Après avoir entendu M. Jean-François CARREZ, commissaire, en son rapport, et M. Jean-Alexandre SILVY, commissaire du Gouvernement, en ses observations,
Emet l'avis suivant :
La commission a été saisie par le ministre de l'intérieur d'un projet de décret portant amélioration des échanges d'information entre services dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Afin de renforcer les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, les articles 1er et 2 de la loi du 13 novembre 2014 susvisée ont créé deux dispositifs relatifs, d'une part, à l'interdiction de sortie du territoire et, d'autre part, à l'interdiction administrative du territoire.
Compte tenu de ces nouvelles mesures, le présent projet de décret modifie les dispositions réglementaires relatives au fichier des personnes recherchées (FPR), au traitement automatisé de données à caractère personnel relatif aux passeports (TES) et au traitement relatif aux cartes nationales d'identité sécurisées (FNG). Ces traitements relèvent, pour les deux premiers, des dispositions des articles 26 et 27 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. Les modifications apportées à l'arrêté du 28 mai 2010 et au décret du 30 décembre 2005 susvisés nécessitent dès lors un avis motivé et publié de la commission.
La modification du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 modifié relatif au FPR :
Le chapitre 1er du projet de décret vise à modifier l'article 2 du décret du 28 mai 2010 modifié relatif au FPR.
Ce traitement, mis en œuvre par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale, a pour finalité de faciliter les recherches et les contrôles effectués, dans le cadre de leurs attributions respectives, par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou des missions administratives.
L'inscription au FPR intervient pour des motifs judiciaires et administratifs, les personnes recherchées étant enregistrées dans différentes catégories de recherches, chaque catégorie comprenant des motifs de recherches associés à une conduite à tenir.
La modification projetée du traitement porte sur l'extension des motifs d'inscription au FPR et vise à tenir compte de la promulgation de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 susvisée et, en premier lieu, du dispositif d'interdiction de sortie du territoire.
Le titre Il du code de la sécurité intérieure (CSI) relatif à la lutte contre le terrorisme et aux intérêts fondamentaux de la Nation a en effet été complété par un chapitre exclusivement dédié à ce dispositif. L'article L. 224-1 dudit code crée ainsi la possibilité pour le ministre de l'intérieur de prononcer, pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification, une interdiction de sortie du territoire à l'encontre de tout ressortissant national à l'égard duquel il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ou des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français.
Il est en outre prévu que cette interdiction de sortie du territoire emporte, dès son prononcé et à titre conservatoire, l'invalidation du passeport et de la carte nationale d'identité de la personne concernée et la restitution de ce titre dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de cette mesure.
Dans ces deux conditions, il est prévu l'ajout de deux nouveaux motifs d'inscription au FPR, concernant les personnes faisant l'objet d'une telle interdiction et les personnes n'ayant pas procédé à la restitution des documents concernés.
En deuxième lieu, les motifs d'inscription au FPR sont étendus afin de tenir compte de la création de la mesure d'interdiction administrative du territoire.
Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) relatives aux conditions d'admission des ressortissants étrangers en France ont en effet été complétées par un chapitre dédié à ce nouveau dispositif. Les articles L. 214-1 et L. 214-2 dudit code permettent ainsi au ministre de l'intérieur de prononcer, à l'encontre de certains ressortissants étrangers, une interdiction administrative du territoire dans les conditions prévues par ces articles.
Le présent projet de décret vise dès lors à modifier l'article 2-IV du décret n° 2010-569 susvisé afin de créer un nouveau motif d'inscription concernant ces ressortissants étrangers.
En troisième lieu, il est prévu que puissent figurer au FPR les personnes qui ont fait l'objet d'une décision de retrait de leur titre d'identité et n'ayant pas procédé à sa restitution. Cette modification vise à prendre en compte l'hypothèse dans laquelle le retrait d'un titre d'identité est justifié par un changement dans les circonstances qui ont présidé à sa délivrance et permettra ainsi le retrait effectif du document.
La commission prend acte de l'ajout de l'ensemble de ces nouveaux motifs d'inscription au FPR, de nature à permettre l'application, d'une part, des mesures prévues par la loi du 13 novembre 2014 susvisées et, d'autre part, de la réglementation générale relative aux titres d'identité. Elle rappelle néanmoins que les données collectées doivent être adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité de chaque inscription et que la durée de conservation prévue pour chaque fiche ne doit pas excéder celle nécessaire à la finalité de cette inscription. A cet égard, ces données doivent nécessairement être mises à jour afin de prendre en compte, dans les meilleurs délais, tout changement dans la situation de la personne faisant l'objet d'un de ces nouveaux signalements au FPR.
La modification des dispositions relatives aux passeports et à la carte nationale d'identité :
Les chapitres II et III du projet de décret visent à modifier, d'une part, les dispositions du décret du 30 décembre 2005 susvisé relatif aux passeports et, d'autre part, les dispositions du décret du 22 octobre 1955 modifié instituant la carte nationale d'identité.
En premier lieu, les articles 4 à 8 du projet de décret visent à modifier les dispositions du décret précité relatif aux passeports, qui fixe les conditions de mise en œuvre du système de traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé TES. Ce traitement est mis en œuvre par le ministère de l'intérieur et permet, d'une part, l'établissement, la délivrance, le renouvellement, le retrait de ces titres d'identité et, d'autre part, la prévention et la détection de leur falsification ou contrefaçon.
L'article 5 du projet de décret modifie les informations relatives au passeport qui peuvent être enregistrées dans le traitement TES. Il est ainsi prévu de faire référence non plus à la date de l'annulation ou du retrait du titre mais à la date d'invalidation et à son motif, ainsi qu'à la date de restitution.
La commission relève que ce changement de terminologie vise à tenir compte des modifications précitées issues de l'article 1er de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.
En deuxième lieu, l'article 6 du projet de décret élargit la liste des accédants directs au traitement TES afin d'y ajouter les agents individuellement désignés et spécialement habilités de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) chargés de la coopération internationale.
La commission observe que des garanties sont mises en place afin de s'assurer que ces agents aient uniquement accès aux données contenues dans ce traitement nécessaires à l'exercice de leurs missions. Ainsi, seuls les agents de la DCPJ chargés des échanges avec INTERPOL au titre de la position commune du 24 janvier 2005 susvisée ainsi qu'avec les autorités compétentes des Etats appliquant la convention d'application de l'accord de Schengen peuvent accéder à la base TES.
Par ailleurs, cet accès ne permettra pas d'accéder à l'image numérisée des empreintes digitales contenues dans le traitement TES. Il s'effectuera dans le strict respect du besoin d'en connaître et aux seules fins de confirmer l'exactitude et la pertinence du signalement émis par les Etats partenaires.
L'article 10 du projet de décret vise à faire de même s'agissant de l'accès aux données relatives aux détenteurs de cartes d'identité enregistrées dans le FNG. Plus précisément, il permet l'accès des mêmes agents aux fins d'échanges avec les autorités compétentes des Etats appliquant la convention d'application de l'accord de Schengen.
Compte tenu de ces éléments, la commission considère que l'ajout de ces agents à la liste des destinataires des traitements TES et FNG est légitime au regard de ces derniers. Elle rappelle cependant que toutes les mesures nécessaires devront être prises afin d'assurer une traçabilité effective des accès de ces agents dans les traitements concernés.
En troisième lieu, l'article 7 du projet de décret doit permettre de transmettre, outre les numéros des passeports déclarés perdus ou volés, ceux des passeports invalidés au Système d'information Schengen (SIS) et à la base de données d'Interpol relative aux documents de voyages (SLTD). Cette transmission n'appelle pas d'observation particulière en tant qu'elle vise uniquement à permettre la communication des informations relatives au titre invalidé à la suite du prononcé d'une interdiction de sortie du territoire, dans le cadre de dispositifs de coopération internationale existants.
En outre, la commission observe que les dispositions relatives à ces échanges sont modifiées afin de substituer, à la notion d'interconnexion entre les traitements nationaux et ces bases de données internationales, la notion de transmission. Eu égard aux conditions techniques de mise en relation entre ces différents traitements, la commission considère qu'il s'agit bien d'une interconnexion au sens de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, qui a en l'espèce pour objet d'alimenter, directement et de manière automatisée, ces bases de données internationales. Néanmoins, elle estime que les mesures de sécurité mises en œuvre sont de nature à garantir le respect de la confidentialité des données et rappelle qu'en tout état de cause cette qualification n'a pas d'incidence sur le régime juridique applicable au traitement TES, lequel relève des dispositions de l'article 27 de la même loi.
De manière analogue, l'article 11 du projet de décret vise à permettre le transfert, outre des informations relatives aux numéros des cartes nationales d'identité perdues ou volées déjà prévu par le décret du 22 octobre 1995 modifié susvisé, celui des cartes nationales d'identité invalidées vers le SIS.
Enfin, si la commission ne remet pas en cause la légitimité des mesures d'interdiction administrative et de sortie du territoire désormais prévues par le législateur, elle relève que celles-ci ont pour conséquence de restreindre la liberté d'aller et venir des personnes. Dès lors, la commission insiste sur la nécessité de procéder à la mise à jour rapide et effective des données contenues dans ces différents traitements (FPR, TES, FNG), afin de limiter les conséquences défavorables qui résulteraient du maintien, dans ces fichiers, de personnes ne remplissant plus les conditions pour y être enregistrées.