I.5. Cependant, les demandeurs de sillons, particulièrement pour le fret, continuent de dénoncer la qualité des sillons offerts par le gestionnaire de l'infrastructure et les incertitudes liées à la procédure des sillons précaires et aux délais qu'ils subissent.
1. Sur les incertitudes liées à la procédure d'attribution conditionnelle de sillons
I.6. Conformément au calendrier fixé dans le DRR, les demandeurs de sillons ont jusqu'au deuxième lundi du mois d'avril A-1 pour formuler leurs demandes de sillons pour l'horaire de service de l'année A. Selon le décret n° 2003-194 modifié, RFF dispose ensuite de quatre mois pour établir un projet d'horaire de service. A l'issue de la période d'observations, il arrête l'horaire de service.
I.7. Cependant, à ce jour, pour des raisons de temps et de ressources, le gestionnaire de l'infrastructure ne peut traiter tous les conflits liés aux demandes formulées et apporter des réponses définitives à l'issue de la phase de construction de l'horaire de service. Il a donc choisi de reporter une partie du travail de construction postérieurement à la publication du projet d'horaire de service : il s'agit notamment du traitement des conflits entre les demandes de sillons et certaines capacités réservées pour les travaux (fenêtres travaux dites « déformées » et plages-travaux dites « spéciales »).
I.8. Une telle attribution conditionnelle permet, pour les jours et les portions d'itinéraires où il n'y a pas de conflit, de sauvegarder la capacité nécessaire sur le graphique de circulation. A défaut, cette capacité pourrait être attribuée à un autre demandeur. Ceci est nécessaire afin de ne pas pénaliser davantage les demandeurs de capacités dont les demandes n'ont pas encore été traitées.
I.9. En revanche, l'incertitude créée par cette procédure est un inconvénient majeur pour les demandeurs. Elle est accentuée par les conditions dans lesquelles sont suivis les sillons à l'étude. En effet, le gestionnaire de l'infrastructure n'est pas capable de fournir régulièrement une information sur les sillons à l'étude qui ont été traités, et sur l'issue de ce traitement : l'attribution ou le refus d'attribution d'un sillon-jour et, en cas d'attribution, si une modification horaire a été nécessaire. La date à la laquelle le sillon à l'étude a été traité n'est pas non plus connue du demandeur.
I.10. En pratique, les demandeurs sont donc contraints de regarder régulièrement le graphique de circulation pour surveiller chacun de leurs sillons-jours à l'étude.
I.11. Cette situation est susceptible d'affecter une part significative de leurs plans de transport, notamment pour les trafics de fret et les sillons voyageurs de long parcours.
I.12. Dans le DRR, RFF s'engage, depuis l'horaire de service 2012, à apporter une réponse définitive au moins quatre mois avant le jour de circulation pour les sillons voyageurs et deux mois pour les sillons fret. Ces délais ne sont cependant pas toujours respectés.
I.13. Afin d'améliorer les réponses apportées à ses clients, le gestionnaire de l'infrastructure propose depuis 2012 aux entreprises la signature d'accords de qualité sillons permettant un suivi de l'évolution du statut de certains sillons sensibles. Ils contiennent des dispositions financières incitatives visant au respect des délais de levée de précarité. Ces accords concernent environ 1 000 sillons, soit une partie limitée des plans de transport.
2. Sur les demandes effectuées par l'Autorité dans ses avis et décisions
I.14. Dès son avis relatif au document de référence du réseau ferré national pour l'horaire de service 2012, l'Autorité a indiqué que : « L'état des sillons alloués par RFF est la source d'une désorganisation profonde des activités de fret et d'incertitudes pour certaines offres aux voyageurs. C'est l'obstacle principal au développement de la concurrence sur les marchés ouverts » (2) et demandé que « cette procédure transitoire des “sillons précaires” soit clairement décrite dans le DRR et accompagnée de mesures contractuelles adaptées. » (3)
I.15. L'Autorité a notamment demandé à RFF de « s'engager à confirmer ou supprimer les sillons initialement accordés à titre précaire dans des délais compatibles avec les contraintes commerciales. Cette décision doit intervenir au moins deux mois avant la circulation pour les trains de fret et quatre mois avant la circulation pour les trains de voyageurs soumis à réservation » (4).
I.16. Dans son avis relatif au document de référence du réseau ferré national pour l'horaire de service 2013, l'Autorité a relevé que « si RFF a bien repris dans le DRR la proposition de l'Autorité de lever les précarités deux mois avant les circulations de fret et de quatre mois avant les circulations de voyageurs, ces délais ne semblent pas respectés dans la réalité, comme le montrent les règlements de différends soumis à l'Autorité » (5).
I.17. De même, l'Autorité a demandé « la mise en place d'incitations à respecter ces délais, que la demande fasse l'objet d'une réponse favorable ou d'un refus motivé. Aussi l'Autorité souhaite-t-elle que le DRR intègre un système de pénalités adapté, en priorité pour le respect du délai de réponse définitive aux sillons précaires avant la circulation effective » (6).
I.18. Elle a donc fixé à RFF les objectifs suivants :
« c) La procédure des “sillons précaires” doit, en attendant sa suppression, être accompagnée d'outils de suivi adaptés et de dispositions contractuelles équilibrées pour donner aux entreprises ferroviaires la visibilité dont elles ont besoin.
« h) Les informations relatives aux capacités disponibles doivent être accessibles aux demandeurs de sillons.
« p) Un mécanisme de pénalités doit être introduit pour inciter RFF à respecter les délais de réponse définitive aux sillons précaires ».
I.19. Dans son avis relatif au document de référence du réseau ferré national pour l'horaire de service 2014, l'Autorité a relevé que RFF faisait état « des résultats et perspectives suivants :
- une amélioration sensible depuis le service annuel 2011 du délai moyen d'anticipation dans le traitement des opérations travaux, ce qui permettrait des progrès dans les délais d'affermissement des sillons ;
- un volume mensuel d'environ 2 500 sillons-jours modifiés ou supprimés du fait d'ajustements tardifs de la planification des travaux ;
- l'expérimentation en 2013, sur un nombre limité de sillons sensibles et dans le cadre d'accords qualité sillons, d'un nouveau dispositif de pilotage en phase d'adaptation pour garantir le respect des engagements de levée de précarité ;
- l'objectif d'une extension d'un tel dispositif à l'ensemble des sillons pour le service annuel 2015 » (7).
I.20. L'Autorité a ensuite rappelé que « le non-respect répété par RFF des délais d'affermissement prévus au DRR est susceptible de faire l'objet d'une procédure en manquement dans les conditions visées à l'article L. 2135-7 du code des transports. De plus, dans le point c de son avis n° 2012-005 relatif au DRR 2013, l'Autorité avait demandé que la procédure des “sillons précaires” soit “accompagnée d'outils de suivi adaptés et de dispositions contractuelles équilibrées pour donner aux entreprises ferroviaires la visibilité dont elles ont besoin”. Dans sa décision n° 2012-006 du 1er février 2012 portant sur la demande formée par la société FROIDCOMBI dans le cadre d'un différend l'opposant à RFF et à la SNCF relatif à l'allocation des sillons, l'Autorité a enjoint RFF de mettre en œuvre cette recommandation d'ici le DRR 2014 » (8).
I.21. Elle a donc demandé à RFF de « respecter les délais d'affermissement des sillons prévus dans le DRR » et de « mettre en place des outils de suivi adaptés et des dispositions contractuelles équilibrées en matière de sillons précaires afin de permettre aux entreprises ferroviaires de disposer de la visibilité dont elles ont besoin » (9).
I.22. Par ailleurs, l'Autorité a insisté dans son avis relatif au document de référence du réseau ferré national pour l'horaire de service 2014 sur la nécessité de mettre en œuvre des indicateurs reflétant la qualité de la procédure d'attribution de capacités, notamment en matière de levée de précarité :
« Tout en reconnaissant les efforts accomplis, l'Autorité constate que RFF n'est pas à ce jour en mesure d'offrir une vision factuelle et incontestable des progrès dont il fait état. Le suivi des conditions concrètes d'accès au réseau nécessite la production d'indicateurs reflétant la qualité de la procédure du point de vue de ses utilisateurs, par exemple en matière de levée de précarité. L'Autorité estime urgent que RFF mette au point dès 2013 de tels indicateurs de suivi de ses engagements et de l'efficacité des processus d'allocation de capacité, en concertation avec les demandeurs de capacités » (10).
I.23. Enfin, dans ses décisions de règlement de différend n° 2013-016, 2013-017, 2013-018 et 2013-019, l'Autorité a enjoint à RFF « d'offrir, grâce aux évolutions envisagées de GESICO ou des systèmes d'information, la possibilité de suivre les dates de levée des précarités avec un indicateur de performance, afin d'objectiver le débat entre le gestionnaire de l'infrastructure et ses clients » (11).
3. Sur l'opportunité créée par la mise en place d'outils de suivi des sillons jours
I.24. Les accords de qualité sillons ont été mis en place sur un nombre limité de sillons du fait notamment de l'absence de système d'information permettant d'élaborer automatiquement les tableaux envoyés périodiquement et présentant les états de chacun des sillons-jours.
I.25. Cette situation va évoluer pour l'horaire de service 2015 avec la mise en œuvre en septembre 2014 pour l'horaire de service 2015 des applications « Vie du sillon » et « Deltha ». SNCF-Réseau et les demandeurs de sillons devraient pouvoir visualiser l'état de tous les sillons-jours (ferme, précaire, en conflit, supprimé), les modifications et suppressions effectuées ainsi que la teneur de la modification opérées :
- l'application « Vie du sillon » ajoutée à GESICO (12) permettra de visualiser, par sillon et sur un calendrier, l'état des sillons-jours demandés, notamment s'ils sont fermes, à l'étude, en conflit ou supprimé ;
- le système d'information « Deltha » permet quant à lui, pour un groupe de sillons sélectionnés par le demandeur et entre deux dates choisies par ce dernier, de visualiser les modifications et suppressions de sillons ayant pu avoir lieu.
I.26. Ces deux applications représentent une amélioration importante des conditions de suivi des sillons, tant pour SNCF-Réseau que pour les demandeurs : le suivi jusqu'ici effectué dans le cadre des accords de qualité sillons va donc être étendu à tous les sillons.
I.27. Ce développement des systèmes d'information rend possible la mise en place d'indicateurs, notamment en matière de préavis de levée de précarité, en réponse aux demandes de l'Autorité.
I.28. Le règlement, par l'Autorité, de plusieurs différends relatifs aux conditions d'attribution et de suivi des sillons ainsi que les travaux de concertation et de consultation menés en exécution des articles 7 et 11 de ces décisions ont confirmé l'importance de cette problématique. L'Autorité estime nécessaire de mettre en œuvre un cadre incitatif plus contraignant, destiné à limiter le recours par SNCF-Réseau à l'attribution conditionnelle de sillons et à limiter leurs conséquences pour les demandeurs.
II. - Cadre réglementaire
1. La compétence réglementaire supplétive de l'Autorité
II.1. L'article L. 2131-7 du code des transports prévoit que :
« Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires, l'Autorité de régulation des activités ferroviaires précise, en tant que de besoin, dans le cadre des missions fixées à l'article L. 2131-1 et aux articles L. 2131-3 à L. 2131-6, les règles concernant :
« 1° Les conditions de raccordement au réseau ferroviaire ;
« 2° Les conditions techniques et administratives d'accès au réseau et de son utilisation ;
« 3° Les conditions d'accès aux services présentant un caractère de facilités essentielles et leurs conditions d'utilisation ;
« 4° Les périmètres de chacune des activités comptablement séparées, désignées aux articles L. 2122-4, L. 2123-1, L. 2144-1 et L. 2144-2, les règles d'imputation comptable qui leur sont appliquées ainsi que les principes déterminant les relations financières entre ces activités.
« Les règles formulées en application du présent article sont transmises pour homologation au ministre chargé des transports, qui se prononce dans les deux mois. L'absence de notification dans ce délai d'une opposition par le ministre vaut homologation. Le refus d'homologation doit être motivé. Les règles homologuées sont publiées au Journal officiel ».
II.2. L'attribution de sillons constitue la principale prestation fournie par le gestionnaire de l'infrastructure pour l'accès au réseau ferré national dont il assure la gestion. Dès lors, l'Autorité est compétente pour préciser les conditions techniques et administratives applicables à l'attribution des sillons, dans la mesure où cela s'avère nécessaire.
2. La nécessité de préciser les règles applicables à l'attribution des sillons par le gestionnaire de l'infrastructure
II.3. L'article L. 2122-2 du code des transports prévoit que : « Réseau ferré de France et les titulaires de délégation de service public mentionnés aux articles L. 2111-11 et L. 2111-12 répartissent, chacun en ce qui le concerne, les capacités d'utilisation des infrastructures du réseau ferré national, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat ».
II.4. L'article 3 du décret n° 2003-194 modifié dispose que :
« Le droit d'accès aux infrastructures du réseau ferré national gérées par Réseau ferré de France (…) est régi par les dispositions suivantes :
I. Le droit d'accès au réseau ferré national comprend, pour toute entreprise ferroviaire, le droit aux prestations minimales, nécessaires pour permettre l'exercice de ce droit d'accès, suivantes : le traitement transparent et non discriminatoire de ses demandes de capacités d'infrastructure sur les sections du réseau ferré national, le droit d'utiliser les capacités qui lui sont attribuées, l'utilisation des branchements et aiguilles du réseau, la signalisation, la régulation, la gestion des circulations, la communication et la fourniture d'informations concernant la circulation des trains ainsi que toute autre information nécessaire à la mise en œuvre ou à l'exploitation du service pour lequel les capacités lui ont été attribuées (…) ».
II.5. L'article 18 du décret n° 2003-194 modifié dispose que :
« Réseau ferré de France est chargé de répartir les capacités d'infrastructure du réseau ferré national sur les infrastructures qu'il gère (…) selon les modalités fixées aux articles 18 à 27 du présent décret. (…). Il veille à assurer la meilleure utilisation des infrastructures et le développement équilibré de l'ensemble des services ferroviaires. A cet effet, Réseau ferré de France : (…)
« c) Attribue aux demandeurs, selon les modalités définies aux articles suivants, chaque sillon correspondant à la capacité d'infrastructure requise pour faire circuler un train donné entre deux points du réseau ferré national pendant une période de temps donnée ;
« d) Détermine les graphiques de circulation qui décrivent l'ensemble des sillons sur l'infrastructure du réseau ferré national, ainsi que les intervalles de temps réservés pour l'exécution des opérations de maintenance et des travaux d'investissement sur chaque section du réseau ;
« e) Arrête, selon les modalités prévues à l'article 21, l'horaire de service qui retrace l'ensemble des mouvements des trains et du matériel roulant programmés sur une période de douze mois à compter du deuxième samedi de décembre à minuit. Des adaptations de l'horaire peuvent intervenir à d'autres dates si les nécessités du trafic intérieur le justifient. »
II.6. L'article 21 du décret n° 2003-194 modifié dispose ensuite que :
« Les demandes de sillons sont adressées à Réseau ferré de France dans les conditions et selon les modalités prévues par le document de référence du réseau ou, en cas d'accord-cadre, par les stipulations de cet accord.
« Les demandes portent sur une période égale au plus à celle de l'horaire de service. (…).
« A l'issue de l'instruction des demandes de sillons, Réseau ferré de France établit un projet d'horaire de service quatre mois au plus tard avant la date d'entrée en vigueur de celui-ci. Ce projet tient compte des demandes formulées, des priorités dans l'utilisation du réseau ferré national, des périodes nécessaires pour l'entretien programmé du réseau et les travaux d'investissement et, le cas échéant, de la nécessité de réserver des capacités suffisantes pour répondre aux demandes ponctuelles de sillons. (…)
« Il communique le projet d'horaire de service aux demandeurs de sillons intéressés. Ceux-ci disposent d'un délai d'un mois pour présenter leurs observations. Ce délai expiré, Réseau ferré de France leur communique une proposition définitive de sillons.
« Dans un délai de dix jours ouvrables, les demandeurs peuvent présenter une réclamation devant Réseau ferré de France. Celui-ci la communique à tous les demandeurs qui disposent d'un délai de dix jours ouvrables pour produire leurs observations éventuelles.
« A l'issue de cette procédure, Réseau ferré de France arrête l'horaire de service définitif et le rend public. »
II.7. Un sillon à l'étude est un sillon attribué sous la condition suspensive de la levée positive de la précarité. Pour le gestionnaire de l'infrastructure, cette allocation conditionnelle répond à l'obligation qui lui est faite de mettre en place des mécanismes permettant de satisfaire autant que possible toutes les demandes de sillons, exigence posée par l'article 45, paragraphe 1er, de la directive 2012/34/UE (13). Une telle procédure serait permise par la directive 2012/34/UE qui prévoit dans son article 39 que des « règles spécifiques de répartition des capacités » soient établies.
II.8. S'il peut y avoir débat sur la pérennité d'une telle procédure, il est en revanche admis que ce dispositif ne peut être durablement mobilisé dans son ampleur actuelle et ses incidences. Dès lors, l'Autorité juge indispensable d'adopter des dispositions visant à accompagner le gestionnaire de l'infrastructure dans une démarche de fiabilisation du travail de construction de l'horaire de service, avec pour objectif d'apporter des réponses fermes et d‘améliorer le délai de traitement des sillons à l'étude lorsque ceux-ci sont nécessaires en mettant en place d'indicateurs de performance.
II.9. La gravité des conséquences économiques subies par les demandeurs du fait de la qualité actuelle des sillons, d'une part, et le constat fait par l'Autorité d'avancées partielles du gestionnaire de l'infrastructure en réponse aux demandes qu'elle a effectuées à l'occasion de ses avis sur les documents de référence du réseau et d'un règlement de différend, d'autre part, justifient que l'Autorité ait recours à sa compétence issue de l'article L. 2131-7 du code des transports.
II.10. Dans cette perspective, l'Autorité a organisé une consultation publique entre le 4 et le 25 juin 2014. Les contributions reçues dans le cadre de cette consultation publique ont été rendues publiques le 1er juillet 2014.
II.11. L'Autorité a adopté une décision le 15 juillet 2014 (14), à laquelle un refus d'homologation a été opposé le 23 septembre 2014 par le ministre chargé des transports au motif d'une absence de mesures transitoires concernant les articles 5 et 6. La date d'application de ces dispositions a ainsi été ajustée.
III. - Les résultats de la concertation et de la consultation publique
1. Le mécanisme incitatif proposé dans le cadre de la consultation publique
III.1. Dans le cadre de la concertation menée sur les incitations applicables au gestionnaire d'infrastructure et aux demandeurs de sillons (15), les entreprises ferroviaires et candidats autorisés ont insisté sur les conséquences du non-respect des délais de levée de précarité sur leurs activités et sur leurs demandes de capacités. L'Autorité a émis l'idée d'appliquer à l'ensemble des sillons à l'étude, une fois les délais levée de précarité dépassés, les incitations envisagées en cas de suppression par le gestionnaire de l'infrastructure de sillons fermes.
III.2. RFF a insisté, dans ses contributions lors de la concertation, sur les différences entre sillons-jours fermes et sillons-jours à l'étude. Concernant les sillons à l'étude, il estime que les mécanismes actuellement mis en œuvre dans le cadre des accords de qualité sillons sont plus efficaces. Aucune échéance n'a cependant été précisée par RFF pour une extension du champ d'application, à ce jour réduit, des accords de qualité sillons.
III.3. Les contributions des acteurs lors de la concertation ont également montré qu'il était plus lisible de distinguer les deux mécanismes d'incitations visant :
- pour l'un, à la limitation des suppressions et des modifications par le gestionnaire de l'infrastructure de sillons attribués fermes (16) ;
- pour l'autre, à un traitement plus rapide par le gestionnaire de l'infrastructure des sillons à l'étude.
III.4. C'est la raison pour laquelle l'Autorité a proposé, dans le cadre de la consultation publique, d'imposer un mécanisme incitatif applicable à tous les sillons à l'étude, s'inspirant plus directement des dispositions des accords de qualité sillons.
III.5. La proposition formulée à cette occasion reposait sur un barème de pénalités progressif, prenant en compte les jalons suivants :
- l'échéance de fin novembre A - 1, dans l'objectif d'inciter le gestionnaire de l'infrastructure à traiter le maximum de sillons à l'étude immédiatement après la publication en septembre A-1 de l'horaire de service ;
- les dates limites de traitement prévues au DRR (M - 4 pour le trafic de voyageurs et M - 2 pour le trafic de fret) ;
- des jalons plus proches de la circulation, selon un échelonnement cohérent avec celui actuellement retenu dans les accords de qualité sillons.
III.6. Dans un objectif de simplification, l'Autorité a proposé des dispositions communes concernant les sillons de voyageurs et de fret (définition de la notion de réponse positive, barème kilométrique…), en s'écartant parfois des conditions actuellement définies dans les trames types d'accord de qualité sillons annexées au DRR.
2. Les commentaires issus de la consultation publique
III.7. Dans sa contribution à la consultation publique, RFF s'est opposé à une pénalisation généralisée du traitement tardif des sillons à l'étude en soulignant que :
- l'idée d'éradiquer totalement toute notion de sillon à l'étude à l'issue de la construction de l'horaire de service n'est ni souhaitable ni envisageable ;
- le sujet n'a pas été réellement concerté et étudié et qu'il est strictement infaisable en termes de production horaire, sauf à réorganiser lourdement les moyens humains et les processus concernés ;
- l'introduction d'un jalon supplémentaire pour non traitement après novembre de A-1 ne correspond à aucun besoin commercial ;
- des accords de qualité sillons sont actuellement proposés. Le gestionnaire de l'infrastructure estime que ces accords ont montré leur efficacité, le montant d'indemnisation annuel ayant été divisé par 3 en 4 ans malgré un périmètre de sillons suivis en hausse de 10 % ;
- les entreprises préfèrent disposer d'un sillon à l'étude plutôt que de se voir refuser un sillon. Ainsi, l'objectif semble être davantage d'améliorer le taux de sillons fermes que de réduire le taux de sillons à l'étude, notamment pour les services de fret dont le taux de sillons fermes est aujourd'hui seulement de 75 %.
III.8. Les contributions reçues des utilisateurs du réseau font apparaître les points de vue suivants :
- les entreprises de fret sont favorables à l'application d'un mécanisme d'incitation permettant d'augmenter la prévisibilité dans l'attribution des sillons ;
- le mécanisme proposé est considéré comme susceptible de générer une augmentation significative des refus d'attribution ;
- à ce titre, des suggestions sont faites afin d'encourager le gestionnaire de l'infrastructure à apporter des réponses positives dans le traitement des sillons à l'étude ;
- les incitations contractuelles doivent être adaptées aux différents trafics (tolérances horaires notamment).
IV. - Les dispositions retenues à l'issue de la consultation publique
IV.1. La présente décision, adoptée sur le fondement de l'article L. 2131-7 du code des transports, a pour objet de préciser le cadre applicable à l'attribution de sillons par le gestionnaire de l'infrastructure, notamment en termes d'objectifs d'allocation de sillons (1), de conditions d'utilisation par le gestionnaire de l'infrastructure des sillons à l'étude (2) et de suivi (3).
1. La fixation d'objectifs d'allocation de sillons pour le fret
IV.2. Comme indiqué précédemment, la qualité des sillons attribués est source de difficultés pour le développement des activités des entreprises.
IV.3. Même si le taux de sillons-jours attribués fermes à l'issue de l'élaboration de l'horaire de service est considéré par certains acteurs comme reflétant imparfaitement la qualité des sillons attribués, il paraît opportun que le gestionnaire de l'infrastructure soit incité à atteindre un niveau minimal de performance selon cet indicateur, le gestionnaire de l'infrastructure pouvant à la fois progresser dans la diminution des conflits à l'origine de refus d'attribution et poursuivre la baisse du nombre de sillons à l'étude par un traitement anticipé des conflits avec les travaux concernés.
IV.4. Eu égard à la situation relative que connaissent les demandeurs de sillons fret, avec pour 2014 en moyenne 75,5 % des sillons demandés attribués fermes (contre 92,5 % pour les activités de voyageurs), et à l'impact que ce défaut de qualité a sur la compétitivité du secteur, l'Autorité estime nécessaire que soient fixés des objectifs d'augmentation du nombre de sillons-jours fermes, année après année, de préférence dans un cadre contractuel entre l'Etat et le gestionnaire d'infrastructure, ou à défaut par la règlementation. Dans ce cas, les objectifs suivants pourraient être fixés pour les horaires de service 2016 à 2018 :
HORAIRE DE SERVICE |
2016 |
2017 |
2018 ET AU-DELÀ |
---|---|---|---|
Taux cible de sillons-jours fermes pour les services de fret |
81 % |
83 % |
Supérieur à 85 % |
IV.5. La fixation de tels objectifs est cohérente avec les progrès déjà effectués par RFF ces dernières années, le taux de sillons-jours attribués fermes étant passé de 68,8 % à 79,1 % entre 2012 et 2015.
2. Les conditions d'utilisation par le gestionnaire de l'infrastructure des sillons à l'étude
IV.6. Les conditions de recours par le gestionnaire de l'infrastructure à l'allocation conditionnelle de sillons sont actuellement précisées par le DRR. Dans la mesure où le gestionnaire de l'infrastructure considère que le recours à l'attribution de sillons-jours à l'étude est une mesure souhaitable et durable dans les conditions actuelles d'exploitation du réseau ferré national, il paraît opportun d'encadrer règlementairement l'utilisation de ce mode d'allocation afin de garantir la prise en compte des contraintes des demandeurs, ainsi que le prévoit l'article 45 de la directive 2013/34/UE.
IV.7. Cela conduit à compléter la réglementation pour fixer :
- les délais minimaux de prévenance que le gestionnaire de l'infrastructure doit respecter pour apporter une réponse définitive aux sillons-jours à l'étude ;
- la possibilité offerte aux demandeurs de signer un accord de qualité sillons, incitant le gestionnaire de l'infrastructure à respecter les délais de réponse et à rechercher des solutions favorables.
IV.8. Sur ce point, il est proposé d'obliger SNCF-Réseau :
- à proposer de tels accords de qualité sillons pour les demandeurs faisant l'objet d'un taux d'allocation ferme inférieur à 90 % ;
- à suivre et traiter un taux minimum de sillons-jours à l'étude ; pour mémoire, ce taux est actuellement en moyenne seulement de 5 % du plan de transport des entreprises.
3. Suivi et évaluation
IV.9. Afin d'objectiver la qualité de l'allocation des sillons et l'impact des actions du gestionnaire de l'infrastructure, il est indispensable que le gestionnaire de l'infrastructure publie certaines données, permettant d'établir des analyses et des indicateurs de performance.
IV.10. RFF suit depuis plusieurs années certains indicateurs, dont il communique les résultats annuels auprès de chaque entreprise ou au travers de présentations auprès des acteurs du secteur ou encore par la publication récente du « rapport annuel sur l'efficacité du processus d'allocation des capacités sur le réseau ferré national ».
IV.11. Dans ce contexte, l'Autorité souhaite préciser les données minimales qu'il convient, dans un premier temps, que SNCF-Réseau établisse et publie, à savoir :
- le nombre de sillon-jours attribués fermes à l'issue de l'élaboration de l'horaire de service ;
- le nombre de sillon-jours attribués fermes à l'issue de l'élaboration de l'horaire de service, s'écartant des critères formulés dans la demande ;
- le nombre de sillon-jours attribués à l'étude à l'issue de l'élaboration de l'horaire de service ;
- le nombre de sillon-jours dont l'attribution a été refusée à l'issue de l'élaboration de l'horaire de service ;
- la vitesse commerciale moyenne des trains, selon les regroupements pertinents ;
- la durée moyenne de préavis pour les réponses définitives aux sillons-jours à l'étude ;
- le nombre de sillons-jours à l'étude faisant l'objet in fine d'une attribution ;
- le nombre de sillons-jours à l'étude faisant l'objet in fine d'un refus d'attribution.
IV.12. Cette liste, non exhaustive, pourra être complétée au vu de l'expérience et/ou dans le cadre du futur contrat de performance liant l'Etat au gestionnaire de l'infrastructure.
Décide :