tarification, des comptes de gare distincts sont établis pour les gares souterraines, qui font l'objet d'une tarification spécifique différente de celle des gares de surface.
III.270. De même, la gare d'Aéroport Charles de Gaulle 2 est caractérisée par des voies dédiées à l'activité Transilien. La présence de deux activités très dissemblables dans cette gare, en l'occurrence TGV et Transilien, conduit à des redevances inéquitables. Or, dans son avis n° 2012-014 sur le projet d'arrêté relatif à la segmentation des gares, l'Autorité s'opposait au regroupement au sein de la catégorie B de gares comportant des niveaux de service hétérogènes. Le STIF applique le même raisonnement au périmètre de gestion de la gare de l'aéroport qui regrouperait selon lui « deux gares très différentes ». Par ailleurs, il estime que la politique d'investissement du gestionnaire de gares dans ce même périmètre de gestion privilégie les espaces et services dédiés au transport à grande vitesse. Le STIF illustre ce grief par le refus de Gares & Connexions d'installer un escalier mécanique sur le quai du RER B.
III.271. Le STIF explique que les équipements présents dans les gares souterraines et les quais desservis par le RER B en gare d'Aéroport Charles de Gaulle 2 démontrent leur caractère dédié à l'activité Transilien, et ce en dépit du fait que la desserte de ces voies par d'autres trains n'est pas interdite par les procédures de SNCF Réseau.
III.272. Le STIF estime non recevable l'argument tenant à une difficulté majeure d'affectation des charges communes entre les gares de surface et souterraines étant donné que Gares & Connexions applique déjà des clés d'allocation pour établir les tarifs distincts.
III.273. Le STIF souligne que la gare souterraine de Paris Lyon fait déjà l'objet d'une exploitation partagée avec la RATP sans que cette situation ne suscite de difficultés opérationnelles ou ne pose de difficulté en matière de sécurité des personnes et des biens.
Pour Gares & Connexions
III.274. Gares & Connexions soutient que les espaces souterrains ne constituent pas une unité géographique opérationnelle indépendante et que leur gestion est totalement liée à celle des gares de surface. La tarification spécifique reposerait dans une large mesure sur des clés de répartition des charges communes entre la gare souterraine et celle de surface.
III.275. De surcroît, les limites des gares souterraines ne pourraient être déterminées par les lignes de CAB dont la position sur l'interface entre les espaces de surface et souterrains varie d'une gare à l'autre. A titre d'exemple, cette délimitation conduirait à relier certains escaliers mécaniques, et par conséquent leur financement, tantôt au périmètre de la gare souterraine tantôt à celui de la gare de surface. Tel est le cas de Paris gare de Lyon dont seuls les transporteurs de la gare de surface seraient amenés à financer la rénovation des escaliers mécaniques reliant la salle d'échanges (niveau - 2) au hall 3 (niveau 1).
III.276. De façon générale, la distinction de deux gares créerait une difficulté majeure liée à la répartition et au financement des locaux communs.
III.277. S'agissant de la gare d'Aéroport Charles de Gaulle 2, Gares & Connexions rejette l'allégation d'une politique d'investissement qui favoriserait les services et espaces dédiées à l'activité TGV. En atteste le projet d'escalier mécanique sur le quai du RER B validé par le comité d'investissement qu'il a été envisagé de présenter en instance régionale de concertation (65). En tout état de cause, la présence de quais dédiés à l'activité Transilien n'implique pas qu'ils constituent un ensemble fonctionnel permettant de les isoler au sein de la gare.
III.278. Gares & Connexions souligne que le classement des gares souterraines en catégorie B conduirait à ne plus présenter les investissements associés en IRC malgré l'importance des flux entre les parties souterraines et de surface.
III.279. Le gestionnaire de gares précise que la tarification spécifique des gares souterraines, mise au point avant la création de la branche Gares & Connexions, a été reconduite mais que sa pérennité ne serait pas assurée et qu'elle pourrait être remise en cause par des tiers.
III.280. Les espaces de surface et souterrains dans les gares en question relèveraient d'un seul établissement recevant du public. La gestion des flux ne serait pas autonome et l'évacuation des voyageurs de la gare souterraine ne pourrait se faire sans accès à la gare de surface, contrairement à la gare de Magenta par exemple.
III.281. Or, la définition de périmètres pertinents de la gare exigerait de tenir compte de la capacité d'évacuation de l'ensemble des flux dans les gares.
III.282. Gares & Connexions résume ses objections au rattachement des gares souterraines à la catégorie B en faisant valoir (66) :


- la difficulté de délimitation physique de la gare souterraine ;
- l'absence de fondement juridique ;
- les problématiques liées à la gestion de flux, des accès et de l'évacuation ainsi qu'à la prise en charge des PMR ;
- la nécessité d'allocation des charges communes notamment les escaliers mécaniques sur les interfaces entre les espaces souterrains et de surface et les mesures de prévention contre les inondations ;
- le besoin de mettre en œuvre une coordination de la gouvernance des gares souterraines et de surface.


Analyse de l'Autorité
S'agissant des gares souterraines de Paris Austerlitz, Paris gare du Nord et Paris gare de Lyon
III.283. L'article 15 du décret n° 2003-194 autorise les autorités organisatrices de transport à demander l'établissement avec le gestionnaire de gares d'une « convention pluriannuelle afin de déterminer les conditions d'utilisation et de gestion des gares de voyageurs » de catégorie B et C. Elle « précise les programmes d'investissements de renouvellement et de mise aux normes et les modalités de leur financement ».
III.284. Cette convention a ainsi vocation à conférer à l'autorité organisatrice un pouvoir de décision sur les programmes d'investissements.
III.285. Le STIF dispose d'un tel pouvoir pour les investissements dans les gares d'intérêt régional en Ile-de-France en vertu des articles 69 et suivants du contrat conclu avec la SNCF pour la période de 2012 à 2015. A cet effet, il définit conjointement avec la SNCF les programmes d'investissements et leurs modalités de financement dans le cadre du Plan Quadriennal d'Investissements.
III.286. Pour le STIF, les IRC relatives aux gares d'intérêt national, qui sont d'ailleurs organisées conjointement pour les gares de surface et les gares souterraines, ne permettraient pas une implication suffisante du STIF dans la gouvernance de la gare souterraine.
III.287. En effet, en réponse (67) à la mesure d'instruction n° 3, le STIF indique qu'il n'est pas associé à la définition des investissements à réaliser et leurs modalités de financement et qu'il n'est pas réellement décideur car sa voix compte au même titre que celle des autres membres de droit de l'IRC.
III.288. Il apparaît souhaitable que l'association à la gouvernance des investissements soit étendue aux gares souterraines dès lors que celles-ci sont destinées exclusivement au service de Transilien.
III.289. Dans la mesure où l'arrêté du 9 juillet 2012 précité définit les usagers des services nationaux et internationaux de voyageurs comme les usagers effectuant un trajet dont l'origine et la destination sont situées dans deux régions distinctes, les usagers des gares souterraines visées par le STIF, exclusivement utilisées pour le service de transport régional de voyageurs, ne peuvent être qualifiés d'usagers des services nationaux ou internationaux.
III.290. En conséquence, le rattachement des gares souterraines de Paris Austerlitz, Paris gare du Nord et Paris gare de Lyon à la catégorie B, tel que demandé par le STIF, apparaît conforme à l'article 13-1 § I du décret n° 2003-194 du point de vue de la fréquentation de ces gares et de la nature des usagers les fréquentant.
III.291. L'Autorité estime que l'appartenance à la catégorie B d'une gare souterraine peut se faire sans porter atteinte à la gestion cohérente de l'ensemble du bâtiment, tant du point de vue des obligations réglementaires dont Gares & Connexions doit assurer le respect, que de celui du choix des investissements.
III.292.En effet, s'agissant du respect des exigences en matière de gestion de flux et d'évacuation en cas d'incendie, le rattachement des deux gares à des catégories différentes n'a pas pour objet de créer deux établissements recevant du public distincts. Une telle segmentation serait sans préjudice des obligations existantes à la charge du gestionnaire des gares.
III.293. En outre, s'agissant des investissements, il incombe à Gares & Connexions de s'assurer de la pertinence des investissements et de leur cohérence entre les deux gares en cause, en particulier pour les interfaces communes tels que les escaliers mécaniques, tout comme elle doit s'assurer des interfaces entre la gare et les espaces publics ou urbains mitoyens. Le STIF ne deviendrait en effet en aucun cas le gestionnaire des gares souterraines.
III.294. Dans ce cadre, les enjeux liés à la délimitation de la frontière physique de la gare souterraine paraissent moindres dans la mesure où :


- l'ensemble du bâtiment demeurerait un seul établissement recevant du public qui ne nécessiterait pas la séparation physique de deux entités géographiques ;
- la gouvernance des projets concernant les deux gares tiendra toujours compte des exigences tenant à une gestion cohérente des gares.


III.295. L'Autorité signale qu'une telle segmentation devra nécessairement s'accompagner d'une concertation entre les parties.
III.296. Gares & Connexions peut prévoir de présenter les investissements en gares souterraines lors de l'IRC relative à la gare de surface pour consulter les parties prenantes lorsque cela est pertinent.
III.297. En dernier lieu, l'Autorité souligne que la question d'une tarification distincte pour les gares de surface et les gares souterraines est déjà traitée puisque le barème de la prestation de base établi par Gares & Connexions distingue déjà les gares souterraines en question (68).
III.298. Par ces motifs, l'Autorité enjoint à Gares & Connexions de classer les gares souterraines de Paris Austerlitz, Paris gare du Nord et Paris gare de Lyon en tant que gares de catégorie B au sens du décret n° 2003-194 du 7 mars 2003 relatif à l'utilisation du réseau ferré national.
S'agissant de la gare de l'Aéroport Charles de Gaulle 2
III.299. L'instruction n'a pas permis d'établir avec certitude qu'il existe deux gares très différentes malgré le caractère dédié des quais et de certains espaces d'attente donnant l'accès aux quais.
III.300. En effet, l'ensemble des services d'accueil et d'information des voyageurs, de vente de titres de transport, de restauration, etc. se situent dans le hall principal de la gare. Ce lieu constitue un espace physique plus restreint que les espaces d'accueil et d'information des gares parisiennes de Paris Austerlitz, Paris gare du nord et Paris gare de Lyon. Le hall principal accueille en outre les voyageurs des deux transporteurs - TGV et Transilien - qui desservent la gare et bénéficie donc à l'ensemble des voyageurs.
III.301. L'Autorité estime que la présence de quais dédiés ne peut constituer un motif suffisant pour la distinction de deux périmètres de gestion au sein d'une gare.
III.302. L'Autorité conclut au rejet de la demande relative à la gare de l'Aéroport Charles de Gaulle 2.
Sur la demande n° 6 visant l'affectation de la capacité d'autofinancement (CAF) dégagée au titre des gares franciliennes
Présentation de la demande et des moyens des parties
Pour le STIF
III.303. Au soutien de sa demande, le STIF considère que Gares & Connexions suit une logique de péréquation de sa CAF. Il conteste cette logique de péréquation en la qualifiant d'injustifiée et d'inéquitable aux motifs que :


- la part de la CAF résultant des amortissements et du taux de rémunération du capital, qui sont des charges imputées aux entreprises ferroviaires et aux occupants des gares, devraient profiter à ces derniers ;
- le résultat positif dégagé par Gares & Connexions au titre des activités non régulées est directement lié à l'activité de transports, les voyageurs constituant la source principale - si ce n'est exclusive - de clients et prospects pour les occupants ;
- les périmètres de gestion les plus larges définis par le décret du 7 mars 2003 pour les gares de catégorie B et C sont des périmètres régionaux et non pas nationaux ;
- le STIF est privé de toute visibilité sur l'affectation de la CAF dégagée au titre des gares franciliennes, ce qui constitue un manquement à l'obligation de transparence à laquelle Gares & Connexions est tenue ;
- la logique de péréquation appliquée par Gares & Connexions la conduit à fixer le taux de rémunération des capitaux investis à un niveau artificiellement élevé et, d'une part, à majorer le montant des redevances appliquées à l'activité Transilien au-delà de la couverture des charges correspondant à son utilisation réelle des prestations et, d'autre part, à accroître ses subventions d'investissement.


III.304. De cette « évasion de la CAF », il résulterait une méconnaissance du principe de spécialité géographique et fonctionnelle auquel est soumis le STIF, dont la mission consiste uniquement dans l'organisation et le financement des transports en Ile-de-France, et non dans le financement, serait-il indirect, des transports exercés dans d'autres régions.
III.305. Le STIF estime que CAF et subvention ont la même finalité de financer les investissements sur un périmètre donné. Ainsi, le fait d'utiliser la CAF dégagée par les gares de catégorie A d'Ile-de-France pour des investissements hors Ile-de-France obligerait le STIF à augmenter indûment ses subventions.
III.306. Par ailleurs, le STIF considère que la péréquation de la CAF lui est préjudiciable dans la mesure où la « fuite » de CAF générée par les gares franciliennes de catégorie A constituerait un manque à investir sur le réseau francilien. Les investissements réalisés par Gares & Connexions sur les gares de catégorie B et C du réseau francilien seraient ainsi subventionnés à hauteur de 55% par le STIF, SNCF Mobilités indiquant ne pas disposer des ressources propres suffisantes pour financer ces investissements, « ce qui serait le cas si la CAF francilienne restant dans ce périmètre ».
Pour Gares & Connexions
III.307.Gares & Connexions indique que, dans une logique de péréquation nationale, ce ne serait que la CAF dégagée par les gares franciliennes de la catégorie A qui serait affectée,, éventuellement, à des gares non franciliennes. En revanche, tel n'est pas le cas des gares relevant des catégories B et C.
III.308. La péréquation serait conforme à la fois au décret du 7 mars 2003 et découlerait de la logique de la mission de Gares & Connexions. Aucune disposition réglementaire ne s'imposerait à Gares & Connexions concernant la CAF des gares de catégorie A. Cependant, Gares & Connexions observe que l'article 15 du décret du 7 mars 2003 permet de demander la conclusion d'une convention pluriannuelle avec Gares & Connexions afin de déterminer les conditions d'utilisation et de gestion des gares de catégories B et C. C'est dans ce cadre que l'utilisation de la CAF dégagée sur les gares de catégories B et C pourrait faire l'objet d'une contractualisation.
Analyse de l'Autorité
III.309. S'agissant du fondement de cette demande du STIF, l'Autorité relève que le décret n° 2003-194, qui fournit le cadre réglementaire de la tarification des prestations régulées en gares de voyageurs, ne fait nulle mention de l'affectation de la CAF à un périmètre donné. Dans la limite imposée par le référentiel de séparation comptable, Gares & Connexions n'est donc pas liée règlementairement quant à l'utilisation de la CAF dégagée, que ce soit en termes de choix d'investissement ou de remontée de dividendes. Le référentiel de séparation comptable précise seulement que « le dividende versé par Gares & Connexions sera adapté aux nécessités du programme d'investissement en gare et ne pourra excéder le dividende versé par la SNCF » (69).
III.310. La péréquation de la CAF n'est ainsi interdite par aucun texte. La réglementation proscrit uniquement la péréquation des charges correspondant aux activités régulées. En effet, l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 prévoit que les redevances correspondantes à ces prestations sont établies, pour chaque périmètre de gestion, à partir des charges affectées à ce périmètre de gestion isolé en comptabilité analytique.
III.311. En revanche, il est à noter que le contrat entre le STIF et la SNCF, qui définit les conditions de réalisation par la SNCF du service public de transport collectif de voyageurs en Ile-de-France, mentionne dans son article 73 que la SNCF « (…) s'engage à investir, sur la durée du contrat et sur l'ensemble du PQI (70), l'intégralité de la capacité d'autofinancement prévisionnelle dégagée par le contrat pour la mise en œuvre et l'amélioration de l'offre contractuelle d'Ile-de-France (…) ». Le périmètre de ce contrat, tel qu'indiqué par Gares & Connexions en réponse à la mesure d'instruction n° 5 (71), inclut l'exploitation des gares et le PQI inclut les gares de voyageurs de catégorie B et C mais exclut les gares de catégorie A.
III.312. Gares & Connexions indique également, dans le cadre de la mesure d'instruction, que « l'engagement a été pris de réinvestir l'intégralité de la capacité d'autofinancement dégagée par le contrat. Le respect de cet engagement est soumis à un mécanisme de sanction. Pour répondre à cet objectif, Gares & Connexions et Transilien ont mis en place un mécanisme de forfait tel que la capacité de financement dégagée par le forfait équilibre les dépenses d'investissement sur la durée du contrat ».
III.313. Dans la mesure où la CAF des gares franciliennes de catégories B et C est affectée au seul périmètre d'Ile-de-France, la disposition demandée par le STIF est appliquée pour ces gares.
III.314. S'agissant des gares de catégorie A, pour lesquelles aucun texte réglementaire n'encadre l'affectation de la CAF, il convient de rappeler que le STIF ne fait pas de distinction entre la CAF dégagée par les activités régulées et celle dégagée par les activités non régulées de Gares & Connexions.
III.315. S'agissant de la CAF dégagée par le périmètre non régulé, l'Autorité rappelle que le mécanisme de rétrocession prévu à l'article 13-1 § IV du décret n° 2003-194 vise à diminuer les redevances liées aux prestations régulées de la moitié des bénéfices des activités non régulées. Le pouvoir réglementaire a prévu que Gares & Connexions conserve l'autre moitié afin qu'elle soit toujours incitée à développer son activité commerciale. En effet, comme l'a indiqué l'Autorité de la concurrence dans son avis n° 11-A-15 : « Une affectation systématique et complète des recettes commerciales peut néanmoins présenter l'inconvénient de limiter les incitations du gestionnaire des gares à investir dans le développement ou l'amélioration des activités liées aux prestations non régulées, celui-ci ne bénéficiant que marginalement du fruit de ses efforts de valorisation des infrastructures » (72).
III.316. L'Autorité estime qu'en tout état de cause la CAF dégagée au titre des activités non régulées de Gares & Connexions n'a pas vocation à être intégralement affectée au financement des activités régulées.
III.317. Par ces motifs, l'Autorité conclut au rejet de la demande n° 6 du STIF.
Sur la demande portant sur l'application ratione temporis de la décision de l'Autorité
Présentation de la demande et des moyens des parties
III.318. Le STIF demande à l'Autorité de rendre sa décision avec effet rétroactif respectivement à compter de l'horaire de service 2012 pour la demande n° 2 (demande relative au CMPC) et de l'horaire de service 2014 pour l'ensemble des autres demandes.
Pour le STIF
III.319. Au soutien de sa demande, le STIF invoque l'applicabilité à ses demandes devant l'Autorité de la portée de l'arrêt n° 09-67371 du 14 décembre 2010 de la chambre commerciale de la Cour de cassation concernant une décision rendue par l'ARCEP.
III.320. Dans cette affaire relative à l'accès par Neuf Cegetel à la boucle locale appartenant à France Télécom, la Cour de cassation a énoncé que :
« Attendu que le pouvoir conféré à l'ARCEP de préciser, au titre de la procédure de règlement des différends, les conditions équitables, d'ordre technique et financier, dans lesquelles l'interconnexion ou l'accès doivent être assurés, s'étend à l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, peu important la date de son émergence entre les parties ; qu'il s'ensuit que cette autorité peut remettre en cause l'application, pendant cette période, des tarifs fixés dans la convention d'accès à la boucle locale » (73).
III.321. Le STIF cite également le rapport annuel 2010 de la Cour de cassation, lequel invite expressément l'Autorité, en ce qu'elle connaît une procédure de règlement des différends comparable à celle de l'ARCEP, à s'intéresser à cette jurisprudence (74).
III.322. Le STIF indique que l'arrêt précité de la Cour de cassation n'impose pas que les contestations élevées par le demandeur prennent place dans un cadre spécifique. Ainsi, la contestation des faits objets de la présente procédure par le STIF lors de la procédure de concertation portant sur l'élaboration du DRG, ou lors de son avis sur le projet de décret n° 2012-70 devrait être prise en compte dans la détermination de la période couverte par le différend.
III.323. Par ailleurs, Gares & Connexions aurait toujours refusé de faire droit aux demandes du STIF par ses courriers du 15 mars 2013 (75) sur le CMPC, dans un courrier du 19 décembre 2013 (76) sur le CMPC, dans un courrier du 28 avril 2014 (77) sur l'ensemble des demandes du STIF, démontrant qu'il en avait connaissance.
III.324. Enfin, le STIF souligne qu'une interprétation restrictive de la portée de l'arrêt précité de la Cour de cassation permettrait à un opérateur appliquant des conditions inéquitables de retarder, par son attitude dilatoire et obstructive, les effets de la décision à venir et conduirait les opérateurs à négocier de mauvaise foi.
Pour Gares & Connexions
III.325. Gares & Connexions considère que l'arrêt de la Cour de cassation précité n'implique pas que les mesures du régulateur produisent des effets sur une période au cours de laquelle le demandeur n'a élevé aucune contestation. Il ajoute que ce n'est qu'à compter du 15 avril 2014, courrier par lequel ce dernier a annoncé sa saisine de l'Autorité en règlement de différend (78) qu'il est possible de considérer que le STIF a élevé une contestation sur ses droits et obligations.
III.326. Ainsi, les courriers de la directrice générale du STIF en date du 7 décembre 2012 et du 7 novembre 2013 adressés à Gares & Connexions, constituant l'avis défavorable du STIF respectivement sur les projets de DRG pour les horaires de service 2014 et 2015, expriment d'une part, des désaccords dans le cadre de la procédure distincte d'élaboration du DRG par Gares & Connexions prévue par l'article 14-1 § II du décret et, d'autre part, ne comportent pas de demandes portant sur des mesures précises que Gares & Connexions devrait adopter pour recueillir un avis favorable du STIF sur le DRG pour l'horaire de service 2014.
III.327. Gares & Connexions fait valoir que :


- la délibération du STIF du 5 octobre 2011 demeure un avis émis sur un projet de décret qui encadre l'activité de Gares & Connexions, avis que le Gouvernement n'a pas choisi de suivre. De plus, le STIF aurait fait le choix de ne pas contester par un recours en excès de pouvoir devant le Conseil d'Etat le décret n° 2012-70 du 20 janvier 2012 ;
- les courriers du STIF émis le 7 décembre 2012 et pendant l'année 2013 ont été formulés dans des procédures administratives de consultation du STIF ; ces procédures sont prévues par des textes réglementaires et les actes adoptés à l'issue de ces procédures n'ont fait l'objet d'aucun recours de sa part ;
- conformément à l'article 14 du décret n° 2012-70, « les dispositions du présent décret n'emportent aucune conséquence sur les documents de référence du réseau déjà publiés ». En conséquent, le décret n° 2012-70 ne s'applique qu'à partir de l'horaire de service 2014, dont le DRR a été publié fin 2012. Ainsi, les redevances applicables pour les horaires de service 2012 et 2013, en ce qu'elles ont été publiées respectivement fin 2010 et fin 2011, ne saurait être modifiées au motif qu'elles ne seraient pas conformes au décret n° 2012-70 qui ne saurait leur être appliqué rétroactivement.


Analyse de l'Autorité
Sur la détermination de la période couverte par le différend
III.328. La demande du STIF conduit à s'interroger sur la portée et le caractère transposable ou non à l'Autorité de l'arrêt du 14 décembre 2010 de la chambre commerciale de la Cour de cassation, dont l'attendu de principe énonce que « le pouvoir conféré à l'ARCEP (…), au titre de la procédure de règlement des différends, (…), s'étend à l'ensemble de la période couverte par le différend dont elle se trouve saisie, peu important la date de son émergence entre les parties ». Comme le souligne le rapport de la Cour de cassation pour l'année 2010 versé à la procédure par le STIF, cette solution découle des exigences du droit de l'Union européenne.
III.329. En matière ferroviaire, le cadre juridique de tarification des services en gares de voyageurs était inexistant avant le décret n° 2012-70, lequel est, aux termes de son article 14, applicable à compter de l'horaire de service 2014.
III.330. L'Autorité ne saurait, en tout état de cause, prendre en compte une période durant laquelle l'opérateur demandeur n'aurait formellement élevé aucune contestation sur ses droits et obligations à l'encontre du défendeur.
III.331. Par ailleurs et contrairement à ce qu'affirme Gares & Connexions, les contestations élevées par le demandeur ne doivent pas nécessairement faire l'objet d'un recours à l'encontre du décret ou du DRG pour être prises en considération, dès lors que les demandes soumises par le STIF dans sa saisine ne diffèrent pas de l'objet des négociations qui ont préalablement échoué.
S'agissant de la demande n° 2 visant la modification du taux de rémunération du capital
III.332. Le STIF demande à l'Autorité de faire rétroagir sa décision à compter de l'horaire de service 2012 s'agissant de sa demande relative au taux de CMPC.
III.333. Les contestations émises lors de la consultation sur le projet de décret n° 2012-70 par le STIF dans un courrier du 5 octobre 2011, dans lequel celui-ci s'opposait à « la prise en compte d'un CMPC, dans la tarification des prestations régulées, d'une rémunération des capitaux investis par la SNCF » ne constituent qu'une critique générale s'inscrivant dans un contexte de consultation d'une autorité organisatrice de transport sur un projet de décret qui ne peuvent être valablement considérées comme constituant l'expression d'un désaccord de sa part.
III.334. En revanche, lors de la consultation sur le projet de DRG pour l'horaire de service 2014 pour lequel il a émis un avis défavorable, le STIF a fait part de ses désaccords dans un courrier du 7 décembre 2012, d'une part, quant à la prise en compte d'un CMPC dans la tarification de l'accès aux gares de voyageurs et, d'autre part, quant au modèle d'évaluation des actifs financiers retenu par Gares & Connexions (MEDAF). Le STIF a contesté plus particulièrement la valorisation du taux de rémunération des fonds propres, la pertinence de l'échantillon des sociétés retenues par Gares & Connexions pour évaluer le risque sectoriel et l'intégration d'hypothèses d'impôt sur les sociétés dans l'évaluation du coût des capitaux.
III.335. Lors de la consultation sur le projet de DRG pour l'horaire de service 2015, le STIF a réitéré, le 7 novembre 2013, ses demandes visant à réduire le CMPC et fait valoir les mêmes arguments. Ce point de désaccord a été rappelé dans un courrier ultérieur du 15 avril 2014.
III.336. Depuis le 7 décembre 2012, Gares & Connexions a eu effectivement connaissance des demandes du STIF et a, dans plusieurs courriers de réponse au STIF du 15 mars 2013, du 19 décembre 2013 et du 28 avril 2014, successivement refusé de prendre en compte les demandes et critiques de ce dernier s'agissant du CMPC.
III.337. Par ailleurs, Gares & Connexions ne pouvait ignorer que l'Autorité avait dans le même temps, à deux reprises, le 11 juillet 2012 et le 22 octobre 2013, émis un avis défavorable sur la fixation du CMPC pour le calcul des redevances des prestations régulées en gare de voyageurs pour les horaires de service 2014 et 2015 (79).
III.338. Par conséquent, la période couverte par le différend s'agissant de la demande n°2 visant la modification du taux de rémunération du capital doit débuter à compter de l'horaire de service 2014.
S'agissant des autres demandes
III.339. Le STIF estime que le point de départ de la période litigieuse à retenir pour se prononcer sur toutes les autres demandes doit être fixé à la date d'entrée en vigueur du document de référence pour l'horaire de service 2014 et demande l'application de la décision à venir à compter de cette date.
III.340. Au vu des échanges entre les parties préalablement à la saisine de l'Autorité, la période couverte par le différend s'agissant des autres demandes débute à compter :


- du 15 avril 2014 pour la demande n° 1 ;
- du début de l'horaire de service 2014 pour la demande n° 4 ;
- du début de l'horaire de service 2015 pour la demande n° 5.


Décide :