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Article AUTONOME (Décision du 20 novembre 2013 sur le différend qui oppose la société Esconergie à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité)

Article AUTONOME (Décision du 20 novembre 2013 sur le différend qui oppose la société Esconergie à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d'une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d'électricité)



Dans ses observations, la société Esconergie soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent car la société ERDF a refusé de lui transmettre une proposition technique et financière, et ce en contradiction avec sa propre procédure technique et au mépris de ses engagements contractuels.
Elle prétend que la société ERDF était tenue d'adresser une proposition technique et financière pour son projet d'installation de production, sous trois mois, au plus tard le 18 août 2010, en application de l'article 4.2.1.3 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement (document identifié ERDF-PRO-RES_21E).
La société Esconergie souligne que la société ERDF n'a jamais fourni de proposition technique et financière, la plaçant ainsi dans une situation qui s'apparente à un refus d'accès au réseau public de distribution « pur et simple ».
Elle considère que la société ERDF admet explicitement, dans un courrier du 8 septembre 2011, n'avoir adressé aucune proposition de raccordement à la société Esconergie. Elle indique que la société ERDF reconnaît, également explicitement, que par son inaction la demande de la société Esconergie est entrée dans le champ d'application du moratoire institué par le décret du 9 décembre 2010.
La société Esconergie soutient que la société ERDF est soumise à une obligation de moyens qui suppose qu'elle mette tout en œuvre pour tenir ses engagements et de traiter les demandes de raccordement dans les délais annoncés. Elle affirme, donc, que la société ERDF n'a pas mis en œuvre tous les moyens en sa possession pour respecter son obligation de fournir la proposition technique et financière avant le délai de trois mois.
La société Esconergie demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie :
― de constater la méconnaissance des obligations contractuelles et réglementaires par la société ERDF ;
― de constater la méconnaissance par la société ERDF de sa propre documentation technique de référence ;
― de dire que par cette faute elle a placé la société Esconergie dans une situation qui lui interdit l'accès au réseau public de distribution d'électricité ;
― ce faisant, de dire que le refus de raccordement de l'installation de production de la société Esconergie ainsi opposé par la société ERDF est infondé ;
― d'enjoindre à la société ERDF de transmettre une proposition technique et financière pour le projet n° D 324/074949 de la société Esconergie selon les dispositions en vigueur au 18 août 2010, soit à la date d'expiration du délai d'envoi de la proposition technique et financière qui aurait dû être respecté.


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Vu les observations en défense, enregistrées le 23 juillet 2013, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par sa présidente du directoire, Mme Michèle BELLON, et ayant pour avocat Me Michel GUÉNAIRE, cabinet Gide Loyrette & Nouel, 26, cours Albert-Ier, 75008 Paris.
La société ERDF soutient que la saisine de la société Esconergie est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas d'extrait K bis de la société en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions. Elle note que les statuts produits par la société Esconergie sont datés du 30 novembre 2009, soit plus de deux ans avant le dépôt de la demande.
Elle considère qu'il ne revient pas au comité de règlement des différends et des sanctions d'écarter l'application de dispositions réglementaires à l'occasion de l'adoption de décisions de règlement de différends. Elle affirme, donc, qu'elle était tenue d'interrompre le traitement de la demande de raccordement concernée par la suspension de l'obligation d'achat prévu par le décret du 9 décembre 2010.
La société ERDF prétend que le différend porte sur la possibilité d'enjoindre à la société ERDF de considérer comme valable le dossier déposé par la société Esconergie avant le moratoire, de ne pas lui faire déposer une nouvelle demande et, par conséquent, d'écarter les dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Elle affirme qu'en reconnaissant la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations, le comité de règlement des différends et des sanctions reconnaîtrait sa faute sans y être habilité par un quelconque texte. Elle observe, par ailleurs, que la société Esconergie a assigné la société ERDF devant le tribunal de commerce de Lyon, aux fins d'obtenir une indemnité d'un montant de 2 000 000 €.
La société ERDF expose qu'aucun délai pour la délivrance d'une proposition technique et financière n'a été légalement fixé pour les installations de production d'une puissance supérieure à 3 kVA. Elle affirme que la Commission de régulation de l'énergie ne disposait d'aucune compétence pour adopter la délibération du 11 juin 2009 imposant au gestionnaire du réseau de distribution d'électricité de traiter chaque demande de raccordement dans un délai déterminé. Elle estime, donc, que l'erreur de droit commise par la Commission de régulation de l'énergie est directement à l'origine de l'erreur de fait commise par la société ERDF, qui a repris in extenso les termes de cette délibération. Elle en conclut que l'engagement de la société ERDF est nul et ne saurait lui être opposé.
Elle expose que le législateur n'a pas conféré de délai impératif pour la délivrance de proposition de raccordement et qu'il ressort d'une jurisprudence établie des juridictions administratives et judiciaires qu'en l'absence de sanction expressément prévue, comme en l'espèce, par le texte qui établit un délai ce dernier doit être vu comme dénué de valeur impérative. Elle ajoute que le comité de règlement des différends et des sanctions a d'ailleurs reconnu le caractère indicatif du délai de trois mois pour la délivrance d'une proposition de raccordement dans sa décision Vol-V Solar du 22 juin 2011, confirmé par la cour d'appel de Paris.
La société ERDF indique avoir été confrontée à un afflux considérable de demandes de raccordement durant l'été 2010, qui caractérise des circonstances exceptionnelles, justifiant le retard dans la délivrance de la proposition de raccordement à la société Esconergie.
La société ERDF conclut qu'il plaise au comité de règlement des différends et des sanctions de :
― déclarer irrecevable la demande de la société Esconergie.
Si la demande de la société Esconergie était déclarée recevable :
― constater que la société ERDF devait respecter les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ;
― se déclarer incompétent pour constater que la société ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement ;
― constater que le délai pour délivrer une proposition technique et financière n'est pas opposable à la société ERDF ;
― constater que la société ERDF a été confrontée à une situation exceptionnelle qui explique les difficultés rencontrées par elle dans la gestion des demandes de raccordement ;
― constater que la société ERDF a mis en œuvre tous les moyens en sa possession pour respecter le délai de délivrance de la proposition technique et financière.
En conséquence,
― rejeter l'ensemble des demandes de la société Esconergie.


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Vu les observations en réplique, enregistrées le 29 août 2013, présentées par la société Esconergie.
La société Esconergie soutient que la production d'un extrait K bis n'est pas prévue aux termes des dispositions du décret du 11 septembre 2000. Elle affirme que l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions mentionne que le K bis de moins de trois mois n'est adressé que « le cas échéant ».
Elle considère qu'aucune irrecevabilité de pure forme ne peut être utilement déclinée par une partie dans un litige si cette dernière ne démontre pas l'existence du grief que l'omission de l'irrégularité prétendue est susceptible de générer. Elle affirme que la société ERDF ne prétend pas que cette formalité aurait généré un préjudice.
La société Esconergie prétend que si la société ERDF avait transmis le 18 août 2010, dans le délai qui lui était imparti, la proposition technique et financière, celle-ci serait intervenue avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 et elle n'aurait, donc, pas été pénalisée.
Elle soutient que si le délai de trois mois avait été observé, elle aurait été bénéficiaire de la proposition technique et financière avant l'entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010 et fait état de la carence de la société ERDF.
La société Esconergie soutient que la société ERDF procède par voie d'allégations, mais ne donne aucun élément précis susceptible de caractériser un excès de pouvoir que la Commission de régulation de l'énergie aurait commis à son encontre. Elle indique qu'aucun recours n'a été engagé et qu'il n'en est pas justifié.
Elle considère que la société ERDF était tenue à une obligation de moyen qui n'a pas été observée en l'espèce. Elle affirme qu'aucun élément ne prouve que la société ERDF ait mis en œuvre les moyens nécessaires pour que la demande de raccordement soit instruite dans des délais normaux.
La société Esconergie prétend que le silence prolongé de la société ERDF témoigne d'une négligence qui ne saurait s'expliquer par des faits justificatifs dont la société ERDF pourrait utilement exciper.
Elle estime que la société ERDF a donc bien commis des manquements qu'elle est fondée à voir constater par le comité de règlement des différends et des sanctions.
La société Esconergie persiste dans ses précédentes conclusions.


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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ;
Vu les décisions du 12 décembre 2011 et du 14 mars 2013 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relatives à la désignation d'un rapporteur et d'un rapporteur adjoint pour l'instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 261-38-11 ;
Vu la décision du 9 février 2012 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie relative à la prorogation du délai d'instruction de la demande de différend introduite par la société Esconergie ;
Vu la décision n° 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d'Etat, société Ciel et Terre et autres ;


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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique, du comité de règlement des différends et des sanctions, composé de Mme Monique LIEBERT-CHAMPAGNE, président et, M. Roland PEYLET et M. Christian PERS, membres, qui s'est tenue le 26 septembre 2013, en présence de :
M. Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché ;
M. Didier LAFFAILLE, rapporteur, M. Jérémie ASTIER et Mme Maud BRASSART, rapporteurs adjoints ;
Me Muriel RONCAGLIA, substituant la société d'avocats Collet/Rocquigny/Chantelot/Romenville/Brodiez, représentant la société Esconergie ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Michel GUÉNAIRE ;
Après avoir entendu :
― le rapport de M. Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
― les observations de Me Muriel RONCAGLIA pour la société Esconergie ; la société Esconergie persiste dans ses moyens et conclusions ;
― les observations de Me Michel GUÉNAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n'ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 26 septembre 2013 et le 20 novembre 2013, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.


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Sur la recevabilité de la demande de la société Esconergie :
La société ERDF soutient que la saisine de la société Esconergie est irrecevable dès lors qu'elle ne contient pas d'extrait K bis de la société en méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions.
La société Esconergie soutient que la production d'un extrait K bis n'est pas prévue aux termes des dispositions du décret du 11 septembre 2000. Elle affirme que l'article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions mentionne que le K bis de moins de trois mois n'est adressé que « le cas échéant ».
L'article 1er-1 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l'électricité, prévoit que la « saisine de la Commission de régulation de l'énergie comporte pour chaque différend :
― les nom, prénom, adresse, nationalité et profession de l'auteur de la saisine, ou, si l'auteur de la saisine est une personne morale, sa forme, sa dénomination ou sa raison sociale, l'adresse de son siège social et l'organe qui la représente légalement ».
Les articles 24 et 25 du même décret disposent que le « comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie adopte son règlement intérieur » qui fixe les « modalités de convocation, de déroulement des séances et de délibération ».
L'article 7 de la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie ajoute que la « saisine [...] doit indiquer :
― si son auteur est une personne physique, ses nom, prénom, nationalité, profession et adresse, ou, si son auteur est une personne morale, sa dénomination ou raison sociale, sa forme, l'organe qui la représente légalement et l'adresse de son siège, ainsi que, le cas échéant, un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés ».
L'extrait du registre du commerce et des sociétés permet d'attester l'existence légale de la société, la mention « le cas échéant » réservant le cas des personnes morales non immatriculées au registre du commerce et des sociétés.
Aucun extrait du registre du commerce et des sociétés n'ayant été produit par la société Esconergie jusqu'à la clôture des débats, en dépit de la demande qui lui a été faite, sa saisine est irrecevable.
La production, le 1er octobre 2013, par la société Esconergie d'un tel extrait ne peut qu'être écartée, dès lors que le comité de règlement des différends et des sanctions n'a pas sollicité une telle production lors de l'audience.


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Décide :