A C C O R D
ENTRE LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ET LE GOUVERNEMENT DE LA RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE CONCERNANT LE STATUT DU DÉTACHEMENT FRANÇAIS DÉPLOYÉ EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE DANS LE CADRE DE LA MISE EN ŒUVRE DES RÉSOLUTIONS DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DES NATIONS UNIES ET DU RÉTABLISSEMENT DE LA SÉCURITÉ EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE
Le Gouvernement de la République française,
et
le Gouvernement de la République centrafricaine,
Ci-après dénommés respectivement « la Partie française » et « la Partie centrafricaine », et collectivement « les Parties » ;
Rappelant leur commun attachement à la charte des Nations unies ;
Désireux de coopérer pour le rétablissement de la sécurité et de l'Etat de droit en République centrafricaine, et de contribuer à l'amélioration de la situation humanitaire et à la protection de la population civile ;
Considérant les résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, notamment ses résolutions 2121 (2013) et 2127 (2013), et en particulier l'OP 50 de la résolution 2127 (2013) ;
Considérant la demande des autorités centrafricaines, transmise par lettre du 27 novembre 2013, visant à obtenir une assistance de la République française en vue de la protection de la population civile dans l'attente de la reconstruction des institutions centrafricaines ;
Sont convenus de ce qui suit :
Article 1er
A la demande des autorités centrafricaines, le détachement français déployé sur le territoire centrafricain mène les opérations militaires nécessaires au rétablissement de la sécurité et à la protection de la population civile.
Dans le cadre de sa mission d'assistance militaire (ci-après désignée « la Mission »), le détachement français intervient notamment en appui de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) pour l'accomplissement de son mandat conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Article 2
Au sens du présent accord, l'expression « Membres du personnel du détachement français » désigne le personnel militaire appartenant aux unités ou formations des armées de terre, de mer, de l'air ou de la gendarmerie nationale, ou de tout autre corps militaire français, ainsi que le personnel civil employé par le ministère de la défense de la Partie française.
Article 3
Dans le cadre de l'exécution de la Mission, les Membres du personnel du détachement français s'abstiennent de toute action ou activité incompatible avec les objectifs du présent accord.
Dans le cadre de l'exécution de la Mission, les Membres du personnel du détachement français bénéficient des immunités et privilèges identiques à ceux accordés aux experts en mission par la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946.
Les immunités des Membres du personnel du détachement français sur le territoire de la République centrafricaine ne sauraient les exempter de la juridiction de la Partie française.
Article 4
Les Membres du personnel du détachement français sont autorisés à entrer sur le territoire de la République centrafricaine sans visa, sous réserve qu'ils soient porteurs d'une carte d'identité militaire ou professionnelle ou d'un passeport en cours de validité et d'un ordre de mission individuel ou collectif ou de tout autre document assimilé émanant des autorités militaires de la Partie française.
Article 5
La Partie centrafricaine reconnaît, pour les Membres du personnel du détachement français, la validité du permis de conduire délivré par la Partie française ou du permis de conduire international.
Article 6
Les Membres du personnel du détachement français servent sous commandement français avec l'uniforme, le grade et les insignes qu'ils portent dans les forces armées françaises. Le pouvoir disciplinaire est réservé au commandement français.
Article 7
Dans le cadre de l'exécution de la Mission, les Membres du personnel du détachement français sont autorisés à circuler, sans restriction, sur le territoire de la République centrafricaine, y compris son espace aérien, en utilisant les moyens de transport dont il dispose.
A ce titre, ils utilisent les routes, ponts, transbordeurs et aéroports en exemption de redevances, péages, taxes ou autres droits similaires.
Article 8
Les Membres du personnel du détachement français sont autorisés à détenir et à porter l'armement et les munitions nécessaires à l'exécution de la Mission. Ils utilisent leurs armes de dotation dans les conditions prévues par la législation française. Ces armes et munitions sont entreposées et gardées selon les règles françaises.
Article 9
Les importations de matériels, équipements, munitions, ravitaillements et approvisionnements nécessaires à l'exécution de la Mission du détachement français sont exonérées de tous droits et taxes de douanes, et sont réalisées sans licence préalable.
Cette exonération s'étend également aux pièces détachées des matériels et équipements nécessaires à l'exécution de la Mission du détachement français.
Les matériels, équipements, munitions, ravitaillements et approvisionnements importés par le détachement français peuvent être réexportés vers la France ou vers tout autre Etat en franchise de tous droits et taxes.
Les achats de biens et services destinés à l'usage exclusif du détachement français sur le territoire centrafricain sont exonérés de tous impôts et taxes.
Article 10
La Partie centrafricaine met à la disposition du détachement français les terrains et installations nécessaires à l'exécution de la Mission, notamment les infrastructures militaires de l'aéroport de Bangui M'poko, selon des modalités dont elles conviennent.
Les terrains et installations mis à la disposition du détachement français sont restitués en l'état d'usage à la Partie centrafricaine.
Le détachement français peut, avec l'accord de la Partie centrafricaine, et conformément aux arrangements décidés d'un commun accord, mettre en œuvre des systèmes de communication pour ses besoins propres. Il coopère avec les autorités centrafricaines compétentes pour que l'utilisation des fréquences qui lui sont attribuées ne perturbe pas les transmissions locales. L'accès au spectre des fréquences est accordé gracieusement par la Partie centrafricaine.
Article 11
Chaque Partie renonce à tout recours qu'elle pourrait avoir contre l'autre Partie, les forces, ou un membre du personnel de cette Partie, pour les dommages causés à ses biens ou à son personnel, y compris ceux ayant entraîné la mort, en raison d'actes ou de négligences dans le cadre de l'exécution de la Mission.
Les dispositions précédentes ne s'appliquent pas en cas de faute lourde ou intentionnelle. Par faute lourde, il convient d'entendre l'erreur grossière ou la négligence grave. Par faute intentionnelle, il convient d'entendre la faute commise avec l'intention délibérée de son auteur de causer un préjudice. Les parties déterminent conjointement l'existence d'une faute lourde ou intentionnelle et, le cas échéant, le montant du préjudice indemnisable.
Pour les dommages causés aux biens ou à la personne d'un tiers par un Membre du personnel du détachement français en service, la Partie centrafricaine se substitue dans l'instance à la Partie française. Les Parties prennent conjointement en charge les indemnités versées pour la réparation des dommages causés aux tiers, selon la répartition suivante :
― lorsque le dommage est imputable à une seule des Parties, cette Partie assure le règlement total du montant de l'indemnité ;
― lorsque le dommage est imputable aux deux Parties, ou qu'il ne peut être précisément attribué à l'une ou l'autre des Parties, le montant des indemnités est réparti à parts égales entre les Parties.
L'imputabilité du dommage et le montant subséquent de l'indemnisation sont déterminés d'un commun accord entre les Parties.
Article 12
1. La Partie française traite les personnes qu'elle pourrait retenir conformément aux règles applicables du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949, le deuxième Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) adopté le 8 juin 1977, et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984.
2. La Partie française est autorisée à retenir temporairement ces personnes ou à les remettre à cette fin, sous réserve du respect du droit international applicable, en particulier du droit international humanitaire, à la MISCA ou à toute autre tierce partie dûment mandatée, tant que la rétention est nécessaire pour assurer la sécurité de la population civile ou des forces internationales, ou pour l'accomplissement de leur mandat. Dès que les motifs de cette rétention ont cessé, et à défaut de possibilité de transfert à la Partie centrafricaine en vue d'un traitement judiciaire, les personnes sont remises en liberté.
3. La Partie française ne transférera aucune personne à la Partie centrafricaine, s'il y a de bonnes raisons de croire qu'après une telle remise cette personne pourrait être exposée à un risque réel, en particulier pour sa vie, ou de subir des actes de torture, traitements cruels, inhumains ou dégradants.
4. Dans le cas d'un transfert à la Partie centrafricaine, cette dernière traite les personnes transférées par la Partie française conformément aux règles applicables du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949, les règles du deuxième Protocole additionnel relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) adopté le 8 juin 1977, et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.
Dans le cas où la peine de mort ou une peine constitutive d'un traitement cruel, inhumain ou dégradant serait encourue, elle s'engage à ce que cette peine ne soit ni requise, ni prononcée, ni exécutée à l'égard d'une personne remise.
5. Aucune personne transférée aux autorités centrafricaines en application du présent article ne peut être transférée à une tierce partie sans accord préalable des autorités françaises.
6. La Partie française, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), ou, après approbation des autorités centrafricaines, tout autre organisme compétent en matière de droit international humanitaire ou de droits de l'homme, disposent d'un droit d'accès permanent aux personnes transférées.
Les représentants de la Partie française, du CICR et, le cas échéant, d'un autre organisme mentionné à l'alinéa précédent, sont autorisés à se rendre dans tous les lieux où se trouvent les personnes transférées ; ils auront accès à tous les locaux utilisés par les personnes transférées. Ils seront également autorisés à se rendre dans les lieux de départ, de passage ou d'arrivée des personnes transférées. Ils pourront s'entretenir sans témoin avec les personnes transférées, par l'entremise d'un interprète si cela est nécessaire.
Toute liberté sera laissée aux représentants susmentionnés quant au choix des endroits qu'ils désirent visiter ; la durée et la fréquence de ces visites ne seront pas limitées. Elles ne sauraient être interdites qu'en raison d'impérieuses nécessités militaires et seulement à titre exceptionnel et temporaire.
La Partie centrafricaine s'engage à tenir un registre sur lequel elle consigne les informations relatives à chaque personne remise (identité de la personne remise, date du transfert, lieu de détention, état de santé de la personne remise). Ce registre peut être consulté à leur demande par les Parties, par le CICR ou, le cas échéant, par tout autre organisme compétent en matière de droit de l'homme.
Les dispositions précédentes sont sans préjudice de l'accès du CICR aux personnes transférées. Les visites du CICR à ces personnes s'effectueront en conformité avec ses modalités de travail institutionnelles.
Article 13
Les stipulations du présent accord sont sans préjudice de l'application des stipulations de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République centrafricaine instituant un partenariat de défense du 8 avril 2010, en ce qui concerne les activités de coopération qu'il prévoit.
Article 14
Les différends portant sur l'interprétation ou l'application du présent accord sont réglés exclusivement par la voie diplomatique entre les Parties.
Article 15
Le présent accord entre en vigueur à la date de sa signature et reste en vigueur jusqu'à la fin de la mission du détachement français et son retour complet et définitif sur le territoire de la République française.
Les Parties peuvent, à tout moment et d'un accord commun, amender par écrit le présent accord.
Chaque Partie peut dénoncer le présent accord par le biais d'une notification écrite avec un préavis d'un mois. Cette dénonciation n'affecte pas les droits et obligations résultant de l'exécution de l'accord préalablement à cette dénonciation.
Fait à Bangui, le 18 décembre 2013, en deux exemplaires originaux en langue française.
Pour le Gouvernement
de la République française :
Charles Malinas
Ambassadeur, haut représentant
de la République française
en République centrafricaine
Pour le Gouvernement
de la République
centrafricaine :
Nicolas Tiangaye
Premier ministre