LOI RELATIVE AUX MODALITÉS DE MISE EN ŒUVRE DES CONVENTIONS CONCLUES ENTRE LES ORGANISMES D'ASSURANCE MALADIE COMPLÉMENTAIRE ET LES PROFESSIONNELS, ÉTABLISSEMENTS ET SERVICES DE SANTÉ
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé, le 26 décembre 2013, par MM. Christian JACOB, Damien ABAD, Bernard ACCOYER, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Jean-Pierre BARBIER, Jacques-Alain BÉNISTI, Sylvain BERRIOS, Etienne BLANC, Mme Valérie BOYER, MM. Dominique BUSSEREAU, Yves CENSI, Dino CINIERI, Eric CIOTTI, Jean-François COPÉ, François CORNUT-GENTILLE, Jean-Louis COSTES, Edouard COURTIAL, Mme Marie-Christine DALLOZ, MM. Gérald DARMANIN, Bernard DEFLESSELLES, Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Jean-Pierre DOOR, Dominique DORD, David DOUILLET, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FOULON, Laurent FURST, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Bernard GÉRARD, Alain GEST, Philippe GOSSELIN, Jean-Jacques GUILLET, Michel HEINRICH, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Christian KERT, Charles de LA VERPILLIÈRE, Mme Valérie LACROUTE, M. Guillaume LARRIVÉ, Mme Isabelle LE CALLENNEC, M. Dominique LE MÈNER, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Gilles LURTON, Jean-François MANCEL, Hervé MARITON, Damien MESLOT, Philippe MEUNIER, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Yves NICOLIN, Jacques PÉLISSARD, Jean-Frédéric POISSON, Didier QUENTIN, Franck RIESTER, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Martial SADDIER, François SCELLIER, André SCHNEIDER, Thierry SOLÈRE, Claude STURNI, Lionel TARDY, Michel TERROT, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, MM. Jean-Sébastien VIALATTE, Jean-Pierre VIGIER, Philippe VITEL, Eric WOERTH et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de la mutualité ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 15 janvier 2014 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie complémentaire et les professionnels, établissements et services de santé ;
2. Considérant que l'article 1er de la loi déférée modifie le dernier alinéa de l'article L. 112-1 du code de la mutualité afin de permettre aux mutuelles, unions et fédérations relevant de ce code et exerçant une activité d'assurance d'instaurer des différences dans le niveau des prestations en fonction du choix de l'assuré de recourir ou non à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé avec lequel elles ont conclu une convention dans les conditions mentionnées à l'article L. 863-8 du code de la sécurité sociale ;
3. Considérant que le paragraphe I de l'article 2 de la loi déférée insère un chapitre III bis dans le titre VI du livre VIII du code de la sécurité sociale comprenant un nouvel article L. 863-8 relatif aux conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels, les services et les établissements de santé ; qu'il prévoit que ces conventions peuvent comporter des engagements relatifs, pour l'organisme assureur, au niveau ou à la nature des garanties, ou, pour le professionnel, l'établissement ou le service, aux services rendus ou aux prestations ainsi qu'aux tarifs ou aux prix ; qu'il prévoit également que ces conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l'établissement ou du service de santé et aux principes d'égalité et de proximité dans l'accès aux soins ; que l'adhésion des professionnels, établissements ou services à ces conventions s'effectue sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires et ne peut comporter de clause d'exclusivité ; qu'en outre, le quatrième alinéa de l'article L. 863-8 dispose que tout professionnel, établissement ou service répondant aux critères d'adhésion définis par la convention peut y adhérer ; que la dernière phrase de cet alinéa dispose : « Cependant, les conventions concernant la profession d'opticien-lunetier peuvent prévoir un nombre limité d'adhésions » ; que les conventions ne peuvent comporter de stipulations tarifaires relatives aux actes et prestations mentionnés aux articles L. 162-1-7 à L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale pour les professionnels de santé pour lesquels la part des dépenses prises en charge par l'assurance maladie est majoritaire ; qu'enfin, le niveau de la prise en charge des actes et prestations médicaux ne peut être modulé en fonction du choix de l'assuré de recourir ou non à un médecin ayant conclu une convention ; que le paragraphe II de l'article 2 prévoit une application des dispositions du paragraphe I aux conventions conclues ou renouvelées à compter de la date de promulgation de la loi ;
4. Considérant que l'article 3 prévoit, pendant une durée de trois ans, la remise annuelle d'un rapport du Gouvernement au Parlement dressant un bilan et une évaluation des conventions mentionnées à l'article L. 863-8 du code de la sécurité sociale ;
5. Considérant que les requérants font valoir qu'en permettant aux mutuelles, unions et fédérations relevant du code de la mutualité d'instaurer des différences dans le niveau des prestations en fonction du choix de recourir ou non à un professionnel de santé, un établissement de santé ou un service de santé avec lequel elles ont conclu une convention, le législateur confie à ces organismes le rôle de régulateur de certains secteurs de soins sans prévoir dans le même temps un encadrement suffisant qui préserve l'accès aux soins des patients et la liberté du patient de choisir son professionnel de santé ; que, par cette délégation des pouvoirs de régulation des dépenses de santé et de protection de la santé, le législateur aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;
6. Considérant que les requérants soutiennent également que la différence de traitement instituée entre les opticiens-lunetiers et les autres professionnels de santé n'est pas conforme au principe d'égalité devant la loi ; que la faculté de limitation du nombre d'adhésions à la convention porterait également atteinte à la liberté d'entreprendre des opticiens-lunetiers ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi détermine les principes fondamentaux... des obligations civiles et commerciales » ; qu'il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ; que, ce faisant, il ne saurait priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ;
8. Considérant que, par les dispositions contestées des articles 1er et 2, le législateur a fixé les règles que doivent respecter les conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé, établissements de santé et services de santé ; qu'il a également entendu permettre aux mutuelles, unions ou fédérations relevant du code de la mutualité de moduler les prestations versées à leurs assurés en fonction des stipulations figurant dans ces conventions ; qu'il a prévu une application de ces dispositions nouvelles aux seules conventions conclues ou renouvelées à compter de l'entrée en vigueur des dispositions ; que, ce faisant, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence ;
9. Considérant, en second lieu, que, d'une part, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi : « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse » ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;
10. Considérant que, toutefois, aucune exigence constitutionnelle n'impose que les différentes catégories de professionnels du secteur de la santé soient soumises à des règles identiques pour l'adhésion aux conventions conclues avec les organismes de protection sociale complémentaire ; que, par suite, le grief tiré de la violation du principe d'égalité doit être écarté ;
11. Considérant que, d'autre part, la liberté d'entreprendre découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789 ; qu'il est loisible au législateur d'apporter à cette liberté des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;
12. Considérant qu'en permettant aux conventions concernant la profession d'opticien-lunetier de prévoir un nombre limité d'adhésions, les dispositions contestées ne portent pas atteinte à la liberté des opticiens-lunetiers d'exercer leur profession ; que, dès lors, le grief tiré de l'atteinte à la liberté d'entreprendre doit être écarté ;
13. Considérant que les dispositions de la loi déférée, qui ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution,
Décide :